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Insuffisance cardiaque

Publié le 17 mai 2005Lecture 9 min

Assistance circulatoire implantable : avancée vers une implantation chronique

J.-L. DUBOIS-RANDÉ, E. VERMES et M. KIRSCH, CHU Henri Mondor, Créteil, Paris 12

L’assistance circulatoire a maintenant des indications bien codifiées dans l’insuffisance cardiaque aiguë. Ces assistances sont placées en général comme ponts vers une transplantation, même si certains patients ont pu être sevrés lorsque l’atteinte myocardique était partiellement ou totalement réversible. L’expérience acquise en urgence mais également lors du suivi sur plusieurs mois — compte-tenu de délais de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois avant l’obtention d’un greffon — est aujourd’hui importante et amène au concept d’une assistance définitive.

L’assistance définitive doit également faire son chemin pour des raisons épidémiologiques. En effet, la prévalence de l’insuffisance cardiaque est élevée. Ainsi, les données européennes sont assez similaires à celles des États-Unis et montrent que l’insuffisance cardiaque concerne et concernera des patients âgés. Les traitements médicamenteux, associés d’ailleurs aux techniques de stimulation cardiaque (défibrillateurs inclus), décalent le problème de l’insuffisance cardiaque (IC) « réfractaire » au-delà de l’âge raisonnable pour la transplantation. Or, la dégradation d’un certain nombre de patients finalement relativement jeunes (65-70 ans), eu égard à nos critères occidentaux, pose des difficultés aux différentes équipes prenant en charge ces patients pour des décompensations cardiaques itératives. Compte-tenu de la mortalité de ces patients à ce stade, une réflexion vers une prise en charge de type soins palliatifs devient réalité dans nos unités de soins intensifs. Par ailleurs, les progrès vraisemblables dans le domaine de la thérapie cellulaire amènent au concept de transplantation cellulaire qui, pour les patients les plus graves, sera accompagnée d’une assistance cardiaque prolongée. Ainsi avance le concept du cœur artificiel à l’aube de ce siècle. Cependant de nombreuses questions se posent : certaines concernent les indications et d’autres la fiabilité des systèmes actuels (et futurs) sur le long terme.   Pronostic actuel de l’IC, limite du traitement et indications prévisibles d’une assistance cardiaque implantable Les progrès réalisés depuis 10 ans dans l’approche thérapeutique médicale de l’insuffisance cardiaque ont diminué la mortalité, donc allongé de plusieurs années la survie de ces patients. Parler d’assistance chronique aujourd’hui amène à identifier les patients dont le pronostic est défavorable à court terme et pour lesquels la transplantation conventionnelle est contre-indiquée.   Pronostic actuel de l’IC avec atteinte de la fonction systolique Lorsqu’on analyse les courbes de survie des patients en insuffisance cardiaque, ce sont les patients en classe NYHA IV, ayant eu plusieurs décompensations nécessitant des inotropes, qui ont la survie la plus courte. Les courbes de survie de l’étude COPERNICUS (CarvedilOl ProspEctive RaNdomIzed CUmulative Survival trial) identifient bien un groupe de patients à haut risque malgré leur mise sous bêtabloquants. La mortalité ou les réhospitalisations pour insuffisance cardiaque à 2 ans sont de l’ordre de 50 %. L’étude REMATCH (Randomized Evaluation of Mechanical Assistance for Treatment of Congestive Heart failure) est la première étude testant de façon randomisée l’assistance circulatoire chez des patients en classe NYHA IV ayant une VO2 < 12 ml/kg/min ou la nécessité d’inotropes. Elle montre à un an une survie meilleure (> 50 %) chez les patients assistés en comparaison avec les patients sous thérapeutique médicale (survie de l’ordre de 25 %). Un certain nombre de réserves méthodologiques existent mais, manifestement, il existe un groupe de patients identifiables à haut risque chez qui une assistance chronique serait envisageable.   Indications prévisibles de l’assistance La mise en place d’une assistance chronique pourrait être proposée chez les patients ne relevant pas ou plus de la transplantation cardiaque, ayant fait une ou plusieurs décompensations cardiaques graves, sevrés des thérapeutiques inotropes mais restant symptomatiques ou ayant une VO2 très basse (d’autres critères pronostiques existent : dispersion du QT, scintigraphie MIBG, natrémie, pressions pulmonaires d’occlusion, etc.). Cette question se pose aujourd’hui où l’on est de plus en plus amené à envisager des solutions de type soins palliatifs chez de tels patients en l’absence de solutions thérapeutiques supplémentaires (resynchronisation ventriculaire ± défibrillateurs). Par ailleurs, cela devrait être envisagé avant une dégradation trop importante de l’état général (cachexie) et lorsque le pronostic extracardiaque à moyen terme du patient n’est pas en cause. Des propositions de scores ont pu être faites mais mériteraient d’être testées de façon prospective chez de tels patients.   