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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 05 déc 2006Lecture 6 min

Ablation de la FA : état de l'art

M. HOCINI, P. JAÏS, J. CLÉMENTY et M. HAÏSSAGUERRE, hôpital cardiologique du Haut-Lévêque et université Victor Segalen Bordeaux 2, Bordeaux

La fibrillation auriculaire (FA) est l’arythmie soutenue la plus fréquente en pratique cardiologique quotidienne et est associée à une augmentation de la morbi-mortalité. Le vieillissement de la population fait que le nombre de patients souffrant de FA est en constante augmentation. Le maintien du rythme sinusal chez ces patients est souvent difficile en raison des effets secondaires et de l’action limitée dans le temps des antiarythmiques et anticoagulants.

L'étude nord-américaine AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow-up Investigation of Rhythm Management) n’a montré aucune différence de mortalité entre la stratégie de restauration du rythme sinusal et la stratégie du contrôle de fréquence chez des patients en FA. Cependant, l'inefficacité des antiarythmiques et/ou leurs effets pouvaient facilement expliquer l'absence d’avantage du rythme sinusal sur le contrôle de fréquence. Leur conclusion est que, s’il existe une méthode permettant de maintenir le rythme sinusal de façon durable et sans avoir les effets secondaires des antiarythmiques, celle-ci serait supérieure au seul contrôle de la fréquence cardiaque. La prise en charge de la FA à l'heure actuelle est en pleine mutation avec notamment le développement des techniques curatives d'ablation qui sont devenues depuis de nombreuses années une réalité thérapeutique. Cependant, savoir quelle est la stratégie d’ablation la plus efficace pour maintenir le rythme sinusal est encore sujet de débat. Quelles sont les stratégies dans l'ablation de la FA ? Actuellement, deux approches sont proposées : • l’une visant à faire disparaître les gâchettes responsables du déclenchement des crises de FA (triggers) en éliminant l’activité électrique dans les veines pulmonaires (vérifiée grâce à un cathéter circulaire à l’intérieur des veines) ; • l’autre visant à cautériser le tissu à la jonction oreillette/VP (en utilisant une reconstruction 3D de l’oreillette gauche et en déployant des lésions autour de la région des veines). Avec cette seconde approche, l’isolation des VP n’est possible que dans environ 50 % des cas.   FA paroxystique   L’élément déclencheur Des travaux menés chez l’homme ont montré que les épisodes de FA sont initiés par des foyers ectopiques jouant le rôle de gâchette pour engendrer une FA sur un substrat arythmogène favorable. Ces foyers, pouvant être uniques ou multiples, siègent dans 90 % des cas dans les VP. Le substrat anatomique capable de produire une telle activité ectopique correspond à la présence, dans la paroi veineuse, de fibres myocardiques striées s’invaginant de quelques millimètres à plusieurs centimètres. L'activité ectopique émerge dans l'oreillette gauche pour donner des extrasystoles (impulsions isolées) ou des salves de tachycardie (impulsions répétitives) produisant sur l’électrocardiogramme des extrasystoles d’aspect P sur T. D’autres foyers ectopiques ont été incriminés dans la genèse de la FA comme le ligament de Marshall (récessus embryonnaire) joignant le sinus coronaire à la VP supérieure gauche, la veine cave supérieure droite et gauche (quand elle existe), le sinus coronaire, la crista terminalis ou des foyers situés dans l’oreillette droite.   L’isolation des VP L’isolation par radiofréquence des VP permet en effet d’éliminer les foyers responsables des démarrages de FA mais a également un rôle sur la perpétuation de l’arythmie. En effet, on a démontré que l’isolation des VP en cours de FA entraîne un allongement très significatif du cycle fibrillatoire global, se traduisant par une interruption des FA paroxystiques dans plus de 75 % des cas. Par ailleurs, chez plus de 50 % de ces patients, il est impossible de réinduire une FA par stimulation auriculaire malgré des fréquences de stimulation de 350 battements par minute. Le rôle de cette procédure d’isolation des VP n’est donc pas limité à l’élément déclencheur (gâchette) de la FA mais a également un effet sur le maintien de l’arythmie. Cela n’a d’ailleurs rien de bien étonnant quand on sait que les VP ont des périodes réfractaires très courtes (jusqu’à 80 ms) comparativement au reste du tissu auriculaire, des temps de conduction très longs et une orientation des fibres myocardiques extrêmement complexe. Toutes ces caractéristiques électrophysiologiques favorisent très certainement l’initiation et le maintien de l’arythmie.   