publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Vasculaire

Publié le 04 oct 2005Lecture 6 min

Athérome protusif au niveau de la crosse aortique

M. JAMAL et P. JARNIER, CH de Périgueux R. ROUDAUT, CHU de Haut-Lévêque, Bordeaux

Près de 60 % des patients > 60 ans ayant un antécédent d’AVC présentent une maladie athérosclérotique de l’artère aortique.
Cette pathologie est un facteur prédictif puissant de la récidive d’AVC et d’autres événements cardiovasculaires.

Observation Madame Z., âgée de 76 ans, hypertendue, diabétique de type 2, traitée par metformine, candésartan et pravastatine, est hospitalisée en novembre 2004 en pneumologie pour une pneumopathie. Le scanner thoracique réalisé dans le cadre de cette affection ne montre pas d’anomalie significative au niveau du parenchyme pulmonaire. En revanche, il met en évidence une image lacunaire pariétale interne sous la crosse de l’aorte (figure 1). Son échographie transthoracique (ETT) est normale, l’écho transœsophagienne (ETO) confirme la présence au niveau de la crosse juste avant l’origine de la sous-clavière gauche, d’une masse protrusive de 2,9 cm de diamètre antéropostérieure, hypoéchogène, multilobée, de base d’implantation large, avec un segment mobile (figure 2), évoquant un athérome protrusif. Figure 1. TDM : Image lacunaire interne sous la crosse de l’aorte. Figure 2. ETO : masse protusive au niveau de la crosse. Discussion La maladie athérosclérotique de l’arche aortique est rapportée chez 60 % des patients Ž 60 ans ayant un antécédent d’AVC ischémique. Le groupe français de travail sur les AVC ischémiques et la pathologie aortique a démontré qu’une plaque dont l’épaisseur est > 4 mm est un critère de gravité et un facteur prédictif puissant de la récidive des AVC et autres événements cardiovasculaires après ajustement de toutes les autres variables (FA, sténose carotidienne, maladie artérielle périphérique et nature de traitement). Dans ce travail, il est noté que les courbes de survie divergent très nettement et très tôt selon l’épaisseur de la plaque (figure 3). Le mécanisme physiopathologique sous-jacent est semblable à celui des autres artères avec des petites nuances dues à l’importante épaisseur de la média de l’artère. Figure 3. Survie selon l’épaisseur de la plaque. Morphologie de la plaque L’ETO est le moyen diagnostique le plus rentable. C’est un examen semi-invasif, actuellement disponible dans la majorité des services de cardiologie. Un certain nombre de classifications échographiques de l'athérome aortique sont basées sur l'épaisseur des plaques aortiques et de leur morphologie. Chez les patients avec des plaques multiples, l'épaisseur de la plaque la plus épaisse est mesurée. La plupart des auteurs ont classé la plaque de l'aorte comme suit : • grade I : aucune maladie ou une intima à peine épaissie ; • grade II : épaississement intimal étendu mais sans plaques mesurables ; • grade III : plaque saillante < 5 mm d'épaisseur ; • grade IV : plaques protrusives avec une épaisseur = 5 mm ; • grade V : plaque protrusive avec débris mobiles. Outre son épaisseur et sa localisation, l’ETO donne une approche « morpho-histologique », (que les anatomo-pathologistes nous pardonnent l’expression). A. Cohen a démontré que les irrégularités de la surface d’une plaque définissent son caractère ulcéré. Une plaque hyperéchogène caractérise une plaque calcifiée. Une plaque hypoéchogène est une plaque non-calcifiée, souvent associée à des fragments libres, les débris. Cette forme de plaque est la plus redoutable en termes de potentiel emboligène (figure 4). D'autres classifications décrivent comme plaque simple un épaississement intimal diffus et une petite masse protrusive. La plaque complexe est définie comme une plaque très protusive, ulcérée avec des éléments mobiles. Figure 4. Potentiel emboligène en fonction de la structure de la plaque. L’athérome aortique est utilisé comme marqueur pour prédire d’autres localisations athérothrombotiques, notamment coronariennes. La sensibilité de cette méthode est de 95 % et sa spécificité est de 88 % pour des lésions coronariennes significatives. Le potentiel emboligène de la plaque est lié à son épaisseur, à la présence de thrombi et d’éléments mobiles. Dans le même ordre d’idée, l’épaisseur de l’intima aortique est un marqueur prédictif des AVC au décours de la chirurgie de revascularisation aorto-coronaire.   