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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 31 mai 2005Lecture 5 min

Fibrillation auriculaire : qu'est-ce que le remodelage ?

S. LÉVY et P. SBRAGIA, hôpital Nord de Marseille

Les cardiologues savent bien que l’ancienneté de la fibrillation auriculaire (FA) est un des facteurs majeurs du succès de la cardioversion électrique et surtout du maintien à long terme du rythme sinusal. Il est bien connu aussi que plus la FA paroxystique est ancienne et plus elle aura tendance à devenir persistante. C’est ainsi que dans l’étude ALFA, 12 % des FA paroxystiques deviennent persistantes, voire permanentes par an. Le remodelage auriculaire est un des mécanismes qui tend à perpétuer la FA.

    Le remodelage auriculaire peut être défini comme l’ensemble des phénomènes survenant au cours de la FA et contribuant en particulier à son maintien. Ces phénomènes ont surtout été étudiés sur des modèles expérimentaux, animaux, de FA ; ils surviennent tôt après l’installation de la FA et sont totalement ou partiellement réversibles. Il y a deux types de remodelage auriculaire : le remodelage électrique et le remodelage structurel. Ils vont avoir pour conséquence un remodelage contractile.   Remodelage électrique La FA s’accompagne d’une augmentation de fréquence du rythme auriculaire qui aura pour conséquence une surcharge en calcium susceptible d’entraîner la mort de la cellule myocardique. Pour éviter cela, une altération du fonctionnement des canaux membranaires se produit, ce qui a pour résultat à court terme une réduction du courant calcique.   Une réduction du courant calcique Il existe plusieurs types de courants calciques et c’est le courant calcique de type L qui est intéressé. Une preuve indirecte est apportée par l’atténuation de ce phénomène par les antagonistes calciques du type vérapamil. Cela avait fait naître l’espoir que l’administration de vérapamil pourrait prévenir la surcharge calcique et le remodelage électrique. En effet, une étude hollandaise qui semblait montrer que les patients sous vérapamil maintenaient le rythme sinusal après cardioversion mieux que ceux non traités par cet antagoniste calcique, avait fait naître un espoir qui n’a pas été confirmé par des études contrôlées contre placebo.   La FA engendre la FA Le remodelage électrique a été bien étudié sur des modèles expérimentaux de FA par l’équipe de Maastricht dirigée par M. Allessie. Cette équipe a montré que si l’on stimule l’oreillette d’un animal, en l’occurrence la chèvre, chez lequel est implanté un stimulateur délivrant une stimulation à fréquence rapide, on obtient un lambeau de FA. Si on répète, peu après, la stimulation sur une durée plus longue, on obtient une FA de plus longue durée mais qui s’arrête spontanément. Et si on répète cette manœuvre un certain nombre de fois, la durée de la FA devient persistante. Le titre de ce travail était « AF begets AF » (la FA engendre la FA) (figure 1). Figure 1. La FA engendre la FA. Un raccourcissement de la période réfractaire La persistance de la FA s’accompagne d’un raccourcissement de la durée de la période réfractaire effective (PRE) de l’oreillette, de la perte de l’adaptation de cette PRE auriculaire à la fréquence cardiaque, d’une dispersion des PRE auriculaires et d’une augmentation de la fréquence auriculaire de la FA. Il est intéressant de noter que, bien avant les travaux d’Allessie et son équipe, Attuel et coll. ont rapporté chez l’homme avec FA paroxystique, que la PRE de l’oreillette droite est diminuée chez les patients avec une perte de l’adaptation de celle-ci à la fréquence cardiaque. Le Heuzey et coll. ont montré que les potentiels d’action cellulaires à partir de prélèvements effectués chez des patients en FA, ont une durée diminuée prenant une forme triangulaire. Il y a donc chez l’homme des phénomènes comparables à ceux observés expérimentalement. Après cardioversion de la FA chez l’animal, les phénomènes constatés sont réversibles. Cette réversibilité est d’autant plus rapide que la FA est de durée plus courte.   La connexine Après la réduction du courant calcique qui se produit très tôt après la tachycardie auriculaire (figure 2), une modification de l’expression génique des protéines constituant le canal calcique va réduire de façon plus durable le courant calcique. Une des protéines jouant un rôle important dans le myocyte cardiaque au cours de la FA est la connexine 40, présente dans le myocarde auriculaire mais pas dans le myocarde ventriculaire. Ainsi, un processus à long terme va se mettre en place pour protéger la cellule auriculaire contre la surcharge en calcium potentiellement létale.   Remodelage structurel À côté des modifications des courants ioniques, essentiellement calciques (Ca++ du type L), il y a un remodelage structurel qui a aussi fait l’objet d’études expérimentales par l’école hollandaise. D’importantes modifications de la cellule myocardique vont prendre place. Elles intéressent le noyau : redistribution de la chromatine, diminution du réticulum sarcoplasmique, surcharge en glycogène, augmentation des connexines et modifications des mitochondries. La calpaine I, une protéase qui scinde les protéines membranaires, voit son activité augmentée. Au niveau du noyau, la calpaine peut entraîner une dégénérescence des protéines aboutissant à l’apoptose ou mort cellulaire (figure 2). Figure 2. Séquence des processus générés par la fibrillation auriculaire en l'absence de remodelage. (Adapté d'après la thèse de Bianca JJM Brundel Groningen 2000 avec permission). Les modifications de la structure des protéines aboutissent à un aspect semblable à celui observé à l’état fœtal. Ce remodelage structurel correspond une réaction d’adaptation — les modifications structurelles observées sont semblables à celles décrites dans le myocarde hibernant lors de l’ischémie — et vise à prolonger la viabilité cellulaire. Ce remodelage structurel peut aussi avoir pour résultat la formation de fibrose. L’expression auriculaire de l’angiotensine II est augmentée dans la FA. Le rôle des inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et des antagonistes de l’angiotensine II (ARA II) dans la prévention de la FA est évoqué par des études comme l’étude TRACE (TRAndolapril Cardiac Evaluation). Chez les patients avec un infarctus du myocarde et une dysfonction du ventricule gauche (FE < 35 %), le trandolapril, un IEC, a diminué la fréquence de survenue de la FA. Chez des patients porteurs de FA persistante nécessitant une réduction par choc électrique, randomisés pour recevoir l’amiodarone 400 mg/j seul ou associé à l’irbésartan (150 à 300 mg), l’irbésartan (ARA II) a réduit de 65 % le taux de récidives à 2 mois dans le groupe amiodarone plus irbésartan par rapport à celui de l’amiodarone seule.   Remodelage contractile Le remodelage contractile est la conséquence des remodelages électrique et structurel. En effet, la dégénérescence des protéines cellulaires et la fibrose vont favoriser la dilatation de l’oreillette gauche. Certaines protéines qui participent au couple excitation-contraction vont être modifiées. Ce remodelage contractile va favoriser la thrombose et ses complications qui menacent le patient avec FA.   En pratique Le remodelage auriculaire est un processus d’adaptation semblable à celui observé dans le myocarde hibernant lors de l’ischémie myocardique ; il vise à protéger la cellule myocardique auriculaire en diminuant la contractilité auriculaire. Une meilleure connaissance des mécanismes sous-jacents au remodelage auriculaire contribuera à l’utilisation de nouvelles approches pharmacologiques dans le traitement de la FA comme l’utilisation des IEC ou ARA II. Les références bibliographiques pourront être adressées aux lecteurs sur demande au journal.

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