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Vasculaire

Publié le 14 mar 2006Lecture 22 min

Comment reconnaître l'origine vasculaire d'une douleur de jambe ?

P. CACOUB, D. SENE et D. SAADOUN, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Paris

Les douleurs à la marche sont, à partir d’un certain âge, extrêmement fréquentes et leurs origines fort diverses : vasculaire, orthopédique, musculaire, articulaire ou neurologique. Les véritables difficultés diagnostiques résultent de l'intrication fréquente, chez les sujets à partir de la cinquantaine, de nombreuses anomalies pouvant également donner des douleurs à la marche.
Une boiterie d'esquive, une claudication intermittente, un petit pas pressé, un pas traînant, un pas chaloupé, un pas décalé... Chacun peut avoir sur la marche un regard polarisé par la lorgnette de sa discipline...

Démarche diagnostique devant une douleur à la marche Les pathologies douloureuses de la marche sont un motif fréquent de consultation et si la liste des étiologies est longue, le diagnostic peut être fait le plus souvent cliniquement. Dans le cadre du bilan étiologique de ces douleurs, le problème n'est pas tant de savoir ce qui est d’origine vasculaire mais surtout de reconnaître ce qui ne l’est pas. Seule cette démarche d'élimination permettra de poser correctement un diagnostic clinique, de demander les examens complémentaires nécessaires et donc de pouvoir prendre en charge correctement les patients artériopathes. La démarche clinique s'effectue parmi quatre grands registres pathologiques : artériel, veineux et lymphatique, rhumatologique et neurologique (tableau 1). Chacune de ces atteintes affecte la marche de façon différente par la fonction touchée, le seuil douloureux, la gêne ressentie, l'horaire de survenue (mécanique ou inflammatoire), l'existence d'une position antalgique, de troubles de l'érection, d'un déficit sensitivo-moteur et par tous les mécanismes mis en jeu pour compenser le déficit. La marche normale sous-entend l'intégrité de plusieurs systèmes : vasculaire, neurologique et ostéo-articulaire, dont les atteintes peuvent être isolées ou associées. Ainsi, un interrogatoire précis et un examen physique complet doivent permettre dans la majorité des cas d'évoquer ou d'affirmer l'étiologie de la marche douloureuse (tableau 2). L'interrogatoire et l'examen clinique permettent dans la majorité des cas le diagnostic d'une pathologie vasculaire.   La douleur artérielle La claudication artérielle est souvent typique chez un patient de 50 ans, parfois plus jeune, tabagique, qui décrit, après une certaine distance de marche, une douleur de survenue brutale, le plus souvent unilatérale, imposant l'arrêt et cédant alors rapidement, définissant la claudication intermittente (stade II de la classification de Leriche et Fontaine). Parfois il s'agit d'une fatigabilité brutale moins douloureuse, d'une sensation de brûlure ou de striction. Les caractéristiques principales restent l'absence de symptôme au repos, en position debout ou lors de mouvements particuliers, et la régression rapide à l'arrêt de l'effort. Le périmètre de marche est variable en fonction de nombreux critères lésionnels comme la localisation des lésions, les suppléances, l'âge du patient... Le périmètre de marche n'est qu'un des éléments à prendre en compte car il ne reflète pas forcément la gêne réelle ressentie par le sujet qui dépendra pour beaucoup de l'âge, de la profession, des conditions économiques, des loisirs, des antécédents familiaux et de la psychologie du sujet. Il n'y a pas de parallélisme anatomo-clinique absolu. La mesure de l’indice de pression systolique (IPS) cheville-bras est le critère diagnostique le plus sensible quand il est < 0,9. Un bilan lésionnel par écho-Doppler complétera l’exploration. Plusieurs éléments d'interrogatoire évoquent une artériopathie des membres inférieurs sur : • la topographie de la douleur, le mollet, la cuisse ou la fesse révélant différents niveaux d'atteinte artérielle, • le caractère unilatéral ou bilatéral traduisant une atteinte diffuse, • l'absence de position antalgique, • la provocation uniquement par la marche, donc d'allure mécanique, dans les stades II et III, qui peut coexister avec des douleurs de décubitus insomniantes dans le stade IV, • l'aggravation de la douleur en fonction de la pente du terrain, • l'existence d'un trouble de l'érection. L'examen physique recherchera l'existence et la