Publié le 13 sep 2005Lecture 4 min
Accident cérébral transitoire : pronostic immédiat et à long terme
A. CASTAIGNE, hôpital Henri Mondor, Créteil
Deux articles du Lancet éclairent nos connaissances sur le pronostic des accidents ischémiques transitoires dans les premiers jours et avec un recul de 10 ans et plus.
Il arrive parfois qu’un malade demande un avis en urgence à son médecin traitant, à un cardiologue ou aux services d’accueil des urgences parce qu’il a eu des symptômes neurologiques transitoires. Souvent, l’histoire est tellement évocatrice que le diagnostic d’accident ischémique transitoire ne fait aucun doute : le malade a perdu quelques secondes ou minutes la vue d’un œil, l’usage d’un membre, l’usage de la parole. Parfois l’histoire est moins nette. Cependant, dans tous les cas la question est : est-ce que ce malade est à risque d’accident vasculaire cérébral constitué ? Cette question est majeure puisque près de 20 % des patients ayant un accident ischémique transitoire auront un accident constitué dans les 8 jours qui suivent.
Le score ABCD
Une équipe d’Oxford apporte des éléments importants pour améliorer notre capacité prédictive. Il s’agit d’un score tenant compte de :
• l’âge (> 60 ans = 1 point),
• la pression artérielle (> 140 et/ou > 90 mmHg = 1 point),
• des symptômes (hémiparésie, monoparésie, paralysie faciale = 2 points, troubles du langage sans déficit = 1 point, autres = 0)
• de la durée des symptômes en minutes (> 60 min = 2 points, > 10 à 59 min = 1 point, < 10 = 0).
Lorsqu’un malade atteint un total de 5, le risque d’AVC est majeur et il appartient à la catégorie des urgences neurologiques.
Ce score très simple dérivé d’une étude sur une série de 209 pa-tients a été validé sur deux séries de patients consultant à l’hôpital ou en ville. Moins de 1 % des patients ayant un score < 5 ont eu un AVC constitué alors que les chiffres sont de 12,1 % chez les patients ayant un score à 5 et de 31 % chez les patients ayant un score égal à 6. Enfin, dans un groupe de patients ayant pris un rendez-vous de consultation, un AVC est survenu avant la consultation chez 7,5 % des patients et tous avaient un score de 4.
Ce score a évidemment reçu un acronyme pour faciliter la mémorisation : c’est le score ABCD (A pour âge, B pour blood pressure, C pour clinical features et D pour durée des symptômes). D’accord, il faut avoir quelques notions d’anglais mais avouez que si l’on est amené à faire de la médecine d’urgence et/ou de la médecine téléphonique, un tel score est bien utile pour décider du déclenchement ou non du plan rouge pour éviter un AVC.
Efficacité de l’aspirine
Le deuxième article est la reprise d’une cohorte de patients ayant participé à un essai thérapeutique qui avait testé l’efficacité de l’aspirine chez ces patients.
Cette étude, dite Dutch TIA, avait comparé les doses 30 et 283 mg d’aspirine chez des patients ayant eu un accident ischémique transitoire ou un accident ischémique constitué de courte durée n’ayant pas laissé de séquelle fonctionnelle majeure. Ce sont 3 150 patients qui avaient participé à cette étude qui avait montré que la très petite dose d’aspirine n’était pas moins bonne que la dose plus habituelle. L’article actuel analyse le devenir à long terme de 2 473 de ces patients appartenant aux centres qui avaient inclus plus de 50 patients dans l’étude.
Ces patients ont été suivis pendant 10 ans en moyenne et le suivi est complet à 99 %, ce qui est remarquable. L’âge moyen à l’entrée était de 65 ans. Sur un suivi moyen de 10,1 ans, 60 % des malades sont décédés, dont les trois quarts d’une pathologie vasculaire. Le risque de décès est plus grand chez les malades ayant eu un accident ischémique constitué que chez les malades ayant eu un accident ischémique transitoire. En outre, 386 patients ont totalisé 480 récidives d’AVC et 146 ont eu 185 infarctus du myocarde. La fréquence des événements vasculaires est forte pendant les deux premières années ; par la suite, la courbe de survenue des AVC devient plate. De même, pour l’ensemble des éléments vasculaires : ils sont nombreux les deux premières années, la fréquence la plus basse est observée la troisième année puis les courbes marquent une progression régulière. L’un des points les plus intéressants de cet article concerne les facteurs permettant de prédire une évolution péjorative. L’âge, le sexe masculin, un antécédent d’infarctus du myocarde, l’existence d’une claudication intermittente ou d’une chirurgie vasculaire périphérique, le diabète et l’hypertension artérielle sont tous significativement associés au risque de survenue d’un événement vasculaire. On voit que ces éléments peuvent être appréciés par un simple interrogatoire. Le scanner cérébral, s’il montre des lésions de la substance blanche, ajoute au risque déterminé par les seuls éléments de l’interrogatoire.
Les auteurs de cette étude pensent qu’il y a deux pistes d’amélioration potentielle pour ces malades :
• immédiatement après l’accident, la recherche et le traitement des sténoses de la carotide et le contrôle tensionnel doivent être systématiques ;
• au-delà, et en particulier après la troisième année, les malades et particulièrement ceux qui ont les facteurs de risque cités ci-dessus sont à risque vasculaire très élevé et doivent donc bénéficier d’une agressivité préventive particulière.
Voilà deux articles qui permettent à des non-neurologues de déterminer le pronostic immédiat et à long terme des accidents cérébraux transitoires et des AVC mineurs. La primauté de la clinique et, en particulier, de l’interrogatoire et de la mesure de la pression artérielle sont de bonnes nouvelles pour ceux que la neurologie effraie.
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