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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 09 oct 2007Lecture 9 min

Extraction du matériel de stimulation cardiaque infecté : une procédure difficile

S. BOVEDA, clinique Pasteur, Toulouse

Parallèlement à l’augmentation des implantations d’un stimulateur ou d’un défibrillateur implantable (DAI), les indications d’extraction du matériel implanté deviennent plus fréquentes : elles sont multiples, le plus souvent d’ordre infectieux. Dans un tel contexte, les techniques d’extraction ont largement progressé : la chirurgie cardiaque lourde de ces dernières années a laissé la place à des méthodes mini-invasives plus « raffinées », permettant de retirer le plus souvent le matériel endocavitaire par voie vasculaire avec des suites habituellement simples. La procédure reste toutefois un acte difficile et risqué. La procédure, bien que de plus en plus fréquemment réalisée, reste toutefois risquée.

    Les extractions sont de plus en plus fréquentes en raison du nombre croissant de primo-implantations et de remplacements de stimulateurs et de DAI.   Préparation de l’intervention et du patient   L’échographie transœsophagienne permet un diagnostic souvent beaucoup plus précoce et fiable des endocardites sur sondes endocavitaires. Un certain nombre de conditions peuvent être considérées comme des contre-indications relatives à l’extraction transcutanée comme la présence de végétations trop volumineuses (> 25 à 30 mm). Par ailleurs, les tentatives de « ré-enfouissement » et les antibiothérapies « intempestives » non adaptées doivent être évitées avant l’intervention : l’identification d’un germe dans les hémocultures permettra de préparer au mieux le geste par l’administration d’un traitement adapté à l’antibiogramme.   De nouvelles techniques d’extraction percutanées Parallèlement, de nouvelles techniques d’extraction percutanées se développent : systèmes d’extraction par voie haute grâce à des gaines laser ou électrocoagulation. Il s’agit de procédures à haut risque qui ont fait l’objet de recommandations des sociétés savantes (NASPE 2000)(1) quant à la qualification des médecins : leurs performances sont considérées comme médiocres si moins de 10 à 20 procédures sont réalisées par an. En revanche, le taux de complications est plus bas si plus de 50 procédures annuelles sont réalisées. L’apprentissage des médecins Il doit être rigoureux et dispensé dans un centre de référence : on recommande la réalisation d’au moins 20 procédures d’extraction en tant qu’opérateur principal avec un médecin entraîné. Le médecin formateur doit avoir plus de 100 extractions à son actif. Les centres d’extraction doivent satisfaire à des critères indispensables : la chirurgie cardiaque doit être présente dans le centre et un chirurgien cardiaque doit pouvoir être rapidement disponible. Une salle de cathétérisme est également requise. L’intervention est réalisée sous anesthésie générale, un matériel exhaustif d’extraction est nécessaire, ainsi qu’une scopie de haute qualité. Un « kit » de ponction péricardique, ainsi que le matériel de sternotomie doit être en salle : les complications des extractions peuvent potentiellement être très graves incluant le décès, les avulsions cardiaques, vasculaires, valvulaires nécessitant une intervention chirurgicale en urgence. D’autres complications majeures peuvent survenir : hémothorax, pneumothorax, embolie pulmonaire (souvent septique…), arrêt respiratoire, choc septique et accident vasculaire cérébral... Le patient, qui considère souvent qu’il est « plus simple de retirer un appareillage que de l’implanter », doit être impérativement informé des risques inhérents à cette procédure.   Techniques « modernes » d’extraction   Les difficultés de l’extraction sont en relation avec l’ancienneté de l’implantation des sondes de stimulation et défibrillation. Au fur et à mesure des années se produisent : - une fibrose au niveau de l’implantation distale de la sonde (barbillon ou fixation active par vis), - une fibrose plus ou moins associée à des calcifications tout le long du trajet endovasculaire veineux. Il existe ensuite une symphyse : - entre la sonde et la paroi veineuse, - entre les sondes tout au long de leur trajet (figure 1). Figure 1. Adhérences le long des sondes endo-cavitaires. L’extraction chirurgicale Elle est beaucoup moins utilisée depuis l’avènement et le développement des extractions percutanées. Les seules indications actuelles sont liées à la présence de thrombi volumineux ou de végétations volumineuses (> 30 mm), à la réalisation d’un geste associé valvulaire (plastie ou remplacement valvulaire) ainsi qu’en cas d’échec de l’ablation percutanée. Diverses techniques chirurgicales sont utilisées, de l’ablation à cœur ouvert sous CEC à l’atriotomie droite par minithoracotomie. On peut également pratiquer une ventriculotomie droite punctiforme et réaliser l’extraction de la sonde ventriculaire par voie antérograde. L’extraction percutanée : 5 méthodes Plus ou moins complexes et complémentaires ; leur maîtrise et leur mise en œuvre est nécessaire afin d’envisager sereinement la prise en charge de ces patients. La traction est la technique historique la plus simple, sans utilisation de matériel spécifique. Elle est réalisée sur l’extrémité de la sonde de façon manuelle et douce. Le succès est relativement rare sauf s’il s’agit de sondes récentes car les sondes anciennes sont engainées dans une gaine de fibrose et ancrées au niveau myocardique. En revanche, cette technique peut engendrer des risques de lésion de la sonde (étirement, rupture de sonde) et donc compromettre l’utilisation des autres techniques. Le mandrin bloqueur est verrouillé dans la tête ou l’ensemble de la sonde. L’intégralité de la force de traction est transmise à l’extrémité distale de la sonde sans effet d’élasticité. Ce mandrin redresse les courbures, rigidifie le trajet pour descendre les gaines. Les gaines de dilatation et contre-traction écartent et rompent la fibrose sur tout le trajet et la zone d’ancrage, la force de traction étant concentrée sur un faible diamètre. Elles agissent par principe de contre-traction par rapport à la sonde, qui est mise en traction par l’intermédiaire d’un mandrin bloqueur (figure 2). Figure 2. Gaine externe de contre-traction permettant de disséquer les sondes le long de leur trajet endovasculaire. Les gaines activées par laser (Spectranetics®) sont les modèles les plus évolués et les plus utilisés. L’utilisation du laser est extrêmement utile avec les gaines de contre-traction pour rompre les adhérences fibrotiques tout au long de la sonde jusqu’à l’ancrage distal. Il s’agit de la production d’une lumière laser froide dans un spectre invisible ultraviolet (laser Excimer). Wilkoff(2) a colligé les résultats d’une étude randomisée comparant l’utilisation des gaines laser ou standard chez 301 patients porteurs de 465 sondes chroniques : l’extraction complète est réalisée dans 94 % des cas dans le groupe laser versus 64 % dans le groupe sans utilisation de laser. On retrouve trois complications graves dont un décès lié à une perforation de la paroi latérale de l’oreillette : cela confirme la difficulté technique de cette procédure à haut risque dans certaines situations de sondes anciennes à extraire. L’expérience nord-américaine est rapportée par Byrd(3) : 2 561 sondes de stimulateurs et défibrillateurs sont extraites chez 1 684 patients entre 1995 et 1999 dans 89 sites, 90 % des extractions sont complètes, 3 % sont partielles. Il y a 7 % d’échec et 1,9 % de complications majeures, dont 13 décès hospitaliers (0,8 %). En analyse multivariée, les causes d’échec semblent liées à l’ancienneté de la sonde et au sexe masculin et il y a davantage de complications durant la phase d’apprentissage. La technique d’extraction par voie basse est complémentaire à la voie haute. La technique la plus répandue utilise les systèmes à double lasso : ce cathéter nécessite un introducteur de 16F par voie fémorale. Le principe est à nouveau un système de contre-traction, utilisé par voie fémorale à l’extrémité de la sonde. Klug(4) a rapporté l’expérience lilloise de 70 extractions par voie basse chez 39 patients avec utilisation du cathéter double lasso Needle’s eye snare (Cook®) (figure 3) : il obtient un taux de succès de 87,2 % ; l’extraction est incomplète dans 4,3 % des cas et il y a 8,5 % d’échec. Comme toutes les techniques d’extraction, l’extraction fémorale n’est pas dénuée de risque puisqu’on retrouve deux décès et une ischémie aiguë de jambe. Les facteurs de risque d’échec sont l’existence d’une première tentative d’extraction et le fait que la sonde ait été préalablement coupée. Figure 3. Cathéter double lasso Cook par voie basse. Notre expérience Les extractions sont effectuées dans notre centre au bloc opératoire de chirurgie cardiaque sur un patient intubé et ventilé, avec un stand-by chirurgical et la possibilité d’intervenir immédiatement par CEC si nécessaire. En cas de stimulo-dépendance chez un patient infecté, une stimulation épicardique est mise en place, dans un premier temps opératoire. Nous réalisons dans la foulée un abord sous-clavier sur l’ancienne cicatrice du stimulateur en regard de l’insertion des