Publié le 26 avr 2009Lecture 8 min
Doppler tissulaire
G. DERUMEAUX, hôpital Louis Pradel, Bron et G. HABIB, CHU La Timone, Marseille
Voici la troisième partie du dossier consacré au Doppler tissulaire. Les auteurs développent ici les aspects du Doppler tissulaire myocardique dans les cardiomyopathies dilatées.
Cardiomyopathies dilatées
De même que dans les cardiomyopathies hypertrophiques, le rôle diagnostique du Doppler tissulaire myocardique n’est pas au premier plan quand il existe une altération de fraction d’éjection associée à une dilatation des cavités gauches, témoignant d’un processus de remodelage ventriculaire gauche.
En cas de cardiomyopathie, la diminution des vélocités myocardiques est multifactorielle et implique outre les troubles de la fonction systolique, les anomalies des conditions de charge, une diminution de la concentration myocardique des récepteurs adrénergiques ainsi qu’une augmentation de la fibrose myocardique contribuant à la dissociation et à la désorganisation des fibres myocardiques. En cas de cardiomyopathie dilatée avérée, le Doppler tissulaire myocardique met en évidence une diminution importante des vélocités myocardiques systoliques et diastoliques ainsi que des indices de déformation systolique (figure 1).
Figure 1. Comparaison de la paroi postérieure enregistrée en mode TM d’un sujet normal à gauche (A) et d’une cardiomyopathie dilatée à droite (B). Noter chez le patient porteur d’une cardiomyopathie dilatée la diminution importante des vélocités myocardiques à tous les temps du cycle cardiaque ainsi que la perte du gradient de vélocités entre endocarde et épicarde, traduisant l’absence de déformation myocardique et donc l’altération de contractilité myocardique.
Le Doppler myocardique ne permet pas de différencier avec une précision diagnostique suffisante les cardiomyopathies dilatées d’origine ischémique et dites « idiopathiques ». En revanche, de même que pour les cardiomyopathies hypertrophiques, le Doppler myocardique détecte de façon fine et précoce des troubles de fonction systolique ou diastolique qui peuvent précéder les altérations échographiques habituelles.
Ainsi, des travaux récents cliniques et expérimentaux ont montré la sensibilité diagnostique du Doppler tissulaire myocardique dans le diagnostic infraclinique des cardiomyopathies dilatées liées à des dystrophinopathies comme la maladie de Duchesne ou la maladie de Becker (figures 2 et 3).
Cette sensibilité diagnostique peut être également appliquée à la détection précoce d’anomalies de fonction myocardique liées à une origine inflammatoire ou immunologique comme le rejet aigu myocardique chez les patients transplantés cardiaques (figure 4).
Le Doppler tissulaire myocardique a également montré par l’enregistrement des vélocités au niveau de l’anneau mitral que les classiques insuffisances cardiaques dites « diastoliques » sur la notion d’absence de dysfonction systolique (fraction d’éjection normale) s’accompagnent en fait de façon quasi systématique d’une diminution des vitesses systoliques de déplacement de l’anneau mitral.
Figure 2. Comparaison de la paroi postérieure enregistrée en mode TM d’un chien normal à gauche (A) et d’un chien porteur d’une dystrophie musculaire similaire à la maladie de Duchêne (B). Noter chez le chien porteur de la dystrophie musculaire (GRMD), la diminution importante des vélocités myocardiques à tous les temps du cycle cardiaque ainsi que la perte du gradient de vélocités entre endocarde et épicarde, traduisant l’absence de déformation myocardique et donc l’altération de contractilité myocardique alors que le pourcentage de raccourcissement de la paroi postérieure n’est pas altéré. Cette anomalie de fonction détectée seulement par le Doppler tissulaire myocardique est corrélée à des anomalies histologiques associant des plages de fibrose et de nécrose intramyocardique.
Figure 3. Détection précoce de cardiomyopathie dilatée : modèle canin de la maladie de Duchesne. Cette figure illustre l’importance des paramètres de déformation qui différencient avec une excellente précision diagnostique les animaux normaux et les animaux GRMD. En revanche, les vitesses ne permettent pas de discriminer les deux groupes sans zone de chevauchement, en particulier pour les vitesses enregistrées dans la zone épicardique.
Figure 4. Détection précoce de rejet aigu myocardique chez un patient transplanté cardiaque (B) comparativement au témoin (A).
Enfin, le Doppler tissulaire myocardique trouve une application prometteuse dans le diagnostic des asynchronismes de contraction entre ventricule droit et gauche et intraventriculaire gauche.
Le diagnostic de désynchronisation ventriculaire repose habituellement sur l’électrocardiogramme de surface (durée du QRS > 120 ms). Les conséquences électromécaniques délétères de la désynchronisation ventriculaire sont liées à un délai d’activation et donc de contraction entre les deux ventricules, évaluable en échographie Doppler et mesuré comme la différence des délais de prééjection ventriculaires gauche et droit sur respectivement les flux aortique et pulmonaire. Le délai interventriculaire est considéré comme significatif quand il excède 40 ms.
Dans les cardiomyopathies dilatées, les parois pouvant habituellement bénéficier de la resynchronisation biventriculaire sont les parois inférolatérales du ventricule gauche qui se contractent avec retard sur les parois antéroseptales et ventriculaires droites (figure 5).
Figure 5. Exemple d’asynchronisme intraventriculaire gauche (en bas) avec retard de déplacement de la paroi latérale (courbe rouge) sur les parois septale (courbe bleue) et latérale droite (courbe jaune) chez un patient porteur d’une cardiomyopathie dilatée.
