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Coronaires

Publié le 30 mai 2006Lecture 11 min

Actualités de la prise en charge du coronarien en 2006 : une approche multidisciplinaire

M. JOBBÉ-DUVAL, d’après une réunion organisée au cours du 22e salon de Cardiologie Pratique et Consensus

Actualités de la prise en charge du coronarien en 2006 : les points de vue du cardiologue, du néphrologue et du diabétologue

Quels traitements chez le coronarien ? Le point de vue du cardiologue N. Danchin (Paris) a abordé le problème du traitement au long cours du patient coronarien dont l’objectif est triple : • contrôler le processus athérothrombotique, • contrôler les facteurs de risque concomitants, • traiter la maladie coronarienne elle-même, et cela en essayant d’obtenir la meilleure observance du patient au traitement. Les antiagrégants plaquettaires. Dans les syndromes coronaires aigus, l’utilisation de l’association de deux antiagrégants plaquettaires est admise par tous. En revanche, les données concernant les patients stables démontrent qu’il n’y a pas de bénéfice à associer clopidogrel et aspirine comme en atteste la récente étude CHARISMA (ACC 2006). Les statines. La dernière métaanalyse, parue en 2005, montre que le bénéfice des statines chez le coronarien permet de diminuer de 12 % la mortalité globale, quel que soit le taux initial du LDL-cholestérol : elles sont donc incontournables. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) : - chez les patients ayant fait un infarctus avec dysfonction ventriculaire gauche sévère, leur utilisation n’est plus discutée depuis longtemps car ils réduisent en moyenne de 25 % la mortalité coronarienne ; - chez les coronariens stables, en revanche, il existe des différences selon les molécules étudiées. L’étude HOPE (ramipril) et EUROPA (perindopril) ont démontré une diminution significative de la morbi-mortalité qui n’est pas retrouvée dans l’étude PEACE (trandolapril). Cependant, une métaanalyse, réalisée sur ces trois études (publiée en mars 2006 dans Archives of Internal Medicine), montre une réduction de 19 % de la mortalité globale, mais également une réduction significative des AVC et des IDM. Les IEC doivent donc faire partie intégrante du traitement, même chez les coronariens stables avec fonction ventriculaire gauche préservée. Il est souhaitable d’utiliser les molécules qui ont prouvé leur efficacité dans les études (perindopril, ramipril). Les bêtabloquants. Leur utilisation est fondée sur des essais maintenant anciens (sans reperfusion et rarement avec une thrombolyse). En outre, ces essais, tels qu’ils ont été pris en compte dans les différentes métaanalyses, étaient réalisés chez des patients en postinfarctus ayant une fonction ventriculaire gauche peu altérée, car les bêtabloquants étaient alors contre-indiqués en cas d’insuffisance cardiaque . Chez des patients coronariens sans infarctus avec une bonne fonction ventriculaire gauche, il n’existe pas de données et l’on ne connaît pas d’essai de morbi-mortalité versus placebo dans cette situation. En revanche, des essais comparatifs ont été réalisés et plus particulièrement l’étude INVEST (2003) comparant le vérapamil et l’aténolol qui a montré une absence de différence entre ces deux stratégies sur les décès, d’IDM ou les AVC. Par conséquent, le traitement bêtabloquant n’est pas à recommander systématiquement en première intention chez le coronarien stable. Les inhibiteurs calciques. L’étude ACTION a évalué la nifédipine (2004) comparativement à un traitement standard comprenant des bêtabloquants, chez des coronariens stables, avec un suivi de 5 ans environ. Cette étude a été négative pour la nifédipine (pas d’efficacité supplémentaire de cette molécule en association au bêtabloquant) mais elle a permis de démontrer que les bêtabloquants n’améliorent pas le risque cardiovasculaire dans ce type de population et qu’ils ne paraissaient donc pas indispensables. Situations particulières. Elles existent plus particulièrement