Publié le 04 sep 2007Lecture 5 min
Anévrismes de l'aorte ascendante : la prise en charge médicale
J. DE BACKER, hôpital universitaire de Gand (Belgique)
Le Printemps de la cardiologie
Le syndrome de Marfan est un bon modèle d’étude de la physiopathologie et du traitement des anévrismes de l’aorte thoracique. Nous nous focaliserons sur l’état actuel de nos connaissances dans ce syndrome. Si le traitement médical standard est représenté par les bêtabloquants, des travaux expérimentaux montrent l’intérêt des ARAII.
Les bêtabloquants : le traitement de référence
Les bêtabloquants sont la pierre angulaire du traitement médical dans le syndrome de Marfan ainsi que l’ont démontré Shores et coll. dans un essai randomisé publié en 1994. L’accroissement du diamètre de l’aorte peut être diminué par le traitement bêtabloquant. Il faut toutefois souligner que ce travail, comme d’autres essais, ne fait pas état de critères cliniques durs telles la mortalité ou la survenue d’une dissection aortique.
Plusieurs études font état d’une réponse hétérogène aux bêtabloquants dans le syndrome de Marfan. Dans un petit sous-groupe de patients, les propriétés élastiques de l’aorte se dégradent. On ne connaît pas le mécanisme exact de cette réponse hétérogène. Une augmentation des résistances vasculaires systémiques pourrait conduire à augmenter l’amplitude des ondes de réflexion, et à diminuer la compliance aortique. Cette réponse délétère aux bêtabloquants s’observe lorsque les diamètres de l’aorte sont déjà augmentés.
Physiopathologie : le rôle de la fibrilline 1
Comprendre les aspects principaux de la physiopathologie du syndrome de Marfan est nécessaire pour mieux appréhender les nouvelles stratégies thérapeutiques développées dans cette pathologie.
Si initialement, on a attribué à la fibrilline 1 un rôle uniquement structurel, servant de support pour le dépôt de l’élastine et la formation de fibres élastiques, il semble que d’autres manifestations du syndrome de Marfan ne puissent être expliquées par ce modèle : c’est le cas notamment de l’hypercroissance des os longs. C’est pourquoi la recherche s’est poursuivie et des études expérimentales menées chez la souris ont démontré le rôle fonctionnel important de la fibrilline 1.
La fibrilline 1 forme un complexe avec des protéines de liaison permettant de maintenir le facteur croissance de transformation bêta (TGFbêta) sous une forme inactive. Si la fibrilline 1 est anormale ou en quantité diminuée, il s’ensuit une augmentation du TGFbêta, responsable de nombreux effets observés dans le syndrome de Marfan, comme la pathologie aortique, les anomalies pulmonaires ou de la valve mitrale.
Des modèles thérapeutiques expérimentaux
Sur la base des connaissances précédentes, de nouvelles stratégies thérapeutiques ont été développées dans des modèles de souris. Dans ces modèles, la dilatation aortique et le prolapsus valvulaire mitral sont observés comme dans la maladie humaine. L’augmentation de l’expression du TGFbêta a été mise en évidence dans plusieurs tissus et notamment dans l’aorte et la valve mitrale. Elle est associée à un défaut de cloisonnement des alvéoles pulmonaires, une augmentation de la surface et de l’épaisseur des valves auriculo-ventriculaires et à une ectasie de l’aorte thoracique proximale.
Parmi les stratégies thérapeutiques permettant de limiter l’activité TGFbêta, on peut :
• neutraliser le TGFbêta par des anticorps : les laboratoires pharmaceutiques font des recherches dans ce sens ;
• bloquer le récepteur de l’angiotensine de type 1 : à cet égard, le losartan est indiqué chez l’homme pour abaisser la pression artérielle, réduire l’HVG, diminuer le risque d’AVC et traiter la néphropathie diabétique.
Intérêt des antagonistes de l’angiotensine 2
On sait que l’angiotensine 2 agit par le biais de la stimulation de récepteurs, AT1 et AT2, qui sont largement exprimés mais dont les effets sont opposés :
• les récepteurs AT1, présents de façon ubiquitaire et largement exprimés, sont les médiateurs de la vasoconstriction de la prolifération des myocytes vasculaires et leur stimulation entraîne une augmentation de la production de thrombospondine 1 et diminue l’apoptose ;
• à l’opposé, les récepteurs de type AT2 sont exprimés après une agression et leur stimulation entraîne une vasodilatation, une inhibition de la prolifération des myocytes vasculaires, augmente l’apoptose et possède des effets antifibrotiques.
L’angiotensine II agit sur :
• l’expression du TGFbêta 1,
• l’expression des récepteurs aux TGFbêta,
• la prolifération des fibroblastes,
• l’augmentation de l’expression des protéines de la matrice extracellulaire (collagène, fibronectine),
• l’augmentation de l’expression des métalloprotéinases de la matrice cellulaire.
Un effet bénéfique du losartan
En partant des propriétés précédentes, l’idée a été de tester le losartan dans un modèle expérimental de souris atteintes du syndrome de Marfan.
Les souris étaient traitées soit par placebo, soit par popranolol, soit par losartan pendant 6 mois. Une étude échographique était réalisée à intervalles réguliers.
Les résultats hémodynamiques étaient comparables : seuls les bêtabloquants induisaient, comme attendu, une baisse plus importante de la fréquence cardiaque.
Après un traitement de 6 mois, un effet significatif sur la croissance de l’aorte est observé. Les souris atteintes, traitées par losartan, avaient des diamètres aortiques comparables à des souris témoins, alors que celles du groupe traité par popranolol avaient des diamètres significativement augmentés.
L’épaississement et l’architecture de la paroi aortique étaient également moins altérés dans le groupe losartan comparativement aux groupes placebo et popranolol.
Parmi les mécanismes expliquant l’action du losartan, on a incriminé :
• l’atténuation de la production de TGFbêta ;
• l’atténuation de la production des récepteurs aux TGFbêta ;
• une diminution de la translocation nucléaire du Smad ;
• une stimulation des récepteurs AT2 après agression de l’aorte ;
• une diminution de la prolifération des myocytes vasculaires en réponse à l’agression aortique.
En pratique
Le traitement par le losartan permet d’éviter l’augmentation des dimensions de l’aorte et préserve l’architecture dans les modèles expérimentaux. Des essais cliniques chez l’homme sont en cours dont les données préliminaires suggèrent un effet similaire, avec une réduction marquée de la croissance aortique.
Les essais cliniques chez l’homme sont conduits en France et aux États-Unis. En attendant des résultats qui permettraient de conclure que le losartan sera utilisable en clinique, les bêtabloquants restent le traitement étalon or chez les patients atteints d’un anévrisme de l’aorte ascendante.
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