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Cardiologie générale

Publié le 19 oct 2004Lecture 10 min

Actualité subjective de la cardiologie

E. FERRARI, CHU de Nice
Durée du traitement AVK après une TVP ou une EP secondaire à une cause réversible : courte mais pas trop… Lorsqu’une TVP ou une EP est clairement due à une cause réversible (chirurgie, plâtre) on sait que le traitement AVK peut ne durer que 3 mois. Pourrait-on faire encore plus court et ne traiter qu’un mois ? C’est ce qu’a voulu tester C. Kearon. Après inclusion de 80 patients dans chaque bras et un recul de près d’un an, il s’avère que le taux de récurrences est tout simplement multiplié par plus de 2 chez les patients qui n’ont bénéficié que d’un mois d’AVK : 6,8 % de récurrences vs 3,2 % chez ceux traités pendant 3 mois, et ce sans saignement supplémentaire. Après une EP/TVP dont la cause est reconnue et réversible, on peut envisager un traitement par AVK de 3 mois, mais pas plus court sous peine de multiplier par 2 les récidives.   Doit-on faire un bilan à la recherche d'un cancer infraclinique après une TVP ou une EP idiopathique ? La médecine fondée sur les preuves nous dit que les cancers sont plus fréquents (environ 2 fois plus) dans l’année qui suit une TVP ou une EP idiopathique. En revanche, la preuve n’est pas faite qu’il faille rechercher ces cancers. Pourquoi ? Parce que la recherche d’un cancer infraclinique correspond à une pêche à l’anguille. Elle coûte cher et il faudrait démontrer, avant de la conseiller, que la survie des patients est meilleure lorsque ce surplus de cancers est effectivement diagnostiqué et pris en charge. A fortiori, on sait que les cancers qui s’expriment d’emblée par une thrombose veineuse sont plus évolués et donc de moins bon pronostic. De nombreux examens utilisés pour la recherche de ces cancers infracliniques ne sont pas d’une fiabilité parfaite, ils risquent donc d’entraîner des faux positifs avec toutes les catastrophes que cela comporte. Ces deux équipes ont donc voulu faire avancer le problème : un screening systématique et aveugle à la recherche de cancer a été comparé à une attitude plus modérée d’examens orientés par des anomalies cliniques. La conclusion est que le bilan aveugle retrouve effectivement plus de cancers... mais à la question essentielle : est-ce que le patient en bénéficie par une plus longue survie ou par un meilleur confort de vie ? Aucune réponse. Si l’on fait de la médecine pour rendre service au patient, alors il n’y a pas lieu, à ce jour, de programmer des bilans lourds et coûteux pour rechercher un cancer infraclinique après une TVP ou une EP.   L'idée de "nécessité de gros volumes d'angioplastie pour qu'un centre soit très performant" mise à mal En se basant sur des chiffres des années 80 et 90, les instances nord-américaines avaient démontré que les centres d’angioplastie qui pratiquaient plus de 400 actes/an étaient plus performants que ceux qui en pratiquaient moins. D’où ce chiffre seuil dans les recommandations nord-américaines pour l’obtention d’un label de « qualité » (quantité ?). Cette étude reprend le même type de méthodologie sur les résultats des années 1998 à 2000. En séparant les centres en « petit volume » (de 5 à 199 actes/an), « volume moyen » (200 à 399), « haut volume » (400 à 999) et « très haut volume » (> de 1 000), ils retombent sur des conclusions tout à fait différentes. Si l’activité des très petits centres est associée à une surmortalité (RR 1,21 [1,06-1,28]), il n’y a pas de différence en termes de mortalité lorsque les résultats des trois autres types de centres sont comparés. L’explication des auteurs est que c’est probablement l’amélioration des techniques et de l’environnement pharmacologique qui a simplifié les procédures et ainsi grandement diminué le taux d’échecs, y compris chez ceux qui pratiquent relativement peu d’actes.     