Le Doppler tissulaire aide à la détection de la paroi se contractant avec retard, permet de prédire l’amélioration du remodelage ventriculaire et de la régression de la fuite mitrale ainsi que le gain en termes de fonction ventriculaire gauche globale (figures 6 et 7).
Figures 6 et 7. Illustration de l’amélioration en termes de remodelage ventriculaire gauche et d’amplitude de vitesses myocardiques enregistrées au niveau de l’anneau mitral avant et après mise en place d’un stimulateur triple-chambres chez un patient porteur d’une cardiomyopathie dilatée.
La mise en évidence de l’asynchronisme intraventriculaire gauche mécanique repose sur de nombreuses méthodes utilisant :
• soit l’évaluation du déplacement des parois myocardiques (mode TM, mesure des vitesses de déplacement myocardique en mode Doppler pulsé ou à partir d’images bidimensionnelles enregistrées en mode Doppler tissulaire myocardique) ;
• soit l’évaluation de la contraction des parois myocardiques (mode TM, strain et strain rate).
Il n’existe aucune recommandation actuelle sur le choix des paramètres échographiques à utiliser pour identifier de façon optimale les candidats à un traitement par resynchronisation cardiaque.
Selon les équipes, la recherche d’un asynchronisme intraventriculaire gauche peut s’effectuer sur les seuls segments basaux des parois du ventricule enregistrés en incidence apicale, ou sur les segments basal et médian, ou sur les segments basal, médian et apical. Le choix du critère est également variable selon qu’est mesuré le délai entre le début du QRS et le début de l’onde systolique ou le délai entre le début du QRS et le pic de l’onde systolique (figure 8). L’enregistrement simultané des parois myocardiques permet de mesurer directement le délai entre les deux pics systoliques (figure 9). Dans tous les cas, il est impératif de prendre en compte les événements mécaniques du cycle cardiaque (ouverture et fermeture des valves aortique et mitrale) pour identifier dans les cas pathologiques complexes le moment de survenue des différents pics de vitesse de déplacement des parois myocardiques (figure 10). Il n’existe pour le moment aucun consensus sur la valeur seuil de délai intraventriculaire gauche à prendre en compte pour identifier de façon optimale les patients répondeurs.
Classiquement, en mode longitudinal, la valeur utilisée par de nombreuses équipes est de 65 ms. De même, la prise en compte d’un événement postsystolique et donc sa correction après resynchronisation reste un paramètre controversé dans l’identification des répondeurs à la resynchronisation cardiaque.
Figure 8. Le Doppler pulsé enregistré dans les différents segments myocardiques permet le calcul des intervalles de temps suivants : délai entre le début du QRS et le début de l’onde S systolique (1) ou délai entre le début du QRS et le pic de l’onde S systolique (2). Ces délais peuvent être mesurés uniquement dans les 4 segments basaux des parois septale, latérale, inférieure et antérieure ou dans les 4 segments basaux et médians, voire dans les douze segments basaux, médians et apicaux. La différence de délai entre deux parois exprime le délai intraventriculaire gauche dont la valeur seuil varie selon les études et les critères sélectionnés.
Figure 9. L’enregistrement simultané des profils de vélocité à partir d’un enregistrement en mode bidimensionnel permet de visualiser aisément la simultanéité des profils de vélocités dans la paroi septale en vert et la paroi latérale en jaune. Il permet d’apprécier dans cet exemple que malgré un délai entre les pics systoliques des deux parois (traits pointillés), le déplacement systolique s’effectue pendant l’éjection et contribue ainsi de façon effective au volume d’éjection et donc au débit cardiaque. Il permet d’apprécier sans calcul répété d’intervalle de temps dans chaque segment, l’absence de déplacement postsystolique.
Figure 10. Voici un exemple d’asynchronisme évident entre la paroi septale (tracé bleu) et la paroi latérale (tracé jaune). Le choix des pics pour le calcul du délai interventriculaire est difficile, voire impossible en l’absence d’indication des événements mécaniques du cycle cardiaque telles que l’ouverture et la fermeture de la valve aortique.
Le mode TM a l’avantage d’être disponible sur toutes les machines et présente une résolution temporelle élevée. Il permet ainsi d’apprécier l’asynchronisme de contraction radiale entre paroi antéroseptale et postérieure avec un délai optimal 130 m/sec pour identifier les potentiels candidats à une resynchronisation. Cette méthode est difficilement applicable dès lors qu’une des parois ne présente aucune contraction. On peut alors tenter d’identifier un retard de contraction de la paroi postérieure en comparant le délai entre début du QRS et pic de contraction (mieux identifié dans certains cas par TM en mode Doppler tissulaire myocardique) et le délai entre début du QRS et fermeture de la valve aortique, voire mieux, ouverture de la valve mitrale. Ainsi, un pic de contraction de la paroi postérieure survenant après la fermeture des valves aortiques identifie un asynchronisme de contraction de cette paroi qui non seulement, ne contribue pas à l’éjection mais gêne le remplissage ventriculaire gauche (figure 11).
Figure 11. La contraction de la paroi postérieure après la fermeture des valves aortiques gêne le remplissage VG.
L’extension de l’asynchronisme intraventriculaire est un paramètre important à considérer dans les indications de resynchronisation. Un nombre de segments asynchrones supérieur à 6 est un critère en faveur d’une réponse postive à la resynchronisation. Un moyen de visualiser facilement le nombre de segments asynchrones est d’utiliser le mode TM reconstruit (figure 12) ou d’utiliser un codage couleur du délai entre début du QRS et pic de l’onde de vitesse systolique en mode bidimensionnel ou en mode tridimensionnel.
Figure 12. Visualisation du nombre des segments asynchrones par le mode TM reconstruit.
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