Insuffisance cardiaque
Publié le 27 nov 2007Lecture 6 min
IC et syndrome cardiorénal : nouveautés thérapeutiques
D. LOGEART, hôpital Lariboisière, Paris
Les Journées de l'insuffisance cardiaque
L’insuffisance rénale est un facteur de mauvais pronostic de l’insuffisance cardiaque (IC). À côté de l’insuffisance rénale chronique, l’aggravation de la fonction rénale, transitoire ou non, au cours d’une IC décompensée notamment, complique la prise en charge. Cela s’intègre dans le syndrome cardiorénal où défaillance cardiaque et défaillance rénale s’autoaggravent mutuellement par des mécanismes hémodynamiques et neuro-humoraux. Cette situation exige beaucoup d’efforts de la part cardiologue pour rééquilibrer la situation : évaluation clinique fine de l’hémodynamique (volémie, degré de congestion …), adaptation des doses de médicaments, adaptation vis-à-vis de la résistance aux diurétiques. Nous abordons ici plusieurs nouvelles perspectives thérapeutiques développées en sus du traitement conventionnel.
Peptides natriurétiques
L’ANP et le BNP ont des propriétés vasodilatatrices mais aussi natriurétiques exploitables en thérapeutique. Ils inhibent la réabsorption sodée distale, et la synthèse de rénine et d’aldostérone. Un BNP de synthèse, le nésiritide, est commercialisé dans plusieurs pays, aux États-Unis notamment, après avoir démontré une efficacité globalement similaire à la trinitrine IV dans l’IC décompensée. Plusieurs travaux expérimentaux avaient aussi montré un renforcement de la natriurèse en couplant le BNP aux diurétiques de l’anse, voire une légère amélioration de la fonction rénale. Cela semble moins probant chez l’homme.
Encore plus troublants sont les résultats publiés par Sackner-Benstein et coll. en 2005 dans le JAMA et Circulation. De façon inattendue, ces métaanalyses des essais comparant nésiritide au placebo dans l’IC décompensée (essais NSGET, VMAC et ProAction notamment) montrent un excès de mortalité à J30 (HR : 1,86, [CI 95 % : 1,02-3,41], p < 0,04) et une aggravation de la fonction rénale, définie par une augmentation de la créatininémie de plus 0,5 mg/dl (HR : 1,54, [CI 95 % :1,20-1,99], p < 0,001) ! Les essais inclus dans ces métaanalyses n’étaient pas conçus pour démontrer une baisse de la mortalité ou un effet néphro-protecteur et l’on ne peut bien sûr pas conclure à la fin prématurée de cette classe thérapeutique. Néanmoins, l’intérêt a quelque peu diminué… D’autres essais menés avec d’autres peptides natriurétiques de synthèse, tel l’uralitide sont attendus.
Les antagonistes des récepteurs à la vasopressine
La synthèse/sécrétion hypophysaire de vasopressine est augmentée dans l’insuffisance cardiaque sévère et est corrélée au pronostic. La vasopressine stimule :
– des récepteurs V1 sur le vaisseau avec des effets vasconstricteurs,
– des récepteurs V2 rénaux qui provoquent une réabsorption de l’eau libre, dite aquarétique.
Des antagonistes des récepteurs V2 sont développés (classes des « vaptans ») et ont démontré une efficacité clinique dans le traitement de l’hyponatrémie. Beaucoup d’espoirs ont été placés pour l’insuffisance cardiaque sévère.
Le tolvaptan a été comparé au placebo. Les résultats de deux premiers essais randomisés (ACTIC-HF, METEOR), testant respectivement son efficacité sur les signes congestifs et l’effet sur la dilatation VG, ont montré une réduction du taux de décès ou réadmissions à J60, mais cela n’était alors pas un critère d’évaluation prédéfini et pouvait être l’effet du hasard. Un grand essai randomisé contre placebo (EVEREST) (4 133 patients IC décompensés) a alors été mis en place pour confirmer ou non le potentiel clinique du tolvaptan 30 mg/j (administré pers os au moins pendant 60 j), avec deux critères d’évaluation :
– évaluation clinique (poids, appréciation par le patient de sa gêne…) à J7,
– décès toute causes et décès CV ou réhospitalisation à distance.
Les résultats ont été publiés cette année dans le JAMA. Un gain significatif avec une perte de poids proche de 1 kg, associé à une augmentation de la natrémie d’environ 2 mmol, était confirmé à J7 avec un effet diminuant néanmoins progressivement dans les semaines suivantes. Aucune amélioration significative par le patient n’était observée. Cependant, aucune différence n’a été observée sur le critère « dur » décès ou sur le critère combiné décès CV ou réhospitalisation, que ce soit dans les premiers mois ou à 24 mois, ce qui a refroidit l’optimisme.