qualité des pouls, des souffles vasculaires, des troubles trophiques, et l'absence d'autres atteintes (amyotrophie, myalgies, déformation ou diminution de mobilité articulaire, trajet douloureux de type névralgique, abolition ou diminution des réflexes ostéo-tendineux, signe de Lasègue, de Babinski ou d'Hoffmann). L'examen écho-Doppler, l'un des seuls vraiment utile dans ce type de symptomatologie, identifie la lésion artérielle, son type et son degré de sévérité, notamment pour les lésions proximales. L'épreuve de marche sur tapis roulant, en particulier s'il existe un doute sur le diagnostic en raison d'un interrogatoire et/ou d'un examen clinique difficiles, permet de quantifier le degré de claudication. Elle peut être standardisée avec une vitesse de 3,2 km/h et une pente à 10 %. L'épreuve est poursuivie jusqu'à l'apparition d'une douleur imposant l'arrêt, l'apparition de la gêne étant notée. Il est parfois nécessaire d'utiliser des vitesses moins élevées chez des patients âgés. Des techniques plus sophistiquées peuvent être utilisées comme les mesures de TcPO2 à l'effort sur un tapis roulant, reflet de l'ischémie musculaire.   Les douleurs veineuses Les douleurs à la marche d'origine veineuse sont également d'allure mécanique, d'apparition moins brutale et d'intensité moins violente, soulagées par le repos et les jambes surélevées. Elles sont exagérées par le maintien en position debout qui favorise l'apparition d'un œdème. L'examen visuel de la peau détecte d'éventuelles varices que l'on rattachera à une incontinence saphènienne ou non. L'existence d'un œdème pourra être rapporté à une insuffisance veineuse, lymphatique ou mixte selon son aspect. L'écho-Doppler fournit de précieux renseignements sur la perméabilité de l'ensemble du réseau veineux profond et superficiel, en identifiant parfois des signes de thrombose récente ou ancienne avec ses séquelles, et en dressant une cartographie des « points de fuite » à l'origine d'une maladie veineuse superficielle. L'existence de troubles trophiques à type d'ulcère ou d'eczéma variqueux, d'hypodermite ou de dermite ocre traduit une maladie veineuse déjà décompensée.   La marche douloureuse chez le sportif Devant toute suspicion de lésion tendineuse ou musculaire chez le sportif, un examen clinique minutieux est indispensable pour dépister des lésions traumatiques comme les ruptures totales ou partielles, les luxations ou subluxations, ou des lésions micro-traumatiques telles que les syndromes fissuraires des péroniers latéraux, des jambiers antérieurs ou postérieurs, des ténosynovites ou des tendinites. Une bonne évaluation clinique permet dans la plupart des cas de se passer des examens complémentaires.   Les atteintes musculaires - Parmi les atteintes musculaires du triceps sural, celle du jumeau interne est la plus fréquente, bien que le traditionnel claquage du mollet soit plus connu et d'identification plus aisée. La désinsertion du jumeau interne se reconnaît par l'interrogatoire qui précise les circonstances de l'accident, notamment un état de fatigue général ou local, l'existence de crampes, de conditions climatiques extrêmes ou un manque d'échauffement. Le mécanisme est toujours consécutif à une mise en tension brutale du mollet lors de l'extension du genou, avec désinsertion entre l'aponévrose jambière et le jumeau. L'étirement passif, en particulier la dorsiflexion du pied est douloureuse et limitée lorsque le genou est en extension, et devient possible et indolore lors de sa flexion. La palpation douloureuse de la région retrouve un empâtement local et une ecchymose. En regardant le sujet marcher, on distingue deux types de boiterie : soit le patient prend appui sur la pointe du pied, genou en flexion, ce qui détend le jumeau interne ; soit il pose son pied en rotation externe, ce qui peut traduire aussi bien une désinsertion du jumeau interne qu'une rupture du tendon d'Achille. - Méconnus, ou pris à tort pour une crampe musculaire, un kyste poplité, une thrombose veineuse ou une rupture du tendon d'Achille, qui reste un des grands diagnostics différentiels, les désinsertions du jumeau interne peuvent laisser des dégénérescences de ce muscle avec un retentissement permanent sur la marche chez des sujets souvent jeunes.   