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Coronaires

Publié le 09 oct 2007Lecture 7 min

Angor d'effort révélateur d'une drépanocytose hétérozygote S

P.- H. GACON, Service de cardiologie interventionnelle et E. BERGOIN, Service d’hématologie biologique CHRU de Dijon et B. ROUGEOT, Médecin expert en réparation corporelle, Dijon

Nous rapportons l’observation clinique d’un homme de 38 ans congolais, présentant un angor d’effort de survenue récente au froid ayant débuté en 1992 en Ukraine, révélateur d’une hémoglobinopathie hétérozygote du type drépanocytose S.

Observation Monsieur B. est hospitalisé pour l’apparition semi-récente d’un angor d’effort typique survenu au froid sans angor de repos. Il n’a aucun facteur de risque cardiovasculaire (pas d’hypertension artérielle, de tabagisme, ni d’hérédité coronarienne, ni d’antécédent pulmonaire ou de maladie veineuse thromboembolique). Son seul antécédent est une anémie d’origine inexpliquée attestée par une dyspnée d’effort stade I de la NYHA. L’examen clinique note un cœur rapide avec un souffle éjectionnel de 2/6 et l’ECG, une tachycardie sinusale à 98 bpm, sans anomalies. Le cliché thoracique de face ne montre qu’une cardiomégalie modérée et l’échographie Doppler cardiaque est normale, sans HTAP. Le bilan biologique montre une anémie à 12,5 g/dl de type microcytaire avec un volume globulaire moyen à 75 µm3 et un bilan martial normal ; l’hémoglobine glyquée est < 6,2 %. Le bilan hépatique est normal ainsi que le dosage répété de la créatine phosphate kinase et de la troponine IC. Une exploration angiohémodynamique complète par voie fémorale droite montre (figure) : – une pression aortique normale sans élargissement de la différentielle avec augmentation de la pression télédiastolique du ventricule gauche à 21 mmHg, une pression capillaire pulmonaire normale et l’absence d’hypertension artérielle pulmonaire en postangiographie ; – une élévation du débit cardiaque à 7,9l /min, un index cardiaque à 5,8 l/m/m2 ; – une surcharge volumétrique du ventricule gauche avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche calculée à 85 % sans séquelle d’infarctus du myocarde ni insuffisance mitrale ; – un réseau coronaire sain de type équilibré sans plaque athéromateuse ni spasme coronaire et un blush myocardique conservé. Ventriculographie gauche en OAD 30° et coronarographie sélective. Fraction d’éjection à 88% et réseau coronaire normal. Une électrophorèse de l’hémoglobine est prescrite à la recherche d’une hémoglobinopathie de type drépanocytaire devant l’origine ethnique du patient et la microcytose isolée. La chromatographie liquide haute résolution (HPLC) met en évidence une hémoglobine anormale de type HbS, à l’état hétérozygote (patient non transfusé) : HbA : 54 %, HbA2 : 3,5 %, HbS : 32 % . Devant la microcytose, les pourcentages d’HbS et d’HbA2 et l’absence de carence martiale, une alpha-thalassémie est probablement associée, conclusions confirmées par le centre de référence à l’hôpital Henri Mondor de Créteil. L’examen du frottis sanguin ne retrouve pas d’hématies cibles falciformes (en raison du prélèvement fait en dehors des crises thoraciques).   Discussion   La drépanocytose est un état héréditaire pathologique de forte prévalence chez le sujet de race noire, décrite aussi chez les Védiques en Inde et chez les Eti-Turcs, en Grèce et en Arabie du Sud, ce qui fait douter du caractère absolu de discrimination raciale du trait falciforme(1,2,3,4) — caractérisée par la présence d’une hémoglobine anormale — moins mobile que l’hémoglobine A ou l’hémoglobine fœtale à l’électrophorèse à pH(8,6), l’hémoglobine S. Le mécanisme moléculaire est le remplacement par une valine de l’acide glutamique en position 6 de la chaîne de la globine. Depuis la découverte en 1904 de l’elliptocytose, J.