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Thérapeutique

Publié le 12 juin 2007Lecture 12 min

Biothérapies et pathologies cardiovasculaires : où en est-on en 2007 ?

G. LEMESLE, F. MOUQUET, S. SUSEN, C. BAUTERS, B. JUDE et E. VAN BELLE, Centre hospitalier régional et universitaire de Lille

Les maladies cardiovasculaires sont toujours, au XXIe siècle, un problème majeur de santé publique et représentent la première cause de morbi-mortalité dans les pays industrialisés. Elles résultent en majeure partie de l’athérosclérose et de sa complication la plus dramatique, l’infarctus du myocarde (IDM). Les approches thérapeutiques actuelles améliorent la survie à court terme, mais sont malheureusement parfois insuffisantes pour éviter l’évolution vers le stade terminal de la maladie. Le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques est donc indispensable. Parmi ces nouvelles stratégies, une place toute particulière s’offre aux biothérapies.

En effet, de nombreux modèles expérimentaux ont déjà montré des résultats encourageants à la fois pour la thérapie cellulaire mais également pour la thérapie génique de l’angiogenèse. Forts de ces premiers résultats expérimentaux et après que les essais cliniques de phase I aient montré l’inocuité de ces approches, les premiers essais de phase II ont été réalisés et leurs résultats sont encourageants. Le but de cette revue est de faire le point sur les récents essais cliniques de biothérapies dans le cadre des maladies cardiovasculaires. Depuis de nombreuses années maintenant, les maladies cardiovasculaires, et notamment la pathologie athéroscléreuse, sont la première cause de morbi-mortalité dans les pays industrialisés(1-4). La prise en charge thérapeutique habituelle de la maladie athéroscléreuse a permis d’améliorer le pronostic des patients. Toutefois, les traitements classiques sont parfois insuffisants pour éviter l’évolution vers le stade terminal de la maladie et le taux de mortalité des patients atteints d’athérosclérose symptomatique reste élevé. Par exemple, le taux de mortalité des patients atteints d’une IC postischémique reste de l’ordre de 10 % à un an malgré l’association des traitements médicamenteux (bêtabloquants et IEC), de la stimulation biventriculaire et du défibrillateur automatique implantable(2). Le développement de nouvelles approches thérapeutiques est donc indispensable. Parmi elles, les biothérapies semblent prendre une place toute particulière. Le développement actuel des biothérapies concerne deux grands axes : la thérapie cellulaire et la thérapie génique de l’angiogenèse. Deux situations cliniques sont particulièrement explorées : l’insuffisance cardiaque post-ischémique (ICPI) et l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI). Le but de cette revue est de faire le point sur les biothérapies dans le cadre des pathologies cardiovasculaires. Nous développerons ici les avancées récentes des biothérapies (essais cliniques récents) successivement dans l’ICPI et l’AOMI.   Biothérapies et insuffisance cardiaque postischémique   Introduction L’IC chronique est une pathologie fréquente et grave. La cardiopathie ischémique et plus spécifiquement l’IDM en est la principale cause(2). L’IDM entraîne, en effet, une perte définitive et parfois massive de cardiomyocytes qui sont remplacés par une cicatrice fibreuse non contractile conduisant ainsi à l’IC. Les biothérapies, seule approche régénérative à l’heure actuelle, laissent entrevoir une potentielle reconstitution partielle du tissu myocardique nécrosé (avec restitution de la fraction d’éjection ventriculaire) et/ou l’induction de la formation de néovaisseaux (dans le but de prévenir le remodelage et l’évolution vers l’insuffisance cardiaque).   Résultats des essais cliniques récents Les principales caractéristiques et résultats des études cliniques de phase II sont résumés dans le tableau 1. ICPI chronique : l’étude Myoblast Autologous Grafting in Ischemic Cardiomyopathy (MAGIC) est à ce jour la seule étude de phase II publiée dans le cadre du traitement de la cardiopathie ischémique chronique. Elle a comparé trois groupes : un groupe placebo (n = 39), un groupe injection de myoblastes autologues faible dose (n = 39) et un groupe injection de myoblastes autologues forte dose (n = 38). L’injection était réalisée chirurgicalement par voie intramyocardique épicardique. Les patients inclus devaient être atteints d’une ICPI chronique (FEVG < 35 %) nécessitant une revascularisation coronaire par pontage. Ils devaient également présenter un territoire non viable et non revascularisable