La claudication de l'artère poplitée piégée Au niveau du creux poplité, certaines pathologies vasculaires peuvent prendre le masque d'une banale boiterie surtout chez des sujets jeunes et sportifs. Le syndrome de l'artère poplitée piégée, souvent méconnu, est pourtant présent mais asymptomatique chez près de 50 % des athlètes. L'hypertrophie des muscles jumeaux, en particulier chez les cyclistes, les danseurs, les nageurs, provoque une compression intermittente de l'artère pouvant devenir plus ou moins permanente, à l'origine d'une insuffisance circulatoire artérielle à l'effort ou dans certaines positions. La claudication artérielle survient paradoxalement à la marche plutôt qu'à la course, car la jambe se trouve moins fléchie et cède avec le ralentissement de la marche. La dorsiflexion du pied ou l'extension de la jambe peuvent provoquer des douleurs. L'altération progressive de la paroi artérielle est source de complications locales, sténose ou anévrisme, se révélant parfois par une ischémie aiguë de jambe. En raison du développement progressif d'une circulation collatérale, l'interrogatoire retrouve une claudication intermittente pour un périmètre de marche large ou pour un effort plus violent que la marche, associé à « une hyperthermie » du genou. L'examen clinique est le plus souvent normal, mais peut révéler une pâleur ou une cyanose du pied, l'abolition d'un pouls, des troubles trophiques des orteils, un souffle poplité, une tuméfaction pulsatile ou non du creux poplité (figure 1). Figure 1. Vélocimétrie doppler d’une poplitée piégée (signal sonore sur la tibiale antérieure à la cheville); vélocimétrie normale en position en position indifférente, puis flux aboli en flexion dorsale du pied, puis retour à la normale après relâchement de la posture. C'est l'écho-Doppler et surtout l'IRM qui mettront en évidence, lors de manœuvres posturales, des anomalies de trajet et de calibre de l'artère (72 % des « pièges poplités » diagnostiqués au Doppler sont asymptomatiques). Lorsqu'il existe un « piège » veineux associé, un œdème de la jambe ou du pied, des varices, des crampes musculaires à l'effort, voire une phlébite, peuvent être révélateurs. L'écho-Doppler montrera des anomalies de la veine poplitée.   Une claudication artérielle rare : l'endofibrose iliaque externe du cycliste L'endofibrose de l'artère iliaque externe survient presque exclusivement chez les cyclistes de haut niveau. La position couchée sur le cadre de la bicyclette favorise l'allongement et les sinuosités de l'artère iliaque externe au cours des mouvements de pédalage où la hanche est hyperfléchie. Chez ces cyclistes, dont les mollets cumulent jusqu'à 60 000 km par an, surviennent des douleurs réalisant une véritable claudication intermittente évocatrice d'une pathologie vasculaire. Deux fois sur trois, la douleur commence par une impression de contracture, envahissant brutalement le membre inférieur. Elle débute à la fesse ou à la cuisse, puis gagne tout le membre inférieur. Très rapidement, le sujet a une impression de paralysie motrice qu'il décrit comme un membre qui « ne répond plus », véritable douleur paralysante. Parfois, le cycliste ressent une impression de gonflement de la cuisse avec la sensation d'être trop serré dans son cuissard. Les symptômes apparaissent après ou pendant des montées de côtes, des sprints, des courses-poursuites ou un contre-la-montre. Il existe, pour le même sujet, un seuil d'effort qui déclenche constamment la douleur. L'examen du sujet au repos est normal et la présence d'un souffle iliaque est assez banale, sans réelle valeur sémiologique. La coloration et la trophicité du membre sont normales. On peut mesurer les circonférences de cuisse et de jambe qui sont plus grandes du côté pathologique. L'écho-Doppler au repos est le plus souvent normal en dehors des rares cas de thrombose de l'artère iliaque externe. L'épreuve de Strandness sur bicyclette ergométrique, en atteignant le seuil douloureux, permet d'objectiver par mesure Doppler un effondrement des pressions tibiales du côté pathologique dès les premières minutes, puis celles-ci remontent progressivement. L'échographie montre un épaississement localisé de la paroi artérielle, correspondant à la zone de rétrécissement, mais souvent la lésion est peu échogène et d'examen délicat. L'artériographie numérisée objectivera une sténose longue de 5 à 6 cm qui rétrécit la lumière artérielle de 20 à 30 %. Prise en flexion de cuisse, l'artère peut dessiner une plicature, voire un véritable siphon. L'artériectomie de 2 à 3 cm, guidée par angioscopie est une technique qui permet au cycliste de reprendre son entraînement rapidement car la dilatation endoluminale est inefficace.   