Publié le 16 juin 2009Lecture 7 min
Étude ADVANCE* glycémie : quel enseignement pour le cardiologue ?
B. BOUHANICK, S. HASCOUET, B. AURIOL, S. BOUSQUEL, CHU Rangueil, Toulouse
Il s’agit d’un essai randomisé contrôlé versus placebo qui a inclus 11 140 diabétiques à haut risque cardiovasculaire (CV) suivis pendant plus de 5 ans dans 20 pays, mené en plan factoriel, et qui est destiné à répondre à 2 questions.
11 140 diabétiques à haut risque suivis pendant 5 ans
Il s’agit d’un essai randomisé contrôlé versus placebo qui a inclus 11 140 diabétiques à haut risque cardiovasculaire (CV) suivis pendant plus de 5 ans dans 20 pays, mené en plan factoriel, et qui est destiné à répondre à 2 questions :
- le contrôle intensif de la glycémie c’est-à-dire avec un objectif d’HbA1c ≤ 6,5% apporte t-il un bénéfice sur les événements macro et microvasculaires ?(1)
- l’utilisation d’une bithérapie perindopril/indapamide chez des diabétiques de type 2 offre t-elle un bénéfice ?
Pour être inclus, les patients devaient être diabétiques de type 2 de plus de 55 ans et avoir au moins un antécédent de pathologie microvasculaire ou macrovasculaire majeure (AVC, IDM, hospitalisation pour événement coronarien, angor instable, revascularisation coronaire ou périphérique, amputation macroalbuminurie, rétinopathie diabétique évoluée) ; ou avoir un autre facteur de risque CV: , tabagisme actif, dyslipidémie, une microalbuminurie, ou encore un diabète qui dure depuis plus de 10 ans, ou un âge > 65 ans à l'entrée.
2 groupes de traitement
11 140 patients diabétiques type 2 hypertendus ou pas ont été randomisés, pour l'équilibre glycémique, en un groupe intensifié avec un objectif d’HbA1c ≤ 6,5 %, et l'utilisation du gliclazide 30 mg à libération modifiée comme traitement de référence, et un groupe standard dans lequel les objectifs d’HbA1c étaient adaptés aux recommandations locales des pays concernés. Les patients reçoivent en plus un traitement à visée CV. Le suivi est rapproché au départ puis par la suite est effectué tous les 6 mois.
Le critère principal de jugement est composite et associe les événements macro et/ou microvasculaires majeurs (décès CV, IDM et AVC non fatals, rétinopathie ou néphropathie de novo ou qui s'aggrave). Des critères secondaires sont également prévus a priori : décès toutes causes et CV, événements coronaires majeurs, AVC, insuffisance cardiaque, atteinte vasculaire périphérique, apparition d'une démence, nombre d’hospitalisations. Les événements sont censurés au premier événement, l'analyse se fait en intention de traitement.
En raison d’une survenue d'événements inférieure à celle initialement attendue, le critère principal de jugement combine l'analyse globale des événements macro et microvasculaires mais aussi l'analyse séparée des événements tandis qu’une extension de 18 mois est décidée en cours d’étude.
Les résultats d’ADVANCE
Entre juin 2001 et mars 2003, 12 877 patients sont repérés comme pouvant être éligibles et 86,5 % d'entre eux sont randomisés (environ 50 % d’origine européenne). Les 2 groupes sont comparables au départ en termes de caractéristiques démographiques : âge moyen de 66 ans, 42 % de femmes, durée moyenne d'évolution du diabète de 8 ans, IMC à 28 kg/m² ce qui correspond finalement assez bien aux patients diabétiques de type 2 vus en Europe. Les PA au moment de la randomisation sont à 145/81 mmHg. 14 % des patients sont des fumeurs. 32 % ont des antécédents CV majeurs et 10,5 % ont une atteinte microvasculaire tandis qu’un quart d’entre eux a une microalbuminurie.
L'équilibre glycémique
L’HbA1c de départ à 7,5 % témoigne d’un déséquilibre glycémique modéré. Après un suivi moyen de 5 ans, l’HbA1c est plus basse dans le groupe intensif que dans le groupe standard : 6,5 % vs 7,3 % (IC 95 % : 0,64-0,70 ; p < 0,0001). L'objectif d’un contrôle glycémique ambitieux est donc atteint. La glycémie à jeun est également davantage abaissée sous traitement intensifié. Un nombre plus important de visites médicales est nécessaire pour les patients du groupe intensif que ceux du groupe contrôle : 31 contre 11 et le recours à des médicaments hypoglycémiants ou à l'insuline est plus important dans le groupe intensif. Ils sont 1,5 % à être traités par insuline au départ, pour atteindre 40,5 % dans le groupe intensif et 24 % dans le groupe contrôle en fin du suivi.
Dans le groupe intensif, 9 patients sur 10 reçoivent du gliclazide 30 mg LM parmi lesquels 70 % d'entre eux à la posologie quotidienne de 120 mg.
À la fin du suivi, le contrôle tensionnel est meilleur dans le groupe intensif que dans le groupe contrôle avec une différence moyenne de 1,6 mmHg pour la PAS. L'utilisation des traitements antihypertenseurs, hypolipémiants, et des antiplaquettaires est similaire entre les 2 groupes durant le suivi. Les patients du groupe intensif n’ont pas pris de poids alors que ceux du groupe contrôle ont perdu en moyenne 700 grammes durant le suivi.