Approche combinée : assistance-circulatoire-thérapie cellulaire Parallèlement aux progrès de l’assistance circulatoire, se déroule une avancée thérapeutique majeure autour de la régénération du muscle cardiaque. La thérapie cellulaire est un domaine de recherche très important et les données en clinique humaine sont encore essentiellement publiées dans le cadre de l’infarctus du myocarde. En ce qui concerne la pathologie chronique, quelques publications ont montré la faisabilité de transplantation de cellules lors la mise en place d’une assistance. Le travail est encore long pour envisager et évaluer, dans la cardiopathie dilatée, l’implantation de cellules actives en pratique clinique mais l’histoire a commencé comme en témoigne le travail pionnier de P. Ménashe. Le choix du type cellulaire (espoirs des greffes de cellules embryonnaires) est encore l’objet de débats complexes mais il est raisonnable de penser qu’une vraie thérapeutique verra le jour dans les prochaines années. Celle-ci relancerait la nécessité d’une assistance circulatoire associée aux greffes cellulaires intramyocardiques, avec l’espoir du sevrage possible de l’assistance. La notion de fiabilité de celle-ci relèverait peut-être de l’ordre de plusieurs mois et non du long terme (plusieurs années), comme c’est le cas aujourd’hui, ce qui simplifierait d’autant plus ces systèmes.    Fiabilités des systèmes d’assistance circulatoire Le bénéfice de l’assistance mécanique de la circulation (AMC) reste actuellement limité par une incidence élevée de complications hémorragiques, thromboemboliques et infectieuses, de dysfonctionnement mécanique de pompe. Ainsi, si l’AMC doit devenir une alternative raisonnable au traitement médical chez des patients non candidats à la transplantation cardiaque, une amélioration de la biocompatibilité et de la fiabilité des systèmes d’AMC est indispensable.   Biocompatibilité des systèmes d’AMC La survenue de complications est favorisée par les perturbations de l’homéostasie sanguine qu’entraîne la mise en place d’une AMC. Ces perturbations affectent à la fois l’hémostase (activation des plaquettes, de la coagulation et de la fibrinolyse), l’inflammation (activation du complément et libération de cytokines) et les cellules immunocompétentes (altération de l’immunité à médiation cellulaire et activation polyclonale des lymphocytes B). À distance de l’implantation, l’activation de ces différentes cascades biochimiques et cellules sanguines semble être liée en grande partie aux développements d’une néo-intima biologiquement active à la surface des biomatériaux constitutifs (canules et ventricules) des systèmes d’ACM. L’amélioration de la biocompatibilité des surfaces des systèmes d’AMC peut être envisagée selon différentes approches : la modification de leurs propriétés physiques (surfaces texturées vs surfaces lisses), chimiques (greffe d’un composant hydrophile, utilisation de revêtements phospholipidiques mimant les membranes plasmatiques), l’intégration de composants bioactifs (surfaces préhéparinées), ou la création de surfaces biologiques (ensemencement par cellules musculaires lisses ou chondrocytes génétiquement modifiées) sont des techniques en cours d’évaluation.   Fiabilité des systèmes d’ACM Les pompes volumétriques ont été les premières à être utilisées dans les systèmes d’ACM car elles permettent de reproduire le fonctionnement du cœur natif et d’assurer un débit sanguin pulsé similaire à la circulation naturelle. Elles assurent l’écoulement du sang grâce à la variation de volume d’une ou de plusieurs capacités. Le liquide est aspiré dans la pompe lors de l’accroissement du volume de la capacité variable, et il est refoulé lors de sa diminution. La liaison entre la capacité variable et les canules d’admission et d’éjection est le plus souvent assurée par des valves. L’efficacité des pompes volumétriques dans la prise en charge des patients insuffisants cardiaques en attente de transplantation ou de récupération est désormais admise. Toutefois, les pompes volumétriques présentent également de nombreux inconvénients inhérents à leur mode de fonctionnement. Les variations de volumes de la capacité nécessitent de l’espace, rendant les pompes volumétriques relativement encombrantes. Cet aspect est peu problématique pour les systèmes d’assistance extra- (Abiomed) ou