La rupture du tendon d'Achille La rupture du tendon d'Achille, au mécanisme passif, peut revêtir des aspects trompeurs d'entorse de cheville ou de lésion ligamentaire de l'articulation tibio-tarsienne. L'examen de dos du sujet qui marche rétablit le diagnostic car tout l'effort repose sur le côté sain. L'examen des gouttières jambières postérieures montre une asymétrie, et la position en équin sur la pointe des pieds est impossible, témoignant de la rupture totale du tendon d'Achille. L'augmentation passive de la dorsiflexion du pied signe de façon quasi pathognomonique cette rupture. À l'heure actuelle, 30 à 40 % des cas de rupture du tendon d'Achille ne sont pas diagnostiqués.   Autres pathologies dégénératives musculo-ligamentaires Un steppage peut également traduire des ruptures dégénératives du jambier antérieur ou du jambier postérieur. Dans le premier cas, il existe une disparition de la corde du jambier antérieur et une démarche neurologique de pseudo-atteinte du sciatique poplité externe. Dans le deuxième cas, on note un aspect de « trop d'orteils » caractéristique vu de dos. Lorsque le diagnostic clinique devient difficile, comme c'est le cas pour les syndromes fissuraires du court péronier latéral fréquents chez les jeunes sportifs, il peut être utile de recourir à l'arthroscanner ou à l'IRM qui montrent une fissuration longitudinale du court péronier latéral.   Le syndrome des loges Quelques athlètes présentent après leur entraînement des sensations de crampe et de tension musculaire dans la loge antéro-externe de jambe. Dans 10 % des cas environ, il s'agit de syndromes des loges chroniques qui seront évoqués cliniquement par leur survenue immédiatement après l'effort, et diagnostiqués grâce à la mesure des pressions intramusculaires objectivant une élévation des pressions parfois considérable > 100 mmHg (normale = 30 mmHg). La forme aiguë du syndrome des loges peut se compliquer dramatiquement en l'absence de décompression réalisée en urgence. La douleur ressentie est violente, résistante aux antalgiques usuels, augmentant à l'étirement musculaire ou lors de la mobilisation passive, et s'accompagne d'une tension du compartiment atteint où l'on palpe un œdème dur sous une peau luisante et chaude. Il existe une hypoesthésie du territoire douloureux mais les troubles moteurs sont tardifs. L'aponévrotomie, en libérant la loge comprimée, réduira les pressions intratissulaires excessives responsables de l'ischémie nerveuse et tissulaire. Figure 2. Coxarthrose (cliché de face). Les atteintes de l'appareil locomoteur   Pathologie de la hanche Deux types de boiteries sont fréquemment rencontrés dans la coxarthrose et peuvent être associées à une artériopathie. Articulation coxo-fémorale. - Les boiteries frontales de la coxarthrose sont les plus fréquentes. L'enraidissement de l'articulation coxo-fémorale, avec perte totale de l'extension entraîne une marche asymétrique. Les douleurs sont à l'origine d'une esquive qui diminue le temps d'appui douloureux, d'où un déplacement du tronc et une bascule du bassin du côté opposé donnant une impression de membre inférieur plus court. Ces boiteries bénéficient volontiers du port d'une canne. - Les boiteries dans le plan sagittal se voient lorsque la hanche est très enraidie, tant en flexion qu'en extension, le patient faisant tourner son bassin pour « passer » le pas, entraînant ainsi la hanche ankylosée. La douleur apparaît lorsque le pied repose sur le sol. La marche devient précautionneuse avec un pied qui ne décolle pratiquement pas du sol lors de la marche. Les distances et les vitesses de déplacement du membre inférieur malade sont réduites, parfois de plus de 50 %. L'examen recherche une attitude vicieuse du membre inférieur douloureux, une amyotrophie de la cuisse, une hypotonie fessière. Les douleurs siègent le plus souvent dans l'aine et irradient à la face antérieure de la cuisse. La palpation et la mobilisation forcées de l'articulation atteinte sont douloureuses, la rotation interne de la hanche est limitée. Les douleurs sont mécaniques, survenant à la marche ou à la station debout. Des radiographies du bassin et des hanches montrent fréquemment du côté malade un défaut de couverture externe de la tête fémorale et/ou un pincement de l'interligne articulaire coxo-fémoral confirmant le diagnostic. L'injection de xylocaïne dans l'articulation peut être