Action sur le critère principal de jugement
À la fin du suivi, 2 125 patients présentent des événements macro et microvasculaires majeurs : 18,1% dans le groupe intensif et 20,0 % dans le groupe contrôle ce qui correspond à une réduction significative du risque relatif de 10 % (0,82-0,98 ; p = 0,01). Ainsi, 1 événement est évité pour 52 patients traités tous les 5 ans.
Il n'est cependant pas observé de différence significative entre les groupes pour les événements macrovasculaires analysés séparément : baisse des événements non significative de 6 % dans le groupe intensif (0,84-1,06 ; p = 0,32).
En revanche, un contrôle intensif de la glycémie permet une réduction significative de l'incidence des événements microvasculaires majeurs de 14 % (0,77-0,97 ; p = 0,01).
Aucune interaction entre l'impact d’un bon contrôle tensionnel et celui du contrôle glycémique n’est observé dans l’essai.
Critères secondaires de jugement
1 031 patients sont décédés : 8,9 % dans le groupe intensif et 9,6 % dans le groupe contrôle ce qui correspond à une réduction de risque relatif non significative de la mortalité totale de 7 % (0,83-1,06 ; p = 0,28).
La stratégie de contrôle intensif de la glycémie permet une diminution de 21 % du taux d'événements rénaux (p = 0,006). Le pourcentage de patients qui développent pendant l'étude une macroalbuminurie est réduit de 30 % (p < 0,001) tandis que le risque de survenue d’une microalbuminurie est diminué de 9 % (p = 0,02). Toutefois, la prise en charge intensive n'a pas d'impact sur le critère de doublement de la créatininémie (p = 0,42) tandis qu’une tendance à la réduction des décès de cause rénale ou de la mise en dialyse en faveur du groupe intensif est relevée (p = 0,09).
Tolérance du traitement
Les patients du groupe intensif sont hospitalisés un peu plus fréquemment : 44,9 % vs 42,8 % pour les patients du groupe contrôle (p = 0,03) et une faible partie de ces hospitalisations est liée à la survenue d’une hypoglycémie sévère : 1,1 % versus 0,7 %. En effet, les hypoglycémies sévères sont plus fréquentes dans le groupe intensif que dans le groupe contrôle : 2,7 % versus 1,5 % (p < 0,001), mais elles restent bien moins fréquentes que dans l’étude ACCORD. Les hypoglycémies mineures sont également plus fréquentes dans le groupe intensif mais c’est finalement 40 % des patients du groupe intensif et 62 % des patients du groupe contrôle qui ne signale aucune hypoglycémie durant l'étude.
Les enseignements pour le cardiologue
1) Il est ainsi possible grâce à une stratégie intensive de contrôle glycémique qui fait appel ici au gliclazide 30 mg LM en première intention d'obtenir sur 5 ans des HbA1c proches de 6,5 % chez des patients diabétiques type 2.
2) La baisse de l’HbA1c dans ces conditions est responsable d'une réduction de risque relatif de 10 % des événements macro et microvasculaires majeurs, c’est essentiellement la conséquence d'une réduction relative de 21 % de la néphropathie.
3) Sur cette durée de 5 ans, le fait d'avoir une HbA1c qui passe de 7,5 à 6,5 % ne réduit pas le nombre de complications macrovasculaires majeures mais cela n’augmente pas la mortalité non plus contrairement à ce qui était suggéré par l'étude ACCORD (il faut dire que l’HbA1c cible dans ACCORD était plus bas, < 6 %, même si l’HbA1c atteint au final était de 6,5 % comme dans ADVANCE)(3). Cette absence de différence pour les complications macrovasculaires en faveur du groupe intensif est possiblement liée à la durée de l'étude qui serait trop brève pour les voir apparaître et au meilleur contrôle des facteurs de risque CV associés que par exemple dans l’UKPDS. La prolongation d’ADVANCE pourrait être informative. Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue qu’une réduction du nombre de patients atteints d'une néphropathie doit très probablement se traduire par une réduction des événements CV, mais peut-être sur un plus long terme.
4) La survenue d'une hypoglycémie reste un épisode contraignant et redouté des patients comme des diabétologues : s’il y a finalement plus d'hypoglycémies dans le groupe intensif que dans le groupe contrôle, force est de constater que le risque absolu dans ADVANCE reste faible.
En pratique
Les 2 messages finalement complémentaires à passer au cardiologue sont :
- qu'il n’est sans doute pas conseillé dans l'état actuel des connaissances d'avoir un objectif thérapeutique d’HbA1c < 6 % chez des patients à risque CV ;
- qu'il convient d'utiliser des médicaments qui ont fait leurs preuves et qui limitent le risque d'hypoglycémie.
Les recommandations françaises actuelles préconisent de moduler l'objectif d’HbA1c en fonction des traitements utilisés : moins de 6,5 % en mono ou en bithérapie et moins de 7 % en trithérapie ou sous insuline. Cette modulation correspond de fait à la gravité croissante de la maladie et semble adaptée aux patients à risque CV élevé.
*Action in Diabetes and Vascular disease-PreterAx and DiamicroN 30 mg Controlled Evaluation
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