IDM dilaté : n'oubliez pas les bêtabloquants ! N’hésitons pas à utiliser les bêtabloquants, en l’absence de contre-indication, avant et après l’angioplastie de l’IDM à la phase aiguë. ISIS 1 avait rapporté, il y a longtemps, l’intérêt des bêtabloquants après un IDM traité conventionnellement. Ce bénéfice est-il toujours présent lorsque les patients sont angioplastiés à la phase aiguë avec beaucoup moins de risque d’ischémie résiduelle ? Sur les 2 442 patients présentant un IDM aigu et randomisés dans les différentes études PAMI, 1 661 avaient été mis sous bêtabloquant contre 781 qui n’en bénéficiaient pas. La différence de mortalité à 1 an est spectaculaire : 2,2 % sous bêtabloquants vs 6,6 % sans bêtabloquants. Cette classe thérapeutique est d’autant plus efficace que la FE est < 50 % — le RR de décès diminue alors de 67 % — et que les patients sont pluritronculaires — le RR de décès baisse de 74 %... — d’autant que, dans une « sous » - étude de CADILLAC, l’utilisation de bêtabloquant par voie veineuse avant l’angioplastie coronaire s’accompagne aussi d’une diminution spectaculaire de la mortalité à 30 jours : 1,5 % vs 2,88 p < 0,03… gain bien plus spectaculaire que le bénéfice apporté par d’autres traitements plus chers et plus dangereux.   Multitronculaires avec bon VG : ou la valeur du traitement médical Cet article compare traitement médical, angioplastie et chirurgie chez des patients multitronculaires à bonne fonction VG et fait ressortir les bons résultats du traitement médical « seul »… Chez des patients multitronculaires en angor stable avec bonne fonction VG, l’étude MASS-II donne ses résultats à 1 an. Lorsque les trois types de traitements sont comparés, la mortalité à 1 an est identique (elle serait même plutôt en faveur du traitement médical) : • 1,5 % de décès chez les patients médicalisés ; • 4,5 % de décès chez les patients angioplastiés ; • 4 % chez les patients pontés : p = 0,23. En revanche, les patients traités « seulement » par les médicaments gardent plus souvent un angor (63 vs 45 % chez ceux dilatés et 39 % chez ceux pontés). Rien de bien nouveau dans ces résultats, mais la confirmation que l’on peut, sans leur faire courir un risque de surmortalité, traiter des coronariens multitronculaires uniquement par des médicaments et à condition qu’ils acceptent des symptômes d’angor à l’effort.     Multitronculaires avec mauvais VG : ou la valeur de la chirurgie ...À l’opposé, la comparaison pontage/angioplastie chez les multitronculaires à risque, en particulier avec baisse de la FE, serait plutôt en faveur de la chirurgie. La comparaison de ces deux types de revascularisation chez des patients « tout-venant » a donné des résultats similaires en termes de mortalité mais, sur des analyses en sous-groupes, l’impression était que les patients les plus graves (diabétiques, avec dysfonction VG, insuffisants rénaux, insuffisants respiratoires, etc.) s’en sortaient mieux avec la chirurgie. L’équipe de Topol confirme, sur l’analyse de plus de 6 000 patients consécutifs, que l’angioplastie serait associée chez ces patients à un surrisque de décès à 1 et 5 ans (RR 2,3 [1,9-2,9]). Cela est d’autant plus troublant que ces facteurs, associés à une moins bonne évolution à moyen terme, sont aussi ceux qui augmentent le risque opératoire et peuvent donc faire récuser la chirurgie.     Absence d'intérêt du tirofiban avant l'angioplastie primaire de l'IDM aigu L’étude ON-TIME a été conçue pour savoir si, dans l’infarctus avec élévation du ST, l’utilisation du tirofiban par les urgentistes, en amont d’un transfert pour une salle de cathétérisme, est utile. Un groupe de patients a donc reçu du tirofiban par les urgentistes avant la coronarographie, l’autre a reçu du tirofiban en salle de cathétérisme après la coronarographie, mais avant l’angioplastie. L’idée était que l’administration précoce de l’anti-GPIIb/IIIa induirait un bénéfice. Les résultats montrent qu’il n’y a aucune différence en termes de flux sur l’artère coupable, tant lors de la coronarographie diagnostique qu’après l’angioplastie. En termes de décès ou de réinfarctus à 1 mois, les chiffres sont également strictement comparables (7 vs 7 %). L’éditorial qui accompagne cet article est très clair : « …Cette étude ON-TIME n’est pas en faveur de l’administration de tirofiban dans l’IDM aigu… ». À propos, dans le protocole d’ON-TIME, pourquoi n’y avait-il pas un troisième bras sans tirofiban du tout ?   