nécessaire pour lever le doute sur l'existence d'un canal lombaire rétréci associé. Les articulations sacro-iliaques peuvent être impliquées dans les douleurs à la marche ou à la station debout au cours de certains rhumatismes inflammatoires comme la spondylarthrite ankylosante, mais aussi dans la période du post-partum à cause de petites subluxations résiduelles qui régressent spontanément. Les douleurs siègent dans la fesse, la cuisse, voire dans les mollets. La tendinite du moyen fessier s'exprime à chaque pas, surtout à la montée des escaliers, par une douleur naissant en regard du grand trochanter et descendant le long de la cuisse. Cette douleur peut simuler en tout point une sciatalgie L5-S1, mais elle est reproduite par la pression de la région douloureuse. L'anesthésie locale permettra d'affirmer la tendinite du moyen fessier qui bénéficiera d'un traitement antalgique par corticoïdes en injection locale. L'ostéonécrose aseptique des têtes fémorales, ou plus rarement des condyles fémoraux peuvent occasionner des douleurs de jambe. Les douleurs sont mécaniques et l'examen clinique est généralement pauvre. Le contexte est parfois évocateur: éthylisme chronique ou aigu, corticothérapie, hyperlipidémie, etc. Les radiographies osseuses peuvent faire le diagnostic. En cas de normalité, l'IRM est l'examen le plus sensible.   Pathologie du genou La gonarthrose est plus fréquente chez la femme après 40 ans. La douleur à la marche est intermittente, déclenchée par la montée et la descente des escaliers ou la position assise prolongée. Elle est typiquement mécanique, soulagée par le repos en décubitus. Quelques signes cliniques aident au diagnostic : le signe du rabot, le toucher rotulien douloureux, la conservation de la mobilité articulaire, même si un épanchement est possible. Les radiographies standard des genoux avec des incidences fémoro-patellaires montreront un pincement articulaire. En cas de doute avec une lésion méniscale, une IRM, une arthrographie voire une arthroscopie sont justifiées.   Pathologie de la cheville La traumatologie de la cheville est à l'origine d'une impotence fonctionnelle douloureuse qui pose rarement des problèmes de diagnostic différentiel. Les œdèmes malléolaires isolés nécessitent le plus souvent une exploration veineuse complémentaire par un écho-Doppler à la recherche d'une phlébite. Certains œdèmes de la cheville, à un âge avancé, peuvent traduire une polyarthrite œdémateuse du sujet âgé, avec œdème douloureux bilatéral, un peu mou, des mains et des pieds.   Pathologie du pied La pathologie ostéo-ligamentaire est très riche et variée. Des fractures de fatigue (stress-fractures) sont fréquentes au niveau des métatarsiens, où elles font suite à des efforts de marche ou de course soutenus. À un stade précoce, il existe un œdème du dos du pied, chaud, rose et limité. La radiographie est initialement normale, et la scintigraphie objective un foyer d'hyperfixation au niveau de la zone de fragilité osseuse. La douleur est mécanique et l'impotence relative. Si le diagnostic n'est pas fait à ce stade, le foyer fracturaire évolue vers la constitution d'un cal volumineux. Chez les sujets plus âgés, les fractures de fatigue peuvent survenir pour de petits efforts et toucher principalement les premier et deuxième métatarsiens. Le rétablissement des appuis plantaires dans des chaussures confortables participe à la prophylaxie. La crise d'angor du pied ou maladie de Morton est véritablement une claudication artérielle intermittente du pied. Le plus souvent, une femme décrit au cours de la station debout, une douleur fulgurante et brutale et provoquant une vive angoisse. La douleur siège à l'avant-pied, entre la 3e et la 4e tête métatarsienne avec une irradiation électrique vers les orteils correspondants, soit vers la pulpe, soit plus typiquement sous l'ongle, argument de certitude. La douleur cède rapidement au repos mais peut réapparaître dès la reprise de la marche. Il s'agit dun fibro-névrome du troisième nerf interdigital plantaire, sorte de fibrose engainant le nerf et l'artère correspondants. La pression de l'espace entre les troisième et quatrième métatarsiens déclenche une vive douleur. Plus précis est le signe de Mulder : la compression latérale du pied fait remonter le fibronévrome entre les têtes métatarsiennes puis l'expulse comme un noyau de cerise. La douleur ne survient que lorsque le sujet est chaussé, le pied « serré » dans la