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HTA

Publié le 08 nov 2005Lecture 10 min

Faut-il rechercher une microalbuminurie chez tous les hypertendus ?

D. HERPIN, CHU La Milétrie, Poitiers et X. GIRERD, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Cardiologie Pratique continue sa rubrique « débat » avec un thème d’actualité en pratique quotidienne : le dosage de la microalbuminurie. X. Girerd réserve celui-ci aux hypertendus diabétiques, D. Herpin insiste sur la valeur pronostique d’une microalbuminurie pathologique qui permet de mieux cibler le risque d’un hypertendu et donc d’être encore plus strict dans les objectifs de sa prise en charge.

    Oui, chez presque tous les hypertendus D. Herpin, CHU La Milétrie, Poitiers Nombreux sont les arguments qui viennent soutenir la proposition très raisonnable de rechercher une microalbuminurie chez la plupart des hypertendus. La microalbuminurie est fréquente chez l'hypertendu artériel : il sera donc rentable de la rechercher largement dans cette population.   La prévalence est estimée à 16 % dans la population hypertendue de la NHANES III, contre 28 % chez les diabétiques et 5 % chez les patients ne présentant ni diabète ni pathologie cardiovasculaire. Des chiffres voisins sont retrouvés dans l’étude de Groningen : 11 % chez les hypertendus, contre 16 % chez les diabétiques et 7 % chez les patients ni diabétiques ni hypertendus. Enfin, dans une troisième étude incluant 11 343 hypertendus non diabétiques d’âge moyen 57 ans, on observe une microalbuminurie chez 32 % des hommes et 28 % des femmes, avec en outre un lien assez net avec l’âge, l’ancienneté et la sévérité de l’HTA ; à noter également une prévalence plus élevée chez les Noirs. Le surpoids, l’augmentation des apports en sel et des apports protidiques, les anomalies lipidiques et le tabagisme sont d’autres facteurs favorisants. L'identification d'une microalbuminurie pathologique est désormais simple, sa mesure bien codifiée et son coût, très modéré. - Le dosage se fait le plus souvent par méthode radio-immunologique, parfois par néphélométrie. - Le dosage peut être réalisé sur un échantillon d’urines matinales, après élimination du premier jet. - On conseille de ne procéder au dosage qu’après avoir éliminé une infection urinaire, une hématurie, une leucocyturie amicrobienne et, bien sûr, une protéinurie franche ; tous des éléments faciles à reconnaître sur une simple bandelette. - La microalbuminurie est définie par la présence d’une quantité d’albumine dans les urines de 24 h comprise entre 30 et 300 mg ; il est aujourd’hui conseillé de doser simultanément la créatinine urinaire et l’on considère comme seuil pathologique, un rapport albumine/créatinine > 2,5 mg/mmol chez l’homme et > 3,5 mg/mmol chez la femme (soit respectivement 22 et 30 mg/g). - En cas de positivité, il est nécessaire de confirmer par un 2e dosage. - Le coût reste raisonnable : B40 (+ B10 pour la créatinine) soit 13,50 euros ; un coût moindre comparativement à celui d’un écho-Doppler cardiaque (95,16 euros). La présence d'une microalbuminurie pathologique a une signification pronostique bien documentée chez l'hypertendu. Fait essentiel, elle s’est imposée non seulement comme un marqueur de lésions rénales, mais également comme un prédicteur puissant de mortalité totale et de morbi-mortalité cardiovasculaire. - Ainsi, dans l’étude de Bigazzi, les hypertendus avec microalbuminurie ont présenté au cours des 7 années de suivi, une diminution plus rapide de leur filtration glomérulaire comparativement aux autres patients sans microalbuminurie. - Plus intéressant encore, Yudkin a mis en évidence un taux de survenue beaucoup plus fréquent de complications cardiovasculaires chez les patients hypertendus avec microalbuminurie comparativement aux autres patients : 74 % contre 30 % pour les cardiopathies ischémiques et 44 % contre 10 % pour les artériopathies oblitérantes des