Publié le 01 nov 2005Lecture 5 min
Comment envisager les étapes pour enrayer cette épidémie des maladies cardiovasculaires ?
M. JOBBÉ DUVAL, Neuilly-sur-Seine
ESC
Les chiffres le confirment : malgré l’augmentation des thérapeutiques mises à notre disposition dans le domaine cardiovasculaire, les décès de cause cardiovasculaire ne cessent d’augmenter non seulement dans les pays dits émergents, mais aussi dans les pays industrialisés. Le vieillissement de la population en est une des causes principales ; en effet, la proportion des sujets âgés > 60 ans en Europe était de 15 % en 2000 ; dans les années 2050, elle devrait atteindre 35 %, d’après une estimation de l’ONU.
Sur ces facteurs non modifiables que sont l’âge, le sexe et les prédispositions génétiques, on ne peut, par définition, pas agir. En revanche, comme le souligne J. Staessen (Liévain, Belgique), il nous faut être plus efficaces sur les facteurs de risque modifiables en tenant compte non plus de chacun d’entre eux, mais du risque global. Les recommandations se basent donc sur la prise en charge du risque absolu de chaque patient.
En termes d’hypertension artérielle
P. Sever (Londres) a rappelé les résultats de l’étude ASCOT-BPLA, ayant inclus 19 257 patients hypertendus, âgés de 40 à 79 ans. Ces patients n’avaient pas d’antécédent de maladie coronaire, mais tous présentaient au moins trois facteurs de risque. Dans un premier temps, ces patients ont été randomisés pour recevoir soit :
– un traitement classique avec un bêtabloquant (aténolol) ± un diurétique,
– un traitement plus moderne comprenant de l’amlodipine ± du périndopril.
Ces patients avaient, à l’entrée dans l’étude, une pression artérielle (PA) non traitée (> 160/100 mmHg) ou une PA traitée par une ou plusieurs drogues (> 140/90 mmHg).
Le suivi moyen a été de 5,5 ans et l’essai a été arrêté à la demande du Comité de surveillance en raison d’un net avantage thérapeutique dans le bras amlodipine ± périndopril comparativement au bras bêtabloquant ± diurétique.
Les résultats définitifs ont été communiqués lors de ce Congrès de l’ESC (cf Cardiologie Pratique n° 742 spécial ESC du 26 octobre 2005).
En termes de dyslipidémie
La grande avancée dans la mise en place de stratégies thérapeutiques du risque cardiovasculaire a été l’étude TNT (Treating to New Targets) qui est à la dyslipidémie ce que l’étude HOT (Hypertension Optimal Treatment) a été à l’hypertension. Autrement dit : à quel niveau de LDL-c nous faut-il descendre pour obtenir le maximum de protection chez nos patients ?
Cette étude, commencée en 1999, portait sur des patients ayant une cardiopathie ischémique stable. Plus de 10 000 patients recevaient soit :
– un dosage alors usuel dans cette indication telle que l’atorvastatine 10 mg,
– un traitement plus intensif, avec de l’atorvastatine 80 mg.
À la fin de cette étude d’une durée de 5 ans, les patients ayant un traitement usuel avaient un LDL-c à 1,01 g/l en moyenne. Ceux sous traitement intensif ont baissé leur concentration de LDL-c à 0,77 g/l ; cette baisse drastique du LDL s’est traduite par une réduction du critère primaire de 22 % (p = 0,0002), défini par le délai d’apparition d’un événement cardiovasculaire majeur, fatal ou non.
En outre, sur le simple critère des AVC, on observe une baisse de 25 % (p = 0,02) des accidents mortels ou non mortels.