chaussure, et n'apparaît jamais pieds nus. Le diagnostic est clinique et l'IRM est surtout utile au chirurgien. Les douleurs plantaires peuvent révéler des pieds creux. La décompensation d'un pied creux traduit un raccourcissement excessif du système suro-achiléo-calcanéo-plantaire. Il n'y a en effet pas de solution de continuité entre le tendon d'Achille et l'aponévrose plantaire. La mise en évidence de ce raccourcissement est cliniquement simple : la flexion du pied sur la jambe, genou tendu, en prenant appui sur le premier métatarsien pour tenter de réduire l'excès de calvus, ne parvient pas à réaliser une flexion dorsale car la cheville reste à angle droit. La varisation du pied par le triceps sural n'est plus correctement compensée. En marchant le sujet voit brusquement son pied tourner en dedans malgré la tension immédiate des péroniers latéraux. Les motifs de consultation sont : les torsions fréquentes de cheville, l'inconfort à porter certaines chaussures plates (les sujets marchent souvent sur la pointe des pieds), et l'existence de crampes dans les mollets ou dans la plante des pieds. Un bon chaussage et une orthèse soulageront ces symptômes. Algodystrophies. Parmi les formes frontières entre la pathologie vasculaire et celle de l'appareil locomoteur, une place revient aux algodystrophies. L'œdème déclive d'un pied cyanosé, dans un contexte post-traumatique et douloureux, avec une pseudo-paralysie des muscles du pied, pose peu de problème diagnostic. La scintigraphie osseuse permet de confirmer le diagnostic en objectivant un foyer d'hyperfixation en regard des zones douloureuses. L'évolution longue peut laisser des séquelles avec des rétractions tendineuses et un pied en varus-équin.   Le canal lombaire rétréci : un diagnostic différentiel fréquent de la claudication d'origine artérielle Les radiculalgies des membres inférieurs sont évoquées surtout lorsqu'il existe un processus dégénératif connu de la colonne vertébrale. Le canal lombaire « étroit », rarement constitutionnel, résulte d'un conflit dynamique entre le contenant ostéo-disco-ligamentaire et le contenu neuro-méningé. Les microtraumatismes, le vieillissement des disques, les remaniements arthrosiques des articulations postérieures avec la prolifération d'ostéophytes vont rétrécir le canal. Mais on peut voir aussi un sac dural large ou une lipomatose péridurale (corticothérapie prolongée). On doit parler de canal lombaire rétréci plutôt qu'étroit car le contenant se rétrécit avec la vie, surtout s'il était déjà étroit au début. Il s'agit d'un conflit dynamique, car la taille du canal varie avec la position de la colonne lombaire. Physiologiquement, la flexion du tronc ouvre au maximum le canal dans le sens antéro-postérieur, alors que la station debout et l'extension du tronc rétrécissent le canal. Les patients ayant un rétrécissement du canal lombaire ne ressentent les douleurs qu'en position debout et à la marche, et sont calmés par l'antéflexion. Le canal lombaire rétréci affecte plus souvent l'homme de plus de 50 ans, d'autant qu'il existe une claudication radiculaire avec un périmètre de marche. Les douleurs surgissent dès que le sujet se met debout, et sont plus importantes en descendant les marches qu'en les montant. Les efforts de toux ne les augmentent pas comme dans la hernie discale, et surtout, l'antéflexion lombaire soulage le patient plus que l'arrêt de la marche. Le besoin d'arrondir le dos pour diminuer les douleurs amène le sujet à s'asseoir le dos rond, à s'adosser à un mur et au bout de plusieurs années d'évolution, à souffrir d'une cyphose permanente. Les douleurs d'origine canalaire suivent un trajet radiculaire et s'accompagnent de paresthésies, de dysesthésies, voire de crampes. Un déficit sensitivo-moteur ou génito-sphinctérien est rare mais grave. Plus souvent, une hypoesthésie superficielle ou une petite sensation de faiblesse peuvent apparaître. Les radiographies standard montrent une arthrose exubérante, un trouble de la statique, une cyphose ou une scoliose lombaire et servent à écarter une pathologie tumorale, infectieuse ou inflammatoire. La saccoradiculographie est dans ce cas le seul examen à pouvoir objectiver et localiser le rétrécissement lombaire. Elle est réalisée en position debout (reproduisant la situation pathologique), montre un fourreau dural rétréci et permet l'injection de corticoïdes dans le canal.L'IRM et la tomodensitométrie sont très utiles pour apprécier la taille du canal mais ces examens présentent l'inconvénient d'être réalisés en position couchée. Le scanner présente l'avantage de mieux montrer les structures osseuses que l'IRM.   