membres inférieurs. - De même, dans l’expérience de Jensen, la présence d’une microalbuminurie > 1,07 mg/mmol multiplie par 4 le risque d’apparition d’une cardiopathie ischémique chez l’hypertendu avéré ou même limite. - La valeur prédictive de la microalbuminurie est renforcée par la mesure simultanée de la CRP ultrasensible. - Il semble enfin que le lien entre microalbuminurie et risque cardiovasculaire soit continu, sans seuil véritablement pertinent. Ceci étant, on ne peut occulter les quelques points faibles et zones d'incertitude qui persistent encore dans la démonstration. - Peu d’auteurs se sont réellement intéressés à la reproductibilité des résultats : cette étape importante méritera sûrement d’être réexaminée. - Chez un hypertendu essentiel, la microalbuminurie est rarement isolée ; bien souvent on retrouve associées une HVG, une dyslipidémie, voire une augmentation de la sensibilité au sel, et il peut être difficile de dégager la responsabilité exacte de chacun de ces éléments ; ainsi, l’étude d’Agewall montre que la valeur prédictive de la microalbuminurie chez l’hypertendu non diabétique n’est pas véritablement indépendante. - En outre, il faut reconnaître que l’effet des différents médicaments antihypertenseurs sur la microalbuminurie du non-diabétique, reste encore peu documenté. On se réfère toujours classiquement à l’étude de Bianchi qui, à contrôle tensionnel identique, dégage un certain avantage des inhibiteurs de l’enzyme de conversion par rapport aux bêtabloquants, aux inhibiteurs calciques et aux diurétiques, mais il s’agit d’une étude de courte durée (8 semaines) et n’ayant impliqué que 48 patients. - Enfin, l’intérêt de faire régresser la microalbuminurie commence juste à recevoir des débuts de preuve : ainsi, l’étude PREVEND IT établit, au sein d’une population plutôt réduite (864 patients, 45 événements), un parallélisme entre la réduction de protéinurie sous fosinopril (-26 %) et une diminution importante (- 40 %) mais non significative, du taux d’événements cardiovasculaires. De même, l’étude LIFE permet d’attribuer 20 % du bénéfice observé à l’effet plus marqué sur la microalbuminurie, du losartan (- 33 %) par rapport à l’aténolol (- 25 %). Mais il faudra attendre d’autres arguments pour faire de la microalbuminurie, un authentique critère de substitution.   Au total   Chez les hypertendus sévères ou à risque élevé, la découverte d’une microalbuminurie ne modifiera guère la stratégie de prise en charge : sa recherche systématique n’est donc pas justifiée. En revanche, chez les hypertendus considérés jusque-là comme à risque modéré (c’est-à-dire la grande majorité de la population hypertendue), la mise en évidence d’une microalbuminurie confirmée les transforme d’un coup en patients à haut risque vasculaire et doit donc inciter à une prise en charge plus stricte. Ainsi, il devient légitime de renforcer le traitement antihypertenseur et de traiter plus énergiquement les facteurs de risque associés, avec des objectifs plus ambitieux. Certes, on ne sait pas encore formellement si le bénéfice qu’il en tirera passe ou non par une réduction de cette microalbuminurie. Mais a-t-on vraiment besoin de cette information ultime, pour agir ? Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal. Non, pas chez tous les hypertendus X. Girerd, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris Le dosage de la microalbuminurie est depuis plusieurs années recommandé chez les patients diabétiques. Cette anomalie constitue un marqueur de risque de détérioration de la fonction rénale chez le diabétique de type 2. Si la microalbuminurie chez le diabétique de type 2 est un facteur qui prédispose à l’apparition d’une protéinurie, sa valeur prédictive positive est de 22 %, ce qui est faible. En revanche, dans cette population, la microalbuminurie est un bon marqueur prédictif de la morbi-mortalité totale et particulièrement d'origine cardiovasculaire. Chez