Publié le 23 oct 2012Lecture 7 min
Nouveautés dans l’insuffisance cardiaque
D. LOGEART, hôpital Lariboisière, Paris
ESC
Alors qu’il n’existe toujours aucune recommandation pour une classe thérapeutique dans l’insuffisance cardiaque à FEVG préservée, les conclusions de deux essais médicamenteux, randomisés et contrôlés, ont été présentées en HotLine avec des résultats intéressants à défaut d’être définitifs. Autres nouveautés : la création d’un registre THAOS sur les amyloses cardiaques liées à la transthyrétine et un essai remettant en cause l’intérêt de la contre-pulsion intra-aortique dans le choc cardiogénique postinfarctus.
Insuffisance cardiaque à FEVG préservée
ALDO-DHF : possible intérêt de la spironolactone… à confirmer
B.M. Pieske a présenté les résultats de l’étude austro-germanique ALDO-DHF qui a randomisé en aveugle spironolactone 25 mg/j vs placebo chez 422 patients en IC modérée (NYHA II essentiellement) avec FEVG > 50 %, principalement d’origine hypertensive. Les patients devaient également avoir des anomalies échographiques de la fonction diastolique et un pic de VO2 < 25 ml/min/kg pour être inclus. Le critère principal de jugement était évalué à 1 an et associait le rapport DTI E/e’ et le pic de VO2. La spironolactone a réduit significativement la PA comparativement au placebo, ainsi que le ratio E/e’, indépendamment du niveau tensionnel, et amélioré d’autres critères secondaires à 1 an : réduction de la masse VG (p = 0,009) et du taux de peptides natriurétiques (p = 0,03) par rapport au placebo. En revanche, il n’a été observé aucun bénéfice sur le pic de VO2 ni sur les critères secondaires fonctionnels tels que NYHA, qualité de vie, ni sur la mortalité et les taux de réadmission (qui étaient très faibles dans cette étude).
La spironolactone semble donc agir favorablement sur le remodelage et la fonction VG mais sans traduction directe par un bénéfice clinique.
Il faut noter qu’il s’agissait de patients ayant une cardiopathie hypertensive plutôt débutante et une insuffisance cardiaque minime (le taux de mortalité fut quasi nul à un an) chez qui il semblait difficile a posteriori d’observer le moindre bénéfice symptomatique. De plus, un suivi d’un an est probablement insuffisant dans ce contexte. Finalement, on attendra encore quelques mois les résultats de l’étude TOPCAT, un essai randomisé contrôlé évaluant l’effet de la spironolactone sur la morbimortalité dans une population plus large et plus sévère d’IC à FE préservée, avec un suivi plus long, pour savoir s’il existe vraiment un bénéfice au blocage des récepteurs aux minéralocorticoïdes dans l’IC à FE préservée.
PARAMOUNT : essai de phase 2 d’une nouvelle classe thérapeutique
S.D. Salomon a présenté les résultats de cet essai (Prospective Comparison of ARNI with ARB on Management of Heart Failure with Preserved Ejection Fraction) comparant le LCZ696 200 mg x 2/j au valsartan 160 mg x 2/j pendant 36 semaines, chez 301 patients NYHA II-III avec FEVG ≥ 45 % et NTproBNP > 400 pg/ml. Le LCZ696 combine du valsartan et un inhibiteur de la néprilysine ; la néprilysine est une enzyme dégradant les peptides natriurétiques circulants et ayant aussi un effet antiangiogénique. Après absorption, les deux composants se séparent.
Le critère principal de jugement était la modification des taux de NTproBNP entre l’inclusion et la 12e semaine. Ces taux ont diminué significativement avec le LCZ696 (783 pg/ml [670–914] puis 605 pg/ml [512–714] à la 12e semaine, soit une baisse moyenne de 23 %) comparativement au valsartan avec lequel les taux n’ont pas diminué (862 pg/ml [733–1012] et 835 [710–981] à la 12e semaine, soit un ratio LCZ696/valsartan à 0,77 [0,64–0,92] ; p = 0,005). À la 36e semaine, la baisse du NTproBNP n’était plus que de 15 % par rapport à l’inclusion. Cette baisse suggère donc une réduction du stress hémodynamique cardiaque plus importante avec le LCZ. Le LCZ696 a significativement diminué la PA par rapport au valsartan mais l’avantage sur la baisse du NTproBNP semble indépendant de ces différences tensionnelles.
Dans les critères secondaires, le LCZ696 a également diminué le volume de l’OG (p = 0,003) et amélioré la classe NYHA par rapport au valsartan à 36 semaines. La tolérance du LCZ696 est identique à celle du valsartan, sans excès d’angiœdème.
Il n’est pas certain que le NTproBNP soit un critère de substitution fiable dans l’IC à FE préservée et il reste donc à attendre un essai de phase 3 pour voir si le LCZ696 confirme ses promesses. Cette nouvelle classe thérapeutique est également évaluée dans l’IC à FE altérée avec l’essai de phase 3 PARADIGM chez 8 000 patients comparant le LCZ696 et énalapril, dont les résultats seront très attendus.
Impact spécifique de l’ivabradine sur les réadmissions pour IC
Dans SHIFT, les 6 505 patients (NYHA II-IV, FEVG ≤ 35 %, FC ≥ 70 bpm) devaient avoir été déjà hospitalisés dans les 12 mois précédents avant l’inclusion.
Au cours du suivi moyen de 23 mois, 1 186 ont été à nouveau admis pour IC et même à 2 reprises pour 472 patients et 3 fois pour 218 patients.
L’ivabradine a réduit de 25 % le risque de réadmission (HR 0,75 [0,65-0,87], p = 0,0002), soit une diminution de 93 hospitalisations pour 1 000 patients traités.
