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Coronaires

Publié le 26 avr 2005Lecture 10 min

ARM des artères coronaires

J.-M. SERFATY et J.-P. LAISSY, hôpital Xavier-Bichat, Paris

Si l’artériographie diagnostique a largement cédé le pas aux techniques non invasives dans les pathologies artérielles cérébrales, du tronc ou des membres inférieurs, il reste un domaine vasculaire où elle garde sa place entière : les artères coronaires. L’imagerie coronaire a ceci de particulier qu’elle nécessite d’excellentes résolutions temporelle et spatiale, capables d’imager des structures de petite taille, tortueuses dans l’espace et en mouvement constant.

La visualisation des premières artères coronaires en IRM dans les années 90 avait donné de grands espoirs quant à la possibilité rapide de développer une technique non invasive capable de supplanter l’artériographie pour l’exploration des artères coronaires. En 2004, pourtant, force est de constater que la coronarographie IRM (ARM coronaire) ne fait pas partie en routine clinique de l’arsenal technique d’exploration des artères du cœur et cela pour plusieurs raisons : • l’acquisition d’une ARM coronaire nécessite encore un temps d’acquisition long (40 min au minimum, si tout se passe pour le mieux, pour l’exploration des artères coronaires droite et gauche) ; • l’acquisition nécessite une bonne collaboration du patient ; • la résolution spatiale est limitée à 700 µm par pixel au mieux (soit 4 pixels pour analyser des artères de 3 mm de diamètre) ; • les techniques d’acquisition restent variables d’un centre à l’autre en raison des machines utilisées et de l’extrême variabilité des séquences ; • les logiciels de reconstruction sont peu performants, peu adaptés à la géométrie tortueuse des artères coronaires. L’ARM des artères coronaires a-t-elle donc un avenir, d’autant plus que le scanner multibarettes connaît un cycle de développement sans précédent dans ce domaine ?   Techniques d’ARM coronaires Si l’on réalise un petit tour d’horizon technique avant de se lancer dans l’imagerie des artères coronaires, on comprend très vite qu’une multitude de choix sont possibles pour la réalisation des acquisitions. En pratique, ces choix peuvent se résumer en questions.   2D ou 3D ? Les premières séquences développées pour l’imagerie des artères coronaires l’ont été en 2D. L’apparition des séquences en dimensions 3D semble cependant faire consensus en raison des avantages procurés : • l’obtention d’un rapport signal sur bruit plus élevé, • la reconstruction de coupes fines chevauchées, • la possibilité de faire le posttraitement des images à partir d’un volume. En pratique, la plupart des centres utilisent aujourd’hui des séquences 3D écho de gradient, avec saturation de graisse afin d’effacer le signal de l’épicarde.   Synchronisation cardiaque et acquisition au cours de la diastole pour tous ? Toutes les séquences d’ARM coronaires sont synchronisées à l’ECG, les données étant acquises au cours de la diastole au cours de laquelle le mouvement des artères coronaires est minimal. L’étude du mouvement des artères coronaires au cours de la diastole est cependant artère-dépendant. L’artère coronaire droite s’immobilise à un moment différent de la diastole par rapport à l’artère coronaire gauche et ce de manière variable d’un patient à l’autre. La recherche de la fenêtre temporelle d’immobilité de l’artère coronaire droite puis gauche doit donc être réalisée en début d’acquisition.   Apnée ou respiration libre ? L’annulation du mouvement respiratoire est indispensable à l’acquisition d’une ARM coronaire. En théorie, l’apnée apparaît comme simple et idéale, mais oblige à des temps d’acquisition courts, < 20 secondes, qui limitent la résolution spatiale (1 mm par pixel) (figure 1). La qualité de l’apnée est également très variable d’un patient à l’autre, de qualité insuffisante dans 35 % des cas, moyenne dans 30 % des cas, et satisfaisante dans les 35 % restants. Figure 1. Reconstruction MPR de l’aorte ascendante (Ao), du tronc de l’artère coronaire gauche, de l’IVA et d’une diagonale (flèches). Acquisition 3D écho de gradient balancé, en apnée, sans injection de produit de contraste. Absence de sténose visible. L’alternative à l’apnée est l’utilisation d’une technique de suivi du mouvement respiratoire au cours de l’acquisition. Le patient respire librement. L’acquisition est beaucoup plus longue (5 min par artère coronaire), mais permet l’acquisition d’images d’une résolution spatiale supérieure (700 µm par pixel). Cette séquence est donc plus robuste à condition que les patients aient une respiration régulière (figure 2). Figure 2. Reconstruction Soap Bubble d’artère coronaire gauche (la flèche objective une « moustache » de Cabrol implantée sur l’aorte). Acquisition 3D écho de gradient balancé, en respiration libre, sans injection de produit de contraste. En pratique, le choix peut être mixte. L’acquisition en apnée peut être privilégiée chez les patients coopérants dont l’apnée est de bonne qualité. L’acquisition en respiration libre peut être sélectionnée si l’apnée est de qualité insuffisante.   