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Insuffisance cardiaque

Publié le 24 oct 2006Lecture 11 min

FEVG conservée - Le prototype de l’IC du sujet âgé

D. LOGEART, hôpital Lariboisère, Paris


ESC et WWC
À défaut de grandes innovations dans le domaine de l’insuffisance cardiaque (IC), ce congrès n’en a pas été pour autant inintéressant, et nous a offert les résultats de quelques essais thérapeutiques ainsi que de nombreuses mises au point et débats.

IC à FEVG conservée   PEP-CHF Cet essai (Perindopril in Elderly People with Chronic Heart Failure) fut le principal grand essai thérapeutique dans le domaine de l’IC et plus précisément de celle à fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) conservée. Cet essai testait l’efficacité d’un IEC, le perindopril, dans une population de patients âgés souffrant d’IC à FE conservée. Rappelons que la proportion de patients ayant une FEVG conservée (> 50 %) est de plus en plus importante, dépassant les 50 % (NEJM 2006 ; 355). Cela est, bien sûr, lié au vieillissement de la population puisque cette forme d’IC se rencontre essentiellement chez les personnes âgées, notamment de sexe féminin avec un terrain d’hypertension artérielle. Les résultats ont été présentés par J. Cleland (Angleterre) en session Hot Line. Contrairement à l'IC systolique, il n’existe pas de recommandation claire sur l’utilisation systématique d’une classe thérapeutique particulière dans l’IC à FEVG conservée. Les premiers résultats d’un essai thérapeutique randomisé contre placebo dédié à cette population ont été ceux de CHARM-Preserved Candesartan in Heart failure : Assessment of Reduction in Mortality and morbidity-PRESERVED systolic function), publiés en 2003, qui avaient montré une tendance non significative sur le critère principal, en faveur d'un antagoniste des récepteurs à l'angiotensine II, le candésartan. À l’inclusion, 852 patients ont été randomisés pour recevoir un placebo ou du perindopril. Les patients devaient avoir plus de 70 ans, avoir été hospitalisés pour une raison cardiovasculaire dans les 6 mois précédant la randomisation, avoir un diagnostic clinique d’IC avec un traitement par diurétique et des critères écho-Doppler confirmant l’absence d’altération de la FEVG et montrant l’existence d’une dysfonction diastolique (diamètre de l’oreillette gauche > 25 mm/m2, épaisseur pariétale > 12 mm, au moins un critère Doppler d’anomalie du remplissage ventriculaire gauche). L’essai était calibré pour enrôler 1 000 patients avec un taux d’événements attendu de 10-20 %/an pour ce qui est de la mortalité. Le critère primaire d’évaluation était la mortalité de toute cause ou une hospitalisation non programmée pour IC ; les critères secondaires comportaient notamment la mortalité toute cause, la mortalité cardiovasculaire et l’hospitalisation pour IC et des critères de tolérance fonctionnelle tels que la NYHA ou le test de marche de 6 minutes.   Résultats Le suivi moyen fut de 25 mois. La moyenne d’âge était de 75 ans avec 56 % de femmes, une histoire d’hypertension artérielle chez 79 % des patients, un antécédent d’infarctus chez 26 %, une arythmie chez 20 %. La pression artérielle systolique était en moyenne de 139 mmHg. Trois quarts des patients n’étaient qu’en classe NYHA I ou II à l’inclusion, le test de 6 minutes était de 295 m et le taux de BNP moyen à 330 pg/ml, soulignant qu’il s’agissait d’insuffisants cardiaques relativement peu sévères. Le critère primaire d’évaluation a été observé chez 23 % des patients à 26 mois avec une réduction relative du risque de 8 % en faveur du perindopril, ce qui n'est pas significatif (HR 0,91 ; IC95% : 0,70–1,21 ; p = 0,545). Le résultat paraît donc décevant tant il existe de nombreux arguments en faveur du rôle délétère du système rénine-angiotensine-aldostérone dans l’IC, y compris dans cette forme, et tant il pouvait être attendu qu’un traitement antihypertenseur soit bénéfique dans une forme d'IC liée en grande partie par l’hypertension artérielle.   