Le bénéfice sur la mortalité par insuffisance cardiaque est du même ordre de grandeur. La réduction du risque de 2e et 3e réhospitalisations est 34 % et 29 %, respectivement, qu’il s’agisse d’une réadmission de cause cardiovasculaire ou de toutes causes. Malgré la difficulté à interpréter des données de ce type (différences selon les systèmes de santé, évolution de la maladie après réadmission, etc.), elle offrent une dimension supplémentaire à l’impact réel du traitement sur l’IC, à savoir des réadmissions nombreuses et coûteuses.
Registre international des amyloses cardiaques liées à la transthyrétine
Ces amyloses peuvent entraîner une cardiomyopathie infiltrative liée à la protéine fibrillaire transthyrétine. Elles sont peu fréquentes mais probablement largement sous-diagnostiquées, peuvent être familiales (avec neuropathie habituellement) ou non (formes séniles chez l’homme âgé), avec des phénotypes et des histoires naturelles encore insuffisamment connus et compris, ce d’autant que des thérapeutiques spécifiques émergent actuellement. D’où l’intérêt du registre THAOS (Transthyretin Amyloidosis Outcomes Survey), créé en 2007.
Ce registre, présenté par C. Rapezzi et P. Charron, a déjà inclus 1 366 individus à travers le monde, dont 1 116 présentaient une transthyrétine mutée (51 mutations différentes observées) avec des spécificités géographiques. Le phénotype était principalement neurologique chez 50 %, principalement cardiaque (25 %) et mixte (25 %). L’atteinte cardiaque a été associée à 4 mutations différentes et à la forme non mutée avec des variations quant au degré d’hypertrophie VG (habituellement symétrique) et d’anomalie fonctionnelle. On attend des données comparatives avec les autres formes d’amylose type AL, voire avec les cardiomyopathies hypertrophiques, et surtout des données sur l’évolution. Le démembrement de cette pathologie en est encore à ses débuts.
Biomarqueurs et IC
En dehors des peptides natriurétiques (et sans doute de la troponine), il existe de nombreux biomarqueurs qui ont démontré un potentiel (dans le diagnostic et surtout dans la stratification) mais il n’y a pas de données suffisantes et définitives permettant de formuler des recommandations sur la meilleure association de biomarqueurs.
Au cours de ces sessions, on peut retenir la présentation de données sur la copeptine à partir d’une cohorte de 926 IC allemands (Interdisciplinary Network Heart Failure Study) ayant une FEVG < 40 % et dosés avant leur sortie d’une hospitalisation pour décompensation puis à 6 mois.
La copeptine est une prohormone de la vasopressine produite rapidement dans le cerveau en réponse à un stress, qui a déjà montré son utilité dans le diagnostic précoce du SCA en association à la troponine ; son dosage est disponible dans de nombreux laboratoires. Dans cette étude, les taux de copeptine étaient fortement associés à la mortalité à 18 mois, y compris après ajustement aux autres prédicteurs dont le NTproBNP, ce qui ferait de ce biomarqueur un candidat pertinent et polyvalent dans plusieurs indications.
Contrepulsion intra-aortique et choc cardiogénique dans l’infarctus : la fin d’un mythe ?
La présentation des résultats de cet essai fut un des moments importants du congrès. Pour la première fois, on dispose d’un essai randomisé contrôlé bien fait testant enfin l’efficacité de la contrepulsion intra-aortique dans le choc cardiogénique de l’IDM. La CPBIAo est utilisée largement depuis des décennies et, malgré l’absence de preuves solides et l’existence de quelques études pas ou peu positives, le rationnel théorique de cette technique paraissait suffisant à la plupart d’entre nous ; son utilisation est d’ailleurs recommandée (classe 1). Cet essai allemand, IABP-SHOCK II (Intraortic Balloon Pump in Cardiogenic Shock), a inclus 600 patients et les a randomisés en ouvert. Il n’y a eu aucun effet sur le critère principal de jugement – mortalité à 30 j (40 vs 41 %) –, ni d’ailleurs sur les critères secondaires (taux de lactates, durée de séjour, fonction rénale, etc.).
Avant de remiser nos machines au rebut, on attendra quand même les résultats à 6 et 18 mois dans l’hypothèse d’un bénéfice plus tardif (meilleur remodelage ?) et quid chez les patients les plus sévères ?
Enfin, cela incite aussi à avoir d’avantage d’études avec les autres systèmes d’assistance circulatoire potentiellement plus efficaces mais aussi plus coûteux et risqués.
MitraClip : résultats encourageants dans le registre européen ACCESS-EU
Ce registre a inclus 567 patients dans 4 pays (sur 4 500 procédures effectuées en Europe), donnant un aperçu intéressant des indications dans la vraie vie, de la faisabilité et des complications. Il s’agit d’une population âgée (74 ans) à haut risque (Euroscore moyen 23), présentant essentiellement une fuite mitrale fonctionnelle (70 % des cas) associée à une altération de la FEVG dans 53 % des cas et une classe NYHA III-IV dans 85 %. Le taux de succès a été de 99,6 %. La mortalité est de 3,4 % à J30 et de 17,3 % à 1 an. La fuite résiduelle était ≤ grade 2 dans 79 % des cas à 1 an. La classe NYHA était I-II à 1 an dans 72 % des cas, la qualité de vie s’est améliorée de 13,5 points (questionnaires MLHFQ) et le périmètre de marche a augmenté de 60 m lors des tests de 6 min. Les auteurs insistent sur l’importance de sélectionner des patients réellement symptomatiques en l’absence de bénéfice prouvé sur la mortalité à ce jour.
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