Produit de contraste ou non ? L’administration de dérivés de gadolinium peut être utilisée pour augmenter le contraste entre les artères coronaires et les structures avoisinantes. De nombreux centres l’utilisent, en particulier pour rehausser le signal et le contraste lors des acquisitions en apnée. Malgré l’obtention de résultats encourageants, l’utilisation de contrastes en ARM coronaire reste du domaine de l’expérimentation, aucune étude n’ayant démontré cliniquement sa supériorité.   Acquisition cœur entier ou de chaque artère coronaire l’une après l’autre ? Quelques études récentes recommandent l’acquisition d’un volume incluant l’ensemble du cœur. Ces études procèdent alors à des reconstructions post-examen sur console. L’acquisition cœur entier est beaucoup plus longue que les acquisitions dédiées à chaque artère coronaire. Cette lenteur augmente le risque d’instabilité respiratoire des patients. Pour ces raisons, les acquisitions successives de l’artère coronaire droite, de l’IVA puis de la circonflexe restent à ce jour les plus fréquemment utilisées.   Acquisition écho de gradient balancé linéaire ou acquisition spiralée ? Le flou des artères coronaires en ARM est directement lié à leur mouvement corrélé à la contraction cardiaque ou la respiration. Plus la fenêtre d’acquisition au cours de la diastole est longue, plus l’image est floue. En pratique, les séquences écho de gradient balancé ont une fenêtre d’acquisition d’environ 100 ms au cours de la diastole. Les séquences spiralées ont une fenêtre beaucoup plus courte (30 à 40 ms). Le mode spiralé ne semble pourtant pas réduire les artefacts de mouvement de manière significative. Il semble que ce type d’acquisition souffre d’une plus grande sensibilité naturelle au mouvement. En pratique les deux séquences sont utilisées.   Visualisation de la lumière (séquence sang blanc) ou de la paroi (séquence sang noir) ? Les séquences d’ARM coronaire peuvent être modifiées pour annuler le signal du sang et rehausser le signal de la paroi. L’imagerie sang noir est idéale pour l’appréciation de la charge athéromateuse au sein des artères coronaires. Elle est particulièrement adaptée à l’artère coronaire droite, dont le trajet est beaucoup moins tortueux que les branches coronaires gauches. L’appréciation du risque coronaire est une application intéressante de cette technique. Les séquences utilisées en ARM coronaire sont donc très variables d’un centre à l’autre, en raison des multiples combinaisons possibles. La seule partie de l’examen relativement stéréotypée est la conduite des acquisitions qui incluent une étape (la plus longue) de repérage des artères coronaires (droite, circonflexe, IVA), une étape de calcul des fenêtres d’acquisition optimales pour chaque artère coronaire, et une étape d’acquisition des données (rapide en apnée, 20 min en respiration libre). Sur le plan de la programmation de l’examen, l’imagerie des artères coronaires est un examen en soi, qu’il est encore difficile d’intégrer à une exploration complète du cœur (viabilité). Seules les acquisitions en apnée peuvent être réalisées à la fin d’une exploration myocardique (étude de viabilité) et ce, uniquement si les séquences de repérage ont été judicieusement intégrées aux séquences de repérage des cavités cardiaques. Le posttraitement des images IRM est long et fastidieux, du fait de la tortuosité des artères coronaires. Il faut utiliser les reconstructions MPR obliques ou curvilinéaires, en sachant que celles-ci ne sont valables que pour le trajet d’une seule artère coronaire et ne permettent pas, bien souvent, de voir les branches collatérales. Lorsqu’une sténose est visualisée, il faut essayer de la confirmer par des reconstructions MPR orthogonales pour éviter de générer un faux positif en rapport avec une tortuosité ou un volume partiel sur le vaisseau. Si la détection de la sténose est réalisable, sa quantification est, en revanche, beaucoup plus malaisée. Certains constructeurs proposent depuis peu d’autres modes de reconstructions avec des techniques appelées soap bubbles. Ces reconstructions permettent une visualisation en 3D de meilleure qualité des artères coronaires principales et de leurs branches. L’obtention des images est cependant longue puisqu’elle nécessite le traçage manuel de chaque axe coronarien.   Des images pour faire quoi ? Performances diagnostiques   Recherche d’un trajet aberrant des artères coronaires Une anomalie des artères coronaires est rapportée avec une fréquence de 0,2 à 1,2 % de la population. L’association de trajets aberrants avec des morts subites a été rapportée lorsque l’artère passe entre l’aorte et la chambre de chasse du ventricule droit. Cette anomalie est parfaitement identifiée sur l’ARM coronaire. Dans deux études en aveugle utilisant des séquences disponibles dès 1993, chez 35 patients avec des anomalies d’origine aortique des artères coronaires, l’ARM a pu identifier le trajet anormal dans 97 % des cas.   