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HTA

Publié le 28 nov 2006Lecture 8 min

L'hypertendu «tout venant » : résultats des matchs

J.-M. HALIMI, hôpital Bretonneau (Tours) et O. Hanon, hôpital Broca (Paris)

Des essais majeurs ont été publiés ces dernières années chez l’hypertendu ; certains ont été largement utilisés pour la rédaction de recommandations nationales (tableau).

    ALLHAT : le plus vaste essai jamais réalisé   Le but de cette étude de supériorité randomisée et contrôlée en double aveugle était d’évaluer si l’amlodipine (inhibiteur calcique), le lisinopril (IEC) et/ou la doxasozine (alphabloquant) sont plus efficaces en termes de protection CV que la chlorthalidone (diurétique thiazidique). Cette étude (Antihypertensive and Lipid-Lowering treatment to prevent Heart Attack Trial) a duré 8 ans et le suivi moyen des 33 357 patients inclus a été de 5 ans environ. Les caractéristiques des patients étaient les suivants : • un âge ≥ 55 ans, • et ≥ 1 facteur de risque CV supplémentaire. Il y avait autant d’hommes que de femmes, environ 30 % étaient afro-américains et 30 % diabétiques. Une première publication a montré qu’après 1 an de suivi, le groupe doxazosine a dû être arrêté car les patients présentaient une élévation du risque de pathologie coronaire (+ 25 %) et d’insuffisance cardiaque (+ 100 %). La comparaison finale a donc été faite sur les trois autres groupes. Le résultat principal de la comparaison entre les traitements restants et la chlortalidone a été le suivant : il n’y a pas eu de différence entre chlorthalidone et lisinopril ni entre chlorthalidone et amlodipine pour le critère principal (décès d’origine CV et infarctus non fatals) et pour les décès de toutes causes confondues. Parmi les résultats concernant les objectifs secondaires, on remarquait : • une incidence de l’insuffisance cardiaque plus élevée dans le groupe amlodipine (vs groupe chlorthalidone : + 38 %) ; • une incidence des événements CV (+ 10 %, p < 0,001), des AVC (+ 15 %, p=0,02) et de l’insuffisance cardiaque (+ 19 %, p < 0,001) plus élevée dans le groupe lisinopril par rapport au groupe chlorthalidone ; • ces résultats restaient significatifs dans la plupart sinon dans tous les sous-groupes considérés. Bien que la comparaison entre amlodipine et lisinopril n’ait pas été prévue, on pouvait remarquer des différences significatives (ou tout du moins pertinentes) : • un risque plus élevé dans le groupe lisinopril que dans le groupe amlodipine : d’AVC (+ 16,7 %), de saignements gastro-intestinaux (+ 20,0 %), d’hospitalisation pour angine de poitrine (+ 14,3 %) et d’artériopathie des membres inférieurs (+ 27,0 %) ; • à l’inverse, un risque plus élevé dans le groupe amlodipine (vs lisinopril) pour l’incidence de l’insuffisance cardiaque (+ 17, 2 %). - Les limites méthodologiques de cet essai ont été largement discutées : • arrêt des médicaments antérieurs sans période de wash-out, • absence de revue par un comité des événements se produisant pendant l’étude, • absence de données de suivi concernant 800 patients perdus de vue, • existence d’une différence de PA persistante entre les trois groupes finalement analysés, • associations thérapeutiques utilisées peu logiques ou courantes. - Cependant, il demeure l’essai thérapeutique le plus large et les patients inclus correspondaient assez bien au profil des patients hypertendus nord-américains. - Les résultats de cette étude ont d’ailleurs été largement utilisés lors de l’élaboration des recommandations américaines (JNC VII).   ANBP2 : IEC versus diurétique   La méthodologie de l’étude ANBP2 (Australian National Blood Pressure study) publiée quelques semaines à peine après ALLHAT, était assez différente de cette dernière : il s’agissait d’une étude menée en ouvert chez 6 083 hypertendus âgés de 65 à 84 ans, randomisés pour recevoir un traitement à base d’un IEC ou d’un diurétique thiazidique (l’IEC recommandé était l’énalapril et le diurétique recommandé était l’hydrochlorothiazide). Le suivi était d’environ 4 ans. La répartition hommes/femmes était équitable ; leur âge était plus élevé que dans l’étude ALLHAT (72 ans) de même que leur PA initiale (168/91 mmHg) ; moins de 10 % étaient coronariens, avaient eu un AVC ou étaient diabétiques. La PA est restée comparable dans les deux groupes pendant le suivi et la différence moyenne par rapport à la PA d’entrée était de -26/12 mmHg. Les résultats de cette étude sont finalement assez différents de ceux de l’étude ALLHAT : • l’incidence des événements coronaires graves ou des décès était numériquement plus faible dans le groupe IEC que dans groupe diurétique (56,1 vs 59,8 événements/1000 patients-années, RR : 0,89, p = 0,05) ; • l’incidence des autres événements CV (angine de poitrine, AVC, insuffisance cardiaque notamment) était similaire dans les deux groupes ; • l’incidence des infarctus du myocarde était plus basse dans le groupe IEC (4,7 vs 6,7 décès événements/1 000 patients-années, p = 0,04). En fait, une différence d’efficacité entre les hommes et les femmes devait être prise en compte : il n’y avait pas de différence entre les deux groupes de traitements lorsque seules les femmes étaient considérées, mais chez les hommes, la différence était clairement en faveur du groupe IEC (RR : 0,83, p = 0,02) !   INSIGHT : nifédipine versus diurétique   Dans l’étude INSIGHT (International Nifedipine Study Intervention as a Goal in Hypertension Treatment), 6 321 patients hypertendus (PA ≥ 150/95 mmHg ou PAS ≥ 160) âgés de 55 à 80 ans, à haut risque CV, ont été randomisés pour recevoir soit un inhibiteur calcique, de la nifédipine à libération prolongée 30 mg (Nifedipine GITS), soit un diurétique (hydrochlorothiazide 25 mg + amiloride 2,5 mg = Co-amiloride). Il s’agissait d’une étude de supériorité. Les patients inclus étaient considérés comme étant à haut risque CV car ils devaient avoir un des facteurs de risque suivants : hypercholestérolémie, tabagisme actif, diabète, antécédents familiaux d’infarctus avant l’âge de 50 ans ou hypertrophie ventriculaire gauche. Ils ont été suivis environ 4 ans. Il est important de noter que leur PA était comparable dans les deux groupes pendant l’étude. Le résultat principal a été l’absence de différence significative de mortalité et morbidité CV entre les deux groupes.   LIFE : losartan versus aténolol   Dans l’étude LIFE (Losartan Intervention For Endpoints reduction in hypertension), 9 193 pa-tients hypertendus (PAS de 160 à 200 mmHg ; PAD de 95 à 115 mmHg), âgés de 55 à 80 ans, ayant une hypertrophie ventriculaire gauche définie par des critères électrocardiographiques, ont reçu un ARAII, le losartan (éventuellement associé à un diurétique thiazidique) ou un bêtabloquant, l’aténolol (éventuellement associé à un diurétique thiazidique). Il s’agissait aussi d’une étude supériorité. Le suivi moyen a été de 5 ans environ. La PAS initiale était un peu plus basse dans le groupe losartan (- 1,3 mmHg) pendant l’étude. La stratégie à base de losartan s’est révélée plus efficace sur le critère d’évaluation principal (critère composite : mortalité CV, AVC, et infarctus, réduits de 13 %, p = 0,02) comparativement au groupe aténolol. La différence en faveur du losartan était surtout importante pour l’incidence des AVC, réduite de 25 % (p = 0,001). L’incidence des événements indésirables en rapport avec les médicaments de l’étude était de façon significative plus importante dans le groupe aténolol (environ 10 % sous aténolol vs 5 % sous losartan, p < 0,001). La protection CV apportée par un traitement à base de losartan a été plus importante que celle apportée par un traitement à base d’aténolol, et ce à niveaux de PA comparables. Cette supériorité était surtout évidente en termes d’incidence des AVC. Des études complémentaires ont montré depuis que la fréquence de l’arythmie complète par fibrillation auriculaire et l’incidence du diabète étaient également plus faibles dans le groupe losartan que dans le groupe aténolol.   