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Insuffisance cardiaque

Publié le 12 sep 2006Lecture 10 min

Heart Failure 2006 - Le congrès européen sur l’insuffisance cardiaque

D. LOGEART, hôpital Lariboisière, PARIS

Le congrès annuel 2006 du groupe de travail sur l'insuffisance cardiaque (heart failure) de la Société européenne de cardiologie (SFC) s’est déroulé à Helsinki du 17 au 20 juin dernier. Plus de 800 communications, dont 620 posters, y ont été présentées dont voici quelques échos.

Nouveaux outils de surveillance ambulatoire Lors des derniers congrès, l’utilité du dosage des peptides natriurétiques dans le suivi des patients insuffisants cardiaques avait largement été mise en avant. Dans cette édition 2006, l’intérêt — via plusieurs symposiums — s’est porté sur de nouveaux outils. Il s’agit notamment de systèmes implantés permettant une surveillance hémodynamique continue via un boîtier et une sonde munie d’un capteur de pression, implantée au niveau du ventricule droit (VD) ou du septum interauriculaire (au contact de l’oreillette gauche {OG}), et enfin d’un système de télémonitorage.   Des outils invasifs Ces outils sont invasifs, sophistiqués et probablement coûteux, mais néanmoins très intéressants sur le plan de la connaissance de l’histoire naturelle des patients. Par exemple, ils montrent bien que les hospitalisations pour décompensation sont le plus souvent liées à la rétention hydrosodée et s’accompagnent d’une nette augmentation des pressions de remplissage quelques jours avant l’hospitalisation. Dans les premières études publiées, ce dépistage par télémonitorage permettait de réduire le taux d’hospitalisations en renforçant en amont le traitement du patient. Au-delà de l’intérêt scientifique, et non moins commercial, il reste à évaluer si de tels outils ont un intérêt dans notre pratique, du moins chez les patients requérant par ailleurs un pace-maker (combinaison stimulation et monitorage hémodynamique dans le même boîtier de pace-maker).   Les outils utilisables par le patient à la maison Moins invasifs, les outils de télémonitorage utilisables par le patient à la maison s’intègrent à la prise en charge multidisciplinaire. Le patient est éduqué puis aidé par un appareil lui rappelant diverses données dont des constantes à mesurer (poids, PA…) et à consigner dans l’appareil. Ces données sont envoyées par internet et régulièrement contrôlées à distance par une infirmière ou un médecin qui peuvent réagir en retour. Plusieurs équipes ont rapporté leurs expériences qui semblent indiquer une réduction du taux d’hospitalisations.   Rétention hydrosodée : nouveaux outils de surveillance, nouveaux axes thérapeutiques Les diurétiques font partie des traitements les plus anciens mais aussi d’une classe thérapeutique peu évaluée et longtemps négligée en termes de développement thérapeutique. Si leur utilisation peut difficilement être remise en cause, il a néanmoins été démontré que les diurétiques de l’anse induisent une stimulation du système rénine-angiotensine et une perte de potassium et d’autres oligoéléments ou vitamines ; enfin, il existe, d’une part, des difficultés de prescriptions en cas d’insuffisance rénale et, d’autre part, un risque, pas si rare, de résistance aux diurétiques, difficile à gérer. Au même titre que le monitorage de la rétention hydrosodée se raffine (cf. précédemment), s’active toute une recherche sur de nouveaux outils thérapeutiques. Depuis quelques années émergent deux nouvelles familles médicamenteuses agissant directement sur la rétention hydrosodée, qui ont fait l’objet de mises au point au cours de ce congrès : les antagonistes des récepteurs V2 de la vasopressine et les antagonistes des récepteurs A1 de l’adénosine.   Antagonistes des récepteurs V2 de la vasopressine La vasopressine agit sur deux types de récepteurs : • les récepteurs V1, localisés dans les vaisseaux et le cœur, ont des effets vasoconstricteurs (périphériques et coronaires) et trophiques (hypertrophie) ; • les récepteurs V2, localisés dans le tubule rénal, participent à la rétention hydrique. Sous l’influence de stimuli non osmotiques (pression, angiotensine…), la sécrétion hypothalamique de vasopressine est stimulée au cours de l’insuffisance cardiaque. Le blocage des récepteurs V2 devrait permettre un contrôle plus physiologique de la rétention hydrosodée, notamment en cas d’hyponatrémie (signant classiquement un excès de rétention hydrique chez ces patients). Concernant l’hyponatrémie, notons que s’il s’agit d’un marqueur pronostique important, ce n’est pas nécessairement une cible thérapeutique pertinente. Un effet protecteur sur la fonction rénale est également espéré. Plusieurs bloqueurs des récepteurs V2, plus ou moins sélectifs — conivaptan, tolvaptan et lixivuptan — font l’objet de développements