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Chirurgie

Publié le 02 fév 2005Lecture 7 min

Indications et moment optimal de la chirurgie cardiaque dans l'endocardite infectieuse

F. DELAHAYE, M. CELARD, A. MERCUSOT, O. ROTH et G. de GEVIGNEY, hôpital Louis Pradel, Bron

De plus en plus de patients sont opérés durant la phase active de l’endocardite infectieuse (EI). Entre 1991 et 1999, en France, le taux d’actes de chirurgie cardiaque, réalisés pendant la phase active de l’EI, a augmenté de 31 à 50 %.
Cela peut, du moins en partie, expliquer la diminution concomitante de la létalité à la phase hospitalière, de 22 à 17 %. Cependant, les indications de la chirurgie cardiaque et le moment optimal de sa réalisation restent des décisions difficiles.

Indications de la chirurgie cardiaque   Insuffisance cardiaque En présence d’une insuffisance cardiaque, le taux de mortalité de l’EI sur valve native est de 55-85 % en cas de traitement médical seul et de 10-35 % chez les patients opérés. La première indication de chirurgie cardiaque dans l’EI est l’insuffisance cardiaque : elle représente plus de la moitié des indications. L’insuffisance cardiaque due à une régurgitation aortique est particulièrement mal tolérée (l’insuffisance cardiaque est mieux tolérée en cas d’insuffisance mitrale parce que l’oreillette gauche et la vascularisation pulmonaire s’adaptent mieux que le ventricule gauche à une régurgitation), et elle progresse plus rapidement, nécessitant donc une intervention chirurgicale rapide. L’intervention chirurgicale est souvent moins rapidement nécessaire en cas d’insuffisance mitrale (mais en retardant le moment de l’intervention chirurgicale, les lésions peuvent être plus sévères, et donc obérer la possibilité de réparation valvulaire). Une insuffisance cardiaque qui persiste malgré un traitement médical bien conduit représente une indication d’intervention chirurgicale rapide. Non seulement l’insuffisance cardiaque augmente le taux de mortalité s’il n’y a pas d’intervention chirurgicale, mais elle augmente aussi le taux de mortalité périopératoire : de 5-10 % chez les patients sans insuffisance cardiaque à 15-35 % chez les patients avec insuffisance cardiaque. De plus, retarder le moment de l’intervention chirurgicale augmente le risque d’infection périvalvulaire.   Absence de contrôle du processus infectieux La première étape est de vérifier qu’il n’y a pas de localisation infectieuse extracardiaque (cela peut être difficile). En l’absence de telle localisation extracardiaque, l’intervention chirurgicale cardiaque doit être réalisée si l’évolution de la fièvre et du syndrome inflammatoire est défavorable après une semaine de traitement antibiotique approprié.   Végétations et risque embolique La littérature sur le sujet est très contrastée. Le taux d’embolies varie de 10 % à 50 % selon les séries. Les trois quarts des embolies surviennent avant le début du traitement antibiotique. Le risque embolique diminue beaucoup et régulièrement avec le temps, de 15 % après une semaine de traitement antibiotique à 1 % après 4 semaines. Dans l’EI mitrale, les embolies sont plus fréquentes si les végétations sont localisées sur la grande valve que sur la petite valve. Les embolies sont plus fréquentes lorsque la taille de la végétation est de plus de 20 mm dans certaines études, mais pas dans toutes. Dans une étude récente, les embolies étaient plus fréquentes lorsque la taille de la végétation était de plus de 10 mm ou lorsque les végétations étaient très mobiles. Les embolies doivent toujours être recherchées. Il faut utiliser les moyens cliniques, mais aussi les tomodensitométries systématiques (cérébrale, thoraco-abdominale, etc.), car les embolies peuvent être cliniquement silencieuses, en particulier dans la rate et les reins. Les investigations paracliniques doivent être répétées. - Une intervention chirurgicale doit être rapidement réalisée lorsqu’il y a eu un épisode embolique et lorsque des végétations volumineuses et mobiles persistent. - Lorsqu’il y a des végétations volumineuses et/ou mobiles mais qu’il n’y a pas eu d’événement embolique, la communauté médicale est partagée. - La décision est plus facile en cas d’EI mitrale lorsqu’une réparation mitrale paraît possible, ou lorsqu’il y a d’autres arguments pour proposer une intervention chirurgicale (insuffisance cardiaque, absence de contrôle de l’infection, lésions valvulaires et périvalvulaires sévères…).   Infection périvalvulaire Les EI de la valve aortique et les EI sur prothèses sont les EI le plus fréquemment associées à une infection périvalvulaire, telle qu’abcès et fistule intracardiaque : 10-40 % des EI de la valve aortique et 45-100 % des EI sur prothèse. La survenue et la persistance de troubles de conduction ne sont pas des indicateurs très sensibles d’infection périvalvulaire, mais ils paraissent très spécifiques (85-90 %). Une intervention chirurgicale rapide est recommandée dans la plupart des cas, puisque le risque périopératoire augmente avec le délai de l’intervention chirurgicale. Cependant, en cas d’abcès aortique important, une résection large expose au risque de bloc auriculo-ventriculaire complet postopératoire. Rarement, le traitement médical seul est suffisant : • lorsque l’abcès est petit (1,5-2 cm2), • lorsque le micro-organisme n’est pas un staphylocoque, • lorsqu’il n’y a pas d’insuffisance cardiaque, non plus que de régurgitation sévère, • lorsque l’apyrexie est rapidement obtenue, • lorsque l’évolution de l’abcès est favorable sur des échographies successives.   