Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 08 mai 2007Lecture 11 min
FA et resynchronisation : les deux poids lourds
Ph. RITTER, Inparys
ACC
L’électrophysiologie n’est que peu représentée au congrès de l’ACC. À l’instar des autres congrès, ces dernières années ont vu deux grands thèmes émergents : la fibrillation atriale et surtout la resynchronisation cardiaque dans l’insuffisance cardiaque ; deux domaines de préoccupations les plus fréquentes du cardiologue.
La fibrillation atriale
Les traitements non médicamenteux et hors ablation
Le système Watchmann : il s’agit d’un système d’exclusion de l’auricule gauche par voie sous-cutanée pour limiter le risque d’embolie et d’AVC. Il est placé par voie transseptale, et est fait de nitinol, possède une membrane en Téflon sur sa face proximale (la face dirigée vers l’oreillette est fixée par des barbes périphériques), et présente plusieurs tailles (21 à 33 mm)sss. Un essai multicentrique est en cours avec un suivi à 45 jours, 6 mois et tous les ans avec écho transœsophagienne, et radio de thorax. Ainsi, 64 patients (âge moyen 69 ans, deux tiers d’hommes) ont été implantés et suivis pendant 714 jours (plus 5 patients qui n’ont pu être implantés pour raison anatomique). Deux systèmes ont embolisé, puis ont été rattrapés par voie endocavitaire et réimplantés avec des barbes plus longues, avec succès ; 5 tamponnades sans conséquence sont survenues. Après 6 mois, 97 % des patients ont arrêté leur traitement anticoagulant ; 4 patients ont présenté une thrombose « murale » ; dont une a entraîné un AVC ; tous ces 4 ont repris l’anticoagulation. La conclusion est que la technique est jugée efficace et sûre. Intéressant…
• Les Asiatiques et les Noirs font moins de fibrillation atriale que les Blancs (G.-M. Navaro).
• 50 % des patients en FA non valvulaire sont à risque de thrombose et d’AVC ; 90 % des patients ayant fait un AVC lié à la FA ont une thrombose de l’auricule gauche (P.-B. Sick).
• W.-H. Jang montre une association entre les mécanismes inflammatoires et oxydatifs et la dilatation de l’oreillette gauche chez les patients à haut risque de développer une fibrillation atriale (augmentations d’interleukine 6 et de la CRP). Ce fait est confirmé par Linke pour l’interleukine, mais pas pour la CRP, retrouvé dans l’oreillette droite et en périphérie, mais pas dans le sang veineux coronaire (de même que l’interleukine 8). Ce dernier constat est contradictoire avec celui de S.-E. Mounantonakis, qui retrouve de la CRP dans la paroi de l’oreillette gauche. La donne inflammatoire est certainement à prendre en compte dans le processus déclenchant et de maintien de la fibrillation atriale.
• R. Sankaranarayanan ressort la technique de la stimulation biatriale en montrant une efficacité sur la réduction de la charge en FA. Il est vrai qu’aujourd’hui, les moyens techniques peuvent mieux garantir l’efficacité de la stimulation, ce qui était loin d’être le cas lorsque nous tentions d’en démontrer l’efficacité dans l’étude SYNBIAPACE, par exemple.
• R. Sankaranarayanan a mis en évidence une surmortalité par mort subite chez les 500 patients ayant présenté un infarctus du myocarde, suivis 4 à 6 ans, par un probable mécanisme cycle court-cycle long-cycle court.
Quoi de neuf pour les médicaments ?
• H.-F. Lozano a recherché l’effet des IEC sur l’incidence et le taux de récidive de la FA chez les patients inclus dans l’étude MOST (2 010 patients), implantés pour dysfonction sinusale et donc possédant des informations mémoire sur la FA. Après un suivi de 5 ans, les patients ayant reçu à un moment de leur suivi des IEC n’en ont tiré aucun bénéfice (1 070 patients).
• L. Tamariz préfère contrôler la fréquence ventriculaire en FA plutôt que restaurer le rythme sinusal chez les nouveaux patients en FA (n = 19 341, âgés de 71 ans en moyenne) en raison d’une moindre incidence d’AVC et d’un moindre coût. M. Kong révèle que, chez les insuffisants cardiaques diastoliques, la survie est identique dans les deux groupes, avec ou sans FA.