Analyse En fait, les choses ne sont sans doute pas aussi négatives. L’analyse visuelle des courbes de Kaplan-Meyer (figure) montre une séparation significative en faveur du perindopril à 1 an, qui s’estompe ensuite progressivement au cours du suivi. L'explication avancée est la suivante : 64 % des patients sous placebo recevaient en ouvert un IEC à 18 mois !   Étude PEP-CHF : courbe de Kaplan-Meyer analysant l'efficacité du périndopril versus placebo sur la survenue de décès et d'hospitalisation pour IC. L’analyse intermédiaire à 1 an (alors que 90 % des patients placebo étaient encore sous le traitement assigné) montrait effectivement une diminution presque significative du risque relatif de 31 % (IC95% : 0,47-1,01 ; p = 0,055), similaire à CHARM-Preserved, ce qui était encourageant. J. Cleland a souligné : • une réduction significative, en faveur du perindopril, du taux d’hospitalisations pour IC (HR 0,63 ; IC95% : 0,41-0,97 ; p = 0,033), • une amélioration fonctionnelle des patients : taux plus faible de NYHA II et III (p = 0,03) et amélioration du test de marche de 6 minutes (p = 0,0011). Malheureusement, cette prescription intempestive du traitement actif dans le groupe placebo après 12 mois, associée au faible taux d’événements observé et à la lenteur du recrutement a abouti à une perte considérable de la puissance statistique de l’étude et rend cette étude non concluante. À défaut de convaincre, ces résultats ne font donc qu'entretenir l’espoir, comme l’avaient fait ceux de CHARM-Preserved, et on attendra les résultats de l’étude I-Preserve pour se faire une idée plus définitive (tableau). Cet essai a randomisé plus de 4 000 patients entre placebo et irbésartan dans une population assez similaire et les résultats sont attendus en 2007. D’autres essais assez proches sont aussi en cours (TOPCAT, ONTARGET).   Une population iatrogène En fait, beaucoup reste encore à faire. Le postulat d'un continuum entre IC à FE conservée et altérée est commode car il sous-entend des traitements communs, mais cela n'est peut-être pas aussi simple et cette population ne semble pas aussi homogène que l’IC à FE altérée. Par exemple, la cardiopathie hypertensive — cas fréquent ! — est d’abord un problème de rigidité artérielle et de couplage VG-aorte défectueux plus qu’une véritable cardiomyopathie. Soulignons également que le thème principal de ce congrès était les maladies cardiovasculaires au cours du vieillissement ; l’IC à FE conservée s’inscrit pleinement dans cette thématique et les conséquences de son incidence croissante devraient être une source d’intérêt soutenu dans les années à venir.   Traitement « immunomodulateur » de l’IC L’étude ACCLAIM (Advanced Chronic Heart Failure Clinical Assessment of Immune Modulation Therapy) a testé une thérapeutique très novatrice consistant à moduler la réponse immunitaire/inflammatoire qui participe à l'aggravation de l'IC. Jusqu'à présent, avaient été essentiellement testés sans succès probant, des thérapeutiques anti-TNFα (essai RENEWAL et étanercept) ou immunomodulatrices par injections d’immunoglobulines. Cette fois, les investigateurs (G. Torre-Amione, USA) faisaient prélever 10 cm3 de sang qui étaient soumis ex vivo à un stress oxydatif (système Celacade), puis les réinjectaient en intramusculaire de façon itérative dans les semaines suivantes (J1, J2, J14 puis 1 fois par mois). Cette procédure qui conduit les cellules sanguines en apoptose a un effet supposé plus large que la simple inhibition du TNFα , avec une modulation globale de la réponse immunitaire. Cet essai ambitieux a randomisé contre placebo 2 426 patients insuffisants cardiaques sévères avec FEVG < 30 % et hospitalisation récente ; le critère principal d'analyse était la combinaison mortalité toute cause ou hospitalisation pour cause cardiovasculaire. Le résultat fut ... l'absence de bénéfice du traitement actif (HR 0,92 ; p 0,22). Néanmoins, un effet positif fut observé (curieusement ?) dans des sous-groupes prédéfinis, à savoir chez les patients les moins sévères, en NYHA II, et avec une cardiomyopathie non ischémique. Cela semble motiver les investigateurs à poursuivre avec un essai dans cette sous-population.   