l’hypertendu diabétique, le dosage de la microalbuminurie est indiqué car le patient est diabétique. En revanche, l'intérêt de ce dosage chez les hypertendus non diabétiques, qui constituent plus de 85 % de la population des hypertendus, impose de connaître les arguments scientifiques qui justifieraient la réalisation de microalbuminurie chez les hypertendus non diabétiques. La microalbuminurie est-elle une aide dans l'évaluation du risque de complication cardiaque et cérébrovasculaire de l'hypertendu ? Pour évaluer le risque cardiovasculaire d'un hypertendu, la prise en compte des facteurs de risque associés est déterminante. Les deux principales complications qui surviennent chez l'hypertendu sont la maladie coronaire et l'accident vasculaire cérébral. - Le principal facteur de l'accident vasculaire cérébral est le niveau de la pression artérielle, et tous les résultats des études récentes indiquent que l'incidence des accidents vasculaires cérébraux est inférieure à 1 % par an chez l'hypertendu traité et bien contrôlé. - Les facteurs de risque de la maladie coronaire ont fait l'objet d'une nouvelle évaluation dans le cadre de l'étude INTERHEART. Neuf facteurs ont montré une association avec la maladie coronaire : le tabagisme, l’hypertension, le diabète, les anomalies lipidiques, l'obésité abdominale, les facteurs psychosociaux, une faible consommation de fruits et légumes, l'absence d'activité physique. La présence de consommation de boissons alcoolisées de faible quantité mais régulière s'associait à un effet protecteur. L'ensemble de ces neuf facteurs explique 90 % du risque attribuable dans la population chez les hommes et 94 % chez les femmes. L'association de ces facteurs est retrouvée dans toutes les régions du monde, chez les sujets jeunes et chez les plus âgés. Toutefois, une analyse plus détaillée montre que 5 facteurs (tabagisme, hypertension, diabète, anomalies lipidiques et obésité abdominale) expliquent déjà 80 % du risque attribuable dans la population. Cette analyse possède la puissance statistique permettant d’indiquer que s’il est toujours possible d'observer des paramètres biologiques qui soient en association avec une maladie coronaire, l'information supplémentaire apportée par ce paramètre possédera un rôle, au mieux, très faible, dans le pourcentage total du risque attribuable dans la population. Bien qu’il ait été montré que la microalbuminurie est un marqueur de risque cardiovasculaire indépendant dans certaines populations où ce paramètre a été évalué, les données épidémiologiques de grande ampleur n’indiquent pas qu’elle apporte une information supplémentaire quantitativement importante pour aider à la prédiction de la survenue des deux complications les plus fréquentes chez l'hypertendu que sont la maladie coronaire et l'accident vasculaire cérébral. Ainsi, au vu des données scientifiques actuelles, la microalbuminurie n'apparaît pas constituer une aide pour le médecin dans l'évaluation du risque de complication cardiaque et cérébrovasculaire de l'hypertendu. La réalisation d'une microalbuminurie au cours du soin clinique courant est-elle possible avec une bonne fiabilité ? Le dosage de la microalbuminurie au cours du soin clinique courant implique de résoudre le problème de la variabilité intra-individuelle de l'excrétion urinaire d'albumine. Celle-ci est importante car de l’ordre de 25 à 60 %, selon les études. Si le dosage simultané de la créatinine urinaire, qui permet d'exprimer l'excrétion urinaire d'albumine en mg par mmol de créatinine urinaire, réduit le coefficient de variations, celui-ci reste encore non négligeable à environ 15 %. La variabilité de l'excrétion urinaire d'albumine est en partie la conséquence des variations de la pression artérielle et de son cycle nycthéméral. Ainsi, compte-tenu de cette importante variabilité intra-individuelle, il est préconisé de ne porter un diagnostic de certitude qu’après une