Évolution de la plaque Tunick et coll. ont noté que l’incidence des embolisations systémiques est de 33 %/an dans une étude menée chez 42 patients présentant des plaques protrusives. Pendant cette même période, l'incidence des embolies systémiques chez les sujets témoins sans athérome a été de 7 %. Dans l’étude du groupe français, l’incidence de récidive des AVC ischémiques a été de 12 % chez les patients avec une plaque dont l’épaisseur est 4 mm et de 3 % en présence de plaques inférieures ou égales à 1 mm. Pour les autres événements vasculaires (infarctus du myocarde, occlusion rétinienne et embolies périphériques), l’incidence a été de 26 % dans le premier groupe versus 6 % dans le deuxième groupe.   Stratégies thérapeutiques   Place des AVK et antiagrégants plaquettaires Les AVK et l’aspirine n’empêchent pas la formation de nouvelles plaques ni d’éléments mobiles ; néanmoins ces deux classes thérapeutiques sont certainement dotées d’un effet protecteur. Laperche, sur une série de 13 jeunes patients avec antécédent d’AVC et plaque complexe mis sous AVK, a noté l’absence de récidive chez 12 d’entre eux, le treizième est décédé d’un infarctus mésentérique massif. L’effet bénéfique des AVK dans ces petites séries ne fait pas l’unanimité des auteurs. Certains même conseillent de s’abstenir d’utiliser les AVK. Ils avancent comme arguments que ces traitements pourraient favoriser l’hémorragie intraplaque et la fragmentation des éléments mobiles, facilitant ainsi leur embolisation. Ces auteurs s’appuient sur le fait que la composition de débris mobiles est faite d’un complexe hétérogène associant thrombus, tissu fibreux, lipides et calcium. Le rôle des antiagrégants plaquettaires est aussi contesté que celui des AVK. Toutefois, les antiagrégants stabilisent la plaque grâce à leur action anti-inflammatoire. Le choix entre un AVK et un antiagrégant est rendu difficile par le caractère dynamique de la composition de la plaque. La présence d’une AC/FA chez ces patients augmente considérablement le risque d’AVC et impose un traitement antithrombothique efficace, souvent par l’association AVK + aspirine. Dans un sous-groupe de l’étude SPAF (Stroke Prevention in Atrial Fibrillation) III, la relation entre certains paramètres de l’ETO, parmi lesquels la présence d’une plaque complexe, et les AVC chez les porteurs de AC/FA non-valvulaire, ont été étudiés. Chez 136 patients porteurs d’une plaque complexe, l’incidence des AVC a été de 15,8 % dans le groupe aspirine + warfarine à taux d’anticoagulation faible, versus 4 % chez les patients à taux d’anticoagulation correcte. Mais cette étude est controversée puisque l’effet favorable des AVK est plutôt dû à la présence de la FA qu’à celle de la plaque même.   Le traitement chirurgical Il est à considérer en cas d’AVC et d’embolies systémiques à répétition malgré un traitement antithrombotique bien conduit. La procédure consiste soit à remplacer le segment de l’aorte atteint, soit à réaliser une thromboendartériectomie. Les séries de chirurgie pure pour un athérome aortique sont rares, la plupart des séries sont une association avec une autre chirurgie cardiaque de revascularisation ou un remplacement valvulaire d’où la difficulté d’interpréter les résultats. Mais une chose est sûre, c’est une chirurgie à haut risque. L’étude systématique de l’aorte ascendante et de la crosse dans les suites des AVC pourra élargir le champ des indications chirurgicales. La présence d’une plaque complexe est une contre-indication au cathétérisme artériel rétrograde. Si cette procédure est indispensable, il est préférable de la réaliser par voie radiale. Lors d’une chirurgie cardiaque, la localisation exacte de la plaque est indispensable pour le choix du site de cannulation. Lorsque l’athérome aortique est sévère, la manipulation de l’aorte augmente considérablement le risque d’AVC lors d’une chirurgie valvulaire ou de revascularisation aorto-coronaire. Pour minimiser le risque d’AVC consécutif à la chirurgie de revascularisation, il est préférable dans certaines situations de réaliser ce geste sans CEC. La réalisation systématique de l’ETO dans le bilan des AVC montre l’importance de la responsabilité de cette pathologie comme facteur étiologique. Sa présence est un marqueur important de risque. Son traitement n’est pas encore bien codifié. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

Vidéo sur le même thème