L’ablation
• S.-J. Jaffer montre que la réduction du taux de BNP et celle du volume de l’oreillette gauche, 3 mois après ablation de l’oreillette gauche, sont prédicteurs du maintien du rythme sinusal à 6 mois (155 patients). Cette étude corrobore celle de H. Yamaji qui révèle la récupération de la fonction atriale gauche dès le premier mois suivant l’ablation chez les patients sans récidive, contrairement à la population de ceux qui récidivent (figure 1).
Figure 1. Les techniques d’ablation ont révolutionné le traitement des troubles du rythme. Il reste maintenant à simplifier celle de la fibrillation atriale.
Le développement de l’imagerie touche même les techniques d’ablation avec, par exemple, l’utilisation de l’échographie intracardiaque couplée au cathéter d’ablation et visualisation des structures en avant du cathéter. Cette technique est encore expérimentale, mais peut faciliter la réalisation de l’ablation en permettant de voir les structures cardiaques, qui sont habituellement reconstruites mentalement par l’opérateur.
Toujours en abordant l’ablation de la FA et pour limiter le risque de fistule œsophagienne, la prise de température œsophagienne est un élément de protection.
La cryoablation
Cette technique n’est pas encore formellement au point. Se pose le problème de la garantie d’efficacité autour des ostia de petites veines pulmonaires, notamment. J. Vogt en a cependant montré les bénéfices chez 69 patients. L’avantage est une réduction importante du temps de procédure, ainsi que du temps d’exposition aux rayonnements ionisants, avec des résultats équivalents aux méthodes traditionnelles.
En stimulation cardiaque et en défibrillation traditionnelles
(figure 2)
Figure 2. L’imagerie a enfin fait son entrée en force en rythmologie. Elle est à la fois indispensable pour les ablations complexes, et en resynchronisation pour la sélection et le suivi.
Des renseignements importants au plan clinique
• E. Moro confirme que la fonction ventriculaire droite des patients stimulés est l’élément pronostique principal : une altération franche de la fonction VD systolique est un facteur de mauvais pronostic.
• Pour C. Ypenburg, l’insuffisance rénale chronique est responsable d’un taux de complications de prothèses implantables beaucoup plus important qu’en son absence.
• R.-G. Hauser révèle un fait bien connu des stimulistes et qui n’est cependant pas rapporté dans les ouvrages. Un tiers des effets adverses majeurs survenant chez les patients stimulés apparaît au moment de la fin de vie de leur système implanté : syncope, présyncope, insuffisance cardiaque. Motifs : la déconnection de la fonction d’asservissement de fréquence et/ou le passage en mode VVI de sécurité.
D’où l’importance du suivi serré des prothèses parvenant en fin de vie, le compromis étant de faire durer la pile le plus longtemps possible en garantissant un mode de fonctionnement normal.
• A. Jayasuriya revient sur le problème des infections des porteurs de prothèse, la plus redoutée des complications. Sur 2 667 procédures d’implantations et de changements, 44 infections sont survenues (1,7 %), un tiers dans les 3 premiers mois, un tiers entre 3 mois et un an, un tiers au-delà. Sont associés à un risque plus élevé : la non-utilisation d’antibiotiques peropératoires, la non-utilisation d’antibiothérapie orale postopératoire, les procédures ambulatoires, les réinterventions. Sur 15 ans d’activité, l’incidence est passée de 5,8 à 2,4 % avec les antibiotiques peropératoires, puis à 0,8 % avec les antibiotiques postopératoires. L’antibiothérapie postopératoire diminue aussi le risque d’infections lors de réinterventions ultérieures.
• M. Kadiyala révèle que 27 % des patients en FA chronique et 63 % des patients faisant de la FA paroxystique et en FA au moment de la pose d’un défibrillateur, retournent en rythme sinusal lors des tests de défibrillation, alors qu’ils ne sont pas anticoagulés. Il plaide en faveur de l’écho transœsophagienne préopératoire pour définir la stratégie de pose en cas de présence de FA.