cliniques. Gheorghiade (USA) a fait le point sur l’état d’avancement de leur développement clinique. • Un premier essai avait randomisé 254 patients congestifs en 4 bras : placebo, tolvaptan 30, 45 et 60 mg/j pendant 25 jours, en sus d’un traitement conventionnel incluant du furosémide à doses stables ; une augmentation significative de 100 % de la diurèse et une réduction du poids de presque 1 kg étaient obtenues dès le premier jour (mais sans augmentation du bénéfice ultérieurement) avec le traitement actif, s’accompagnant d’une normalisation de la natrémie en cas d’hyponatrémie. • Une seconde étude de phase 2 — ACTIV in CHF — incluait des patients sensiblement plus sévères selon un schéma identique avec 4 bras maintenus pendant 60 jours ; le même type de résultats encourageants fut obtenu, soit une réduction significative et précoce du poids et une augmentation de la diurèse. Aucun effet secondaire notable n’était signalé. • Lors des dernières sessions de l’AHA 2005, ont été présentés les résultats de l’étude METEOR : 240 patients NYHA 2-3 avec FEVG < 30 % randomisés placebo ou tolvaptan 30 mg/j pendant 1 an avec le remodelage VG (volume VG et FEVG) comme critère principal ; aucun effet significatif ne fut observé à 1 an. • Enfin, l’étude EVEREST a inclus 4 133 patients admis pour décompensation congestive, randomisés sous tolvaptan 30 mg/j ou placebo pendant au moins 60 jours en sus d’un traitement conventionnel ; les critères d’évaluation sont l’amélioration des symptômes à J7 et la mortalité à J30. Les résultats de cette première étude de phase 3 seront décisifs pour l’avenir de cette molécule ; ils seront présentés au prochain congrès de l’ACC en 2007.   Antagonistes des récepteurs A1 de l’adénosine L’autre voie de recherche concerne celle de l’adénosine, qui provoque une vasoconstriction des artérioles rénales afférentes et une réabsorption du sodium au niveau des tubules proximal et distal. L’antagonisme de cette voie est donc riche de potentiel. À noter qu’il existe des récepteurs à l’adénosine A1 dans le cerveau et donc un risque potentiel de convulsion. Les résultats de deux études cliniques concernant la molécule KW-3902 ont été discutés (Dittrich HC, USA). Il s’agissait d’études de phase 2 testant la tolérance et l’efficacité diurétique de cette molécule chez des patients insuffisants cardiaques. • La première étude, menée chez des patients ayant une insuffisance rénale (clairance entre 20 et 80 ml/min) hospitalisés pour décompensation oedémateuse, montrait une augmentation de la diurèse quel que soit le niveau de créatinémie. • La seconde étude randomisait 36 patients ayant une résistance au furosémide en 4 groupes (placebo et 3 doses différentes de traitement actif) et montrait également une diurèse supérieure et une bonne tolérance. Les résultats cumulés de ces deux études montrent une tendance à un effet protecteur sur la fonction rénale. Une plus large étude (PROTECT) est en cours et donnera des informations plus décisives sur l’avenir de cette approche.   Resynchronisation : quels critères d’évaluation ? avec ou sans défibrillateur ? Ces deux questions ont fait l’objet de plusieurs mises au point et controverses.   Les critères écho-Doppler Stellbrink C, Bielefeld et Pinto FJ (Lisbonne) ont montré que de très nombreux critères ont pu être proposés mais peu ont été validés de façon prospective à large échelle. La mise en évidence d’un retard éjectionnel du VG (Qao > 130 ms) est consensuelle. La nécessité de mettre en évidence un retard de contraction de la paroi latérale par rapport au septum ou à la fermeture des sigmoïdes aortiques, quelle que soit la méthode (TM, DTI, TVI…), est également consensuelle mais pas nécessairement les valeurs seuils. Plusieurs communications affichées à ce congrès ont encore ajouté à cette recherche foisonnante. En pratique, ces critères sont parfois peu utiles ou peu reproductibles (exemple d’une cinétique septale avec mouvements passifs, paradoxaux…). Le retentissement sur le remplissage, et notamment sa durée (< 40-50 % du cycle cardiaque), est de plus en plus évoqué et semble être un paramètre simple et reproductible. Des études en cours (DESIRE, PROSPECT…) essaient de mieux valider ces paramètres ; réponses en 2007 ?   