Les techniques d’ablation L’isolation des VP : toutes les équipes ayant pour but d’isoler les VP déploient les lésions de radiofréquence à peu près au même niveau, c'est-à-dire à environ 10 à 15 mm des ostia des veines. Elles peuvent s’aider de différents systèmes pour naviguer dans l’oreillette gauche (échographie intracardiaque, cartographie 3D). L’isolation, vérifiée par un cathéter, peut se faire veine par veine ou deux par deux (en bloc), avec des résultats similaires (figure 1). Chez les patients souffrant de FA paroxystique, l’isolation des VP est suffisante chez une grande majorité de patients, permettant d’éliminer les FA dans 70 à 85 % des cas. Dans le cas où la FA persiste après l’isolation des VP, ou après une récidive clinique, on réalise des lésions linéaires dans l’oreillette gauche, ce qui augmente le taux de succès à plus de 90 %. Cette approche dite individuelle est variable d’un patient à l’autre, l’ablation est ajustée au profil arythmogénique » du patient. Figure 1. Encerclement des veines pulmonaires pour stopper la fibrillation auriculaire. L’ablation dite anatomique : elle a évolué depuis les années 2000. Elle utilise toujours une reconstruction tridimensionnelle de l’oreillette gauche (figure 2), est basée sur un déploiement des lésions autour des VP, mais également dans le toit de l’oreillette gauche ainsi qu’au niveau de l’isthme mitral (isthme compris entre la VP inférieure gauche et l’anneau mitral). Le critère d’arrêt pour chaque lésion est une réduction d’amplitude du signal de 80 % et des points d’ablation coalescents sur la cartographie. Malgré la coalescence des points d’ablation, les lésions sont électriquement incomplètes, comme ont pu le montrer plusieurs études. Cette méthode est appliquée à tous les patients de façon identique et quel que soit le type de FA. Figure 2. Reconstruction 3D d’une oreillette gauche avec les branches des veines pulmonaires. Les études comparatives Dans une étude récente, Oral et coll. ont montré que l’approche anatomique élimine les FA dans 83 % des cas (35/42) comparativement à l’isolation des VP seules 68 % des cas (27/40). Une autre étude allemande de Schmitt et coll. a montré exactement l’inverse avec un taux de guérison de 66 % (33/50) avec l’isolation des veines et de 41 % (21/51) avec l’approche anatomique. Les risques proarythmiques sont plus élevés avec l’approche anatomique car une lésion linéaire est créée sans qu’elle soit étanche » ; plusieurs études ont rapporté des taux de flutter gauche de l’ordre de 24 %. Cela se comprend aisément car il n’y a aucune raison pour qu’une lésion imparfaite soit plus performante qu’une lésion complète, d’autant plus que la majorité des récidives de FA sont liées à une reconduction des VP comme l’a démontré l’étude de Verma.   FA persistante/permanente La FA chronique est une maladie fortement hétérogène et complexe. L’isolation des VP ne permet de guérir que 20 à 60 % des patients. Chez ces patients, une ablation visant à modifier le substrat s’avère nécessaire. Plusieurs études ont montré que la réalisation de lésions linéaires complètes dans l’oreillette gauche associées à l’isolation des veines pulmonaires permet d’éliminer les FA dans 65 à 70 % des cas, quel que soit le schéma des lignes d’ablation utilisé (lésion linéaire dans le toit de l’oreillette gauche associée à une ligne connectant l’anneau mitral antérieur au toit ou à une ligne connectant l’anneau mitral postérieur à la VP inférieur gauche). Une autre approche récemment développée dans le service est actuellement réalisée. Elle vient en complément de l’isolation des VP et des lésions linéaires, et consiste en l’ablation du tissu atrial gauche. L’ablation cible des potentiels auriculaires fragmentés, des potentiels qui présentent une activité continue, sans intervalle isoélectrique. Cette approche donne d’excellents résultats puisqu’on est capable d’éliminer la FA chronique dans 95 % des cas avec un suivi de 17 mois.   Conclusion   Dans notre expérience, l’isolation des veines pulmonaires est l'étape initiale et indispensable permettant l'élimination des FA paroxystiques tout-venant chez 70 % des patients. La modification du substrat fibrillatoire, grâce aux lésions linéaires et à l’ablation du tissu atrial, augmente le taux de succès à plus de 90 % dans les FA paroxystiques et les FA persistantes/permanentes. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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