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HTA

Publié le 27 mar 2025Lecture 12 min

Quoi de neuf dans la prise en charge de l’hypertension artérielle ?

Julien MALLART-RIANCHO, Laurence AMAR, Centre de soins, de recherche et enseignement en hypertension artérielle, Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris ; Université de Paris ; Centre de référence en maladies rares de la surrénale

Les 44es Journées de l’hypertension artérielle (HTA), organisées par la Société française d’hypertension artérielle, filiale de la Société française de cardiologie, ont eu lieu à Paris les 19 et 20 décembre derniers. Cet événement scientifique a été l’occasion d’explorer des thématiques essentielles, notamment à travers les nouvelles thérapeutiques dans la prise en charge de l’HTA.

Hommage aux Prs M. Safar et P. Fesler   Ces journées ont en premier lieu permis de rendre hommage aux Prs Michel Safar et Pierre Fesler, deux figures majeures dans le domaine de l’hypertension artérielle et de la médecine cardiovasculaire. Le Pr Michel Safar a profondément influencé la recherche sur la rigidité artérielle et son rôle dans les maladies cardiovasculaires, contribuant à une meilleure prise en charge des patients hypertendus. Le Pr Pierre Fesler, spécialiste reconnu de l’hypertension, a apporté des avancées significatives dans l’évaluation et la gestion du risque cardiovasculaire, notamment par ses travaux sur la mesure de la pression artérielle et les approches thérapeutiques adaptées aux patients hypertendus.   Recommandations sur la prise en charge de l’hypertension artérielle   ESH 2023 vs ESC 2024, deux approches différentes pour un même objectif La publication des nouvelles recommandations de l’ESC 2024, survenue peu après celles de l’ESH 2023, a suscité un vif intérêt et nourri de nombreux débats parmi les experts. Leur sortie rapprochée a mis en lumière certaines différences d’approche dans la prise en charge de l’hypertension artérielle, en particulier sur les objectifs tensionnels et les stratégies thérapeutiques. Face à ces évolutions, une grande session commune SFHTA/ESH a été organisée pour examiner en détail ces nouvelles recommandations, en analyser les implications pratiques et évaluer leur impact sur les stratégies thérapeutiques à venir. Les Prs Reinhold Kreutz, Sofie Brouwers et Atul Pathak ont ainsi présenté et comparé les approches respectives de l’ESH 2023 et de l’ESC 2024, mettant en lumière les différences structurelles entre ces recommandations et leurs convergences essentielles. Malgré certaines différences stratégiques, ces deux ensembles de recommandations partagent un objectif commun : permettre un diagnostic plus précis et instaurer un traitement plus efficace, adapté au profil du patient, pour réduire la mortalité cardiovasculaire associée à l’HTA.   Une refonte de la classification de la pression artérielle dans l’ESC 2024 L’un des changements majeurs des guidelines de l’ESC 2024 réside dans la modification de la classification de la pression artérielle. En effet les recommandations de l’ESC ne se focalisent plus uniquement sur l’hypertension artérielle (HTA), mais élargissent leur champ d’action à la notion plus globale de pression artérielle augmentée. Cette approche introduit une nouvelle catégorie intermédiaire, définissant des patients dont la pression artérielle est comprise entre 120/70 mmHg et 139/89 mmHg, leur conférant un statut à risque qui nécessite un suivi renforcé et une prise en charge préventive ciblée, en fonction du profil cardiovasculaire global adoptant une approche plus progressive pour mieux identifier les patients à risque, permettant ainsi une prise en charge plus précoce, notamment pour ceux ayant un profil cardiovasculaire à haut risque. Contrairement à l’ESH 2023, qui conserve la classification traditionnelle en grades d’HTA (grade 1, 2 et 3, basée sur les seuils ≥140/90 mmHg), l’ESC 2024 propose une classification simplifiée en trois catégories : – pression artérielle non élevée : < 120/70 mmHg ; – pression artérielle élevée : 120/70 mmHg - < 140/90 mmHg ; – hypertension artérielle (HTA) : ≥ 140/90 mmHg. D’un autre côté, le maintien des grades d’HTA permet de ne pas perdre de vue que ces classifications reflètent le degré de sévérité de l’hypertension, rappelant ainsi qu’une HTA de grade 3 impose une prise en charge plus rapide et intensive qu’une HTA de grade 1, afin de prévenir les complications cardiovasculaires graves.   