La claudication médullaire La claudication médullaire ou ischémie médullaire apparaît aussi à la marche et se manifeste par une faiblesse pure. Au repos, l'examen est strictement négatif, mais après une marche de 500 mètres, quelques signes pyramidaux pourront apparaître et l'examen retrouvera un signe de Babinski ou une spasticité (tous signes absents dans la claudication radiculaire).   Les marches douloureuses neurologiques Si les troubles de la marche sont fréquents au cours de nombreux syndrome neurologiques, ceux-ci n'entraînent que rarement des douleurs. Il s'agit donc essentiellement d'un diagnostic différentiel, sauf pour les syndromes sensitifs profonds, les syndromes sciatiques ou certaines neuropathies périphériques.   Le syndrome sensitif profond Le syndrome sensitif profond, par les douleurs fulgurantes des membres qu'il génère, ne peut passer inaperçu. Ce syndrome, lié à l'atteinte des différentes sensibilités (musculaire, articulaire, osseuse) associe des troubles subjectifs, une altération consciente de la sensibilité profonde et des troubles du tonus. Les douleurs fulgurantes, très vives, surviennent par crises de quelques minutes à plusieurs heures, se répétant en série au même point pendant la durée de l'accès. Quelquefois, la douleur présente un caractère fixe, comparé à une morsure ou à un clou pénétrant dans les tissus (douleur térébrante). Ailleurs, il s'agit d'une sensation de serrement ou de broiement (douleur constrictive en étau, en brodequin), de sensations de courant d'eau chaude ou froide, ou d'une impression de marcher sur du coton. L'examen retrouvera une perte de la perception des segments de membres témoin de la perte des différentes sensibilités, une ataxie avec un signe de Romberg, et une marche très perturbée. Le pied est brusquement lancé trop loin en avant et retombe en frappant le sol du talon, faisant dire au malade qu'il « talonne ». L'observation de l'usure du talon des chaussures fournit de précieux renseignements sur la marche des sujets. Le syndrome sensitif profond reflète l'existence d'une lésion siégeant à un niveau quelconque de la voie anatomique : pariétale (d'origine vasculaire ou tumorale), thalamique (le plus souvent de cause vasculaire), bulbaire (vasculaire ou tumorale), médullaire par section (l'hémisection transverse de la moelle réalisant le syndrome de Brown-Sequard), ou périphérique par traumatisme, compression, polynévrite, multinévrite ou polyradiculonévrite.   Les syndromes sciatiques Les syndromes sciatiques recouvrent toutes les atteintes du nerf sciatique depuis les racines jusqu'aux branches collatérales et terminales. On distinguera aisément les paralysies sciatiques dominées par le déficit musculaire qu'elles entraînent, des lombo-sciatiques traduisant l'atteinte des racines rachidiennes. Ces dernières sont souvent précédées de lombalgies récidivantes et succèdent à des efforts, un mouvement brusque, ou s'installent insidieusement. La douleur spontanée siège à la face postérieure de la cuisse et descend dans le creux poplité, la jambe et le pied avec une intensité variable, du simple élancement à la douleur « atroce ». Elle est exagérée par la toux ou l'éternuement, lorsque le patient se lève ou se retourne dans son lit. L'appui antalgique porte sur le côté sain, l'autre côté étant demi-fléchi. Le clinicien constatera une raideur rachidienne, une douleur provoquée par la pression du sciatique lui-même, par élongation du nerf au cours de la manœuvre de Lasègue ou par la pression latéro-vertébrale. Une hypoesthésie dans le territoire cutané correspondant, mais surtout la diminution du réflexe achiléen sont autant de signes objectifs. Les deux types essentiels de lombo-sciatiques intéressent les racines L5 et S1 avec leur topographie respective : fesse, cuisse, face externe de jambe dos du pied et gros orteil pour L5 ; face postérieure de la cuisse et de la jambe, talon et plante du pied pour S1. Les lombo-sciatiques ont surtout des causes rachidiennes : une hernie discale le plus souvent, les anomalies transitionnelles de la charnière lombo-sacrée, les traumatismes rachidiens, le mal de Pott, le cancer vertébral, une tumeur intrarachidienne comprimant la queue de cheval. Une entité à part est représentée par les sciatiques dites cordonales car, si elles sont peu fréquentes, elles peuvent être à l'origine de graves erreurs thérapeutiques. Il s'agit d'algies dans le territoire du sciatique, liées à la compression des voies de la sensibilité dans la moelle et non à une atteinte des racines ou des troncs nerveux périphériques. La douleur sciatique est ici une douleur projetée et, en l'absence de signe de compression médullaire, il sera bien difficile de la rattacher à sa véritable cause.   