Publié le 04 déc 2012Lecture 5 min
L’insuffisance cardiaque systolique en 2012
P. ATTALI, CHU Strasbourg
CNCF
L’insuffisance cardiaque systolique : un problème d’ampleur croissante
D’après G. Habib (Marseille)
L’insuffisance cardiaque systolique est un réel problème de santé publique.
C’est une pathologie fréquente (120 000 nouveaux cas par an), qui augmente avec l’âge (1,4 ‰ P-A entre 55–59 ans, et 47,4 ‰ P-A > 90 ans).
Elle est en progression constante du fait du vieillissement de la population et de la meilleure prise en charge de l’IDM. C’est une pathologie grave à l’origine de 150 000 hospitalisations (durée moyenne : 11 jours), avec en moyenne 2 hospitalisations par an par patient, sachant que les réhospitalisations prédisent la mortalité. Elle entraîne 32 000 décès par an, et en cas de forme sévère, plus de 50 % des patients décèdent à 1 an.
C’est une maladie très coûteuse : 1 % des dépenses médicales totales, avec près de 20 000 ⇔/an et par patient dans les formes les plus sévères. Les hospitalisations sont le premier poste de dépense (≈ 60 % du coût total).
Il est possible de réduire l’ampleur du problème en encourageant le suivi des mesures hygiéno-diététiques et des récentes recommandations.
Les médicaments qui améliorent le pronostic dans l’insuffisance cardiaque chronique : recommandations ESC 2012
D’après M. Galinier (Toulouse)
En 2012, le traitement ambulatoire de l’insuffisance cardiaque doit atteindre trois objectifs :
- réduire la morbi-mortalité, avec les IEC ou ARA2, les bêtabloquants ± ivabradine, et les antagonistes des récepteurs minéralo-corticoïdes (ARM) ;
- contrôler la volémie, avec les salidiurétiques ;
- et enfin, prendre en charge les symptômes résiduels, avec l’ivabradine (si FC sinusale ≥ 70 bpm) et éventuellement digoxine (si FA).
Le traitement médical de l’insuffisance cardiaque repose sur deux théories complémentaires (outre les diurétiques pour contrôler la volémie) : la théorie neuro-hormonale, avec les bloqueurs du SRAA (IEC, ARA2, ARM) et ceux du système nerveux sympathique (ß-bloquants), et la théorie hémodynamique, avec les vasodilatateurs (nitrés + hydralazine) et les chronotropes négatifs (ivabradine). Cela veut dire que comme les ARM sont complémentaires aux IEC (à la différence des ARA 2 qui sont des alternatives aux IEC), l’ivabradine est complémentaire au bêtabloquant.
Pour le plus récemment intégré dans les recommandations ESC 2012, sur la base des résultats très favorables de l’étude SHIFT, l’ivabradine est indiquée chez les patients en rythme sinusal dont la FC est ≥ 70 bpm malgré un traitement par une dose maximale-tolérée de bêtabloquants avec une FE ≤ 35 % demeurant symptomatique en stade II à IV NYHA sous un traitement par IEC (ou ARA2) et ARM, pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (IIa, B). Elle peut être utilisée chez les patients ne pouvant tolérer les bêtabloquants, avec une FC sinusale ≥ 70 bpm, et une FE ≤ 35 %, traités par IEC (ou ARA2) ou ARM pour réduire le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque (IIb, C).
Insuffisance cardiaque : les traitements non médicamenteux (resynchronisation)
D’après M. Guenoun (Marseille)
Rappelons les grandes étapes sur la RCT : MUSTIC (2001) sur l’amélioration des symptômes, COMPANION (2004) sur la réduction de la morbi-mortalité à 12 mois et CARE-HF (2005) à 30 mois, REVERSE (2008) pour les classes NYHA I ou II, et RAFT (2010) sur le bénéfice en sus du DAI.
L’intérêt de la RCT en cas de FA, dont la prévalence augmente avec la classe NYHA (49,8 % pour la classe IV), et dont on connaît l’impact sur la mortalité, a été évalué dans MUSTICAF (2002) avec une réduction de 70 % des hospitalisations et une tendance à l’amélioration de la capacité d’effort, et dans quatre études de cohortes, où il a été constaté une amélioration de la FEVG. Dans une analyse ancillaire par (télécardiologie) de ALTITUDE (2011) la survie était meilleure lorsque le patient est stimulé à plus de 98,47 %.
À noter que le niveau de preuve est plus faible pour les cardiomyopathies non ischémiques, et il a été constaté d’importantes variations régionales en France dans les taux d’implantation. Les raisons d’une réponse modeste ou nulle à la resynchronisation sont multiples : sélection du patient inappropriée, position de la sonde VG non satisfaisante, délai AV mal réglé, dysfonctionnement du PM, traitement médical non optimal, troubles du rythme supra-ventriculaires, insuffisance mitrale, etc. Le futur de la resynchronisation fera appel à des pacemakers sans sonde, ou à des sondes multi-électrodes.
Rappelons que les recommandations de l’ACC 2012 préconisent une optimisation du traitement médical (bêtabloquant, IEC ou ARA 2, ARM, ivabradine) avant la considération d’un RCT.
Des recommandations à la pratique
D’après R. Sabatier (Caen)
Les principales modifications des recommandations ESC 2012, par rapport aux précédentes, sont l’extension de l’indication des anti-aldostérones, la nouvelle indication de l’ivabradine, et l’extension des indications de la resynchronisation. Quels changements cela entraîne dans notre pratique clinique quotidienne? Tout d’abord, pour l’ARM, la recommandation s’est élargie, et elle concerne maintenant le patient symptomatique avec FE < 35 %, sous IEC/bêtabloquants. Bien entendu, la surveillance étroite de la kaliémie et de la fonction rénale sont capitales.
Un « nouveau » paramètre de surveillance simple dans nos fondamentaux a été mis en avant : la fréquence cardiaque, et en particulier le seuil d’intervention de 70 bpm justifiant l’introduction de l’ivabradine, y compris en association aux bêtabloquants. Bien entendu, ce traitement est inutile en cas de FA. Aujourd’hui, les recommandations ne précisent pas une chronologie précise de l’introduction des différents traitements médicamenteux. En pratique, nous les instaurons dès que possible, en fonction de la tolérance et des paramètres cliniques du patient (fréquence cardiaque, FC, PA, kaliémie, etc.).
Enfin, les valeurs ont été reprécisées pour la resynchronisation : en cas de classe NYHA II, le seuil de FEVG est < 30 %, et celui du QRS > 130 ms en cas de BBG, sinon > 150 ms ; en cas de classe NYHA II-IV, les valeurs respectives sont < 35 %, > 120 ms, et > 150 ms.
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