Dépistage et diagnostic : vers une standardisation et une meilleure évaluation du risque cardiovasculaire Les deux recommandations insistent sur l’importance de la standardisation de la mesure de la pression artérielle (PA), en excluant l’utilisation des appareils sans brassard (« cuffless »), jugés insuffisamment validés. L’ESC 2024 propose le dosage de l’aldostérone et de la rénine dans les conditions standardisées pour tous les patients hypertendus confirmés, afin de mieux détecter les patients atteints d’hyperaldostéronisme primaire, dont la prévalence est souvent sous-estimée. Cette stratégie bien qu’ambitieuse, soulève le défi du dépistage massif, notamment en termes de coût, de faisabilité des prélèvements dans des conditions standardisées et de la capacité des laboratoires à absorber un volume accru de prélèvements. L’un des points communs majeurs des recommandations ESH 2023 et ESC 2024 est l’importance accordée à l’évaluation du risque cardiovasculaire global, considéré comme l’étape clé pour aller plus loin dans la prise en charge de l’HTA. Plutôt que de se concentrer uniquement sur la PA, les nouvelles guidelines encouragent une stratification plus fine du risque, intégrant : – les atteintes d’organes cibles (cœur, reins, cerveau, artères périphériques) ; – les marqueurs biologiques (albuminurie, rigidité artérielle, calcifications coronaires) ; – le SCORE-2 et ses variantes (SCORE-2 OP pour les personnes âgées, SCORE-2 Diabetes pour les diabétiques).   Cibles et stratégies de traitement : des objectifs différents ? Les deux recommandations s’accordent sur une stratégie médicamenteuse basée sur une bithérapie initiale, en combinant : – un inhibiteur du SRAA (IEC ou ARA2) ; – un inhibiteur calcique ou un diurétique. Une nouveauté des recommandations ESC 2024 est l’introduction de la trithérapie à faible dose en seconde intention, après l’échec d’une bithérapie à faible dose. Cette approche vise à optimiser la réduction de la pression artérielle tout en limitant les effets secondaires. L’association de trois antihypertenseurs de classes différentes permet d’agir sur plusieurs mécanismes physiopathologiques, garantissant une efficacité supérieure à l’augmentation de la dose d’un seul agent. De plus, l’utilisation de doses plus faibles pour chaque médicament améliore la tolérance et réduit le risque d’effets indésirables, renforçant ainsi l’adhésion des patients au traitement. Cette stratégie est d’autant plus encouragée par la disponibilité de comprimés à doses fixes combinant trois agents, simplifiant la prise et favorisant une meilleure observance thérapeutique. L’ESH fixe un objectif de pression artérielle à < 140/90 mmHg, avec une cible idéale à < 130/80 mmHg. En revanche, l’ESC adopte désormais une approche plus stricte, visant systématiquement une pression artérielle de 120-129/70-79 mmHg, avec un objectif optimal de 120/70 mmHg si le traitement est bien toléré. L’ESH et l’ESC divergent sur l’objectif de pression artérielle à 120/70 mmHg en raison de leurs interprétations différentes des bénéfices et des risques associés à une réduction intensive de la pression artérielle. L’ESH considère qu’abaisser la pression artérielle en dessous de ce seuil n’apporte qu’un gain clinique marginal à mesure que la pression diminue en dessous de 120/70 mmHg et expose les patients à un risque accru d’effets secondaires, notamment des arrêts de traitement pouvant entraîner un rebond du risque cardiovasculaire. À l’inverse, l’ESC estime que viser un objectif plus important permet une réduction optimale du risque cardiovasculaire, tant que le traitement est bien toléré et afin d’éviter l’inertie thérapeutique et garantir une prise en charge plus stricte. De plus, l’ESC introduit la possibilité de débuter un traitement antihypertenseur chez les patients à haut ou très haut risque cardiovasculaire présentant une pression artérielle élevée (PAS entre 130 et 139 mmHg ou PAD entre 80 et 89 mmHg), si cette élévation persiste malgré trois mois d’optimisation des mesures hygiéno-diététiques. Cette approche vise à prévenir plus efficacement les complications cardiovasculaires en intervenant précocement chez les patients les plus vulnérables. Bien que l’ESH 2023 et l’ESC 2024 adoptent des approches légèrement différentes, elles s’accordent sur une prise en charge de plus en plus personnalisée, intégrant l’évaluation du risque cardiovasculaire global et des stratégies thérapeutiques plus ciblées. Ces évolutions marquent une étape décisive vers un contrôle tensionnel plus strict et une prévention cardiovasculaire optimisée, dans l’objectif final de réduire la mortalité et les complications associées à l’HTA.   