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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 16 sep 2008Lecture 6 min

Devant un lambeau de fibrillation auriculaire chez le sujet âgé : que faire ?

J.-J. BLANC, CHU Brest

Tous les articles ou presque sur la fibrillation auriculaire (FA) débutent par la même antienne : « le plus fréquent des troubles du rythme cardiaque ». Je m’abstiendrais donc de le répéter ! En revanche, il semble important de rappeler une notion classique mais peut-être insuffisamment connue : les épisodes documentés ne représentent que la partie émergée de l’iceberg dans la FA ! Ce phénomène a été amplement démontré par la pratique des enregistrements continus (Holter, enregistreurs d’événements et surtout prothèses implantables type stimulateurs ou défibrillateurs). Écrire que la FA est une pathologie du sujet âgé est une évidence clinique que les études épidémiologiques ont aisément confirmée.

  Finalement, il est certain que la FA est en grande partie ignorée chez les sujets âgés et cela, pour diverses raisons : épisodes prolongés mais parfaitement asymptomatiques et indiscernables lors de visites médicales espacées, épisodes perçus mais mal expliqués et ininterprétables par le médecin, enfin lambeaux trop brefs pour pouvoir être ressentis ou enregistrés. Toutefois, comme indiqué dans les lignes précédentes, ces épisodes existent et sont de plus en plus souvent reconnus lors de la pratique d’enregistrements continus, en particulier par l’interrogation des mémoires de plus en plus performantes des prothèses fréquemment implantés chez ces patients. La gestion thérapeutique de ces épisodes est une question de pratique quasi quotidienne, rarement abordée il faut bien l’avouer dans les études. Les lignes qui suivent n’ont certainement pas la prétention de répondre à toutes les questions mais simplement d’apporter quelques éléments de réponse.   Qu’est ce qu’un lambeau de FA ? La définition des troubles du rythme au niveau ventriculaire est parfaitement codifiée depuis la simple extrasystole jusqu’à la fibrillation en passant par les tachycardies non soutenues et soutenues. Rien de tel n’existe au niveau auriculaire ou plutôt de façon beaucoup plus floue. Pour l’extrasystole : pas de difficulté ; pour la FA « installée », qu’elle soit paroxystique ou persistante, non plus. Les ennuis apparaissent lorsqu’il s’agit de définir la « FA non soutenue » mais non paroxystique ou « lambeau de FA ». Transposer la succession de trois extrasystoles ventriculaires qui définit la tachycardie ventriculaire non soutenue (TVNS) au niveau auriculaire paraît abusif : trois extrasystoles auriculaires (ESA) de suite ne forment pas un « lambeau de FA » mais alors combien en faut-il ? Personne n’ayant pour l’instant de réponse précise je serais tenté de recourir à une formule célèbre : « un certain nombre » ! En fait plus qu’un nombre d’ESA je pense qu’un temps serais plus adapté mais, là encore, il n’y a rien qui permette de définir une limite. Je proposerais de façon arbitraire la durée de 10 secondes pour parler de « lambeau de FA ». La limite basse étant « définie », reste à définir la limite haute ; autrement dit à partir de quelle durée de FA doit-on considérer qu’il ne s’agit plus d’un « lambeau de FA » mais d’une FA « installée » répondant alors aux critères de la FA paroxystique ? Les documents « officiels », en l’occurrence les recommandations des sociétés savantes, sont beaucoup plus précis et s’accordent sur la valeur de 30 secondes. Un lambeau de FA est donc un trouble du rythme auriculaire répondant aux critères ECG habituels de la FA et durant entre 10 et 30 secondes. Au-delà, il s’agit d’une FA paroxystique et sa prise en charge est codifiée dans les documents mentionnés ci-dessus.   Quelle est l’histoire naturelle d’un lambeau de FA ? Le lecteur comprendra aisément qu’il est illusoire de rechercher l’histoire d’une entité qui n’a pas de définition formelle. Il faut donc se contenter de raisonner par analogie et de considérer, puisque la FA paroxystique évolue inexorablement vers la FA persistante puis permanente, que les « lambeaux de FA » évoluent vers la FA paroxystique dont ils ne représenteraient qu’une forme larvée. De même, il est tentant, et cela est confirmé par l’interrogation des prothèses implantées, que les « lambeaux de FA » ne sont jamais isolés mais, en dehors de circonstances exceptionnelles (troubles électrolytiques, médicaments, etc.) récidivent à une fréquence qu’il est important de quantifier.   