Obstruction valvulaire par des végétations C’est une indication évidente de chirurgie urgente.   Prothèse instable La désinsertion d’une prothèse infectée signifie qu’il y a une infection périvalvulaire. Une détérioration hémodynamique survient rapidement le plus souvent. Une intervention chirurgicale rapide est donc recommandée.   Endocardite infectieuse sur prothèse En cas d’EI sur prothèse précoce (moins de 12 mois après le remplacement valvulaire), le plus souvent le micro-organisme en cause est un staphylocoque et les lésions sont sévères (abcès, désinsertion de prothèse). La réintervention chirurgicale est associée à un moindre taux de mortalité que le traitement médical seul ; elle est le plus souvent nécessaire, même si elle peut être techniquement difficile. Le taux de mortalité des EI sur prothèse dues au staphylocoque doré est d’environ 75 % en cas de traitement médical et de 25 % en cas de traitement médico-chirurgical. Dans une analyse multivariée chez 33 patients, le risque de décès était 14 fois plus élevé s’il y avait une complication intracardiaque ; il était 20 fois moindre chez les patients opérés que chez les patients non opérés. L’intervention chirurgicale est donc recommandée en cas d’EI sur prothèse due au staphylocoque doré lorsqu’il y a une complication intracardiaque. Le traitement médical seul peut être suffisant en cas d’EI sur prothèse tardive, due à certains micro-organismes (streptocoques oraux, HACEK), et s’il n’y a pas de signe d’infection périvalvulaire.   Endocardites infectieuses fongiques Les EI dues à Candida ou à Aspergillus sont souvent compliquées de végétations très volumineuses, de métastases infectieuses, d’affection périvalvulaire et d’embolie. L’amphotéricine B pénètre mal dans ces végétations. Une intervention chirurgicale rapide est donc le plus souvent nécessaire.   Micro-organismes difficiles à traiter L’intervention chirurgicale est presque toujours nécessaire en cas d’EI due à certains bacilles à Gram négatif (par exemple Pseudomonas aeruginosa, Achromobacter xylosoxitans), à Brucella ou à des entérocoques à haut niveau de résistance.   Complications neurologiques Le taux de complications neurologiques varie de 15 à 45 % selon les séries. Il s’agit surtout d’accidents vasculaires cérébraux ischémiques, mais il peut aussi y avoir des hémorragies cérébrales, des anévrismes mycotiques rompus, des méningites et des encéphalopathies. Une tomodensitométrie cérébrale doit toujours être réalisée dans l’EI, à la recherche d’accidents vasculaires cérébraux cliniquement silencieux. En cas d’hémorragie cérébrale, il faut réaliser une artériographie ou une angio-IRM, à la recherche d’un anévrisme mycotique. Le risque de la chirurgie cardiaque est l’hémorragie cérébrale liée à l’anticoagulation pendant et après l’intervention chirurgicale. Le risque d’hémorragie cérébrale n’est pas augmenté en cas d’accident vasculaire cérébral sans hémorragie ; il est très augmenté si l’AVC est hémorragique. Dans ce cas, l’intervention chirurgicale devrait être retardée de 2 à 3 semaines. Il en est de même lorsque la taille de l’accident vasculaire cérébral est de plus de 20 mm. S’il y a un anévrisme mycotique rompu, il doit être réséqué, « clippé » ou embolisé avec l’intervention de chirurgie cardiaque.   Moment de l’intervention chirurgicale cardiaque Classiquement, la chirurgie précoce était considérée comme à plus haut risque que la chirurgie retardée du fait de l’inflammation des tissus et parce que la chirurgie était techniquement plus difficile. En fait, la durée du traitement antibiotique avant l’intervention chirurgicale ne paraît pas influer sur le taux de mortalité périopératoire, ni sur le taux de rechute d’EI. L’intervention chirurgicale doit être rapidement réalisée en cas de détérioration hémodynamique, d’absence de contrôle du processus infectieux ou en cas de végétations volumineuses et mobiles. La décision du moment de l’intervention chirurgicale est particulièrement difficile lorsqu’il y a une complication neurologique.   Conclusion   Un résumé des indications de la chirurgie cardiaque et de son moment optimal a été proposé récemment par Olaison et Pettersson (tableau). Les indications de la chirurgie cardiaque et son moment sont des décisions difficiles. Le patient doit être suivi très attentivement (examen clinique une ou deux fois par jour, tomodensitométrie régulière, échocardiographies transthoraciques et trans-œsophagiennes répétées). Il doit y avoir une collaboration étroite entre le médecin, le chirurgien cardiaque et le microbiologiste.         Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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