Cet essai n’avait pas pour but de rechercher une différence de mortalité globale et il n’a donc pas la puissance nécessaire pour cela. Cependant, il faut remarquer que la mortalité des coronariens inclus dans cet essai est particulièrement faible qu’elle soit cardiovasculaire ou totale, quel que soit le traitement évalué. Malgré la baisse significative des événements cardiovasculaires dans le groupe atorvastatine 80 mg, il n’y a pas de différence en termes de mortalité globale, ce qui supposerait que le nombre de patients décédés d’une cause non cardiovasculaire soit plus important dans ce groupe. Mais J. La Rosa (New York, USA) souligne que, malgré tout, il n’y a pas d’augmentation de la mortalité globale, qui est particulièrement basse par rapport à celle retrouvée dans toutes les études chez ce type de patients. La mortalité non cardiovasculaire est ici, pour la première fois, supérieure à la mortalité cardiovasculaire et ce, avec une tolérance clinique du traitement intensif par l’atorvastatine tout à fait satisfaisante. Cela confirme les recommandations prises par le NCEP-ATP III préconisant, chez les patients à très haut risque cardiovasculaire, de diminuer au maximum le risque dyslipidémique en abaissant le LDL-c à 0,70 g/l.
Le tabagisme
Le tabagisme reste l’un des grands responsables, en termes de facteurs de risque modifiable, de cette mortalité croissante des maladies cardiovasculaires dans le monde. B. Willams (Leicester, Royaume-Uni), a rappelé que l’arrêt du tabagisme entraîne une diminution du risque cardiovasculaire de 50 % en un an. Au bout de 15 ans d’arrêt, le patient a le même risque qu’un non fumeur.
Toutes les initiatives de santé publique sont les bienvenues, et en particulier la sanction économique. Mais il existe aussi des molécules susceptibles de diminuer le désir du tabac, et plus particulièrement les antagonistes des récepteurs endocannabinoïdes tel que le rimonabant actuellement en voie d’évaluation. Celui-ci est un agoniste partiel des récepteurs nicotiniques et, à ce titre, il interfère avec les besoins en tabac. Une autre molécule est actuellement en développement. Il s’agit de la varénicline qui semble avoir des effets agonistes plus importants sur les récepteurs à la nicotine et agit ainsi comme un succédané de la nicotine, évitant donc les effets de « manque ». Attendons les résultats des grandes études en cours avec cette nouvelle classe thérapeutique.
Le diabète
Le diabète est aujourd’hui le facteur de risque le plus important non seulement en termes de risque cardiovasculaire mais aussi d’atteinte rénale.
Le diabète de type 2 apparaît dans un contexte de patients à haut risque souvent porteurs d’un syndrome métabolique. La prévalence de ce syndrome augmente dans les pays développés, atteignant 25 % aux Etats-Unis et un peu moins en Europe. Des études récentes ont montré que certains traitements et plus particulièrement les IEC et les antagonistes de l’angiotensine II permettent de diminuer le risque d’apparition d’un nouveau diabète chez ces patients, souvent hypertendus et dyslipidémiques.
C’est souligner l’intérêt de l’étude ASCOT-BPLA où les nouveaux cas de diabète sont très significativement moins nombreux chez les patients à haut risque cardiovasculaire lorsqu’ils sont traités par amlodipine + perindopril comparativement à l’association aténolol + bendrofluméthiazide.
H.-H. Parving a rappelé les données de l’étude STENO 2 réalisée à Copenhague (NEJM 2003 ; 348 : 383-393). Cet essai d’une durée de 7,8 ans, a comparé le traitement classique d’un diabétique selon les recommandations danoises des années 1995, et un traitement agressif comprenant des mesures hygiéno-diététiques et l’atteinte des valeurs cibles pour tous les facteurs de risque, c’est-à-dire un cholestérol total < 1,75 g/l, des triglycérides < 1,50 g/l, une PA < 135/80 mmHg, une HbA1c < 6,5 % et une prévention CV par l’aspirine. Tous les patients étaient diabétiques et présentaient une microalbuminurie.
Les résultats montrent une réduction du risque d’apparition d’un événement cardiovasculaire majeur de 53 % dans le groupe intensif (p = 0,007) ainsi qu’une diminution de 58 à 63 % du risque de microangiopathie (rétinopathie, néphropathie ou neuropathie). Les auteurs avaient conclu qu’une intervention intensive, au long cours, basée sur des objectifs clairs en suivant les recommandations, dirigée contre les multiples facteurs de risque doit être recommandée chez les diabétiques de type 2 avec microalbuminurie.
D'après un symposium des laboratoires Pfizer au congrès de l’European Society of Cardiology (ESC), Stockholm 2005.
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