Faut-il prescrire des antiarythmiques ? Si l’on admet, et cela paraît plausible que les « lambeaux de FA » ne sont que des FA paroxystiques a minima, alors les recommandations s’appliquent mais elles restent assez « floues » sur ce point (recommandations de type IIa) avec un libellé alambiqué qui laisse beaucoup de liberté. Finalement, je conseillerai de rester pragmatique : en l’absence de gêne fonctionnelle en relation avec ces accès de FA, et cela est plutôt la règle, alors s’abstenir de surcharger un ordonnance déjà lourde. Si un antiarythmique doit être prescrit, le choix chez ces sujets âgés et certainement porteurs d’une atteinte cardiaque se cantonne à l’amiodarone et au sotalol, en connaissant leurs effets secondaires. Une question reste toutefois en suspens : la prescription d’un antiarythmique, même en l’absence de symptômes, retarderait-elle la survenue d’épisodes plus soutenus ? Je suggèrerais de s’en tenir à ce que l’on sait ou plutôt à ce que l’on ne sait pas en l’absence d’études, sur le risque d’évolution vers la FA « installée » et de s’abstenir de prescrire un médicament dont les effets secondaires sont loin d’être négligeables, surtout chez des sujets âgés et déjà « polymédicamentés ».   Faut-il prescrire des anticoagulants ? Voilà certainement la question la plus importante et à laquelle il est le plus difficile de répondre. Deux mises au point sont nécessaires avant d’aborder ce sujet : - il n’est plus discutable d’affirmer que le risque thromboembolique de la FA paroxystique est identique, et même peut-être supérieur à celui de la FA permanente ! Si bien qu’en cas de FA paroxystique, quel que soit l’âge, un traitement pour prévenir les accidents thromboemboliques est recommandé, excepté en cas de FA idiopathique, un concept qui n’est pas « admis » au-delà de 60 ans. - le deuxième point est une constante de la thérapeutique : plus les sujets on besoin d’un traitement, plus il est difficile de le leur prescrire. Dans le cas de la FA, plus les patients ont des facteurs de risque d’embolie, plus les risques d’hémorragies liés au traitement sont importants ! Lorsqu’il faut prescrire, le traitement reste discuté : antivitamines K (AVK) au long cours chez les sujets à fort risque d’accidents vasculaires cérébraux (antécédents de tels accidents, transitoires ou non), ou aspirine chez les patients considérés à « bas risque » ou chez ceux ayant une contre-indication aux AVK. Le problème provient du fait que ces recommandations s’appliquent à la FA paroxystique et non aux « lambeaux de FA » ! Une étude récente (TREND) apporte toutefois des éléments de réponse importants. Elle analyse en effet, le risque d’accidents emboliques en fonction de la durée totale sur un jour (24 h) de FA pendant le mois précédent (mémoires de prothèses implantées). Le premier résultat est que la fréquence des accidents emboliques est nettement moins élevée que ce que l’on avait décrit jusqu’à présent. Le deuxième résultat établit qu’une durée de FA inférieure à 5,5 h pendant une journée dans les 30 jours précédents n’induit qu’un risque extrêmement faible d’accidents emboliques. Au-delà de cette limite, il est double, mais reste limité. Cette valeur peut donc être utilisée mais encore faut-il pouvoir la mesurer, ce qui n’est réalisable qu’en cas de prothèses implantées et non lors d’un enregistrement plus bref au cours duquel est découvert un « lambeau de FA ».   En pratique Isolés ou rares, les «lambeaux de FA » ne représentent probablement qu’un marqueur de risque pour l’installation ultérieure d’une FA. Répétitifs et fréquents, ils doivent probablement être assimilés à des épisodes de FA paroxystique et donc être traités comme tels. Les résultats de l’étude TREND encouragent cependant à ne pas traiter par AVK les épisodes dont la durée pendant l’une des journées ne dépasse pas 5 h dans le dernier mois.

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