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Diabéto-Cardio

Publié le 05 juin 2007Lecture 12 min

L'activité physique : une prévention du diabète et de ses complications ?

J. GAUTHIER, Club des cardiologues du sport, Arles

Le prédiabète ou intolérance au glucose (glycémie comprise entre 1,10 et 1,25 g/l) augmente régulièrement dans la population au niveau mondial, avec un risque d’évolution vers un diabète de 10 % à 6 ans ; la mortalité est majorée de 40 % dans ce groupe. Le syndrome métabolique touche 20 % de la population adulte et 40 % des sujets âgés ; il comporte une intolérance à l’insuline, très souvent associée à une obésité et une hypertension artérielle. Comme les diabétiques de type 2, ces sujets présentent une dysfonction endothéliale qui les expose aux complications micro- et macrovasculaires. Une activité physique régulière peut donc constituer une modalité importante de traitement de ces pathologies, en améliorant le contrôle glycémique et la protection cardiovasculaire.

Intérêt de l'activité physique chez le prédiabétique L’analyse des effets immédiats de l’exercice physique sur la glycémie est intéressante : – pour une intensité faible (fréquence cardiaque FC < 100 bpm) et une durée courte (< 10 min), la glycémie n’est pas modifiée ; – pour une intensité modérée (FC > 100 bpm) et une durée moyenne (> 10 min), la glycémie diminue. On devine déjà l’intérêt de l’exercice physique, mais surtout l’importance de ses modalités, intensité et durée. Au repos, le muscle squelettique utilise comme carburant les acides gras non estérifiés (AGNE). Au cours d’un effort modéré, il augmente leur utilisation ; pour un effort important, le glucose remplace les AGNE. Les sources de glucose sanguin sont de trois ordres : alimentation, glycogénolyse libre (réaction rapide) et néoglucogenèse hépatique (long terme). L’utilisation du glucose par le myocyte dépend de facteurs hormonaux et métaboliques modifiés par l’effort. Sur le plan hormonal, diminution de l’insuline, augmentation de la sensibilité à l’insuline, du glucagon, des catécholamines et du cortisol. Sur le plan métabolique, stimulation bêta-adrénergique augmentant la libération du glycogène à partir des muscles ne participant pas à l’exercice ; augmentation des lactates sanguins nécessaires à la néoglucogenèse hépatique. Pendant la récupération, la reconstitution du stock de glycogène musculaire et hépatique se fait de façon immédiate grâce à la glycogène-synthétase, secondairement avec l’intervention indispensable de l’insuline. Il faut environ 24 heures en cas d’exercice prolongé. L’exercice physique augmente donc la tolérance au glucose chez les sujets en situation d’insulinorésistance et améliore son transport dans le muscle squelettique. Il diminue la masse grasse en cas d’obésité associée, en particulier au niveau abdominal. Il réduit la concentration sanguine des lipoprotéines de basse densité. Grâce à une vasodilatation dans les muscles en activité et une production locale d’oxyde nitrique, l’exercice physique réduit les principaux marqueurs de l’inflammation systémique, protéine C réactive et interleukine 6, dont l’élévation caractérise les sujets prédisposés à l’insulinorésistance (obèses, diabétiques) et la dysfonction endothéliale par l’intermédiaire du stress oxydatif (hypertension, artériopathies, hypertrophie ventriculaire gauche). L’exercice physique diminue la rigidité vasculaire ; la réduction de la pression artérielle est effective ; le risque de complication coronaire est diminué. Chez ces sujets souvent sédentaires et déconditionnés, le potentiel musculaire sera amélioré ; leur consommation maximale en oxygène est inférieure à celle des sujets normaux, mais à travail égal, sa progression sera identique. Plusieurs travaux importants ont confirmé ces effets préventifs de l’activité physique : - 6 000 étudiants d’une université de Pensylvanie pratiquant une activité physique régulière, d’intensité moyenne à forte, ont été suivis pendant 14 ans. Le risque de diabète a été diminué de 35 % par rapport au groupe des sédentaires ; le meilleur résultat a été obtenu chez les sujets les plus exposés, obèses et hypertendus ; - 88 000 infirmières âgées de 34 à 59 ans pratiquant une activité physique au moins une fois par semaine ont été suivies pendant 8 ans ; le risque de diabète sucré a été diminué de 16 % par rapport aux sujets dont l’activité physique est restée inférieure à une fois par semaine ; - dans le Diabetes Prevention Program (DPP), 3 000 sujets