D’autres vaptans sont également testés et il reste à préciser la place potentielle, sans doute marginale, de cette classe dans l’arsenal thérapeutique : IC sévère avec hyponatrémie, possibilité de diminuer les diurétiques de l’anse… ?
Les antagonistes des récepteurs à l’adénosine
L’adénosine est sécrétée par de nombreux types cellulaires en situation de souffrance et agit au niveau auto/paracrine comme élément régulateur via une action au niveau des vaisseaux, des synapses et des cellules. Au niveau rénal, il existe des récepteurs AR1 au niveau cortical et AR2 au niveau médullaire, avec des effets très différents. L’antagonisme des AR1 inhibe la vasoconstriction des artérioles afférentes, augmentant ainsi le taux de filtration glomérulaire, et inhibe la réabsorption sodée proximale. Les études de phase 2 dans l’IC sévère ont montré une augmentation de la diurèse, une moindre dégradation de la clairance de la créatininémie et la possibilité de diminuer les doses de diurétiques. Il s’agit d’un traitement intraveineux. De grands essais de phase 3 de morbi-mortalité (PROTECT, REACH) ont débuté chez des patients hospitalisés ayant un syndrome cardiorénal avec à la fois IC sévère et insuffisance rénale, voire même une augmentation récente de la créatininémie (REACH). Les résultats de la phase pilote (qui testait 3 doses vs placebo) chez les 276 premiers patients de PROTECT ont été présentés en juin 2007 à Hambourg au congrès européen d’insuffisance cardiaque. Les résultats sont encourageants avec une amélioration clinique pendant la phase hospitalière (poids, dyspnée) et une moindre dégradation de la fonction rénale par rapport au placebo.
Regain d’intérêt pour l’ultrafiltration
La commercialisation de petits appareils d’ultrafiltration, ne nécessitant qu’un abord veineux périphérique, et exploitables en secteur non réanimatoire, suscite un certain intérêt pour ce type de prise en charge. Exceptionnellement envisagée et utilisée dans la pratique actuelle, l’ultrafiltration est pourtant une réponse potentiellement efficace à certaines situations complexes. Il s’agit notamment de cas où le syndrome cardiorénal s’associe à la persistance d’une franche rétention hydrosodée, d’une pression veineuse très élevée avec réduction probablement majeure du gradient de pression de perfusion rénale, et résistance importante aux diurétiques de l’anse. La mise en place rapide d’une ultrafiltration pourrait corriger plus efficacement et rapidement la situation. L’étude UNLOAD, sponsorisée par une firme développant un de ces petits appareils d’UF, a randomisé 200 patients restant congestifs (avec une créatininémie moyenne de 1,5 mg/dl) sous bonnes doses de furosémide (~125 mg/j) entre ultrafiltration seule (pendant au moins 48 h) et furosémide IV. L’évaluation principale était à J2. L’ultrafiltration permettait une diminution significativement plus forte – de 2 kg environ – par rapport au furosémide IV. Il n’y avait pas de différence concernant les variations de créatininémie. Le suivi à 3 mois faisait aussi apparaître un bénéfice en termes de réhospitalisation, ce qui n’était pas un critère prédéfini, et donc pouvait n’être que lié à la chance. Il s’agit de résultats intéressants mais requérant maintenant d’autres études avec peut-être des critères d’inclusion plus restrictifs (résistance aux diurétiques, doses de furosémide mieux codifiées…) et des critères d’évaluation un peu plus durs.
En pratique
Le rein (re)devient clairement une cible d’intérêt majeur dans la prise en charge de l’IC, avec de nouvelles pistes thérapeutiques. Des efforts devront être fait pour mieux dépister l’aggravation de la fonction rénale (biomarqueurs spécifiques ?) et pour mieux en comprendre les mécanismes spécifiques à l’IC et au syndrome cardiorénal. Sur le plan thérapeutique, les quelques résultats positifs du développement des peptides natriurétiques et des vaptans restent très modestes. Ceux des antagonistes des récepteurs à l’adénosine sont à suivre dans les 2-3 années prochaines. Il y a aussi peut-être une place pertinente concernant le traitement de l’anémie dans le contexte du syndrome cardiorénal. Enfin, l’intérêt des cardiologues pour l’ultrafiltration est encore récent et confidentiel pour savoir déjà qu’elle pourra en être l’utilité.
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