Thérapeutique
Publié le 12 sep 2006Lecture 6 min
HVG : diagnostic et prise en charge
R. ROUDAUT, S. LAFITTE et H. DOUARD, CHU de Bordeaux
L’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) peut être physiologique et adaptative (HVG de l’hypertendu, du valvulaire, du sportif, du sujet âgé, etc.) ou pathologique (myocardiopathie hypertrophique, infiltrative). Il importe de les différencier car leurs significations pronostiques sont tout à fait différentes. L’échocardiographie joue un rôle-clé dans le diagnostic positif et différentiel ; de plus, la technique a bénéficié d’évolutions récentes tout à fait intéressantes pour une analyse plus fine de la fonction cardiaque globale et segmentaire.
Dans la population générale, la prévalence de l’hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) est estimée à 9,1 % chez la femme, 14,9 % chez l’homme.
Les aspects échcardiographiques
(figures 1 et 2)
Sportif marathonien
Hypertendu
Sujet âgé
MCH
Figure 1. Quatre exemples d'HVG.
L’HVG, comme l’ont bien montré les travaux de Framingham, représente un facteur de risque à part entière. Le risque de mort subite est particulièrement fréquent dans les myocardiopathies hypertrophiques dites primitives (MCH) liées à des mutations de gènes codant pour les protéines du sarcomère. L’échocardiographie est indiscutablement la technique la plus simple de diagnostic de l’HVG. Il convient cependant d’être rigoureux dans les mesures car les sources d’erreurs sont nombreuses.
Hypertendu
MCH
Figure 2. Deux exemples d'hypertrophie septale asymétrique : septum mesuré à 17 mm.
L’HVG correspond à une augmentation de l’épaisseur des parois, qui dépasse classiquement 11 mm, et surtout à une augmentation de la masse ventriculaire gauche. Celle-ci est classiquement encore de nos jours évaluée à partir de l’écho TM en incidence parasternale grand axe à l’extrémité des feuillets mitraux. Cette mesure n’est valable qu’en l’absence d’anomalie importante de la géométrie ventriculaire gauche et d’hypertrophie asymétrique. Les seuils d’HVG sont pour l’homme de 111 à 134 g/m², pour la femme 100 à 125 g/m² mais il faut savoir que le coefficient de variation de la mesure est de 10 à 15 %, ce qui représente 20 à 30 g !
Les travaux récents de la littérature, en particulier dans le domaine de l’HTA, conseillent de rapporter la masse VG à la taille élevée à la puissance 2,7. Dans ce cas, le seuil pathologique est de 51 g/m2,7.
Il est enfin recommandé d’analyser le type d’HVG en fonction de l’épaisseur pariétale relative qui correspond au rapport de l’épaisseur des parois sur le diamètre de la cavité (2PP/DTD). Le rapport normal est de 0,33 ± 0,006.
On parle d’HVG excentrique lorsque le rapport est < 0,45 et d’HVG concentrique lorsqu’il est > 0,45.
Physiopathologie
Sur le plan physiopathologique, l’HVG est le plus souvent adaptative et vise à maintenir une contrainte pariétale normale (loi de Laplace) :
• une surcharge en pression va donner une HVG essentiellement concentrique, parfois légèrement asymétrique ;
• une surcharge en volume donne en règle une HVG excentrique.
Les travaux réalisés dans le domaine de l’HTA ont bien montré que cette HVG est inconstante et présente seulement chez 30 % des patients. Elle est plus fréquente lorsque que l’HTA est sévère et que le patient est âgé. Dans cette population, les travaux de Ganau ont souligné l’intérêt pronostique de différencier trois situations (figure 3) :
• l’HVG concentrique péjorative,
• l’HVG excentrique,
• le remodelage concentrique (MVG normale mais rapport h/r augmenté).
Figure 3. les différents types d'HVG et de remodelage VG dans l'HTA d'après Ganau (J Am Coll Cardio 1992 ; 19 : 1550-8).
La prévalence de l’HVG chez le sujet > 80 ans est de 50 % chez la femme, 33 % chez l’homme.
Quoi qu’il en soit, l’HVG physiologique ou adaptative est en règle générale modérée (12 mm chez le sportif de haut niveau, 13 mm chez l’hypertendu, 15 mm chez l’hypertendu âgé, 15 mm dans l’HTA maligne), contrairement à la myocardiopathie hypertrophique (MCH) dans laquelle l’HVG est habituellement importante (en moyenne de l’ordre de 22 mm) et de type septal asymétrique, caractérisée par un rapport S/PP > 13 mm. Mais il faut souligner qu’il existe de véritables MCH, à parois peu hypertrophiées de 13 à 15 mm, qui posent de réels problèmes diagnostiques. À noter que 13 à 31 % des patients avec MCH présentent aussi une HVG symétrique.