paracorporels (Thoratec). En revanche, les systèmes implantables (Novacor, Heartmate) nécessitent la création d’une volumineuse poche intra- ou prépéritonéale, sources de complications (hématome, infection) trop souvent létales. Par ailleurs, pour les systèmes implantables, les variations de volume de la capacité doivent être compensées par ceux d’une chambre de compliance implantable, ou bien par des mouvements d’air à travers une tubulure percutanée. Finalement, les variations de volumes de la capacité imposent l’existence de nombreux éléments mobiles (diaphragme, sac, moteur) dans la pompe. Il en résulte un fonctionnement complexe, source de dysfonctionnements et d’usure à long terme. La présence obligatoire de valves sur les voies d’admission et d’éjection est non seulement coûteuse, mais expose les patients aux risques inhérents aux prothèses valvulaires (accidents thromboemboliques, endocardites, dysfonction de valve). De plus, il semble exister dans les circuits d’assistance un risque accéléré de dysfonction structurale de la valve par rapport à l’évolution d’une prothèse valvulaire implantée en position anatomique. Les pompes volumétriques ont un faible rendement énergétique, rendant problématique leur fonctionnement prolongé sur accumulateurs. Enfin, elles sont bruyantes, limitant le confort du patient et de son entourage. Il est à noter que, dans l’étude REMATCH, le dysfonctionnement de pompe a été la seconde cause de décès chez les patients assistés. Plus récemment, Birks et al. ont rapporté une incidence de 7,8 % de dysfonctionnement majeur chez 102 patients assistés par Heartmate ou Thoratec. Ainsi, l’incidence cumulative de dysfonctionnement a été de 6 %, 12 %, 27 % et 64 % à 6 mois, 1 an, 18 mois et 2 ans après implantation. Ces dernières années ont vu se développer des systèmes d’ACM utilisant des turbopompes. Celles-ci sont caractérisées par la continuité de leur fonctionnement : pour un régime de marche donné, l’état du fluide (en particulier sa pression) reste invariable. L’écoulement du liquide dans une turbopompe peut être radial ou axial ; il en résulte que les turbopompes se divisent en pompes centrifuges et pompes axiales. Au sein de chaque catégorie, il est possible de distinguer les pompes de « première génération », dans lesquelles la turbine est soutenue par un axe (MicroMed DeBakey, Jarvik 2000, Heartmate II), et les pompes de « deuxième génération » où les turbines sont suspendues dans un champ magnétique (Incor, Terumo). Les turbopompes ont de nombreux avantages théoriques comparativement aux pompes volumétriques. • En effet, l’absence de capacité variable rend les turbopompes significativement moins encombrantes. Ainsi, leur implantation peut se faire en intrapéricardique sans délabrement tissulaire important. • Par ailleurs, la surface de contact avec le sang du patient est significativement réduite comparativement aux pompes volumétriques, permettant d’espérer une moindre activation sanguine lors de leur utilisation au long cours. • La diminution du nombre d’éléments mobiles et l’absence de valves sur les voies d’admission et d’éjection de la pompe réduisent le risque de dysfonctionnement et d’usure du matériel. Ainsi, l’absence totale de frottement dans les turbopompes de deuxième génération (Incor, Terumo) devrait significativement améliorer la durée de fonctionnement de la pompe. • Enfin, les turbopompes sont silencieuses, permettant un meilleur confort de vie du patient et de son entourage. Malgré ces avantages théoriques, le caractère non pulsatile du régime circulatoire assuré par les turbopompes a longtemps entravé leur utilisation pour l’AMC de longue durée. Une assistance pulsatile semble être avantageuse pour réanimer un choc cardiogénique compliqué de défaillance multiviscérale. Toutefois, en dehors de ce contexte, l’organisme semble s’adapter parfaitement à un régime circulatoire non pulsé, à condition d’assurer un débit sanguin minimal de 90 ml/kg/min et une pression de perfusion moyenne normale. Par ailleurs, l’expérience clinique montre que les patients assistés par turbopompes maintiennent une certaine pulsatilité liée à l’activité résiduelle de leur cœur. L’intérêt d’une pulsatilité atténuée reste toutefois à évaluer.   En pratique   En raison de ces différentes caractéristiques, les systèmes d’ACM utilisant des turbopompes sont particulièrement attractifs dans l’objectif d’une implantation définitive. Ainsi, de nombreuses études cliniques sont actuellement en cours afin d’évaluer la fiabilité de ces systèmes, dans un premier temps en attente de transplantation, puis ultérieurement, à visée définitive.

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