chez les patients intolérants à certaines classes thérapeutiques : - les patients intolérants à l’aspirine, on sait que le clopidogrel est une excellente alternative, comme l’a démontré l’étude CAPRIE. Mais il ne faut pas oublier la possibilité de mettre ces patients sous AVK, car les différentes métaanalyses ont montré que cette classe thérapeutique serait légèrement supérieure à l’aspirine chez les coronariens stables, avec ce que cela suppose comme contrainte thérapeutique ; - les patients intolérants aux statines, l’ézétimibe semble une bonne alternative, même si cette molécule est moins puissante que les statines. En outre, il n’y a pas d’essais de morbi-mortalité. Les fibrates ont donné des résultats décevants. Certes, nous avons l’essai positif avec le gemfibrozil chez des patients avec LDL-C normal et HDL-C bas, mais l’étude FIELD chez les diabétiques à haut risque n’a pas apporté une efficacité du fénofibrate au long cours ; - les patients intolérants aux IEC, il n’y a pas d’alternative chez les patients sans dysfonction ventriculaire gauche, puisqu’aucune étude n’a été réalisée. S’il existe une dysfonction ventriculaire gauche, VALIANT et CHARM-Alternative ont démontré que les AAII avaient une efficacité comparable à celle des IEC dans cette indication ; il faut cependant rappeler qu’une réelle intolérance aux IEC reste exceptionnelle et qu’il ne faut pas s’arrêter à une simple toux hivernale. - chez les diabétiques, les résultats de l’étude EUROPA montrent que le perindopril permet une réduction du risque cardiovasculaire au moins aussi importante que chez les patients non diabétiques. De même, si l’on classe les patients coronariens en fonction du niveau de risque : faible, moyen ou important, on remarque que le perindopril diminue significativement le risque cardiovasculaire comparativement au placebo dans tous les cas de figure (figure). Figure 1. Le Coversyl® diminue le risque cardiovasculaire quelque soit le niveau de risque. Coronarien et insuffisance rénale Le point de vue du néphrologue L. Juillard (Paris) a rappelé toute l’importance de l’insuffisance rénale chronique comme élément majeur du risque cardiovasculaire puisque celui-ci augmente proportionnellement à la diminution de la filtration glomérulaire. On sait que l’insuffisance rénale chronique (IRC) se définit comme une diminution du débit de filtration glomérulaire. L’IRC est considérée comme : • débutante lorsque la clairance de la créatinine se situe entre 60 et 90 ml/mn/1,73 m2, • modérée entre 30 et 60 ml/mn/1,73 m2, • sévère entre 15 et 30 et terminale si < 15 ml/mn/1,73 m2. Le calcul de la clairance de la créatinine le plus utilisé fait appel à la formule de Cockcroft à laquelle certaines équipes substituent une formule plus récente : la MDRD. Il s’agit dans les deux cas d’un examen simple et peu coûteux, avec cependant des imperfections liées à l’âge ou au poids du patient. L’objectif est donc de proposer un traitement conservateur qui ralentit la progression de l’insuffisance rénale. Quel objectif atteindre ?   Le premier traitement est de diminuer le plus possible les chiffres tensionnels, l’HTA étant un facteur majeur de la progression de l’IRC. Il est donc recommandé, au même titre que chez le diabétique, d’obtenir une PA < 130/80 mmHg. Cet objectif est d’autant plus important que la protéinurie est élevée mais s’avère en pratique très difficile, nécessitant des associations d’antihypertenseurs. En premier lieu, ce sont les inhibiteurs du système rénine-angiotensine qui ont démontré leur efficacité, c’est-à-dire les IEC et les AAII. Ils diminuent l’hyperfiltration et ont un effet antiprotéinurique. Leur introduction doit être systématique, quel que soit le niveau de l’IRC, et progressive. Ils ne doivent pas être interrompus, même si l’on observe une aggravation de la clairance en début de traitement. Il faut dans tous les cas adapter la dose maximale selon la tolérance tensionnelle du patient. Dans une métaanalyse publiée en 2004 dans le British