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Insuffisance cardiaque

Publié le 16 jan 2007Lecture 7 min

Dysfonction ventriculaire de la FA : le retour sinusal permet-il une récupération ?

F. SACHER, P. JAÏS, M. HOCINI, J. LABORDERIE, S.REUTER, J. CLEMENTY et M. HAÏSSAGUERRE, Université Bordeaux II–Victor Segalen, Pessac

La cardiomyopathie rythmique, bien que connue de longue date, est souvent sous-estimée. Le retour en rythme sinusal chez les patients avec dysfonction ventriculaire gauche (VG) et FA récidivante ou permanente améliore non seulement la dysfonction systolique du VG mais également les paramètres de la fonction diastolique.

Il est connu depuis longtemps que des patients sans cardiopathie peuvent, lors d’un épisode de fibrillation atriale (FA), passer en insuffisance cardiaque ; le retour en rythme sinusal permet la disparition des symptômes et la normalisation de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG). Les récentes études RACE (Ramipril CardioProtective Evaluation) et AFFIRM (Atrial Fibrillation Follow-up Investigation of Rhythm Management) plaidaient, à première vue, pour des stratégies peu aggressives concernant le traitement de la FA. Nous essaierons de démontrer que, chez les patients avec FA et insuffisance cardiaque, une attitude optimale consiste à restaurer le rythme sinusal.   Quelle est la part de cardiomyopathie rythmique ? Les cardiomyopathies rythmiques, bien que décrites depuis longtemps, sont probablement sous-diagnostiquées en pratique : • elles peuvent survenir à tout âge (du fœtus aux seniors), • quel que soit le type d’arythmie (atriale, jonctionnelle ou ventriculaire) à condition qu’elle soit soutenue, • et quel que soit le substrat (cœur sain ou cardiomyopathie structurelle sous-jacente). Le délai d’installation (de quelques jours jusqu’à plus de 20 ans) de la dysfonction VG, sa sévérité et les symptômes qui en résultent sont très variables. Une cardiomyopathie rythmique « pure » peut s’observer comme dans le cas rapporté par Rabbani et al. où un jeune hockeyeur de 15 ans avait été mis sur liste de transplantation cardiaque pour insuffisance cardiaque terminale. Son seul antécédent était la notion d’un pouls rapide depuis 2 ans qui s’est avéré être une tachycardie atriale gauche et non une tachycardie sinusale compensatrice. L’ablation du foyer atrial a permis d’améliorer sa FEVG de 10 à 62 % en 5 mois, avec retour à la compétition. À l’opposé, cette pathologie peut se présenter chez un patient âgé avec cardiomyopathie ischémique qui développe des TV lentes qui le feront passer en insuffisance cardiaque puis choc cardiogénique. Entre ces deux extrêmes, il existe une multitude de tableaux cliniques. Si plusieurs études ont mis en exergue le rôle délétère de la fréquence ventriculaire élevée sur la FEVG, l’irrégularité du rythme cardiaque et la durée de l’arythmie jouent également un rôle important. Par ailleurs, la cardiomyopathie rythmique peut aggraver la fonction VG chez un patient avec cardiomyopathie structurelle (ischémique, valvulaire) en FA. Hsu et al. (NEJM 2004) ont rapporté une amélioration significative de la FEVG de 16 ± 14 % après ablation de FA, même chez les patients avec cardiomyopathie structurelle sous-jacente. Par ailleurs, l’altération myocardique secondaire à la FA n’est pas exclusivement liée aux fréquences ventriculaires mal contrôlées. Dans la même étude, les patients avec fréquence ventriculaire contrôlée (fréquence cardiaque moyenne de 80 bpm sur un Holter de 24 h) ont vu leur FEVG s’améliorer significativement de 17 ± 15 % avec le retour en rythme sinusal. Le rôle délétère de l’irrégularité cardiaque sur la fonction cardiaque, indépendamment de la fréquence ventriculaire, avait été rapporté par Naito et al. dès 1983 sur des chiens.   Amélioration de la dysfonction systolique   Chez tout le monde ? Le prérequis est de s’assurer que l’altération de la FEVG est au moins en partie rythmique. Le meilleur argument est lié au caractère persistant et/ou multirécidivant de l’arythmie. Il est important de noter que même les patients avec cardiomyopathie structurelle sous-jacente (ischémique, valvulaire, etc.) ou avec FA bien ralentie tirent ainsi bénéfice du retour en rythme sinusal en termes de FEVG, comme le montre l’article de Hsu et al. (NEJM, 2004). Dans cette même étude, le seul facteur prédictif de non-amélioration de la FEVG après ablation de FA chez les patients avec FEVG < 45 % était la récidive d’arythmie. La figure 1 montre un patient avec akinésie antéro-septale qui avait une FEVG échographique (Simpson) à 20 % (figure 1A), une insuffisance mitrale grade 2 fort (figure 1B) en post-ablation de FA persistante. À 1 mois, la scintigraphie (figure 2A) a montré une FEVG à 33 %. À 10 mois, l’échocardiographie a retrouvé l’akinésie antéro-septale mais la FEVG était de 53 % (figure 1C), l’insuffisance mitrale a régressée à un grade 1 (figure 1D), de même la FEVG scintigraphique était à 50 % (figure 2B). Figure 1. Exemple d’un patient après ablation d’une FA persistante (J 1) en rythme sinusal avec fraction d’éjection ventriculaire gauche à 20 % (a) et insuffisance mitrale grade 2 fort (b). Dix mois après la procédure, il est toujours sinusal avec une FEVG à 53 % (c) et une insuffisance mitrale grade 1 (d). Figure 2. Fraction d’éjection isotopique chez le même patient 1 mois après l’ablation (A) et 10 mois plus tard (B). En combien de temps ? Le temps de récupération de la fraction d’éjection VG est très variable (tableau). Dans les