-B. Herrich en 1910(5) a décrit le cas d’un jeune Antillais atteint de dyspnée, de douleurs osseuses d’allure rhumatismale, avec gonflements des extrémités (syndrome pied-main) et surtout d’ulcères bilatéraux de jambe. L’examen sanguin confirmait la présence d’hématies de forme irrégulière en faucille, dont un grand nombre prend un aspect mince et falciforme. Dès 1949, Beet distinguait l’état homozygote (hémoglobine SS à l’électrophorèse) où le tableau clinique était celui d’une anémie sévère (« sick cell anemia «) et l’état hétérozygote où le trait drépanocytaire AS (l’hémoglobine S n’est présente qu’en quantité < 50 %) la maladie était asymptomatique liée aux manifestations cardiaques de l’anémie chronique ; découverte d’un souffle systolique éjectionnel ou cardiomégalie radiologique(5,6,7,8,9). Sur le plan génétique, les hémoglobines S et C se transmettent par les lois de Mendel selon le mode autosomique récessif ; hétérozygote AS, homozygote SS, double hétérozygote ou « hétérozygote composites » ; AS + AC = SC, AS et bêtathalassémie hétérozygote, comme le gène thalassémique (hémoglobine F) qui lui est associé entre 15 et 20 % des cas. Aux États-Unis, le trait « sicklémique « existerait chez 9 % des Noirs-Américains et 0,2 % de cette population serait sicklémique, soit plus de 80 000 pa-tients atteints. La fréquence européenne est moindre qu’en Afrique où elle varie selon un statut tribal ; l’incidence du trait est estimée de 14 à 38 %. La maladie apparaît moins fréquente à l’âge adulte du fait de la mortalité infantile élevée constatée(9,10,11). De nombreuses études ont montré que la quasi-totalité des sujets homozygotes ont des atteintes cardiaques (82,5 %) alors que les sujets hétérozygotes présentaient de rares atteintes cardiaques estimées à moins de 1 % des cas hospitalisés(10,11,12,13,14). De nombreux travaux ont évalué la fonction systolique ventriculaire gauche(7). Les complications cardiaques de la drépanocytose ne sont pas l’apanage de l’adulte(12). Les études cardiologiques pédiatriques confirment la précocité du retentissement de l’hémoglobinopathie et ses différentes composantes sur la fonction cardiaque. Sur le plan physiopathologique, plusieurs facteurs contribuent simultanément à modifier la fonction cardiaque au cours de la drépanocytose homozygote : (14,15,16,17,18,19,20) - l’anémie chronique induit une augmentation du débit cardiaque et de la différence artério-veineuse en oxygène liée à la désaturation artérielle par accidents vasculaires et occlusifs pulmonaires avec élévation des pressions artérielles pulmonaires au repos et à l’effort ; - une élévation du volume d’éjection systolique liée à une baisse des résistances artériolaires périphériques, une augmentation du volume ventriculaire gauche télédiastolique compensée par une augmentation de la contractibilité globale du ventricule gauche ; - il existe peu d’études hémodynamiques au cours de la drépanocytose homozygote chez l’adulte ou chez l’enfant(21,22,23). L’élévation du débit cardiaque est due à la diminution de l’affinité pour l’oxygène de l’hémoglobine S et sa polymérisation entraînant un défaut de leur déformabilité avec constitution de shunts droit-gauche intrapulmonaires(23,24,25). La falciformation entraîne une dysfonction endothéliale et des lésions myocardiques myofibrillaires avec fibrose intersititielle et occlusive des artérioles coronaires intramyocardiques par des agrégats d’hématies falciformes et des microthrombi organisés. La réalité des myocardiopathies drépanocytaires reste discutée(26). Les études coronarographiques montrent souvent la normalité du réseau coronaire une augmentation du débit cardiaque et la baisse des résistances artérielles périphériques, expliquant la rareté des infarctus du myocarde ; l’hypertension artérielle, si elle existe, doit faire redouter une complication rénale de pronostic plus sévère(26,27,28).   