Medical Journal, on note une équivalence des 2 classes, (IEC et AAII) sur la diminution de la survenue des événements rénaux et une supériorité des IEC sur la diminution de la mortalité. Dans un essai paru en 2001 dans Circulation, on observe que le pourcentage de survie de patients insuffisants rénaux, à plus de 10 ans, est de 80 % sous perindopril (Coversyl®) alors qu’il chute à 25 % sans perindopril (p < 0,0001). Le deuxième élément du traitement est le régime hypoprotidique lorsque le DFG est < 60 ml/min, avec un objectif de 0,75/g/kg/j. Le suivi sera assuré par le dosage de l’urée urinaire. Les désordres lipidiques répondent à la même logique, avec un objectif de LDL-C < 1,0 g/l et des TG < 2 g/l. Il reste le problème de la prescription d’EPO pour essayer de maintenir une Hb à 11g/100 ml. Il faut, bien sûr, proscrire tout AINS (un problème majeur essentiellement chez les sujets âgés) et contrôler la prise d’antibiotiques ou de produits de contraste susceptibles de majorer l’atteinte rénale. Le diabétique coronarien Le point de vue du diabétologue P.-J. Guillausseau (hôpital Lariboisière, Paris) rappelle que les coronaropathies multiplient le risque de décès par 2 à 4 chez le diabétique de type 2. Elles représentent la première cause de décès chez ce type de patients, l’espérance de vie étant réduite en moyenne de 10 ans chez un patient d’âge moyen. Le risque d’AVC est par ailleurs multiplié par trois. Les facteurs de risque les plus souvent retrouvés et qui viennent encore aggraver les méfaits de l’hyperglycémie chronique sont, d’après nos données personnelles, chez les diabétiques de type 2 : • l’HTA (66 % des cas), • les anomalies du profil lipidique (85 % des cas), • et le tabagisme (10 % des cas, chiffre proche de celui de l’enquête de CNAM de 1998). Ces facteurs de risque représentent avec l’hyperglycémie les objectifs thérapeutiques pour la prévention des complications coronaires et vasculaires. Les différentes classes thérapeutiques disponibles agissant sur l’hyperglycémie des diabétiques de type 2 sont : les sulfonylurées, la metformine, les inhibiteurs des a-glucosidases intestinales, les glitazones, et enfin l’insuline. L’étude UKPDS a démontré qu’une baisse de 1 % de l’HbA1c obtenue par le traitement intensif par sulfonylurées et/ou insuline permettait de réduire de 14 % le risque d’IDM mortel ou non. Cette étude a aussi montré l’efficacité de la metformine supérieure à celle du traitement par régime seul sur la survenue des infarctus, mais non au traitement intensif par sulfonylurées et/ou insuline (figure 2). Figure 2. Résultats hémodynamiques. Patients traités par insuline (équilibre glycémique équivalent). Les sulfonylurées ont donc fait la preuve, en prévention primaire, d’une amélioration du risque vasculaire par rapport à un traitement conventionnel. Telle est la conclusion de l’UKPDS. En prévention secondaire, il faut citer les études DIGAMI, et notamment DIGAMI 2, qui ne montrent pas, chez les diabétiques de type 2 de supériorité de l’insuline comparativement aux antidiabétiques oraux en prévention secondaire postinfarctus. Les preuves d’une réduction des complications coronaires et vasculaires font en revanche défaut pour les autres antidiabétiques oraux, inhibiteurs des a-glucosidases intestinales et glitazones. Les glitazones. L’étude PROactive, parue en 2005, comparait chez des diabétiques de type 2 présentant de multiples complications l’effet éventuel sur les complications coronaires et vasculaires de l’association de pioglitazone à celle d’un placebo au régime ou aux traitements antidiabétiques antérieurs (sulfonylurées, metformine, insuline ou combinaison des médicaments précédents) pendant une durée d'au moins 2,5 ans. Au terme de l’étude, il n’y avait pas de différence significative entre pioglitazone et placebo sur un critère composite comprenant tous les types d’événements cardiovasculaires. Il n’y avait pas non plus de différence pour les critères secondaires, formés des différents éléments du