• Un point sur l’estimation du risque de mort subite par la décélération de la fréquence sinusale après épreuve d’effort (I. Antonetti) : si la fréquence cardiaque descend de moins de 26 battements, deux minutes après l’arrêt de l’effort, le risque de mort cardiaque ultérieur est multiplié par 4,64 chez le coronarien stable ! P. Barthel confirme ce résultat en comparant, dans l’étude EMIAT menée chez 1 170 patients, deux groupes, l’un traité par les bêtabloquants et l’autre non,. La mortalité postinfarctus à 2 ans est respectivement de 10 et 18 %, et la capacité de décélération est un élément prédicteur majeur indépendant.
• Enfin, P. Pascale montre, chez les patients de type MADIT II (antécédent d’infarctus avec dysfonction VG), que le risque d’arythmie à long terme est plus important chez ceux qui ont présenté un infarctus en position inférieure, comparativement à ceux qui l’ont fait dans le territoire antérieur.
L’imagerie de la resynchronisation
L’imagerie a enfin envahi l’univers de la resynchronisation cardiaque dans l’insuffisance cardiaque (figure 3). En effet, depuis le début, nous n’avons cessé de plaider pour une réflexion purement mécanique, la logique voulant que la resynchronisation cardiaque ne fonctionne que s’il y a quelque chose à resynchroniser, et que cette observation devrait être basée sur l’analyse mécanique du cœur et non sur une mesure de durée de QRS. Compte tenu de la multiplicité des papiers présentés, je ferai un choix personnel sans être exhaustif.
Quel paramètre choisir ?
C’est justement lorsqu’on retrouve une désynchronisation cardiaque mécanique que l’on a le plus de chances d’être efficace.
Ce leitmotiv ressort bien de toutes les études présentées. Cette notion est évidente pour A.-S. Rafique : chez les patients à QRS fins, la présence d’une désynchronisation est obligatoire pour obtenir une réponse avec les appareils de resynchronisation et cette méthode est tout aussi efficace que chez les patients à QRS larges et désynchronisés.
Actuellement, il n’y a pas encore de consensus et plusieurs critères sont proposés par les différents auteurs, dont aucun n’est formellement validé.
Les paramètres qui « sortent » le plus sont les délais de pics de contraction de la paroi septale et latérale (paramètre de Yu), repris par un grand nombre d’auteurs, le degré de fuite mitrale systolique, le VTI aortique, l’index de performance myocardique. Ne sont-ils pas l’expression d’un même phénomène : l’augmentation globale des vitesses de contraction, et donc de la force d’éjection, avec une réduction des pressions et des fuites valvulaires ?
Analyse de la contraction radiaire
S’ajoute à cet engouement pour l’image, celui pour de nouveaux « jouets ».
Essentiellement l’analyse de la contraction radiaire qui (tout nouveau, tout beau) apparaît beaucoup plus performante que les autres évaluations. J. Gorscan fait une analyse non seulement radiaire mais aussi longitudinale de la contraction du ventricule gauche dans des indications traditionnelles et recommandées. Il décompte 31 % de non-répondeurs (moins de 10 % de réduction du volume télésystolique et moins de 15 % d’augmentation de la fraction d’éjection). Mais s’il trouve une désynchronisation dans les deux axes, 93 % des patients répondent, 54 % s’il ne retrouve une désynchronisation que dans un seul axe, et 24 % dans aucun.
Cette analyse de la contraction radiaire serait supérieure à la technique du Doppler tissulaire. Tops retrouve ainsi 57 % de désynchronisés chez les implantés de stimulateurs conventionnels.
G.-B. Bleeker évalue l’amélioration liée à la resynchronisation en fonction de la proportion de masse cardiaque resynchronisée : si cette masse est < 25 %, le taux de réponse est de 10 %, si la masse resynchronisée est au moins égale à 25 %, le taux de réponse passe à 93 % !
De même, la présence de zone cicatricielle réduit le taux de réponse de la resynchronisation (C. Ypenburg). Plus la quantité de myocarde fibrosé est importante et plus cette fibrose est transmurale, moins le taux de réponse à la resynchronisation est important. L’IRM ou l’émission de positrons trouvent ici leur intérêt.