Consensus français sur la dénervation rénale   Un intérêt particulier a été apporté à la dénervation rénale (DR) à la suite de la sortie du consensus français d’experts sur la DR. Pour rappel, la DR est une approche thérapeutique innovante qui s’est imposée ces dernières années comme une alternative dans la prise en charge de l’HTA résistante. Cette technique repose sur une ablation ciblée des fibres nerveuses sympathiques entourant les artères rénales par radiofréquence, ultrasons focalisés ou injection d’éthanol, dans le but de réduire l’hyperactivité du système nerveux sympathique. La dénervation rénale fait désormais partie des nouvelles recommandations ESH 2023 et ESC 2024. Sur le plan clinique, la DR a montré une réduction significative et durable de la pression artérielle, avec une baisse moyenne de 5 à 10 mmHg sur la PAS mesurée en MAPA 24 h, et des bénéfices persistant plusieurs mois après l’intervention. Un registre national français (France-RDN) a été mis en place afin d’assurer un suivi systématique des patients traités par DR, permettant ainsi d’évaluer son impact sur la réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire à long terme et d’affiner les critères de sélection des patients les plus susceptibles d’en bénéficier. Les indications validées par ce consensus français pour la dénervation rénale concernent les adultes atteints : – d’une HTA résistante confirmée par une PA ≥ 140/90 mmHg en mesure clinique ou confirmée par une mesure ambulatoire sur 24 heures (MAPA) avec une PA systolique ≥ 130 mmHg ou diurne ≥ 135 mmHg ou par une automesure avec une PA ≥ 135/85 mmHg ; – malgré un traitement optimisé comprenant au moins trois antihypertenseurs (IEC ou ARA2, inhibiteur calcique, diurétique thiazidique ou apparenté) à doses maximales tolérées. En plus de ces critères, une évaluation anatomique des artères rénales par angioscanner est requise afin d’exclure certaines anomalies, notamment une sténose athéroscléreuse ou une dysplasie fibromusculaire. La dénervation rénale est contre-indiquée chez les patients présentant un débit de filtration glomérulaire (DFG) < 40 mL/min/1,73 m2 et ne doit être envisagée qu’après exclusion des causes secondaires d’hypertension, en particulier l’hyperaldostéronisme primaire. En complément de cette indication principale, la DR peut être envisagée après discussion multidisciplinaire avec un centre expert, dans d’autres contextes tels que : – hypertension non contrôlée associée à une mauvaise observance sévère aux traitements antihypertenseurs, idéalement confirmée par des méthodes de détection des médicaments ; – hypertension non contrôlée chez les patients intolérants aux médicaments antihypertenseurs ou souffrant d’effets indésirables altérant leur qualité de vie. À noter que la dénervation rénale par alcool n’est pas incluse dans ces recommandations, car elle n’a pas encore reçu d’approbation de la FDA aux États-Unis. En 2024, la HAS a approuvé l’utilisation de la DR comme thérapeutique additionnelle dans la prise en charge de l’HTA. Toutefois l’indication retenue concerne les patients hypertendus non contrôlés malgré un traitement bien conduit incluant au moins une quadrithérapie antihypertensive selon les recommandations en vigueur et en l’absence d’hypertension artérielle secondaire identifiée.   Plus de potassium dans nos assiettes ?   Le Pr Theodora Bejan-Angoulvant a fait une mise au point sur les recommandations concernant les apports en potassium chez les patients hypertendus. Les recommandations ESH 2023 soulignent l’importance des apports en potassium dans la régulation de la pression artérielle et la prévention cardiovasculaire. Elles recommandent un apport quotidien d’au moins 90 mmol (3 500 mg), idéalement via une alimentation riche en fruits, légumes, céréales complètes, produits laitiers allégés, viandes et poissons sélectionnés. Les suppléments de potassium ont démontré une réduction de la pression artérielle, particulièrement chez les hypertendus, les personnes consommant un excès de sodium et les populations à peau noire. L’étude SSaSS a confirmé qu’un remplacement partiel du sodium par du chlorure de potassium (KCl) dans le sel alimentaire permet de réduire significativement les AVC, les maladies cardiovasculaires et la mortalité. Toutefois, l’ANSES a mis en garde contre les risques d’hyperkaliémie liés aux sels enrichis en potassium, en particulier chez les insuffisants rénaux, diabétiques, insuffisants cardiaques et les personnes âgées. La SFHTA, bien qu’alignée sur l’ESH concernant l’objectif de ≥ 90 mmol/jour, privilégie une approche nutritionnelle naturelle et recommande d’être vigilant avant toute supplémentation. Elle conseille aux pharmaciens et médecins de vérifier la fonction rénale et les traitements hyperkaliémiants avant de prescrire des sels enrichis en potassium. De plus, elle insiste sur l’importance des mesures hygiénodiététiques, notamment la réduction du sodium à 5-6 g/jour, et considère les sels de substitution comme une option possible mais à évaluer au cas par cas selon le profil du patient.   