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HTA

Publié le 06 nov 2007Lecture 4 min

Est-il raisonnable de décider d'un traitement antihypertenseur sur les chiffres de consultation ?

F. SILHOL et B. VAÏSSE, Département de Cardiologie, Unité d’Hypertension Artérielle, CHU Timone, Marseille

Il y a peu de temps encore, l’instauration du traitement antihypertenseur était décidée dans les cabinets médicaux sur la base des chiffres tensionnels recueillis grâce au manomètre anéroïde ou à mercure. La prescription était établie au terme du recueil de 3 mesures lors de deux consultations(1) où l’on constatait des chiffres tensionnels élevés annonçant le plus souvent pour le patient un traitement antihypertenseur à vie. Une meilleure compréhension de la maladie hypertensive a conduit à intégrer l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire.

La démarche simple initiale a permis une nette amélioration du pronostic, réduisant notamment le nombre d’accidents vasculaires cérébraux, d’insuffisants cardiaques et bien d’autres complications cardiovasculaires(2) dans la population. Cependant, à la fin des années 80, les spécialistes en épidémiologie ont constaté un frein dans la régression du nombre d’accidents vasculaires cérébraux(3). La prévalence des accidents vasculaires cérébraux est liée mécaniquement au niveau tensionnel de la population étudiée. Pour continuer à progresser dans la lutte contre une maladie causant 7 000 000 de victimes par an dans le monde, il a donc fallu modifier en profondeur l’approche et la compréhension de la maladie hypertensive. Désormais inscrites dans les recommandations de l’HAS 2005(4), ces modifications portent sur deux éléments essentiels : - la mesure de la pression artérielle (PA), - la nécessité d’intégrer l’ensemble des facteurs de risque cardiovasculaire dans notre décision thérapeutique. C’est ce premier point concernant la mesure de la PA que nous allons développer.   Pourquoi prendre la PA en dehors du cabinet médical ?   Éviter les erreurs de mesure Améliorée par l’utilisation de tensiomètres huméraux automatiques, il n’en reste pas moins que la mesure clinique de la pression artérielle n’est pas fiable autant dans la mesure que dans le pronostic donné au patient. L’automesure tensionnelle (AMT) à domicile ou la mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) sur 24 h permet tout d’abord de corriger les erreurs de diagnostic par excès (HTA blouse blanche) ou par défaut (HTA masquée). Lorsque la PA est normale en AMT ou MAPA et élevée au cabinet de consultation, on parle d’HTA blouse blanche. Ce phénomène est extrêmement répandu ; il représente entre 20 et 30 % des HTA diagnostiquées au cabinet(5). À l’inverse, si la PA est normale au cabinet et élevée en AMT ou MAPA, on parle d’HTA masquée survenant dans 10 à 20 % des cas. Ainsi, même si la multiplication des mesures et l’utilisation d’un appareil automatique lors de la consultation réduit cette imprécision(6), l’appréciation de la PA au cabinet est erronée dans près d’un cas sur deux. Autre surprise, contrairement à l’idée reçue, la fréquence de l’HTA blouse blanche augmente régulièrement avec l’âge(7). Ces personnes âgées sont également très sensibles aux médicaments antihypertenseurs, notamment les inhibiteurs calciques et les diurétiques. L’introduction d’un traitement « à l’aveugle » risque de provoquer des chutes tensionnelles importantes pouvant déclencher des malaises et des complications traumatiques souvent délétères dans cette population. Une meilleure valeur pronostique de la mesure automatique L’étude SHEAF (Self mesurement of blood pressure at Home in the Elderly Assessment and Follow-up) montre que le pronostic des patients ayant une HTA blouse blanche est équivalent à celui d’un patient non hypertendu (figure 1). À l’inverse, le pronostic d’un patient ayant une HTA masquée est équivalent à celui d’un patient hypertendu. Figure 1. Risques relatifs d’événements CV. Les hypertendus blouse blanche restent-ils tous normotendus à vie ? La haute prévalence de l’HTA dans la population (10 %) et le fait qu’elle augmente avec l’âge implique que les personnes ayant une HTA blouse blanche, tout comme les hypertendus, peuvent développer une HTA bien réelle avec le temps (figure 2). Ainsi, Verdecchia(9) a montré qu’il faut néanmoins être attentif à l’éventuelle conversion des HTA blouse blanche en HTA au bout de quelques années. Figure 2. Effet blouse blanche et risque d’AVC. HAS 2005 : quand mesurer la PA en dehors du cabinet médical ? L’utilisation des appareils d’automesure est actuellement indiquée chez la quasi-totalité des hypertendus : - hypertendu léger à modéré (140-179/90-109 mmHg) sans atteinte des organes cibles, sans antécédent cardiovasculaire, sans diabète ni insuffisance rénale, - hypertendu âgé > 60 ans, - HTA résistante, - évaluation thérapeutique. Quand rechercher les HTA masquées ? Essentiellement dans les HTA « limites ». Dans l’étude SHEAF, la pratique d’une AMT chez les patients dont la PAS de consultation était comprise entre 130 et 140 mmHg a permis de dépister 84 % des HTA masquées(10). En pratique : comment recueillir les mesures à domicile ? Il faut appliquer la « règle des 3 » (Comité français de Lutte contre l’HTA) : - 3 mesures consécutives en position assise le matin, - 3 mesures consécutives en position assise le soir, - pendant 3 jours, en période d’activité habituelle en dehors du week-end. La PA retenue est la moyenne des deux dernières mesures de chaque série. La normale de la PA en automesure est < 135/85 mmHg. Il faut utiliser préférentiellement un appareil de mesure huméral validé. La liste des appareils validés est régulièrement mise à jour sur les sites internet www.afssaps.sante.fr, www.comitehta.org, www.eshonline.org.   Que reste-t-il de la prise tensionnelle de consultation ? À la lecture des recommandations et de ce qui précède, prendre la PA lors de nos consultations paraît inutile. Effectivement on ne peut plus baser le traitement sur des chiffres tensionnels cliniques erronés plus d’une fois sur deux, avec le risque de traiter inutilement et non sans risque un patient ayant une HTA blouse blanche ou avec le risque d’ignorer une HTA masquée. Cependant les patients ne comprendraient pas que ce geste élémentaire, et souvent rassurant pour eux, ne soit plus pratiqué. Donc, à défaut de pouvoir se baser uniquement sur les chiffres tensionnels recueillis lors de sa consultation, le praticien pourra mettre à profit ce moment pour montrer au patient comment fonctionne un appareil d’automesure, comment prendre 3 fois la tension d’affilée, geste qu’il pourra répéter à son domicile, ce qui nous permettra d’estimer plus précisément son niveau tensionnel, son pronostic et d’impliquer le patient au mieux dans la prise en charge de sa maladie.

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