intolérants au glucose ont été séparés en trois groupes : • un groupe a reçu des conseils diététiques et un placebo ; à 3 ans, il comportait 30 % de diabétiques ; • un groupe a reçu 2 cp quotidiens de 850 mg de metformine ; à 3 ans, 22 % étaient diabétiques ; • un groupe a pratiqué une activité physique de 120 minutes par semaine à 50 % au moins de leur consommation maximale en oxygène (VO2 max), associée à une diététique soutenue, permettant une perte de 7 % du poids initial ; à 3 ans, 14 % seulement étaient diabétiques. Risques de l’activité physique chez le prédiabétique Ils ne sont réels qu’en cas de pathologie associée ou de complication, dont l’absence doit être vérifiée au moment d’établir le programme. On recherchera en particulier l’existence d’une hypertension artérielle, d’une coronaropathie, d’une artériopathie périphérique, d’une rétinopathie ou d’une néphropathie : - les hypertendus devront respecter une intensité modérée ; toute élévation tensionnelle excessive constitue une menace sur le plan cardiovasculaire et ophtalmologique ; l’utilisation de médicaments normotenseurs (calcium bloqueurs ) peut provoquer une hypotension en fin d’effort ; - le risque de coronaropathie silencieuse est réel chez le prédiabétique, en particulier après 60 ans ; - une artériopathie périphérique peut favoriser les troubles trophiques des extrémités ; - des lésions ophtalmologiques, en particulier au niveau de la rétine et une néphropathie pourront survenir à terme.   Le bilan préalable Il doit comporter un examen clinique complet avec mesure de la pression artérielle et examen artériel périphérique. L’électrocardiogramme de repos est indispensable, à la recherche d’une ischémie myocardique, d’anomalies rythmiques ou d’une hypertrophie ventriculaire gauche. L’électrocardiogramme à l’effort est recommandé, à la recherche d’une ischémie silencieuse. En cas de complication coronaire connue, il faut déterminer le seuil ischémique au cours du test, et programmer une fréquence cardiaque maximale d’activité inférieure de 10 bpm à ce seuil. Compte tenu du grand nombre de sujets qui devraient en bénéficier, il est difficile d’indiquer une épreuve d’effort pour tous ; on peut limiter l’indication à la tranche d’âge 35-55 ans, chez les sujets les plus motivés, dont le programme peut devenir important, et chez ceux qui pratiquent un sport collectif ou qui n’ont pas renoncé à s’engager dans une compétition. Le test d’effort idéal est un test maximal avec mesure directe de la consommation maximale en oxygène (VO max) ; les conseils d’activité seront alors donnés en pourcentage de la VO2 max, avec les fréquences cardiaques correspondantes ; un test d’effort avec estimation indirecte de la VO2 max reste intéressant, car il indique aussi la fréquence cardiaque maximale. Le bilan biologique du prédiabète pourrait inclure la recherche d’une protéinurie.   Le conseil d’activité Lorsque le sujet a choisi une activité physique, il convient d’en organiser la pratique. Tout ne sera pas autorisé sur le plan sportif, car une activité excessive ou inadaptée pourrait avoir des effets négatifs. L’activité doit être programmée et le programme établi en concertation avec le sujet, en tenant compte de ses habitudes ou de ses préférences sportives, et des impératifs médicaux. Il doit être simple et accessible, afin d’être bien compris et accepté, et facile à contrôler. Il doit respecter les temps d’échauffement et de récupération. Il est en principe évolutif. La compétition n’est pas interdite, sous réserve de la possibilité d’un entraînement de bon niveau et dans une discipline adaptée, mais elle n’est pas non plus recommandée. Le programme d’activité est basé sur le type d’effort, son intensité et sa durée.   Le type d’activité Les activités peuvent être de type aérobie (« endurance ») ou anaérobie (« résistance ») ; on peut aussi proposer des activités de substitution. Les activités aérobies doivent être privilégiées. Il faut préférer les activités individuelles faciles à moduler (marche, cyclisme, course à pied) ; l’accès à des activités nécessitant un apprentissage technique peut être difficile (natation, golf, ski alpin). Pour les prédiabétiques âgés, qui risquent de présenter à terme des troubles trophiques, on doit limiter les activités comportant un risque de traumatisme au niveau des pieds (course à pied, tennis). Les sports de contact seront évités compte tenu du risque de rétinopathie. Les activités mettant en jeu un adversaire (tennis) doivent répondre à la totalité