Prescrire plus précocement les bêtabloquants ?   Étude CIBIS III et la mort subite Rappelons que cette étude comparait dans l’IC symptomatique (NYHA II à III) avec FEVG < 35 %, deux stratégies d’instauration des traitements IEC (énalapril). Les résultats principaux, publiés au début de cette année, avaient montré l’équivalence des deux stratégies sur le critère principal mortalité et/ou hospitalisation pour IC. Pour répondre à la question posée, cet essai avait des bras « monothérapie » de relative longue durée — 4 mois — avant d’associer les deux. Ce schéma avait d'ailleurs été critiqué du fait de son décalage avec la pratique clinique où il est recommandé d’associer rapidement les deux classes thérapeutiques. Néanmoins, cette relative longue durée des bras monothérapie a poussé les investigateurs à essayer de discerner un éventuel bénéfice d’une monothérapie par rapport à l’autre. Bien qu'il s’agisse d’une évaluation post-hoc et que la durée de quelques mois seulement de monothérapie paraisse peu compatible avec des conclusions définitives, les investigateurs (R. Willenheimer, Suède) ont souligné l’existence d’une réduction du taux de mort subite chez les patients traités d’abord par éduction n’est significative qu’au cours de la 1re année (HR 0,54 ; IC95 % 0,29-1,00 ; p = 0,049) et ne l’est plus à la fin de l’étude qui était de 18 mois. À noter un taux plus important d’hospitalisations pour aggravation de l’IC au cours de la même période chez les patients traités d’abord par à nouveau de ces résultats est l’utilité d’un traitement précoce par érêt semblant être sur leur efficacité à réduire le risque de mort subite.   Suivi de l’IC et télémédecine : étude HHH L’essai européen HHH (Home or Hospital Heart Failure), présenté par A. Mortara (Italie) en Hot Line, a testé l'utilité de la télémédecine pour prévenir les réhospitalisations intempestives des patients insuffisants cardiaques. Au total, 461 patients ambulatoires, avec FEVG < 40 %, sous traitement médicamenteux optimisé, ont été randomisés en 4 bras : • suivi « traditionnel », • suivi téléphonique par une infirmière spécialisée, • suivi avec télétransmission régulière de données cliniques de base telles la pression artérielle et le poids, • suivi encore plus sophistiqué avec télétransmission de Holter-ECG et de fréquence respiratoire notamment. Des informations intéressantes sur la survenue d'apnée du sommeil par exemple ont pu être extraites avec ce type de monitorage (index d’hypopnée/apnée > 15/h chez 20 % des patients, avec une valeur pronostique péjorative associée). En revanche, la télémédecine, quel que soit son degré de sophistication, n'a pas apporté de bénéfice sur le critère principal combiné mortalité ou hospitalisation pour IC. Il s’agissait, certes, d’abord d’une étude de faisabilité et, sur ce point, le contrat fut atteint. On objectera que cet appareillage s'apparente surtout à un gadget coûteux et ne saurait remplacer l'éducation individualisée du patient. Cette dernière a fait ses preuves et implique le patient comme acteur de sa prise en charge et non comme simple « télétransmetteur » Il est néanmoins possible que l'on s'oriente progressivement vers divers outils utilisant la télémédecine, du moins chez quelques patients ciblés. C'est le cas des systèmes implantables de monitorage de la pression artérielle pulmonaire, combiné au boîtier de pacemaker. Signalons un nouveau procédé, présenté en session Poster (Shah HA, P2158), utilisant un stent déployé dans l'artère pulmonaire par voie veineuse et incorporant un capteur de pression dont le signal est ensuite téléenregistrable (ImPressure). Tous ces résultats apparaissent donc en demi-teinte. De plus, plusieurs nouvelles familles thérapeutiques (antagonistes des récepteurs V2 de la vasopressine, antagonistes des récepteurs A1 à l'adénosine, peptide natriurétique de synthèse, érythropoïétine, etc.) avaient montré des résultats encourageants au cours des dernières années, mais dans des études de phase 2 essentiellement ; aucun résultat nouveau n’a été présenté à Barcelone et il faudra donc attendre encore quelques mois pour peut-être