études animales avec cardiomyopathie induite par la stimulation ventriculaire rapide, la récupération s’effectue le plus souvent dans les 2 semaines suivant l’arrêt de la stimulation. Dans les études cliniques, la majeure partie de l’amélioration survient dans les 3 premiers mois avec une amélioration qui peut continuer jusqu’à 6 à 8 mois, cela bien sûr en l’absence de récidive de l’arythmie. Amélioration de la dysfonction diastolique Jais et al. ont montré que l’on ne retrouve pas de dysfonction diastolique VG avec les critères échographiques usuels chez les patients avec FA sur cœur sain, mais que cette dysfonction existe sur des critères hémodynamiques (pression télédiastolique du VG, etc.) en aigu. Plus récemment, Reant et al. (Circulation 2005) ont évalué les paramètres conventionnels de la fonction diastolique et les nouveaux marqueurs (DTI à l’anneau mitral, vitesse de propagation du flux mitral, index de Tei) chez 48 patients avec FA paroxystique et chronique (FEVG moyenne respectivement de 62 et 53 %) comparativement à des sujets sains appariés pour l’âge. Ces patients avec FA ont eu une ablation par radiofréquence puis ces paramètres ont été controlés à 1, 3, 6 et 12 mois. Il existait une dysfonction diastolique nette chez ces patients à l’état basal comparés aux sujets sains et, de façon intéressante, ces paramètres se sont améliorés dans les 12 mois ayant suivi l’ablation.   Le contrôle et la régularisation de la fréquence suffisent-ils chez les patients en IC ?   Le maintien du rythme sinusal Le contrôle du rythme sinusal n’est pas toujours possible en raison de la faible efficacité des antiarythmiques dans la FA. Les études RACE et AFFIRM ont montré que la stratégie « contrôle du rythme », dont le but est le maintien du rythme sinusal avec les médicaments, augmente le taux d’hospitalisations sans bénéfice sur la mortalité et n’a que peu ou pas d’effet sur les symptômes, comparativement à la stratégie du « contrôle de la fréquence ». Toutefois, le rythme sinusal a été maintenu pendant 2 à 3 ans chez seulement 40 à 73 % des patients dans le groupe « contrôle du rythme ». Les patients chez qui le rythme sinusal était maintenu ont eu une évolution plus favorable que ceux avec récidive de FA. Mais on ne sait pas si ces derniers avaient une cardiomyopathie sous-jacente plus sévère. De plus, dans ces études, le nombre de patients avec insuffisance cardiaque était au maximum de 25 %. Il faudra donc attendre les résultats de l’étude AF-CHF (the Atrial Fibrillation and Congestive Heart Failure) pour avoir quelques éléments de réponse.   Le contrôle de la FC Concernant le contrôle de la fréquence et la régularisation des QRS, l’ablation du nœud AV avec mise en place d’un stimulateur cardiaque peut également être une solution lorsqu’il est impossible de contrôler la fréquence ventriculaire chez des patients très symptomatiques. Toutefois, si cette option permet de diminuer nettement les symptômes, l’amélioration de la fonction cardiaque est plus limitée, voire controversée. L’étude PAVE (biventricular Pacing after Ablate compared with right VEntricular therapy), une étude prospective randomisée rapportée à l’ACC 2004 comparant la stimulation biventriculaire (biV) à la stimulation ventriculaire droite (VD) après ablation du nœud AV, montre un bénéfice immédiat des deux stratégies (amélioration de la tachycardiomyopathie). Mais à partir de 6 mois, il existe une dégradation de la FEVG dans le groupe stimulation VD tandis que, dans le groupe biV, elle se stabilise ou augmente légèrement.   Comment maintenir le rythme sinusal ? L’inhibition du système rénine-angiotensine-aldostérone au moyen d’IEC (énalapril) ou d’ARAII (irbésartan et candésartan) a fait la preuve d’un effet préventif sur l’apparition d’une FA en cas de dysfonction ventriculaire gauche. Mais les traitements antiarythmiques sont décevants pour le maintien du rythme sinusal. Seuls les antiarythmiques de classe III peuvent être utilisés, mais l’amiodarone, médicament de référence, n’offre que 65 % de maintien en rythme sinusal à 16 mois et ce au prix d’effets secondaires non négligeables. Dans la même étude (Roy et al ; NEJM 2000), le sotalol, utilisable chez les patients avec fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) peu altérée, permet seulement 37 % de maintien du rythme sinusal. Le dofétilide, un antiarythmique de classe III, pourrait s’avérer intéressant lorsqu’il sera à disposition. Ainsi, l’alternative consiste en l’ablation par radiofréquence des FA chez les patients en insuffisance cardiaque. Cette procédure est souvent plus longue et compliquée pour les FA persistantes et permanentes (comparativement aux FA paroxystiques) mais, chez les patients en insuffisance cardiaque, le résultat est d’autant plus spectaculaire que certains patients ont pu être rayés des listes de transplantation cardiaque.   En pratique Chez un patient avec fraction d’éjection altérée et FA permanente ou multirécidivante, même en présence d’une cardiomyopathie connue, il faut toujours suspecter une part rythmique. Points forts La cardiomyopathie rythmique est souvent sous-estimée. Même les patients avec cardiomyopathie structurelle sous-jacente (ischémique, valvulaire, etc.) et FA tirent bénéfice du retour en rythme sinusal en termes de FEVG. Chez les patients en FA permanente avec cadence ventriculaire contrôlée et dysfonction VG, la restauration du rythme sinusal améliore également la fonction cardiaque.

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