dans lequel étaient injectés les myoblastes. Les résultats préliminaires, présentés lors du congrès de l’AHA 2006, ont montré un bénéfice dans le groupe forte dose, sur la limitation du remodelage VG 6 mois après l’administration des cellules. Aucune différence significative n’était notée en termes de fonction ventriculaire gauche. En termes de tolérance, il n’a pas été retrouvé de surrisque rythmique entre les trois groupes (tous les patients bénéficiaient de l’implantation d’un défibrillateur automatique en prévention primaire). ICPI aiguë (post-IDM immédiat) Quatre études de phase II ont comparé des groupes placebo ou témoins à des patients recevant une injection intracoronaire de cellules médullaires autologues dans les suites immédiates de l’IDM. L’étude Bone Marrow Transfer to Enhance ST Elevation Infarct Regeneration (BOOST)(7,8) a rapporté un bénéfice de la thérapie cellulaire sur la FEVG (évaluée par IRM) avec une différence significative de 6 % à 6 mois. Cependant, l’analyse à moyen terme a révélé que le groupe placebo rattrape finalement le groupe traité, suggérant une simple accélération de la récupération de la fonction systolique chez les patients traités par thérapie cellulaire. L’étude belge réalisée à Louvain(9) n’a pas mis en évidence de différence significative entre les deux groupes sur la fonction systolique (analyse à 4 mois par IRM cardiaque). Dans cette étude, le groupe de patients traités par thérapie cellulaire avait reçu le traitement dans les 24 h suivant l’IDM. L’étude Autologous Stem Cells Transplantation in Acute Myocardial Infarction (ASTAMI)(10) n’a pas non plus montré de différence entre les deux groupes sur la FEVG à 6 mois. Enfin, l’étude Reinfusion of Enriched Progenitor Cells And Infarct Remodeling in Acute Myocardial Infarction (REPAIR-MI)(11) est à ce jour la seule étude positive sur le plan statistique, mais aussi la plus importante en termes d’effectif, (100 patients par groupe), avec un bénéfice sur la FEVG avec un gain de 2,5 % supplémentaire dans le groupe traité par thérapie cellulaire.   Synthèse des premiers résultats et avenir clinique de la thérapie cellulaire en postinfarctus En ce qui concerne l’ICPI chronique, seuls les myoblastes ont à ce jour montré les prémices d’un intérêt clinique en termes d’amélioration de la fonction cardiaque en complément d’une revascularisation coronaire. Cette approche reste peu invasive chez les patients devant, de toute façon, bénéficier d’une revascularisation coronaire. Des résultats à long terme sur la morbi-mortalité restent cependant à démontrer. Par ailleurs, d’autres voies d’administration, et d’autres types cellulaires sont en cours d’étude. Par exemple, des essais cliniques de faisabilité explorent les possibilités d’administration cellulaire par injection intramyocardique endocavitaire par des systèmes de type NOGA(12). En ce qui concerne les suites immédiates de l’IDM, les esprits négatifs verront dans les résultats décrits ci-dessus une hétérogénéité et un ensemble plutôt négatif, puisque 3 des 4 études sont négatives. Les esprits optimistes relèveront cependant la grande hétérogénéité des différentes études (en termes de fonction systolique à l’inclusion, de délai de traitement après l’IDM, ou de méthode d’analyse de l’amélioration de la fonction cardiaque) pouvant potentiellement masquer le bénéfice de cette approche. L’analyse en sous-groupes des quatre études (avec toutes les réserves de rigueur sur leur valeur statistique) laisse entrevoir les paramètres de bonne réponse à l’injection de cellules autologues : une altération significative de la fonction systolique (< 45 %) dans les suites immédiates de l’IDM, un traitement au plus tôt dans les 5 jours suivant l’IDM et un protocole spécifique de préparation du greffon cellulaire. La première étude française multicentrique BONAMI (Bone Marrow in Acute Myocardial Infarction)(13), impliquant six équipes (Nantes, Toulouse, Montpellier, Créteil, Grenoble et Lille) pourrait valider ces différents paramètres prédicateurs de bonne réponse. Cette étude a inclus 100 patients présentant une altération significative de la FEVG (< 45 %) après IDM ; 50 patients ont bénéficié de l’injection intracoronaire de cellules médullaires autologues, 7 j après l’IDM. Les résultats devraient être présentés fin 2007. Pour conclure, on notera l’absence d’effets indésirables et de complication grave liés aux procédures de thérapie cellulaire basées sur l’injection de cellules médullaires autologues après IDM. L’innocuité de cette approche, et les premiers résultats encourageants devraient permettre la mise en place d’essais cliniques plus larges afin de confirmer les premiers résultats. Par ailleurs, de larges études seront également nécessaires pour démontrer un éventuel bénéfice en termes de morbi-mortalité. Dans cette optique, les premiers résultats encourageants viennent à nouveau de l’étude REPAIR-MI(11), dont l’analyse à moyen terme révèle une réduction significative du critère combiné « décès, réinfarctus et revascularisation » à 1 an.   