Analyse du site de contraction le plus retardé
• L’analyse du site de contraction le plus retardé semble désigner la zone d’implantation de la sonde gauche, et plusieurs rapports en font état. Cependant, l’ensemble des auteurs effectue cette analyse en rythme spontané. Or, dès qu’une électrode stimule, elle peut radicalement modifier le schéma d’activation en raison des zones cicatricielles, et le segment qui semblait retardé en rythme spontané peut très bien ne plus être le même en rythme stimulé.
Néanmoins, il semble que la paroi latérale gauche emporte toujours les suffrages en termes de bénéfice hémodynamique.
• En revanche, I.-K. Niazi, dans l’étude DECREASE-HF qui randomise les patients par mode de stimulation (biventriculaire, gauche seul, et biventriculaire avec programmation de l’intervalle interventriculaire), a fait une analyse en fonction de la position de la sonde VG (126 postérolatérales et 41 antérieures). Il ne retrouve aucune différence de bénéfice fonctionnel entre les deux groupes de positions d’électrode VG. Cependant, la mortalité toutes causes, avec ou sans hospitalisations pour insuffisance cardiaque, et le taux de TV/FV sont plus faibles avec la position latérale.
• Le sujet est encore plus compliqué lorsqu’on introduit le paramètre « effort ». Y.-C. Wang montre que 36 % des patients en insuffisance cardiaque systolique présentent une désynchronisation à l’effort et non au repos. Le niveau de pression VG est un indicateur indépendant de l’apparition de la désynchronisation d’effort.
Viennent ensuite les techniques de stimulation
• Lloyd prétend que la stimulation anodique offrirait une meilleure efficacité hémodynamique que la stimulation cathodique traditionnelle. Il faut cependant rappeler que ce mode de stimulation raccourcit les périodes réfractaires et est possiblement arythmogène et que le seuil de stimulation est plus élevé.
• D.-P. Morin confirme que le vecteur d’activation VG influe sur l’hémodynamique et varie selon les patients et probablement les positions d’électrodes.
Voilà donc un certain nombre de paramètres supplémentaires à tester, en dehors même de la position de la sonde VG.
• Les résultats dépendent aussi des comorbidités : R. Bai, qui confirme un taux de suivi plus élevé avec les resynchroniseurs-défibrillateurs comparativement aux resynchroniseurs-stimulateurs, démontre que insuffisance rénale, diabète et fibrillation atriale sont des prédicteurs indépendants de mortalité en resynchronisation, en général.
Bilan d’efficacité/sécurité des systèmes implantables
Reste une métaanalyse très intéressante de J. Ezekowitz sur l’efficacité et la sécurité des systèmes implantables de resynchronisation (figure 3). Quinze études randomisées regroupant 527 décès sur 4 023 patients ont été colligées.
Figure 3. La resynchronisation cardiaque a relancé la recherche et le développement des compagnies fabriquant stimulateurs et défibrillateurs implantables.
La resynchronisation cardiaque réduit la mortalité toutes causes, avec un risque relatif de 0,7. Cependant, la mort subite est à peu près identique chez les resynchronisés et les témoins, avec une réduction des décès par insuffisance cardiaque.
En colligeant 12 études randomisées, le défibrillateur seul réduit la mortalité toutes causes et le taux de mort subite, mais ne réduit pas la mortalité de cause non cardiaque et pratiquement pas celle de l’insuffisance cardiaque.
Enfin, 78 études de sécurité de la resynchronisation regroupent 10 653 patients et 21 250 patients implantés avec un défibrillateur pur. Le taux de succès d’implantation est respectivement de 93 et 99 %, de mortalité peri-opératoire, de 0,4 et 1,1 %, de déplacement, de 6,8 et 4,6 %, et de dysfonction mécanique, de 1,6 et 1,3 %.
Ainsi la fibrillation atriale et la resynchronisation cardiaque alimentent-ils largement la ryhtmologie à chacun des grands congrès et on retrouvera chaque année ces deux thèmes sans cesse en progression.
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