critère composite et des décès cardiovasculaires. Le problème est donc de savoir quelle sulfonylurée (SHN) utiliser. On a remarqué que les plus anciennes sulfonylurées, comme la tolbutamide (Dolipol®), ou les sulfonylurées plus récentes qui agissent de manière non spécifique sur les récepteurs cardiaques et vasculaires (glibenclamide, Daonil®, Euglucan®), avaient des effets potentiellement délétères sur le muscle cardiaque. Ces effets sont liés à l’inhibition du mécanisme protecteur le plus efficace vis-à-vis de la souffrance myocardique en cas d’insuffisance coronaire aiguë, le préconditionnement myocardique à l’ischémie. Logiquement, ces effets ne s’observent pas avec les sulfonylurées qui agissent de manière spécifique sur les récepteurs des cellules b des îlots de Langerhans du pancréas. L’exemple d’une étude française parue en 2005 et menée chez 2 320 patients, dont 487 diabétiques avec un antécédent d’infarctus et sous traitement par SHN récentes tel que le glicazide (Diamicron®), montre une diminution de la mortalité hospitalière chez les patients traités par sulfonylurées comparativement aux patients non traités par sulfonylurées (10,2 vs 16,3 % ; p < 0,035). Des résultats similaires ont été observés dans une étude danoise menées chez 867 patients diabétiques de type 2 hospitalisés pour IDM et publiée début 2006. L’étude danoise STENO 2 a apporté la preuve de l’efficacité du traitement multifactoriel intensif chez les coronariens diabétiques : il s’agit d’une étude randomisée ouverte chez des diabétiques à risque cardiovasculaire élevé puisqu'ils devaient avoir une néphropathie incipiens (microalbuminurie comprise entre 30 et 300 µg/24h) qui a permis de comparer les effets du traitement traditionnel (fondé sur les recommandations de bonne pratique danoises actualisées) et un traitement intensif de tous les facteurs de risque associés au diabète. Le traitement de l'hyperglycémie reposait sur gliclazide et/ou metformine et/ou insuline et le suivi était standardisé. Les premières données, après 4 ans, avaient montré une évolution favorable des complications microangiopathiques dans le groupe de traitement multifactoriel intensif, avec une réduction spectaculaire de la néphropathie, de la rétinopathie et de la neuropathie autonome. Aujourd'hui, nous connaissons, après 8 ans de suivi, les bénéfices du traitement intensif sur la macroangiopathie avec une réduction globale de 53 % du nombre d'événements cardiovasculaires dans le groupe de traitement multifactoriel intensif. En d’autres termes, ceci correspond à cinq malades traités pendant 8 ans pour éviter un événement cardiovasculaire mortel ou sévère : décès d'origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde non fatal, AVC non fatal, gangrène. Cette étude fonde ainsi les principes d’une prise en charge adaptée et efficace à cette maladie multifactorielle et de pronostic coronaire et vasculaire sévère qu’est le diabète de type 2.   Acronymes des études citées ACTION : A Coronary disease Trial Investigating Outcome with Nifedipine GITS CAPRIE : Clopidogrel vs Aspirin in Patients at Risk of Ischemic Events CHARISMA : Clopidogrel for High Atherothrombotic Risk and ischemic Stabilisation Management and Avoidance DIGAMI : Diabetes mellitus Insulin Glucose infusion in Acute Myocardial Infarction EUROPA : EUropean trial on Reduction Of cardiac events with Perindopril in stable coronary Artery disease FIELD : Fenofibrate micronised Intervention and Events Lowering in Diabetes HOPE : Heart Outcomes Prevention Evaluation INVEST : INternational VErapamil Sr-Trandolapril study PEACE : Prevention of Events with Angiotensin Converting Enzyme Inhibitor Therapy PROactive : PROspective Pioglitazone clinical trial in macrovascular events STENO : Multifactorial Intervention and Cardiovascular Disease in Patients with Type 2 UKPDS : United Kingdom Prospective Diabetes Study group VALIANT : VALsartan In Acute myocardial iNfarction Trial

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