Développements à venir Parallèlement aux essais cliniques, la poursuite de la recherche expérimentale est primordiale. De nombreux points restent, en effet, à explorer pour optimiser les résultats cliniques. Les protocoles de biothérapie utilisés dans les modèles animaux et maintenant dans les essais cliniques sont souvent très différents et le meilleur protocole à utiliser reste encore à définir. Dans les grandes lignes, les différents points à éclaircir sont : – l’intérêt d’un tri cellulaire afin d’isoler une ou plusieurs sous-populations cellulaires parmi les cellules médullaires, – l’optimisation du nombre de cellules injectées, – l’optimisation de la qualité des cellules injectées, – l’optimisation des systèmes de délivrance cellulaire. Par ailleurs, si le mécanisme d’action mis en jeu est relativement bien individualisé pour la thérapie génique de l’angiogenèse, de nombreuses questions sont encore d’actualité pour la thérapie cellulaire : l’effet bénéfique pourrait résulter soit d’une différenciation des cellules injectées en cellules myocardiques contractiles ou en cellules endothéliales avec néo-angiogenèse, soit du recrutement d’un contingent cellulaire déjà présent par chimiotactisme via la sécrétion d’interleukines par exemple.   Biothérapie et artériopathie oblitérante des membres inférieurs L’AOMI est une pathologie fréquente(14,15) et potentiellement sévère avec un taux important de morbi-mortalité(15,16) régie le plus souvent par l’amputation. La prise en charge de l’AOMI au stade terminal pose parfois de sérieux problèmes et les traitements actuels sont parfois insuffisants pour empêcher l’évolution vers le stade terminal et l’amputation. En effet, face à l’ischémie critique de jambe, les options thérapeutiques ne peuvent être que la chirurgie ou l’angioplastie percutanée. Malheureusement, de nombreux patients sont de mauvais candidats pour ces procédures pour des raisons simples d’anatomie des lésions ou de comorbidités. Par ailleurs, aucun traitement médical n’a actuellement fait la preuve de son efficacité dans cette indication(17). Ces limites ont donc conduit tout naturellement à la recherche d’approches thérapeutiques innovantes et la thérapie génique de l’angiogenèse semble particulièrement prometteuse par le développement d’une néovascularisation. Le concept est d’induire la formation et la croissance de néocapillaires et néo-vaisseaux afin de préserver la perfusion et la viabilité du membre. De nombreux modèles animaux ont montré des résultats prometteurs avec des effets bénéfiques en termes de développement de circulation collatérale et troubles trophiques(18-25). Ainsi, la thérapie génique de l’angiogenèse pourrait améliorer le pronostic des patients atteints d’AOMI en diminuant le risque d’amputation. En revanche, même si certains modèles animaux ont montré quelques résultats encourageants avec l’utilisation de cellules progénitrices endothéliales du sang circulant, l’utilisation de la thérapie cellulaire est encore peu développée dans cette indication(26). Le mécanisme d’action est mieux établi que pour la thérapie cellulaire mais, comme pour la thérapie cellulaire, les protocoles utilisés sont souvent très différents et des progrès restent à faire. Dans cet article, nous ferons donc le point sur les différents protocoles de thérapie génique utilisés et sur les résultats des récents essais cliniques humains, notamment sur un essai clinique de phase II : Therapeutic Angiogenesis Leg Ischemia Study for Management of Arteriopathy and Non healing ulcer (TALISMAN)(27).   Facteurs utilisés dans la thérapie génique de l’angiogenèse Potentiellement, tout agent interférant avec la réponse angiogénique pourrait être utilisé dans cette indication. Cependant, la plupart des travaux se sont concentrés sur l’utilisation des facteurs de croissance et les plus fréquemment utilisés ont été le FGF et le VEGF(18-20,25). Dans les modèles animaux, ces deux facteurs induisent à la fois une augmentation de la circulation collatérale à proximité du site d’occlusion et de la densité capillaire. Ils ont également montré une amélioration des troubles trophiques. On notera que la combinaison de plusieurs agents (par exemple FGF et VEGF) peut potentialiser des propriétés angiogéniques(28).   