Évaluation de la perméabilité d’un pontage Le contrôle des pontages coronariens par ARM a fait l’objet de plusieurs études. Les pontages mammaires et aorto-coronaires par veine saphène ont l’avantage d’avoir un calibre plus important que celui des coronaires natives, et une mobilité réduite par rapport à ces dernières. L’utilisation de séquences sans synchronisation cardiaque en plus des séquences décrites ci-dessus pour l’imagerie des coronaires est donc possible. Des sensibilités de 80 à 100 % pour des spécificités de 67 à 93 % ont été rapportées selon les techniques utilisées. Dans tous les cas, les erreurs sont liées à la présence d’artefacts métalliques en provenance des clips chirurgicaux, et au manque de résolution spatiale sur les sténoses serrées. Certains auteurs suggèrent aujourd’hui l’utilisation de séquences de flux pour le diagnostic de perméabilité. Les résultats semblent supérieurs aux techniques d’acquisition conventionnelles pour le dépistage des sténoses de plus de 50 % (sensibilité/spécificité : 94/96 %), mais sont encore insuffisants pour le dépistage des sténoses de plus de 70 % (sensibilité/spécificité : 63/92 %). L’association de plusieurs techniques d’acquisition en IRM pourrait permettre d’améliorer la précision diagnostique.   Recherche de sténoses sur l’arbre coronarien Des améliorations constantes en termes de sensibilité, mais pas encore de spécificité, ont été obtenues en évoluant des séquences 2D aux séquences 3D écho-naviguées ou en apnée. L’étude multicentrique servant encore à l’heure actuelle de référence a été publiée par Kim et al. (figure 3). Cent neuf sujets ont été inclus dans l’étude, pour une prévalence de la maladie athéromateuse de 59 %. Les auteurs se sont limités à une interprétation des 7 segments principaux (tronc, IVA segments I et II, circonflexe segments I et II, coronaire droite segments I et II). Les résultats de cette étude ont retrouvé une sensibilité et une spécificité de 88 et 58 % respectivement pour le diagnostic d’une sténose de plus de 50 % (VPP = 75 %, VPN = 75 %), 85 % des segments identifiés en artériographie étant analysés. Une sensibilité de 100 % et spécificité de 88 % ont été publiées pour la recherche d’une sténose sur le tronc ou l’individualisation des patients tritronculaires. On notera que cette étude a été réalisée en respiration libre sur des machines optimisées pour l’imagerie cardiaque, ce qui n’est pas le cas de toutes les IRM disponibles en France. On notera également que depuis 2001, de larges améliorations ont été apportées aux techniques de synchronisation respiratoire, qui devraient permettre aujourd’hui de largement améliorer ces résultats. Figure 3. Artère coronaire droite. Acquisition en coronarographie et IRM sang noir. On note (flèches) la présence d’irrégularités pariétales du segment II à la coronarographie, confirmée à l’IRM par un épaississement pariétal diffus qui peut être quantifié (Kim WY et al, Circulation 2002). En ce qui concerne les sé-quences de type spiralé hélas, aucune étude suffisante n’a encore fait état des performances diagnostiques de la méthode.   Recherche de plaques sur l’arbre coronarien Certaines équipes ont proposé l’utilisation de séquences en sang noir pour évaluer la charge athéromateuse et le risque coronarien des patients. La reproductibilité de la technique sur l’artère coronaire droite a été démontrée, tout comme la reproductibilité d’une mesure moyenne de l’intima média le long de cette artère. Aucune étude clinique sérieuse n’a cependant été publiée pour le moment qui démontrerait une relation entre la mesure de la charge athéromateuse à ce niveau et le risque coronarien. La possibilité de voir les plaques le long de cette artère avant même l’apparition d’une sténose ouvre cependant la possibilité de détecter d’éventuelles plaques à risque, masquées par la dilatation luminale compensatrice initiale en angiographie. L’amélioration de la résolution spatiale par des antennes de meilleure qualité devrait permettre le développement de cette technique.   En conclusion De nombreux progrès ont été réalisés depuis 10 ans dans le domaine de l’imagerie des artères coronaires en IRM. Le plus notable est la possibilité d’obtenir un examen interprétable chez plus de 85 % des patients pour les principaux segments coronariens. Une telle performance est venue de la compréhension et de la prise en charge des phénomènes générateurs de mouvement des artères coronaires. La recherche d’une sténose significative du tronc par IRM, d’une occlusion d’un pontage ou d’un trajet anormal d’une artère coronaire sont donc des indications de choix pour l’ARM coronaire. L’ARM coronaire souffre cependant aujourd’hui d’une large disparité des techniques disponibles, dont la qualité est variable, ce qui oblige à ne réserver ce type d’exploration qu’à quelques centres experts. Il faut espérer que l’amélioration des antennes et des séquences permettra une simplification des acquisitions au cours des années à venir, et donc une démocratisation de l’ARM coronaire, technique non invasive et non irradiante.

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