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Coronaires

Publié le 18 mai 2010Lecture 7 min

IDM : post-conditionnement ischémique et pharmacologique - De l'expérimentation à la pratique

H. THIBAULT1, L. GOMEZ1, C. PIOT2, G. DERUMEAUX1, M. OVIZE1, (1)Hôpital Louis Pradel, Lyon, (2)Hôpital Arnaud de Villeneuve, Montpellier

Différentes stratégies thérapeutiques sont à l’étude afin de réduire les lésions de reperfusion qui diminuent le bénéfice de la réouverture précoce de l’artère coupable dans l’infarctus du myocarde. Parmi elles, le post-conditionnement ischémique est actuellement la technique la mieux décrite.

Les coronaropathies sont la première cause de mortalité dans les pays occidentaux. Parmi elles, l’infarctus aigu du myocarde (IDM) est fréquent et responsable de la survenue d’insuffisance cardiaque chez près de 25 % des patients. Des études ont montré que le déterminant majeur du pronostic après un IDM est la taille de l’infarctus(1), elle-même déterminée par la taille de la zone à risque (quantité de myocarde ischémique), la durée de l’obstruction coronaire et le débit collatéral (flux persistant dans le myocarde situé en aval de l’occlusion, par l’intermédiaire d’artères collatérales). Au cours d’un IDM, la reperfusion précoce par réouverture de l’artère coupable est la stratégie thérapeutique la plus efficace. Elle permet à la fois de réduire la taille de l’infarctus et d’améliorer le devenir du patient(2). Cependant la restauration du flux sanguin dans le myocarde ischémique peut également induire des effets néfastes et, notamment, augmenter la nécrose du tissu myocardique. Ces « lésions de reperfusion myocardique », réduisent donc le bénéfice de la désobstruction coronaire. Des études expérimentales indiquent que les lésions de reperfusion peuvent être responsables d’environ la moitié de la taille finale de l’infarctus après une ischémie-reperfusion prolongée et qu’elles se déclenchent dès les premières minutes suivant la réouverture de l’artère coupable. Le postconditionnement ischémique diminue la taille de l’IDM aigu Résultats expérimentaux Le post-conditionnement ischémique consiste en la répétition de brefs épisodes d’ischémie (ou réocclusion de l’artère coronaire) au moment de la reperfusion faisant suite à une ischémie prolongée. Zhao et al. ont montré en 2003 que cela permet de diminuer la taille de l’IDM de plus de 40 % chez le chien(3). Cette observation a ensuite été confirmée dans d’autres espèces animales, comme le rat, le lapin, la souris ou le cochon(4,5). Il semble qu’un point crucial du succès du postconditionnement ischémique soit son application dans une fenêtre très étroite (la première minute) au tout début de la reperfusion myocardique(4). La recherche fondamentale permet d’avancer dans la compréhension des mécanismes du post-conditionnement ischémique et des voies de signalisation mises en jeux et semble indiquer que le post-conditionnement ischémique est médié par l’activation, soit de la voie PI3-kinase-Akt-eNOS (chez le rongeur) soit la voie ERK1/2 chez le lapin ou le porc ; dans toutes les espèces animales, ces voies de signalisation paraissent réguler l’ouverture du pore de transition de perméabilité mitochondriale, dont on sait qu’il est directement impliqué dans la mort cellulaire consécutive à une ischémie-reperfusion prolongée(2,5,6). Ainsi, il a été mis en évidence que l’inhibition pharmacologique de l’ouverture de ce pore par la cyclosporine A (ou un de ces analogues) permet de réduire la taille de l’infarctus de façon similaire au postconditionnement ischémique(5,7). Résultats cliniques Chez l’homme, Staat et al. ont réalisé en 2005 une étude randomisée visant à déterminer si le post-conditionnement ischémique permet de réduire la taille de l’IDM chez l’homme(8). Les patients inclus étaient admis pour un IDM aigu, inaugural, avec sus-décalage du segment ST (STEMI) de moins de 6 heures et avec douleur thoracique persistante. Si l’artère coupable était totalement occluse (TIMI 0) et en l’absence de collatéralité sur la coronarographie d’admission, les patients étaient inclus, après consentement, soit dans le groupe contrôle, soit dans le groupe post-conditionnement. Dans les deux groupes, la désobstruction de l’artère était obtenue par angioplastie et stenting direct de l’artère. Dans le groupe des patients post-conditionnés, étaient réalisés 4 cycles d’inflation- déflation (d’une durée chacune de 1 minute, à faible pression (2-4 atmosphères)) du ballon d’angioplastie (figure 1-A), immédiatement après la réouverture de l’artère et avant de permettre la reperfusion complète comme effectuée chez les patients contrôles. Cette étude a montré qu’à taille de zone à risque et de durée d’ischémie équivalentes, ce post-conditionnement chez l’homme réduit la libération des enzymes cardiaques (les CPK : évaluant la taille de l’infarctus chez l’homme sont réduites) de 36 % dans les 72 heures suivant un IDM aigu comparativement aux patients du groupe contrôle. Elle a démontré la