HTA : simplifiez, accélérez, contrôlez   Prise de position de la SFHTA sur la trithérapie fixe ! Le Pr Béatrice Duly-Bouhanick a souligné que l’une des avancées majeures dans l’optimisation de la prise en charge des patients hypertendus repose sur l’utilisation de la trithérapie en un seul comprimé. Cette approche thérapeutique est essentielle, car elle permet un contrôle tensionnel plus efficace tout en améliorant significativement l’adhésion des patients. En effet, la Société française d’HTA (SFHTA) insiste sur le fait que l’adhésion thérapeutique est un facteur clé du succès du traitement antihypertenseur, or elle est souvent compromise par des schémas complexes impliquant plusieurs comprimés à prendre quotidiennement. Les données de vie réelle confirment l’impact positif de la trithérapie fixe sur l’adhésion des patients : après 12 mois de traitement, seulement 32 % des patients sous trithérapie en association libre poursuivent correctement leur traitement, contre 55 % sous trithérapie fixe en un seul comprimé. De plus, la persistance au traitement, un facteur déterminant du contrôle tensionnel à long terme, est nettement améliorée avec une trithérapie fixe (86 % vs 77 % à 12 mois en association libre). En simplifiant la prise médicamenteuse, cette approche permet ainsi de lutter contre l’un des principaux freins au contrôle tensionnel en France : la non-adhésion aux traitements antihypertenseurs. Outre l’amélioration de l’adhésion thérapeutique, la trithérapie fixe garantit une efficacité supérieure, avec un taux de patients contrôlés atteignant 90 %, indépendamment de l’âge, du sexe ou de l’existence d’une obésité. En optimisant le contrôle de la pression artérielle, elle permet une réduction significative des événements cardiovasculaires, limitant ainsi les risques d’AVC, d’infarctus du myocarde et d’insuffisance cardiaque. Un autre argument clé avancé par la SFHTA est la bonne tolérance de la trithérapie fixe, qui ne présente pas plus d’effets indésirables qu’une bithérapie, tout en réduisant les risques liés à l’augmentation des doses d’un seul médicament. Les données montrent que la survenue d’effets secondaires sous trithérapie fixe est comparable à celle observée sous bithérapie, avec un taux d’arrêt du traitement similaire. Cette approche thérapeutique permet donc d’optimiser la prise en charge des patients hypertendus sans accroître le risque d’effets secondaires sévères. Enfin, la trithérapie fixe représente un enjeu économique et de santé publique majeur. Depuis 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’a intégrée dans sa liste des médicaments essentiels, reconnaissant son impact dans l’amélioration du contrôle de l’HTA et la réduction des coûts de santé. Plusieurs études ont montré que, grâce à la diminution des complications cardiovasculaires et des hospitalisations, la trithérapie fixe permettrait une économie de 2 039 $ par patient et par an. En simplifiant le schéma thérapeutique, elle réduit également la charge médicamenteuse des patients polymédiqués, améliorant ainsi leur qualité de vie et réduisant la pression sur le système de santé. Suite à cette prise de position forte de la SFHTA, la commission de transparence du médicament a récemment rendu un avis favorable au remboursement de la trithérapie fixe dans le traitement de l’hypertension artérielle essentielle. Cet avis concerne la substitution chez les patients déjà contrôlés avec la triple association libre à dose fixe périndopril/indapamide/amlodipine, prise simultanément aux mêmes posologies, et avec un service médical rendu important et une amélioration du service médical rendu (ASMR) V. À la lumière de cette évolution, un remboursement pour certaines trithérapies fixes pourrait être envisagé dès 2025, offrant ainsi aux patients français un accès facilité à un traitement optimisé pour une meilleure prise en charge de leur maladie.

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