des précautions préalables : elles sont difficiles à programmer dans leur intensité et leur durée ; elles seront donc limitées. Les sports collectifs restent permis à ceux qui les pratiquaient avant la découverte de la maladie, à condition de satisfaire à la totalité des tests, et en essayant de limiter le niveau de la compétition et le volume d’entraînement. Les activités anaérobies ne sont pas recommandées car elles s’effectuent le plus souvent à une intensité élevée. Elles peuvent être acceptées dans le cadre d’un sport collectif autorisé, proposant en général des efforts de type mixte, aérobie et anaérobie (football, basket, volley-ball) ; il s’agit le plus souvent d’accélérations brèves en rapport avec les phases de jeu. Dans ce cas, les précautions doivent être extrêmes, avec en particulier un électrocardiogramme à l’effort préalable ; on ne devrait pas aller au-delà d’un match par semaine en compétition, en plus du programme d’entraînement ; le sujet devra entretenir l’endurance deux fois par semaine ; une séance d’entraînement par intervalles (résistance) sera autorisée une fois tous les 8 ou 10 jours. Le travail de renforcement musculaire est beaucoup plus utile. Le principal obstacle à la pratique sportive des sujets porteurs d’une pathologie chronique est souvent une perte du potentiel musculaire. Il s’agit aussi d’une activité anaérobie ; pour le prédiabétique, ce sera une activité musculaire dynamique et isométrique, hebdomadaire. On peut donc proposer quelques séries d’exercices mixtes au niveau des bras et des jambes, utilisant des haltères, des presses, des élastiques, la machine à ramer. Il est préférable que le travail soit dirigé et surveillé ; si c’est impossible, on pourra conseiller un travail à la maison avec de petites haltères fixées aux chevilles et au poignet (1 kilo maximum). Les activités de substitution concernent tous les sujets qui sont réfractaires à l’idée de pratiquer une activité sportive, ou ceux heureusement rares qui ont une contre-indication absolue. Il peut s’agir d’activités de plein air comme le petit jardinage et la pêche à la ligne, et plus généralement de toutes les activités domestiques d’intensité légère, comme le bricolage.   L’intensité de l’activité C’est l’élément clé du programme. On retient que l’intensité doit être suffisante, à 50 % au moins de la VO2 max, sans être excessive. La détermination de l’intensité nécessite la connaissance de certains indices pour être établie avec validité : le plus utile est la consommation maximale en oxygène (VO2 max) ; certains utilisent le seuil ventilatoire ; la fréquence cardiaque maximale théorique (220 - l’âge) est souvent la solution pratique, ou la seule disponible. Pour la pratique, on retient 4 niveaux d’intensité : légère, modérée, élevée, très élevée. L’activité légère est réservée aux sujets âgés, aux porteurs d’une complication ou d’une pathologie associée, aux obèses ; c’est le cas de la marche à une vitesse inférieure à 3 km/h, du golf sans porter les clubs, du vélo d’appartement sans freinage ; dans ce cas, l’intensité n’atteint pas en règle 50 % de la VO2 max et la fréquence cardiaque d’activité se situe entre 50 et 60 % du maximum théorique. Une intensité modérée, entre 50 à 60 % de la VO2 max, est conseillée au plus grand nombre ; si l’on ne dispose que de la fréquence cardiaque, on proposera une fréquence d’activité entre 60 et 70 % du maximum théorique. C’est le cas de la marche entre 3 et 5 km/h, du vélo entre 12 et 15 km/h, de la natation à vitesse lente, du ski alpin, du golf en transportant les clubs, du tennis en double. Une intensité élevée, entre 60 et 70 % de la VO2 max, est acceptable pour les sujets de moins de 60 ans qui n’ont aucune complication. Cela correspond à 70 à 80 % de la fréquence maximale théorique. C’est le cas de la marche entre 5 et 8 km/h, de la course à pied jusqu’à 10 km/h, du vélo entre 15 et 20 km/h, du tennis en simple, de l’aviron, du basket-ball et du volley-ball. Une intensité très élevée, au-delà de 70 % de la VO2 max, doit inciter à la prudence ; elle est réservée aux sujets sans complications, qui ont une pratique sportive ancienne dans le sport pratiqué et qui ont satisfait à un électrocardiogramme à l’effort maximal rassurant. Elle correspond à une fréquence cardiaque d’activité au-delà de 80 % du maximum théorique. C’est le cas de la marche rapide entre 8 et 10 km/h, de la course à pied entre 10 et 15 km/h, du vélo au-dessus de 20 km/h, du ski de fond, du rugby et du football. Concernant