faisabilité du postconditionnement ischémique sur le coeur humain ainsi que l’innocuité de la procédure puisque qu’aucune complication clinique ou dissection coronaire n’a été observée. D’autres études cliniques randomisées, dont les effectifs restent malheureusement restreints, ont depuis montré des résultats proches. Six de ces études ont été récemment reprises dans une métaanalyse incluant au total 244 patients avec STEMI(9). Celleci retrouve une diminution significative de la taille de l’infarctus du myocarde chez les patients post-conditionnés comparativement aux patients contrôles. Cette diminution de la taille de l’IDM a été confirmé 6 mois après l’épisode aigu par scintigraphie myocardique(10). Récemment, Piot et al ont montré qu’une injection intraveineuse unique de cyclosporine A (2,5 mg/kg ; figure 1-B), moins de 10 minutes avant la reperfusion (reproduisant donc les études expérimentales de « postconditionnement pharmacologique » par blocage du pore de transition mitochondrial), permet de réduire la taille de l’infarctus du myocarde de 30 à 40 % par rapport aux patients du groupe contrôle(11). Ces études « preuves de concept » montrent que, chez l’homme, les lésions de reperfusion sont responsables d’une part importante de l’ensemble des dommages infligés au myocarde par une ischémie-reperfusion prolongée, qu’il est possible de réduire ces dégâts myocardiques et que le pore de transition de perméabilité mitochondriale est une cible intéressante pour le traitement de la nécrose de reperfusion. Figure 1. Protocoles de post-conditionnement mécanique utilisé par (A) Staat et al (8) et d’injection de cyclosporine (B) utilisé par Piot et al (11) Quel effet sur le remodelage myocardique et le pronostic ? Un des avantages des modèles murins, comparativement à ceux développés chez le gros animal, est la possibilité d’effectuer un suivi à long terme. Afin d’évaluer si le post-conditionnement ischémique permet, au-delà de la réduction de la taille de l’infarctus, d’améliorer la survie et le remodelage ventriculaire gauche après infarctus du myocarde, notre équipe a développé un modèle expérimental chez la souris. Nous avons montré que le postconditionnement ischémique ainsi que l’inhibition pharmacologique de l’ouverture du pore de transition de perméabilité mitochondriale (par un analogue de la cyclosporine, le debio-025) permet une diminution significative de la taille de l’infarctus(7). La survie des souris post-conditionnées mécaniquement ou pharmacologiquement a été améliorée à 30 jours après l’IDM comparativement aux souris contrôles. L’échocardiographie a permis de mettre en évidence une diminution du remodelage ventriculaire gauche délétère, 1 mois et 3 mois après l’infarctus, associant une diminution des diamètres et volumes ventriculaires gauches et une amélioration de la fraction d’éjection. De plus, 3 jours après l’IDM, alors que les paramètres échocardiographiques classiques ne permettaient pas de mettre en évidence le bénéfice du post-conditionnement ischémique, la mesure échographique du pic systolique de strain rate, reflétant la fonction contractile loco-régionale et l’extension de l’infarctus était significativement plus élevé chez les souris postconditionnées que chez les souris contrôles(12). Dans une étude clinique randomisée d’effectif restreint, nous avons montré que les patients ayant bénéficié du post-conditionnement ischémique à la phase aiguë de l’IDM, présentent à 1 an une amélioration(10) : de la fraction d’éjection (56 ± 8 % versus 49 ± 13 %, p = 0,04), du score de fonction systolique segmentaire (1,4 ± 0,46 versus 1,6 ± 0,4, p = 0,04) et du pic systolique de strain rate mesuré dans la zone à risque (0,6 ± 0,4 versus 1,2 ± 0,8* s-1 p = 0,0002), par rapport aux patients ayant bénéficié d’une angioplastie simple. La méta-analyse de Hansen et al, incluant 4 études cliniques randomisées (total de moins de 200 patients), a également retrouvé un effet bénéfique du post-conditionnement sur la fonction ventriculaire gauche(9). Si ces résultats semblent favorables, il est important, cependant, de garder à l’esprit que jusqu’à maintenant, aucune étude clinique randomisée n’a été véritablement dédiée à évaluer le bénéfice du postconditionnement ischémique sur le remodelage ventriculaire gauche et le pronostic des patients. Perspectives Les résultats des études cliniques et expérimentales portant sur la protection du myocarde par le post-conditionnement ischémique et l’injection de cyclosporine A sont prometteurs mais restent pour l’instant insuffisants pour autoriser la généralisation de ces stratégies thérapeutiques à la pratique clinique. Dans cette optique, notre équipe organise des études contrôlées, randomisées, multicentriques avec de plus grands effectifs, associées à un suivi des patients, afin d’évaluer l’effet de ces nouvelles thérapeutiques des lésions de reperfusion sur le remodelage ventriculaire gauche et, surtout, sur le devenir du patient.

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