sondes : elles sont libérées au bistouri électrique jusqu’à leur point d’insertion dans la veine sous-clavière ou céphalique. Un mandrin bloquant est mis en place et nous effectuons d’abord une traction douce. S’il n’y a pas d’effet, une gaine laser est utilisée par voie haute. En cas d’échec ou de sondes endocavitaires coupées, la voie basse est utilisée : double lasso Needle’s eye snare. Dans notre expérience, la traction mécanique avec mandrin bloquant a été suffisante chez seulement 33 % de nos patients, pour les sondes les plus récentes, alors que des méthodes plus complexes (laser et/ou lasso) ont été nécessaires dans 67 % des cas(5). Insistons sur la difficulté accrue pour retirer les sondes de défibrillation : celles-ci ont un diamètre plus important et le risque de fibrose est donc majoré. L’électrode de défibrillation adhère par ailleurs fréquemment au niveau de la jonction entre la veine cave supérieure et l’oreillette droite. Enfin, en ce qui concerne les sondes de sinus coronaire, de nombreuses questions se posent concernant leur extraction dans les années à venir. Cela ne semble pas poser de difficultés particulières pour l’heure, mais notre expérience et les données de la littérature dans ce domaine restent encore très limitées(6).   Réimplantation : quand, comment, toujours ?   Le problème de la réimplantation et de son délai se pose après l’extraction du matériel infecté. Il n’y a pas de recommandations particulières en la matière, mais il existe toutefois un « consensus » sur certains points. Tout d’abord, il est absolument nécessaire d’éviter une réimplantation par voie endocavitaire (même controlatérale) dans le même temps opératoire de l’extraction chez le patient infecté : le risque de réinfection est alors majeur. Dans un premier temps avant l’intervention, il convient de vérifier la stimulo-dépendance… Chez les patients non-dépendants (dysfonction sinusale…), la réimplantation pourra se faire dans un deuxième temps, par voie endocavitaire controlatérale après un délai minimum de 5 semaines de traitement antibiotique efficace. Dans les cas de dépendance stricte à la stimulation, l’implantation pourra se faire dans un deuxième temps opératoire après quelques jours de stimulation temporaire et de traitement antibiotique adapté, ou encore, au cours du même temps opératoire, par voie épicardique. Cette dernière solution a notre préférence, le risque infectieux nous paraissant moindre, bien que cela n’ait jamais été démontré… La réimplantation après extraction de matériel ne doit pas être systématique, elle doit être discutée au cas par cas en fonction de l’indication initiale de stimulation, de la fréquence ventriculaire spontanée et de la symptomatologie au cours du suivi. Dans un contexte infectieux, cette réimplantation est épicardique et immédiate pour 54 % des patients, alors qu’elle est différée et endocavitaire controlatérale dans 46 % des cas dans notre expérience. Par ailleurs, 45 % de nos patients n’ont pas nécessité de réimplantation avec un recul supérieur à 6 mois : il s’agissait de patients ayant un rythme ventriculaire spontané > 50 bpm au moment de l’extraction(7). Une surveillance clinique et ECG rapprochée est alors bien entendu nécessaire.   L’extraction en pratique   Les techniques d’extraction se développent rapidement en ce qui concerne les sondes de stimulation cardiaque mais également de défibrillateur, à tel point que les techniques chirurgicales sont reléguées maintenant en dernière intention, en cas d’échec de l’endocavitaire. Les techniques percutanées hautes avec utilisation du laser Excimer et fémorale basse sont pratiquées régulièrement avec un taux de complications faibles. Malgré cela, ces techniques requièrent une courbe d’apprentissage rigoureuse avec nécessité de centres spécialisés où les complications doivent être exceptionnelles. Un centre de chirurgie cardiaque est indispensable au sein du centre d’extraction. Aujourd’hui, les techniques d’extraction combinées, par voie haute et basse, assurent un taux de succès dans environ 98 % des cas : une bonne connaissance de toutes les méthodes d’extraction est par conséquent nécessaire pour mener à bien ce type d’intervention. Les complications sont rares mais parfois gravissimes, nécessitant une couverture chirurgicale systématique et une information claire et loyale du patient. Article écrit en collaboration avec E. MARIJON, O. VAHDAT, J.-P. ALBENQUE, A. BORTONE, J. NAJJAR, N. COMBES et L. SIDOBRE. Équipes de Cardiologie, Chirurgie Cardiaque et Anesthésie Réanimation, clinique Pasteur, Toulouse.

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