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Études

Publié le 21 sep 2010Lecture 4 min

Ivabradine et insuffisance cardiaque, « Shiftez » sur la réduction de fréquence cardiaque !

E. MILLARA

ESC
L’événement majeur de l’ESC 2010 à Stockholm, aura incontestablement été l’étude SHIFT (Systolic Heart failure treatment with the If inhibitor ivabradine Trial). Présentée en « hotline », cette étude apporte la démonstration d’une réduction de la morbi-mortalité dans l’insuffisance cardiaque(1) grâce à la baisse exclusive de la fréquence cardiaque par inhibition des canaux If par l’ivabradine. Ainsi, l’ivabradine rejoint les IEC, les bêtabloquants et les anti-aldostérones dans le cercle très fermé des molécules influençant favorablement le pronostic de cette lourde pathologie et promet d’en modifier notablement l’approche.

Pourquoi ralentir la FC chez l’insuffisant cardiaque ? Il est largement démontré qu’une fréquence cardiaque (FC) élevée est associée à une surmortalité globale et cardiovasculaire dans la population générale, chez les hypertendus et en post-infarctus. Le risque augmente de façon directement corrélée à la FC audelà de 60 bpm(2, 3). De même, chez les patients insuffisants cardiaques, une FC élevée est prédictive de la mortalité(4, 5, 6) et des hospitalisations pour causes cardiovasculaires. Les bêtabloquants ont notablement amélioré le pronostic de cette maladie. Toutefois, dans les essais randomisés(7) comme en pratique quotidienne(8), il apparaît que 50 % des patients conservent une FC de repos ≥ 70 bpm malgré la prescription de bêtabloquants. L’ivabradine, inhibiteur sélectif des canaux If, est la première molécule disponible exerçant une réduction de la fréquence cardiaque sans aucune autre action hémodynamique, au contraire des bêtabloquants. Un protocole solide, un effectif important et des critères « durs» SHIFT est un essai international multicentrique, randomisé en double-aveugle contre placebo, en groupes parallèles, basé sur la survenue d’événements cibles. La population étudiée était composée de patients insuffisants cardiaques symptomatiques (classes NYHA II, III ou IV), stables depuis au moins 4 semaines, mais ayant été hospitalisés au moins une fois pour aggravation de leur insuffisance cardiaque au cours des 12 mois précédents. Ils devaient être en rythme sinusal et présenter une FC de repos ≥ 70 bpm ainsi qu’une FEVG ≤ 35 %. Les traitements à l’étude (ivabradine ou placebo) étaient ajoutés à un traitement de l’insuffisance cardiaque optimisé selon les recommandations en vigueur. Un traitement de base optimal SHIFT a inclus 6 505 patients, âgés en moyenne de 60 ans, pour plus de 50 % en classe NYHA III ou IV, et avec une médiane de FEVG à 30 % (moyenne : 29 ± 5,2). La fréquence cardiaque de repos à l’inclusion était en moyenne de 80 bpm. Les traitements associés étaient conformes aux recommandations chez une large proportion de la population, avec notamment un taux exceptionnel d’utilisation des bêtabloquants (90 %). Seuls 10 % des patients ne recevaient pas de bêtabloquant, en raison de contre-indications. Parmi les 5 712 patients traités par bêtabloquant lors de la randomisation, 26 % seulement atteignaient la dose cible, et 55,2 % au moins la moitié de la dose cible malgré les incitations permanentes du comité exécutif à augmenter les doses. Les motifs de non titration des bêtabloquants étaient principalement l’hypotension (44,7 %) et la fatigue (31,9 %). Fréquence cardiaque : + 5 bpm = + 16 % de risque L’analyse de l’incidence du critère primaire combiné dans le bras placebo confirme une forte corrélation entre le niveau de FC à l’inclusion et le risque d’événement péjoratif. Les patients ayant la FC la plus élevée présentent un risque d’événement plus de deux fois supérieur à celui des patients de la tranche la plus basse. Globalement, il apparaît qu’une élévation de FC de 5 bpm majore le risque de 16 %. L’ivabradine réduit la mortalité et les hospitalisations liées à l’insuffisance cardiaque La baisse de FC nette, corrigée de la légère réduction observée dans le groupe placebo, a été dans le groupe ivabradine de 9 bpm à 1 an et de 8 bpm en fin d’étude. Sur le critère primaire d’évaluation, les analyses révèlent un impact favorable hautement significatif de l’ivabradine, avec une réduction de 18 % du risque de décès de cause cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour aggravation de l’insuffisance cardiaque (p < 0,0001), soit une réduction du risque absolu de 4,2 %. L’effet protecteur de l’ivabradine est observé précocement, dès le 3e mois. Ce bénéfice repose essentiellement sur les hospitalisations pour aggravation de l’insuffisance cardiaque (-26 %, p< 0,0001) et les décès liés à l’insuffisance cardiaque (-26 %, p = 0,014). La mortalité d’autres causes cardiovasculaires et la mortalité toutes causes sont diminuées également sous ivabradine, mais la différence entre les deux groupes n’atteint pas la significativité (figure). Enfin, une analyse complémentaire montre que l’incidence du critère primaire combiné dans le groupe ivabradine est d’autant plus faible que la FC atteinte à J28 sous traitement était basse : les patients dont la FC a pu être amenée en dessous de 60 bpm à J28 présentent un taux d’événements de 17,4 %, contre 32,4 % pour les patients conservant une FC supérieure à 75 bpm. Figure. Étude SHIFT. Résultats sur le critère principal et ses composants. (A) Critère composite : décès cardiovasculaires + hospitalisations pour aggravation d’insuffisance cardiaque. (B) Hospitalisations pour aggravation d’insuffisance cardiaque. (C) Décès cardiovasculaires. (D) Mortalité pour insuffisance cardiaque. Un impact favorable dans toutes les sous-populations, y compris chez les patients sous bêtabloquants Les analyses par sous-populations prévues au protocole montrent une amélioration du critère primaire sous ivabradine comparable quelle que soit la segmentation, par âge, sexe, étiologie de l’insuffisance cardiaque, classe NYHA, existence ou non d’un diabète ou d’une HTA, prescription ou non d’un bêtabloquant. La seule divergence significative est observée en fonction de la FC initiale, avec un bénéfice plus important chez les patients ayant au départ une FC supérieure à la médiane (77 bpm). Une tolérance très satisfaisante L’incidence globale d’événements indésirables sévères a été de 48 % dans le groupe placebo, et inférieure dans le groupe ivabradine (45 %). Les bradycardies se sont révélées rares (bradycardies symptomatiques : 5 % et bradycardies asymptomatiques : 6 %) de même que les troubles de la vision (vision brouillée : 1 % et phosphènes : 3 %). Ces effets indésirables ont entraîné un arrêt de traitement dans moins de 1 % des cas. D’après M. Komajda, L. Tavazzi, K. Swedberg, M. Böhm et J.-S. Borer

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