répétition de la mesure sur au moins deux à trois recueils urinaires. Parallèlement au problème de la variabilité du paramètre, il existe des circonstances au cours desquelles il n’y a pas d’intérêt à la mesure de la microalbuminurie : l’existence d’une protéinurie à la bandelette Multistix®, d’une hématurie macroscopique, d’une infection urinaire, d’une fièvre ou des règles. Il est souhaitable d'utiliser les premières urines du matin pour réaliser le dosage. Si le prélèvement doit être acheminé avant analyse, le transport peut se faire à température ambiante. Un stockage doit se faire à + 4°C sur quelques semaines ou à - 80°C pour des périodes plus longues, mais il faut éviter le stockage à -20°C. Les méthodes de mesure acceptables sont la RIA (méthodes de référence et coûteuse), l’ELISA, l’immunoturbidimétrie, l’immunophélémétrie. Les tests de détection semi-quantitatifs (Bumintest®, Miral-test II®) possèdent une bonne sensibilité et spécificité, mais nécessitent une confirmation par des dosages quantitatifs. Ainsi, il existe des contraintes nombreuses qui s’opposent à une réalisation aisée et à une interprétation fiable d’un dosage de microalbuminurie. Ce dosage au cours du soin clinique courant impose de prendre des précautions. Les "recommandations" et l'usage de la microalbuminurie. Les premières publications sur l’intérêt de la microalbuminurie chez le diabétique remontent à plus de 25 ans. Depuis cette période, de nombreuses recommandations ont été émises pour aider à la prise en charge des hypertendus. La place prise par la microalbuminurie dans le bilan chez l’hypertendu a été basée sur l’analyse approfondie de la littérature scientifique. - En 2003, les recommandations du JNC 7 sur la prise en charge de l’hypertension aux états-Unis indiquaient que la recherche de la microalbuminurie devait rester optionnelle. Les recommandations de l’ESC/ESH sur la prise en charge de l’hypertension en Europe indiquaient que la recherche de la microalbuminurie était recommandée chez tous les hypertendus. - En 2004, les recommandations du BHS sur la prise en charge de l’hypertension au Royaume-Uni ne mentionnaient pas la microalbuminurie dans le bilan initial ou de suivi. - En 2005, les dernières recommandations de la haute autorité de santé sur la prise en charge des patients adultes atteints d'hypertension artérielle essentielle indiquent « qu’une évaluation à la recherche d'une atteinte d’organe cible infra clinique (microalbuminurie chez le patient non diabétique) n'est pas recommandée de façon systématique. Cette recherche peut être effectuée dans les cas spécifiques par des cliniciens ou des équipes spécialisées. La place réelle de ces marqueurs dans le bilan initial devra être précisée dans l'avenir, notamment par des études médico-économiques ». En revanche, chez les patients hypertendus diabétiques, il est recommandé « d'effectuer tous les ans un dosage de la microalbuminurie et un examen du fond d'œil ».   En pratique Il existe trois bonnes raisons de ne pas réaliser un dosage de la microalbuminurie chez un hypertendu non diabétique Les données épidémiologiques de grande ampleur n’indiquent pas que la microalbuminurie apporte une information supplémentaire et quantitativement importante en plus des habituels facteurs de risque pour aider à la prédiction de la survenue des deux complications les plus fréquentes chez l'hypertendu que sont la maladie coronaire et l'accident vasculaire cérébral. Il existe des contraintes nombreuses qui s’opposent à une réalisation aisée et à une interprétation fiable d’un dosage de microalbuminurie. Les dernières recommandations de la haute autorité de santé récemment émises en octobre 2005 indiquent « qu’une évaluation à la recherche d'une atteinte d’organe cible infra clinique (microalbuminurie chez le patient non diabétique) n'est pas recommandée de façon systématique ».

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