entrevoir de nouvelles classes médicamenteuses dans notre pratique. On a néanmoins pu se consoler en testant (pour nos patients) les nouveaux tapas sans sel au comptoir de quelques stands spécialisés, telles les fameuses Gampas al pilpil (faire revenir de grosses crevettes crues dans l'huile d'olive avec de l'ail pendant 3 min puis ajouter citron, vin doux sec, piment doux, piment de cayenne optionnel, poivre, et bien-sûr ne pas saler!). Biomarqueurs sériques Après la saga du BNP, l’heure semble à l’utilisation combinée de divers biomarqueurs. Ainsi, I.S. Anand (P530) comparait la valeur respective puis combinée du NproBNP, de la TnI, de la CRP et de la norépinéphrine chez 3 720 patients insuffisants cardiaques. En analyse multivariée, seuls les deux premiers émergeaient avec une surface sous la courbe ROC de 0,70 chacun. Le dosage de la Heart-type fatty acid-binding protein pourrait se mêler à ce type de stratification. parr exemple, T. Niizeki (P530) l’a testé chez 126 cardiomyopathies dilatées et montré une valeur pronostique pertinente (alors que le BNP et la Tn étaient ici non significatifs en multivariée).   Resynchronisation et défibrillateur automatique implantable Pas de nouveautés présentées mais un grand nombre de mises au point et débats qui ont porté notamment sur les poits suivants. L’utilité de l'échographie dans la sélection des patients à resynchroniser. Une meilleure sélection des patients paraît évidente au vu des 30 % de patients « non répondeurs » pour lesquels on ne dispose pas vraiment de prédicteurs fiables à ce jour. Dans une controverse avec le Dr Yu (Hong-Kong), C. Leclerc (Rennes) a logiquement insisté sur la multiplication et confusion actuelle des critères échographiques, allant même du DTI au 3D actuellement, sans qu'aucun n'ait été clairement validé de façon prospective, au contraire de l'ECG. À nouveau, on patientera jusqu'en 2007 où seront probablement présentés les résultats de deux études prospectives (DESIRE et PROSPECT) testant l'utilité de critères échographiques pour sélectionner les patients répondeurs. Dans DESIRE, sur les 61 premiers patients inclus, le taux de répondeurs augmenterait de 30 à 70 % en présence de critères échographiques d'asynchronisme. À suivre. Faut-il associer systématiquement un défibrillateur en cas de resynchronisation ? Sujet brûlant où les spécialistes essaient de convaincre leur auditoire par des analyses différentes des mêmes études, essentiellement COMPANION (Comparison of Medical Therapy, Pacing, and Defibrillation in Chronic Heart Failure) et CARE-HF (CArdiac REsynchronisation in Heart Failure). Par exemple, dans CARE-HF, 101 décès étaient notés dans le groupe avec resynchronisation, soit un taux annuel de décès de 7,9 %. Pour Butter (Allemagne), l'existence de 32 morts subites, dont 24 probablement arythmogènes, parmi ces décès constitue en soi un fort argument pour associer systématiquement un défibrillateur, qui aurait permis théoriquement de sauver 1 patient pour 9 implantations sur 3 ans. Pour J. Cleland (Angleterre), ces deux études ont montré clairement que la resynchronisation seule est suffisante, le défibrillateur ayant de plus le désavantage d'une morbidité/inconfort accru. Faut-il resynchoniser les patients en AC/FA ? Sujet également brûlant tant l'AC/FA est fréquente dans l'IC (20-40 % des cas). L’utilité de la resynchronisation n’y est actuellement pas démontrée. Le bénéfice passe par une capture maximale des QRS. Pour cela, l'ablation du nœud auriculo-ventriculaire est un moyen efficace mais radical car le patient devient « PM-dépendant ». Cette technique fut défendue par (Italie) à partir de son expérience monocentrique, publiée cette année. Ses bons résultats pourraient être plus simplement dus au meilleur contrôle de la fréquence cardiaque ; le contrôle médicamenteux de la fréquence semble néanmoins rester le moyen de première intention. Faut-il resynchroniser les patients pas ou peu symptomatiques ? L'étude REVERSE a fini d'inclure 683 patients en NYHA 1-2 et ses résultats sont attendus fin 2007.

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