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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 22 nov 2005Lecture 4 min

Bloc auriculo-ventriculaire complet sur un lupus érythémateux disséminé chronique traité par chloroquine au long cours

C. MOÏNI, C. SEBAG, D. GEDIN, P. UZAN et D. VILLEMANT, hôpital privé d’Antony

Mme X., 49 ans, est hospitalisée en USIC en avril 2005 après la survenue de plusieurs syncopes de courte durée avec rapide récupération de la conscience.

Antécédents On relève un lupus érythémateux disséminé traité au long cours par chloroquine (Nivaquine®) 200 mg par jour. La patiente n’a pas d’antécédent cardiovasculaire connu mais, deux mois avant l’hospitalisation, plusieurs épisodes de perte de connaissance étaient survenus et une exploration électrophysiologique endocavitaire (EEP) avait été effectuée dans un autre centre. Aucune anomalie notable de la con- duction auriculo-ventriculaire n’avait été mise en évidence.   Examens   À l’arrivée aux urgences, les ECG enregistrés montraient un BAV complet (BAVC) avec un échappement à type de retard droit, axe vertical avec des fréquences autour de 30/min, et parfois des extrasystoles ventriculaires multiples évoquant des lambeaux de torsades de pointe (figures 1 et 2). Figure 1. BAVC avec échappement ventriculaire et lambeaux de torsades de pointe.   Figure 2. BAVC avec échappement à type retard droit et axe vertical.   Figure 3. Rythme sinusal avec PR normalisé et BIG. En USIC, une sonde d’entraînement électrosystolique est mise en place. Le bilan étiologique ne retrouve aucun élément à l’origine de troubles de la conduction auriculo-ventriculaire en l’absence du lupus et du traitement par la chloroquine : - pas de notion de cardiopathie, - pas d’insuffisance rénale, - absence d’insuffisance hépatique, - pas de notion de prise de toxiques, - pas de contexte infectieux ou de trouble métabolique, - absence de syndrome inflammatoire : CRP à 0,6 mg/l. Au cours de l’évolution en USIC, on note dès le lendemain la réapparition d’un rythme sinusal avec bloc incomplet gauche, intervalle PR à 180 ms, et la normalisation de l’intervalle QT (figure 3). L’échographie cardiaque est normale avec un VGTD limite à 50 mm et une FE à 68 %. On ne note pas d’hypertrophie ventriculaire gauche. Une EEP est réalisée à J3 et retrouve des anomalies de la conduction infranodale : – intervalle HV à 75 ms et surtout élargissement de l’onde H à 25 ms évoquant la possibilité d’un bloc tronculaire (figure 4), – un passage en BAV complet lors de la mobilisation de la sonde hisienne. Figure 4. Aspect évoquant un bloc tronculaire avec H à 25 ms et HV à 75 ms. Sur le plan biologique, il n’a pas été réalisé de dosage sanguin de chloroquine à l’entrée. Il est donc décidé d’implanter un stimulateur cardiaque double chambre avec sonde ventriculaire vissée au niveau du septum. L’évolution ultérieure est simple et la patiente quittera le service à J5 après contrôle de la normalité des paramètres de stimulation.   Discussion Le BAVC est une complication rare du lupus érythémateux disséminé et survient plus volontiers en période de poussée inflammatoire ou lors d’intoxication aux antipaludéens après un traitement prolongé et/ou à fortes doses. Certaines publications semblent toutefois remettre en question le lien entre la durée du traitement, les doses ingérées et la toxicité. En fait, tout le problème est de savoir la part à attribuer à l’atteinte cardiaque du lupus, et plus spécifiquement celle touchant les tissus de conduction, et le rôle de la chloroquine, dont l’effet toxique pourrait n’être que transitoire et réversible à l’arrêt du traitement (BAV aigu). Les signes de toxicité aiguë de la chloroquine sont : – cliniques : agitation, anxiété, nausées et vomissements, syndrome vestibulo-cochléaire et troubles ophtalmologiques ; – biologiques : une hypokaliémie, une acidose lactique et une insuffisance rénale ; – électrocardiographiques : un allongement du QT puis l’apparition de troubles conductifs. La prise en charge thérapeutique n’est que symptomatique en l’absence d’antidote. Bien que les troubles conductifs existent principalement dans les intoxications aiguës, des atteintes cardiaques sont également possibles, liées à une toxicité chronique du produit ; il s’agit d’une cardiomyopathie d’allure hypertrophique isolée ou avec troubles conductifs. Il s’associe parfois une rétinopathie, des dépôts cornéens ou encore une neuromyopathie. La description de cette entité a été récemment faite lors d’un cas clinique par P. Charlier et coll. (Arch Mal Cœur 2002 ; 95 :833-7). Seules les biopsies endomyocardiques peuvent faire le diagnostic de cardiomyopathie à la chloroquine avec certitude avec un aspect histologique assez spécifique : la présence d’une dégénérescence vacuolaire avec structure curvilinéaire pseudo-myélénique. Notre attitude a été dictée par la récidive syncopale, malgré une première exploration électrophysiologique qui semblait rassurante 8 semaines auparavant, et surtout par la nécessité de poursuivre un traitement antipaludéen de synthèse (APS) qui a permis chez cette patiente la stabilisation du lupus. De toutes manières, il semble que l’arrêt des antipaludéens de synthèse, éventuellement associé à un traitement corticoïde, n’entraîne pas toujours la régression des troubles conductifs. En effet, dans la revue Lupus (2001 ; 10 : 59-62), J. Comin-Colet collige 18 cas de BAVC, dont un grand nombre étaient traités par APS. Il constate, malgré l’arrêt des APS et un traitement par corticoïdes, l’absence de régression des troubles conductifs. Sur cette courte série, 10 patients bénéficieront de l’implantation d’un pacemaker lors de l’hospitalisation où dans un suivi à moyen terme, 3 décèderont en l’absence d’implantation et seulement 5 ne présenteront pas de récidive.   Au total   Il faut recommander en cas de LEAD, et plus spécialement en cas de traitement par APS, une surveillance ECG régulière surtout en cas de cardiopathie ou de troubles de conduction fasciculaires sous-jacents. En cas de malaises ou de lipothymie et même si l’ECG de base est strictement normal, une exploration électrophysiologique endocavitaire est fortement recommandée et, si cet examen paraît normal, on pourrait proposer l’implantation d’un système Holter diagnostique.

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