Les atteintes neurologiques périphériques Les atteintes neurogènes périphériques, outre les myopathies, les polymyosites, les sciatiques ou le syndrome de la queue de cheval, ont chacune des caractéristiques cliniques spécifiques.   Les syndromes cérébelleux Les atteintes centrales, au niveau de la fosse postérieure, du cervelet ou du tronc cérébral, se manifestent par un syndrome cérébelleux. Celui-ci se caractérise par l'association de troubles de la statique, l'exécution du mouvement et du tonus. Le patient debout élargit son polygone de sustentation en oscillant dans tous les sens, avec une répercussion sur la marche qui s'effectue par des enjambées courtes, irrégulières, pseudoébrieuses. Cette ataxie cérébelleuse est dissociable de l'ataxie vestibulaire qui s'exagère à l'occlusion des yeux, et s'accompagne d'illusions proprioceptives. Au niveau du cou-de-pied, on note une contraction incessante du tendon du jambier antérieur réalisant une « danse des tendons ». Il existe des réflexes ostéo-tendineux pendulaires, exagérés et oscillatoires.   Les syndromes parkinsoniens Les syndromes extrapyramidaux, parmi lesquels la maladie de Parkinson, perturbent la stabilité et la marche avec une perte de l'automatisme. On reconnaîtra les trois signes majeurs que sont le tremblement d'attitude, l'hypertonie extrapyramidale qui prédomine sur les muscles gravidiques, donc sur la marche, et l'akinésie. La posture est caractéristique, la tête et le tronc penchés en avant, raides, les genoux légèrement fléchis avec, au niveau du cou-de-pied, la saillie exagérée du jambier antérieur, mais il n'existe pas de déformation des pieds comme celles qu'on peut observer au niveau des mains. La marche est difficile, avec une progression lente à petites enjambées, le sujet avançant d'une seule pièce sans balancer les bras avec une tendance à hâter le pas (démarche festinante). Les atteintes du lobe pariétal gauche, où se trouvent les centres praxiques, ont une répercussion sur la marche, constituant l'apraxie de la marche. Mettre un pas devant l'autre apparaît alors d'une réelle complexité pour le sujet qui ne sait plus comment disposer ses pieds.   Les autres pathologies du sujet âgé Les syndromes frontaux, les hydrocéphalies et les démences sous-corticales altèrent l'équilibre de sujets âgés, dont la marche est déjà rendue déficiente par un affaiblissement musculaire, des arthropathies, une polymédication, et parfois une artériopathie. Ils se manifestent par une « ataxie de la marche » avec des troubles importants de la statique mais pas de douleur. Les troubles de l'équilibre avec rétropulsion et parfois latéropulsion dominent la scène clinique.   Les atteintes vertébro-basilaires La vascularisation de la fosse postérieure, assurée par les seules artères vertébrales prisonnières des structures ostéo-ligamentaires mobiles du rachis cervical, semble plus vulnérable, expliquant la fréquence des accidents d'ischémie vertébro-basilaire d'origine hémodynamique. Selon le siège de l'obstruction, on observera des syndromes dont la séméiologie est fonction du territoire cérébral affecté. Les signes cliniques les plus fréquemment observés sont les hémianopsies, les cécités, les hallucinations visuelles et les métamorphopsies, les agnosies visuelles, les troubles oculomoteurs, une hémiparésie, un syndrome cérébelleux, des vertiges, trop souvent rattachés à une cause vasculaire quand bien même ils apparaissent isolés. Ici encore, les troubles de la marche ne sont pas douloureux.   Conclusion L'examen clinique est dans presque tous les cas suffisant pour isoler une claudication artérielle d'une arthropathie, d'un claquage musculaire, d'un clou dans la chaussure, ou d'une neuropathie centrale ou périphérique. Les pathologies intriquées et/ou atypiques, en particulier chez les personnes âgées, peuvent poser en pratique de réelles difficultés et nécessitent l'aide d'examens complémentaires.

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