le travail de renforcement musculaire, dynamique et statique à forte participation anaérobie, l’intensité doit aussi rester modérée ; on propose une à deux séances par semaine, comportant 6 à 10 exercices différents ; chaque exercice sera effectué par séries de 10 répétitions, sans dépasser 2 à 3 séries ; une période de repos d’une minute sera respectée entre chaque série ; les exercices seront effectués à une intensité de 50 à 60 % de la VO2 max, soit entre 60 et 70 % de la fréquence cardiaque maximale théorique ou réelle. On peut ainsi proposer les exercices suivants : – dynamiques : machine à ramer, courbé en avant ; machine à ramer, assis ; danse rythmique ; – statiques : extension des jambes, flexion des jambes, élévations latérales, banc de traction en utilisant des haltères légères, ne dépassant pas 3 kilos. Il faut éviter tout effort entraînant une manœuvre de blocage de la respiration, pouvant modifier brutalement la pression artérielle, une élévation brutale de la pression systolique, et comportant un risque de traumatisme. La durée de l’activité La durée idéale est de 180 minutes par semaine ; il ne faut pas descendre en dessous de 120 minutes. On propose 3 séances d’une heure par semaine, ou 6 séances de 30 min, au minimum. En dessous de cette durée, le bénéfice préventif n’est pas assuré. En ce qui concerne le travail en résistance, une durée de 30 minutes par semaine est suffisante. Pour le renforcement musculaire, 2 séances de 20 à 30 minutes par semaine seront utiles.   L’échauffement Il est obligatoire avant toute séance d’activité ; il doit durer une quinzaine de minutes ; il comporte en général une activité de marche ou de course lente, et quelques mouvements d’assouplissement, en particulier du dos et du cou.   La récupération Elle est indispensable ; elle doit durer 5 minutes au moins et plus volontiers entre 5 et 15 minutes ; on peut se contenter d’une marche lente et de quelques manœuvres musculaires d’assouplissement, permettant le retour au calme cardiaque.   Les mesures d’accompagnement On se rend compte de l’importance de la fréquence cardiaque dans la prescription ; son suivi pendant l’activité est essentiel ; le port d’un cardio-fréquencemètre est donc conseillé. Pendant la séance, il faut sensibiliser le sujet à l’observation d’éventuels troubles fonctionnels : douleurs thoraciques, sensations lipothymiques, troubles visuels. Ces troubles doivent être consignés et rapportés au cours de la visite médicale de suivi. S’ils ont été importants ou inhabituels, il ne faut pas hésiter à informer sans attendre le médecin. Ceci rend utile la tenue d’un carnet d’entraînement, pour noter l’activité effectuée lors de chaque séance, la pénibilité ressentie ainsi que la survenue éventuelle de troubles fonctionnels.   Le suivi Il est habituellement assuré par le médecin. L’entourage doit être sensibilisé. Il convient d’entretenir la motivation par des séances d’information et d’éducation, et par des changements assez fréquents du programme d’activité ; on peut notamment envisager une relative progressivité dans l’intensité, si tout se passe bien et si le sujet le désire. L’avenir appartient aux réseaux de soins, qui se développent de plus en plus et devront solliciter des éducateurs physiques capables d’encadrer et de suivre les programmes, en créant en particulier des groupes de niveau d’activité.   En résumé Tout prédiabétique peut exercer une activité physique et sportive adaptée à ses choix, à son aptitude physique et à l’état de sa maladie, à condition de respecter le programme qui lui sera proposé pour obtenir un bénéfice optimal en toute sécurité. La pratique collective sera toujours souhaitable, si possible dans un véritable réseau de soins. Il est important que chaque médecin soit convaincu que l’activité physique est un élément essentiel de la prévention du diabète et de ses complications, et qu’il mette tout en œuvre pour en faciliter l’accès à ses patients. Le sujet sain pratiquant régulièrement l’exercice physique bénéficiera aussi largement de ses effets préventifs sur le plan métabolique et cardiovasculaire.   En pratique   L’intensité et la durée de l’effort physique conditionnent son rôle préventif. La connaissance de la consommation maximale en oxygène et de la fréquence cardiaque maximale est indispensable pour établir les programmes d’activité. Chaque fois que c’est possible, il faut préférer le test d’effort maximal avec mesure directe des gaz.

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