Un écho-Doppler veineux normal dispense des anticoagulants Peut-on rassurer un patient suspect de TVP et arrêter les anticoagulants lorsque l’écho-Doppler veineux « bien fait » est normal ? C’est une vraie question pratique que se sont posée ces auteurs, a fortiori parce que cette situation d’écho-Doppler veineux normal devant une suspicion de TVP est fréquente puisqu’elle survient pour 4 suspicions de TVP sur 5. Dans ces circonstances, lorsque le traitement anticoagulant est arrêté, le risque de survenue d’une TVP clinique à 3 mois n’est que de 0,8 %. On peut donc estimer que ce risque est faible et cliniquement pertinent... Attention aux conditions qui aboutissent à ce résultat : il faut que l’écho-Doppler soit « bien fait ».    Valeur prédictive des ESV à l'effort La valeur péjorative des ESV à l’effort est discutée depuis longtemps. Si des travaux initiaux ne semblaient pas leur accorder de valeur péjorative, des études plus récentes avec un long suivi ont retrouvé une corrélation avec une surmortalité cardiaque. Cette étude a utilisé les données de Framingham ; 2 885 patients sans problème cardiaque documenté ont bénéficié d’un test d’effort ; 73 % ne présentaient aucune extrasystole à l’effort ; 27 % en présentaient. Dans ce dernier groupe, on a considéré que les ESV étaient nombreuses si l’on en comptait plus de 1 par 4,5 minutes d’effort (soit 0,22 ESV/min). Après un suivi de 15 ans, les conclusions sont surprenantes. L’existence d’ESV à l’effort n’est pas associée à l’apparition de problèmes cardiaques. En revanche, elle est associée à une surmortalité, de toutes origines, en particulier par cancers : 2,7 décès/1 000 sujets par an quand il n’y a pas d’ESV à l’effort, 5 décès pour 1 000 quand il y a peu d’ESV et 7 décès pour 1 000 pour plus de 0,22 ESV/min.     Certains anti-cox 2 seraient délétères aussi chez les insuffisants cardiaques On connaît déjà les potentiels effets néfastes du rofecoxib chez les coronariens. Ce même anti-cox 2 pourrait aussi induire des déstabilisations chez les insuffisants cardiaques. L’équipe de Mmadani a comparé le risque relatif de décompensation cardiaque de patients témoins (n = 100 000) à celui de patients ayant pris du celecoxib (Celebrex®) (n = 18 908), des AINS (n = 14 583) ou du rofecoxib (Viox®) (n = 5 391). Les patients ayant été traités par celecoxib n’ont pas plus de risque de décompensation cardiaque : RR = 1. Ceux traités par AINS ont un risque multiplié par 1,4 (cet inconvénient est bien connu). La nouvelle est que les patients traités par rofecoxib ont un risque de décompensation cardiaque multiplié par 1,8. À choisir, il semble donc que, chez les coronariens et les insuffisants cardiaques, lorsqu’un anti-cox 2 est nécessaire, le celecoxib doit être préféré. Le retrait récent du Viox® concrétise les conclusions de ce travail.     L'incidence de l'HTAP postembolique : plus fréquente que ce que l'on croyait On croyait que la prévalence de l’HTAP post-EP était de l’ordre de 0,1 %. En suivant, pendant 8 ans, 223 patients ayant présenté une EP et chez lesquels toutes autres causes d’HTAP avaient été exclues, les auteurs retrouvent une HTAP symptomatique (PAP syst > 40 et PAP moy > 25 mmHg) dans 1 % des cas à 6 mois, dans 3,1 % des cas à 1 an, puis dans 3,8 % des cas au-delà de 2 ans, sans augmentation de l’incidence. Cette HTAP postembolique est plus fréquente lorsque l’EP est idiopathique, qu’elle survient chez des sujets jeunes et qu’elle est initialement importante. L’autre élément retrouvé (et connu) est que la bonne gestion des AVK durant le traitement ne diminue pas l’incidence de l’HTAP postembolique.    

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