Publié le 23 nov 2010Lecture 4 min
Hypertension artérielle et dissection aortique
V. GRIFFET(1), F. FARHAT(2), F. VERDIER(1), J.-R. CAIGNAULT(1), S. GUÉRARD(1), (1)Hôpital d’Instruction des Armées Desgenettes, Lyon (2)Hôpital Cardiologique et Pneumologique Louis Pradel, Lyon
Les syndromes de malperfusion sont rares et peuvent parfois amener à découvrir une dissection aortique à l’occasion d’une complication viscérale. L’objectif de la prise en charge volontiers chirurgicale est de lever la souffrance ischémique permettant si ce n’est sa guérison, une amélioration remarquable du patient.
Cas clinique
Il s’agit d’un homme de 69 ans, sans antécédent cardiovasculaire particulier connu, suivi par son médecin traitant pour une hypertension artérielle (HTA) évoluant depuis 2 ans. Malgré une escalade thérapeutique, les chiffres tensionnels restent non contrôlés sous une quadrithérapie antihypertensive puisque le holter tensionnel montre une tension artérielle moyenne à 160/100mmHg avec un profil non dipper.
Il est donc décidé selon les recommandations en vigueur, de la réalisation d’un bilan étiologique systématique, chez ce patient porteur d’une HTA réfractaire à une quadrithérapie.
Les données de l’examen clinique sont sans particularité et il n’est pas mis en évidence notamment de souffle vasculaire.
Le bilan biologique après arrêt des traitements pouvant fausser les résultats, montre une hypokaliémie (3,2 mml/l) avec une kaliurèse conservée (36 mml/l). Les dosages hormonaux de l’aldostérone et l’activité rénine plasmatiques sont en faveur d’un hyperaldostéronisme secondaire.
Enfin et surtout, le scanner thoracoabdominopelvien montre un syndrôme de malperfusion avec nette hypoperfusion rénale droite en rapport avec une dissection aortique de type III, responsable du caractère réfractaire de son hypertension artérielle (figure 1).
Figure 1. Dissection de l’aorte et hypoperfusion rénale droite témoignant d’un syndrôme de malperfusion (flèches rouges).
L’interrogatoire retrouve alors a posteriori la survenue deux ans auparavant, d’une grande douleur thoracique ayant justifié plusieurs consultations dans un service d’urgences et étiquetée « douleur musculaire intercostale ».
Dans ce contexte d’HTA réfractaire en rapport avec un syndrôme de malperfusion mais aussi de l’existence associée à la dissection de l’aorte, d’une dilatation anévrysmale de l’isthme à 60 mm (figure 2), il bénéficie d’une prise en charge chirurgicale avec remplacement de l’aorte thoracique descendante par un tube en dacron et fenestration de l’aorte interrénale permettant de rétablir un débit sanguin satisfaisant dans l’artère rénale droite.
Il est alors revu 2 mois après en consultation avec une tension artérielle à 90/60 mmHg sous bithérapie, conduisant à ne laisser qu’un seul traitement antihypertenseur au long cours.
Figure 2. Volumineuse dilatation anévrysmale de l’isthme de l’aorte.
Discussion
L’HTA rénovasculaire est rare puisque sa prévalence est inférieure à 5 %. Elle est dominée par la sténose athéromateuse (70 % des cas) et la fibrodysplasie (20 % des cas)(1).
Les autres causes de néphropathie ischémique sont donc exceptionnelles. Parmi celles-ci, on retrouve les dissections artérielles rénales pouvant être spontanées, post traumatiques ou les syndrômes de malperfusion s’intégrant dans le cadre d’une dissection de l’aorte comme c’est le cas ici(1).
Le syndrôme de malperfusion est responsable d’une souffrance ischémique de l’organe d’aval et au niveau rénal va entraîner une stimulation du systême rénine angiotensine aldostérone. Cet hyperaldostéronisme secondaire est à son tour responsable d’une HTA ou de la majoration des chiffres tensionnels chez un patient auparavant hypertendu.
On distingue 2 types de malperfusions, la malperfusion « statique » et la malperfusion « dynamique ». La malperfusion « statique » est liée à l’extension de la dissection aortique au niveau de l’artère viscérale elle-même disséquée, tandis que la malperfusion « dynamique » est la conséquence de la compression de l’artère viscérale par l’hyperpression régnant dans le faux chenal qui comprime ainsi le vrai chenal (figure 3)(2).
Figure 3. Les différents mécanismes de syndrômes de malperfusion : A : extension de la dissection au niveau de l’artère collatérale, B : extension de la dissection au niveau de l’artère collatérale avec réentrée limitant le retentissement ischémique (A et B : malperfusion « statique »), C : malperfusion « dynamique » par compression du vrai chenal et de l’artère collatérale par le faux chenal, D : malperfusion mixte « dynamique » par compression du vrai chenal par le faux chenal et « statique » par occlusion artérielle sur rétraction du moignon de l’artère viscérale « arrachée ». D’après(2).
Le scanner thoracoabdominopelvien est l’examen clef pour le diagnostic du mécanisme du syndrôme de malperfusion car il permet de visualiser l’ensemble de l’aorte et ses branches viscérales(2, 3).
La prise en charge des malperfusions « dynamiques » fait appel à la fenestration, permettant de mettre en contact le vrai et le faux chenal pour augmenter et améliorer le débit sanguin dans l’organe ischémique. À l’inverse, le traitement des syndrômes de malperfusion « statique » fait appel aux techniques d’angioplastie par voie percutanée en sachant que ces techniques seront parfois complémentaires(2, 4, 5). Un suivi clinique et radiologique régulier est ensuite nécessaire afin de s’assurer de l’absence de complications évolutives.
En pratique
Les syndrômes de malperfusion secondaires à une dissection aortique sont rares mais volontiers graves par leurs conséquences viscérales. Le scanner thoracoabdominopelvien est l’examen de choix pour en étayer le mécanisme et guider alors la stratégie thérapeutique.
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