Intérêt du DAI L’intérêt d’adjoindre systématiquement un défibrillateur automatique implantable (DAI) en cas de resynchronisation, dans l’insuffisance cardiaque à FEVG altérée, a été débattu (Bristow MR, États-Unis et Cleland JGF, Hull, Royaume-Uni). Si le bénéfice du DAI a été démontré en prévention primaire, y compris dans les cardiomyopathies dilatées non ischémiques (étude SCD-HeFT), son intérêt par rapport à une resynchronisation seule n’est pas important (étude COMPANION) et laisse place à certaines interrogations et peut-être à d’autres études. La morbidité du DAI n’est pas nulle et l’hypothèse d’un effet proarythmogène n’a pas été complètement levée ; cela est à mettre en balance par rapport au gain espéré en termes de mortalité subite chez ces patients. Plusieurs analyses secondaires de grandes études ont été présentées. Dans CARE-HF, un des critères d’inclusion était une classe NYHA 3 ou 4 ; néanmoins, plus de 20 % des patients étaient en fait en classe 1-2 en se basant sur une autoévaluation du patient. Ces patients, moins sévères, tiraient un bénéfice de la resynchronisation similaire aux patients plus sévères (RR 0,69 versus 0,62 sur le critère principal). Rappelons que les sociétés savantes recommandent actuellement de ne resynchroniser que les patients sévères NYHA 3-4. L’hypothèse d’un bénéfice de la resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque NYHA 1-2 est actuellement testée dans une étude randomisée. Toujours dans CARE-HF, la resynchronisation s’accompagnait d’une augmentation de la pression artérielle et empêchait le déclin de la fonction rénale. Dans le registre italien InSync, 157 des 952 patients implantés pour resynchronisation étaient en fibrillation atriale ; le bénéfice de la resynchronisation y semble identique au cours d’un suivi moyen de 21 mois.   Insuffisance cardiaque et anémie L’anémie est un facteur de mauvais pronostic dans l’insuffisance cardiaque. Ses mécanismes sont multiples : hémodilution, déplétion ferrique, insuffisance rénale associée, défaut de synthèse d’érythropoïétine… Des études préliminaires avaient montré que sa correction améliore certains paramètres fonctionnels. Au cours de ce congrès, ont été présentés deux essais menés avec l’érythropoïétine-darbépoïetine alpha (WT Abraham, États-Unis) et un essai avec injections IV de fer (P. Ponikowski, Wroclaw, PL) : • FERRIC-HF : 35 patients avec FEVG basse et ferritinémie < 100 µg/l (ou 100-300 mais Sat transferrine < 20 %) ont été randomisés en double aveugle fer versus placebo. Ce dernier était injecté par voie IV (solution glucosée) à raison de 200 mg/sem puis toutes les 4 semaines. Le pic de VO2 à 18 semaines — critère principal de jugement — et la NYHA étaient améliorés significativement sous traitement actif. Cette amélioration n’était constatée que chez les patients anémiques (Hb < 12,5 g/dl à l’inclusion). À noter que si la ferritinémie augmentait bien sous traitement, il n’y avait pas de variation significative du taux d’hémoglobine. • Darbépoïétine-α (études 170 et 171) : les deux études ont inclus 475 patients (FEVG < 40 %, NYHA 2-3, hémoglobine 9-12,5 g/dl, saturation transferrine ≥ 15 %) qui ont été randomisés placebo ou darbépoïétine pendant soit 62 semaines (étude 170) soit 26 semaines (étude 171). Le taux d’hémoglobine a augmenté en moyenne de 2 g/dl mais sans une amélioration de la classe NYHA et du taux d’hospitalisation (OR 0,66 [0,40-1,07], p 0,09). À nouveau, on attendra les résultats d’une véritable étude de morbi-mortalité (en cours) pour se faire une idée plus précise sur l’intérêt de cette thérapeutique.   Des recommandations à la pratique Les résultats de diverses enquêtes observationnelles sur la réalité des prescriptions dans différents pays ont été présentés, montrant l’insuffisance d’application des recommandations et essayant d’en comprendre les raisons. Citons l’enquête française IMPACT-RECO qui a donné lieu à 4 communications (P. De Groote, M. Galinier, P. Assyag, G. Jondeau). Cette enquête, menée auprès de 515 cardiologues libéraux, a inclus 1 917 patients ambulatoires avec FEVG < 40 % et NYHA 2-4 entre septembre 2004 et mars 2005. Les femmes y étaient un peu moins bien traitées au regard de la prescription d’IEC ou ARAII et de spironolactone. L’existence d’une insuffisance rénale chronique, définie par une créatininémie > 220 µM, était observée chez 249 patients et s’associait à une moindre prescription d’IEC mais aussi de bêtabloquants. Recherchant des raisons aux doses prescrites souvent insuffisantes que ce soit pour les IEC, les ARAII ou les bêtabloquants, le nombre de médicaments prescrits sur l’ordonnance n’est pas en cause. Concernant spécifiquement les bêtabloqueurs, prescrits chez 65 % des patients avec une dose cible atteinte chez seulement 18 %, les raisons de cette sous-utilisation sont l’âge, le sexe féminin et une hospitalisation récente ; pour le cardiologue interrogé, les causes sont l’hypotension dans 33 % des cas, l’asthénie dans 25 % et la bradycardie dans 16 %. À noter que l’implication du cardiologue dans un réseau était associée à une plus forte prescription. L’intérêt des « réseaux » est apparu en filigrane dans de nombreuses communications de ce congrès (surveillance ambulatoire, éducation, amélioration de l’utilisation des ressources thérapeutiques…).

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