publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Thérapeutique

Publié le 11 jan 2011Lecture 4 min

Quid des AVK associés à l’aspirine ?

J.-F. DETIENNE et A. TIRITILLI, Clinique des Jockeys, Chantilly

Le traitement antithrombotique guidé par la richesse et l’abondance des résultats de grandes études a donné lieu à des recommandations précises. Ces recommandations couvrent beaucoup de situations particulières comme la fibrillation auriculaire, mais en laissent d’autres dans l’ombre, car un certain nombre de problèmes persistent surtout lors d’associations d’antithrombotiques et anticoagulants. À l’aide de notre observation et par quelques données de la littérature nous tenterons de mieux préciser l’analyse bénéfice/risque chez le sujet coronarien stable dont la symptomatologie clinique nécessite aussi l’ajout d’antivitamines K (AVK).

Mme Z. âgée de 78 ans est adressée au service des urgences puis hospitalisée en cardiologie pour un melæna, une dyspnée et un angor fonctionnel évoluant depuis 8 jours. Seul facteur de risque, une hypertension artérielle découverte et traitée depuis des nombreuses années par bêtabloquant et inhibiteur de l’enzyme de conversion. Elle a bénéficié en 1999 d’une angioplastie de la coronaire droite, sans angor résiduel. En 2003, un épisode de fibrillation auriculaire (FA) réduit par choc électrique externe, récidive alors qu’elle bénéficiait de cordarone, ce médicament ayant ensuite été arrêté. Son traitement comportait bêtabloquant, AVK, aspirine 75 mg et statine. Une échocardiographie pratiquée en 2005, montre un ventricule gauche (VG) de bonne cinétique globale avec une fonction systolique conservée à 55 % et un Doppler sensiblement normal. À l’entrée, la patiente est pâle avec une hémodynamique stable et ne présente aucun signe clinique d’insuffisance cardiaque. L’ECG de surface enregistre une FA à 80 batt/min et des troubles ischémiques anciens dans le territoire inférieur. Le bilan biologique d’entrée montre une hémoglobine à 7,5 g/dl, une créatinine à 80 µmol/l ; le reste est sans particularité et il n’y a pas d’élévation des marqueurs de la cytolyse myocardique. L’INR est à 3. La fibroscopie met en évidence une hémorragie active du fondus gastrique, sans autres lésions significatives. L’évolution est simple, l’anémie n’a pas nécessité de transfusion, pas de récidive de déglobulisation. La patiente est rentrée à son domicile avec ajout à son traitement habituel d’un inhibiteur de la pompe à protons. Par ailleurs, nous avons poursuivi les AVK et surtout arrêté l’aspirine.   Fallait-il mettre cette patiente sous anticoagulants ? Le risque embolique, estimé par le score CHADS2, justifie la mise sous AVK puisque son score est de 2 et que l’on admet qu’un score supérieur ou égal à 1 justifie le traitement par AVK.   La réponse étant oui, que faut-il faire de l’aspirine ? La réponse est plus délicate car le sujet a été moins étudié. L’addition d’aspirine au traitement AVK, pose un problème de pratique clinique non résolu en termes de rapport bénéfice/risque. Dans la fibrillation auriculaire (FA), environ un quart des patients sont sous AVK + aspirine. Aux États-Unis, on estime que sur 2,5 millions de patients présentant une FA, 30 à 40 % présentent également une maladie coronaire associée et que 10 à 15 % sont considérés comme à haut risque d’accident vasculaire cérébral (AVC). Malgré le manque de données, beaucoup de praticiens et de nombreux experts pensent que l’ajout d’aspirine pourrait être utile chez ces patients à haut risque. Dans la maladie coronaire stable, les AVK ont été pendant longtemps un des traitements du postinfarctus. Une métaanalyse parue en 1999 concluait que le traitement anticoagulant à doses modérées prévient efficacement les récidives ischémiques en augmentant peu le risque hémorragique et que le rapport bénéfice/risque était nettement en faveur du traitement. En revanche, l’ajout à l’aspirine d’AVK à faible dose (INR < 2) ne semble pas apporter de bénéfice. De plus, l’aspirine faisait aussi bien que les AVK(1). Dans d’autres études plus récentes, ATACS, APRICOT-2, ASPECT-2, OASIS-2 et WARIS-2, cumulant près de 5 000 patients, l’association aspirine-AVK avec un INR > 2 a montré globalement une réduction d’un tiers des décès et ré-infarctus (RR = 0,74 ; p < 0,001), au prix d’un risque hémorragique plus élevé. Mais l’analyse globale semble être en faveur du traitement AVK. Récemment, l’étude WAVE a montré chez l’artéritique que l’ajout à l’aspirine d’AVK avec un INR cible entre 2 et 3 n’apportait aucun bénéfice. En revanche, elle montre une réduction de 20 % des infarctus. Tout dernièrement, une métaanalyse effectuée dans le postsyndrome coronaire aigu montre que même prenant en compte les études dans lesquelles l’INR était compris entre 2 et 3, la réduction significative des événements cardiovasculaires majeurs (décès, IDM, AVC) est contre balancée par une augmentation des complications hémorragiques graves (RR = 2,32, p < 0,00001)(2). Une autre métaanalyse publiée tout récemment comportant 10 études randomisées contrôlées (5 sur les porteurs de valves mécaniques, 2 sur la FA, 2 sur la maladie coronaire et 1 sur des sujets à haut risque cardiovasculaire) totalisant 4 180 patients, comparant un traitement par AVK versus AVK + aspirine avec 3 mois de suivi, a montré que l’addition d’aspirine chez des sujets déjà sous AVK n’est bénéfique que chez les porteurs de valve mécanique. En effet, parmi les 10 études, le bénéfice global observé sur les thromboses artérielles semble essentiellement supporté par celles réalisées chez les porteurs de valve et ceci est en accord avec les recommandations 2004 de l’ACCP (American College of Chest Physicians Consensus). L’association anticoagulants et antithrombotiques semble loin de faire l’unanimité. Si dans la fibrillation atriale le traitement par AVK semble désormais acquis dès que le score CHADS atteint ou dépasse 1. De même, dans la cardiopathie ischémique le traitement par antiagrégants, le plus souvent aspirine, reste la pierre angulaire du traitement. Le problème est posé pour les patients coronariens qui sont aussi en FA. Chaque patient mérite une évaluation individuelle. Même si l’on peut comprendre que certains praticiens estiment que le risque de thromboses coronaires est mieux couvert par les antiagrégants plaquettaires que par les AVK, actuellement il n’y a pas de preuve que le sur-risque hémorragique encouru par l’association soit acceptable en termes de bénéfices antithrombotiques. Il paraît donc prudent de ne pas garder cette association au long cours et il semble que le traitement AVK est aussi un bon traitement antithrombotique chez le coronarien.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 7 sur 48