Les maladies de surcharge sont à part car elles sont également souvent caractérisées par une hypertrophie importante : retenons que l’amylose cardiaque donne une HVG échocardiographique importante avec un aspect scintillant du myocarde qui contraste avec un microvoltage électrique (figure 4). L’HVG de la maladie de Fabry est capitale à reconnaître de nos jours car il existe une thérapeutique substitutive du déficit enzymatique (∝-galactosidase). L’HVG de la maladie de Fabry touche surtout l’homme de la quarantaine dans un contexte d’atteinte multiviscérale (rein, œil, cœur, vaisseaux, cornée) et d’angiokératomes.
Figure 4. Amylose cardiaque.
Savoir analyser une HVG limite
C’est en pratique le problème posé pour un patient dont les parois sont dans la « zone grise » de 13 à 15 mm, question de plus en plus fréquente, non seulement chez le jeune sportif de haut niveau, mais également chez l’homme de 50 ans qui veut reprendre une activité sportive. Dans ces cas, il faut savoir distinguer une HVG physiologique d’une HVG « pathologique » de type MCH, la MCH étant la première cause de mort subite chez le jeune.
Chez le jeune sportif, l’ECG est de peu d’apport car on sait que la pratique sportive de haut niveau peut entraîner des modifications de l’ECG parfois spectaculaires. L’échocardiographie est indiscutablement un outil très utile qui a largement bénéficié des techniques modernes : imagerie de seconde harmonique, Doppler tissulaire, 2D strain, etc., en complément du Holter et de l’épreuve d’effort avec mesure de la VO2 max.
Analyse du ventricule gauche et de l’oreillette gauche
On peut classiquement opposer le cœur d’athlète et la MCH en termes de :
• type d’hypertrophie : plutôt asymétrique dans la MCH, symétrique chez l’athlète,
• absence d’obstruction au repos chez le sportif,
• dimension du VG : diamètre télédiastolique souvent > 55 mm chez l’athlète, < 45 mm dans la MCH,
• oreillette gauche : peu ou pas dilatée chez le sportif, alors qu’elle l’est dans la MCH du fait des anomalies de remplissage et de l’élévation de la PtdVG.
Analyse du flux transmitral
Schématiquement, le flux transmitral est normal chez le sujet sportif jeune, il est pathologique dans la MCH. Cela dit, chez le sportif « âgé », hypertendu, les troubles de remplissage sont également fréquents.
Le Doppler tissulaire
L’analyse fine de la fonction diastolique et des pressions de remplissage a largement bénéficié du Doppler tissulaire (DTI). Ainsi, la comparaison de l’amplitude de l’onde E mitrale et de l’onde E’ tissulaire est en faveur d’une élévation des pressions de remplissage si le rapport est > 15. Entre 8 et 15, il faut faire appel à d’autres paramètres comme la taille de l’oreillette gauche, le flux veineux pulmonaire, la vitesse de propagation du flux mitral dans le ventricule gauche.
Par ailleurs, le DTI est en faveur d’une MCH s’il existe :
• une diminution de l’onde S de contraction systolique des parois du ventricule gauche. Cependant, notons que si cette onde S est toujours normale chez le sportif, elle est altérée chez l’hypertendu et donc a priori chez l’hypertendu sportif ;
• une diminution du gradient de vélocité épicarde-endocarde en TM couleur ;
• une altération de la déformation systolique (strain) (figure 5).
Figure 5. MCH modérée de type 2 de Maron. Faible gradient de vélocité épicarde-endocarde en TM couleur. Faible vélocité de l'onde S en DTI pulsé.
Le 2D strain
(figure 6)
Figure 6. Examen de la déformation en 2D strain.
Cette technique récente consiste, à partir de l’image brute 2D, à analyser la déformation myocardique, de la même façon qu’en DTI. La reproductibilité de cette technique est meilleure car indépendante de l’angle et dotée d’un meilleur rapport signal/bruit.
Un travail de notre équipe confirme que les paramètres de déformation sont très perturbés dans la MCH par rapport aux sujets normaux (tableau).
Intérêt de l’écho d’effort
Si, en théorie, l’écho d’effort devrait permettre de différencier MCH et HVG du sportif, en pratique l’interprétation est parfois difficile car, au maximum de l’effort ou au décours immédiat à la faveur du frein vagal, on peut observer chez certains sportifs une accélération intraventriculaire en lame de sabre, comme observé dans la MCH !
Déconditionnement
En cas de doute important, il est conseillé de proposer une phase de déconditionnement à l’effort de 3 à 6 mois. Classiquement, l’hypertrophie demeure inchangée dans la MCH, alors qu’elle régresse chez le sportif (figure 7).
Figure 7. Algorithme décisionnel face à une HVG limite 13-15 mm (adapté d'après Maron, J Am Coll 2005 ; 8 : 1322-6).
Parallèlement, il ne faut pas négliger l’enquête familiale qui consiste à réaliser des échocardiographies de la famille. De nos jours, les tests génétiques sont également de plus en plus facilement proposés.
En pratique
Reconnaître une HVG à l’échocardiographie est en général facile.
Au-delà de cette reconnaissance, il importe de l’intégrer dans un contexte clinique et physiopathologique dont dépendent le pronostic et la conduite à tenir.
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