VALUE : valsartan versus amlodipine   Dans l’étude VALUE (Valsartan Antihypertensive Long-term Use Evaluation trial), 15 245 patients hypertendus ≥ 50 ans, à haut risque CV (45 % d’antécédents d’angine de poitrine, 20 % d’antécédents d’AVC, 14 % d’artériopathie des membres inférieurs) ont reçu soit un traitement à base d’un ARAII, le valsartan (dose progressivement portée de 80 à 160 mg, puis adjonction d’hydrochlorothiazide à 12,5 mg puis à 25 mg, puis adjonction d’un autre antihypertenseur si nécessaire), soit un traitement à base d’amlodipine (dose progressivement portée de 5 à 10 mg, puis adjonction d’hydrochlorothiazide à 12,5 mg puis à 25 mg, puis adjonction d’un autre antihypertenseur si nécessaire). Il s’agissait d’une étude de supériorité. Le suivi a été d’environ 4 ans. Les données concernant la PA sont très importantes à considérer dans cette étude : la PA atteinte était de 139/79 mmHg dans le groupe valsartan et 137/77 mmHg dans le groupe amlodipine (p < 0,001) pendant le suivi, et en moyenne la PA était légèrement supérieure de 1,5 à 4 mmHg dans le groupe valsartan, ce qui rend quasiment impossible toute évaluation des bénéfices respectifs des médicaments employés. Aucune différence concernant le critère d’évaluation principal (morbidité et mortalité CV n’a été notée : 25,5 vs 24,7 % à 10 ans) et le nombre de décès CV (9,2 % dans les deux groupes) ou le nombre total de décès (11,0 vs 10,8 %). Dans le groupe valsartan, moins de patients ont présenté une insuffisance cardiaque ou un diabète. Cependant, un nombre plus important de patients dans le groupe valsartan a présenté un AVC (4,2 vs 3,7 %, p = 0,08) ou un infarctus du myocarde (11,4 vs 9,6 %, p = 0,02). Le surrisque possible d’AVC observé dans le groupe valsartan peut être expliqué par la différence de PA entre les deux groupes pendant l’étude, mais cette explication est peut-être moins pertinente pour le risque d’infarctus du myocarde. Il est à noter que la plus grande partie du surrisque d’infarctus du myocarde et d’AVC a été observée pendant les 6 premiers mois (+ 63 % d’AVC). La PA dans le groupe valsartan était pourtant contrôlée de façon satisfaisante (149,2/84,8 mmHg au cours des trois premiers mois, 143,2/82,1 mmHg entre 3 et 6 mois), mais elle était mieux contrôlée dans le groupe amlodipine (respectivement : 145,4/82,6 mmHg et 140,9/80,4 mmHg). Les résultats indiquent qu’une différence de PA qui peut être jugée relativement faible sur le plan clinique (de l’ordre de + 3/2 mmHg), mais très significative sur le plan statistique, a été associée à un surrisque CV réel dans cette population à haut risque CV (le taux d’événements CV observés dans cette étude était d’environ 25 % à 10 ans). Il est donc suggèré que chaque millimètre de mercure compte en termes de prévention CV chez le patient à haut risque CV. La différence de PA entre les deux groupes ne permet pas de comparer de manière adéquate la protection CV du valsartan et de l’amlodipine.   ASCOT-BPLA : amlodipine ± perindopril versus aténolol ± diurétique   Dans cette étude, Anglo-Scandinavian Cardiac OuTcomes — Blood Pressure Lowering Arm (de type PROBE, c’est-à-dire une étude prospective randomisée ouverte avec une évaluation faite en aveugle), 19 257 hypertendus âgés de 40 à 79 ans ayant au moins trois autres facteurs de risque CV ont été inclus. Ces patients ont été randomisés pour recevoir de l’amlodipine (5 à 10 mg/j) éventuellement associée au perindopril (4 à 8 mg/j) si le contrôle tensionnel était insuffisant ou à l’aténolol (50 à 100 mg/j), éventuellement à un diurétique thiazidique (bendrofluméthiazide 1,25 à 2,5 mg/j). L’arrêt prématuré a été décidé après 5,5 ans de suivi car les résultats entre les deux groupes étaient différents en termes de mortalité totale et cardiovasculaire. En fait, il n’y avait pas de différence significative concernant le critère principal de l’étude (infarctus du myocarde fatals et non fatals) au profit du groupe amlodipine ± perindorpil (risque relatif (RR) : 0·90 ; IC : 0,79-1,02, p = 0,1052). En revanche, pour les critères de jugement secondaires (AVC fatals ou non (RR: 0,77 ; IC : 0,66-0,89, p = 0,0003), événements CV totaux (RR : 0,84 ; IC : 0,78-0,90, p < 0,0001) et mortalité totale (RR : 0,89 ; IC : 0,81-0,99, p = 0,025), la différence était significative. L’incidence du diabète était moindre dans le groupe associant amlodipine et perindopril (RR : 0,70 ; IC : 0,63-078 ; p < 00001). La PA pendant le suivi était plus basse dans le groupe associant amlodipine et perindopril (PAS/PAD : - 2,7/ 1,9 mmHg ; p < 0,0001).

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