Vecteurs d’administration Deux grandes méthodes d’administration sont en concurrence : l’administration de protéine recombinante ou le transfert du gène codant pour cette protéine. Administration de protéine recombinante : cette technique a montré son efficacité chez l’animal et chez l’homme par injection intramusculaire, intra-artérielle(27-29) au site d’obstruction(18) ou par voie systémique(25). Les protocoles d’injection sont également très variés : simple bolus, injections répétées ou injection continue. L’avantage de cette technique d’injection est sa relative simplicité. Son principal problème est le manque de spécificité de site et la difficulté d’obtenir un gradient de concentration entre la zone à traiter et le reste de l’organisme. Thérapie génique : cette technique a également montré son efficacité chez l’animal et chez l’homme soit par injection intravasculaire au site de traitement(30) soit par injection intramusculaire au niveau du tissu ischémique et de la zone de croissance des collatérales(31). L’avantage de cette technique est sa spécificité de site. Deux inconvénients sont toutefois à noter : le premier est la difficulté de mise en œuvre de cette technique et le second, la réaction inflammatoire induite par certains vecteurs tels que les adénovirus. Dans le contexte de l’AOMI, l’administration du gène sous forme de plasmide semble donc préférable(31).   Essais cliniques récents De nombreuses études cliniques de phase I ont montré des résultats prometteurs pour la thérapie génique de l’angiogenèse dans l’AOMI. Les résultats de ces études sont reportés dans le tableau 2. Récemment, les résultats de l’étude TALISMAN(27) (étude de phase II) ont été présentés à l’ACC en mars 2006 à Atlanta. Cette étude a inclus 107 patients atteints d’AOMI critique non revascularisable avec une PO2 transcutanée inférieure ou égale à 20 mmHg, une pression à la cheville inférieure ou égale à 70 mmHg ou une pression à l’orteil inférieure ou égale à 50 mmHg. Les patients étaient randomisés en deux groupes (placebo {n = 56} et un groupe injection de NV1FGF {n = 51}). Quatre injections étaient réalisées par voie intramusculaire au 1er, 15e, 30e et 45e jour. À 1 an, le nombre d’amputations était significativement plus faible dans le groupe traité : 19 versus 31 (HR = 0,485 ; p = 0,013). Le nombre de décès était également diminué dans le groupe traité mais de manière non significative : 6 versus 13 (HR = 0,458 ; p= 0,111) (figures 1 et 2). Il n’existait pas de différence entre les deux groupes en termes d’événements indésirables. Figure 1. Étude TALISMAN : effet du traitement par NV1FGF (plasmide codant pour le FGF1) dans une population de patients souffrants d’ischémie critique des membres inférieurs. On observe une diminution significative des amputations (A) mais pas de la mortalité (B). Figure 2. Étude TALISMAN : effet du traitement par VV1FGF à 1 an. Bien entendu, des études complémentaires et de plus grande envergure devront être réalisées dans l’avenir pour confirmer ces résultats.   Innocuité et limites L’une des principales limites à l’heure actuelle est la diversité des protocoles utilisés. En effet, dans les études animales et humaines de phase I, les protocoles de thérapie génique sont parfois très différents et le problème actuel est de savoir quel protocole est le meilleur étant donné que très peu d’études comparatives ont été réalisées. Malgré une baisse tensionnelle de l’ordre de 20 à 30 %, la tolérance chez l’animal et chez l’homme est relativement bonne. En théorie, le principal effet secondaire limitant est la stimulation du processus angiogénique dans des sites où il n’est pas souhaitable comme la rétine ou les tumeurs par exemple. Chez l’animal, cet effet n’a pas été retrouvé si l’organe en question était sain et non ischémique(24).   En pratique   En 2007, les biothérapies sont au stade des études cliniques de phase II et les résultats sont encourageants. Deux grandes indications cardiovasculaires semblent particulièrement adaptées à ces thérapeutiques innovantes : l’ICPI et l’AOMI. Des études plus larges devront être réalisées afin de démontrer l’intérêt de ces approches thérapeutiques qui pourrait aboutir à une révolution dans la prise en charge de ces pathologies. De plus, en raison de leurs mécanismes d’action complémentaires, une utilisation conjointe est également envisageable dans le futur.

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