Les données de la littérature   L’étude échocardiographique de Donatien publiée en 1989(25) compare la VCF et l’atteinte de la contractibilité ventriculaire gauche dans une série pédiatrique de 40 enfants homozygotes SS comparés à 25 enfants AS ou SC. Vingt-sept patients homozygotes sur 40 ont une VCF > 1 avec aspect de cœur anémique, une fonction systolique ventriculaire gauche normale, un index cardiaque élevé et 13 des patients homozygotes sur 40 ont une altération de la fonction pompe ventriculaire avec une VCF < 1(30,31,32,33,34). L’étude de Taylor, parue dans la revue Post Graduate Medical Journal en 2004(36) sur une série rétrospective de 45 patients des Bahamas affectés d’une drépanocytose homozygote et ayant présenté 63 épisodes d’Acute Chest Syndrome répartis en trois groupes d’effectif comparable selon l’âge (< 13 ans, 13-18 ans, et plus de 19 ans), montre 62 % des femmes et 38 % d’hommes. 79 % des patients de 13-18 ans présentaient un syndrome douloureux thoracique fébrile ; 21 % des patients hospitalisés pour des crises vaso-occlusives ont développé ultérieurement durant l’hospitalisation un ACS voués d’une mortalité de 25 % par embolie pulmonaire ou l’infarctus du myocarde ou infectieuse dans 29,4 %. Le taux de plaquettes sanguines était plus bas dans le groupe des patients de moins de 13 ans. En 2000, dans la revue New England Journal of Medecine, Vichinsky(37) publie une étude multicentrique de 671 épisodes d’ACS chez 538 patients affectés d’une drépanocytose ; 50 % des patients étaient hospitalisés pour un motif différent, dont 46 % par détresse respiratoire et 38 % des cas d’infarctus non transmuraux et d’une mortalité fréquente était de 14 % des cas observés. En 2006, dans la revue Hematologica Subha, V. Raman(38) analyse la perfusion myocardique et la réserve coronaire par IRM et par scanner coronaire chez 22 patients adultes affectés d’une drépanocytose après stimulation par adénosine. L’électrophorèse des patients montrait une hémoglobine SS chez 19 patients (86 % des cas), une hémoglobine SC chez 2 patients (9 % des cas), 8 patients observés vont présenter un syndrome douloureux thoracique dans cette étude. Trois patients SS sur 19 ont une perfusion sous-endocardique anormale et après vasodilatateur, 1 patient SS sur 19 a présenté une ischémie sévère sous stress, nécessitant l’arrêt de la perfusion et 9 patients ont une image d’infarctus myocardique en post-gadolinium. Par rapport au groupe témoin, les patients SS ou SC avaient un volume ventriculaire indexé plus important (88 ± 26 ml/m2 versus 71 ± 18 ml/m2 ; p = 0,005) une fonction systolique préservée (58 ± 6 % versus 60 ± 8 % ; p = NS). Le réseau coronaire épicardique apparaissait sain en angiographie chez tous les patients et l’analyse des sous-groupes montre que trois patients ont une ischémie microvasculaire comme dans les désordres microvasculaires du diabète, l’obstruction d’un gros tronc coronaire épicardique est rarement décrit dans cette étude et dans la littérature. En comparaison avec les techniques classiques de détection de l’ischémie myocardique, le thallium d’effort apparaît de sensibilité inférieure et le taux élevé de faux positif réduit sa spécificité diagnostique. Depuis, différents auteurs utilisant la technique de tomoscintigraphie au Thallium (SPECT) montrent l’existence d’un défect myocardique chez 32 % des enfants étudiés, les patients présentant des défects scintigraphiques sont plus âgés, ont des antécédents plus marqués de crises vaso-occlusives et un taux d’hémoglobine plus abaissé.

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