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Risque

Publié le 30 jan 2007Lecture 6 min

La fréquence cardiaque : un facteur de risque cardiovasculaire à part entière

M. DEKER, Paris


AHA
La valeur pronostique de la fréquence cardiaque reste sous-estimée, bien que les preuves montrant son intérêt pour évaluer le pronostic global et cardiovasculaire s’accumulent. Trois nouvelles études présentées lors du congrès de l’American Heart Association 2006 témoignent de la place qu’il faut accorder à ce facteur de risque de mortalité chez les sujets tout-venant et chez les patients cardiaques.

La fréquence cardiaque est corrélée au risque de décès à long terme   L’Étude Prospective Parisienne La présentation du dernier volet de l’Étude Prospective Parisienne par X. Jouven apporte des arguments supplémentaires pour faire de la fréquence cardiaque (FC) de repos un facteur de risque cardiovasculaire indépendant. Cette étude montre que l’augmentation de la FC de repos est étroitement corrélée au risque de mortalité à long terme. L’étude présentée concerne 4 320 hommes, âgés de 42 à 53 ans, inclus de 1967 à 1972, et ayant bénéficié durant les 5 premières années d’un bilan annuel clinique et biologique. La FC de repos a été mesurée en comptant les pulsations radiales durant 1 minute après 5 minutes de repos en position allongée. Durant les 20 années suivantes, 1 018 sujets inclus dans la cohorte sont décédés de causes diverses, y compris cardiovasculaires. L’évolution de la FC de repos pendant les 5 premières années de suivi a été déterminée pour chaque sujet, ce qui a permis un classement en fonction de la FC de base (< 61 bpm ; 61 à 75 bpm ; > 75 bpm) et de son évolution à 5 ans (diminution > 7 bpm ; stabilité ; augmentation > 7 bpm). Après ajustement sur les facteurs de risque classiques tels que l’âge, l’activité physique, le tabagisme, l’indice de masse corporelle, la pression artérielle systolique, la glycémie et la cholestérolémie totale, il est apparu que, chez les sujets dont la FC de repos était initialement supérieure à 61 bpm et comparativement au maintien d’une FC stable, une augmentation de la FC de repos supérieure à 7 battements par minute (bpm) s’accompagne d’une augmentation du risque de mortalité de 47 %, alors qu’une diminution de la FC de plus de 7 bpm entraîne une diminution du risque de 18 %. Les données recueillies dans cette enquête s’appliquent à une population masculine, car c’est ainsi qu’avait été conçue l’Étude Prospective Parisienne en 1967. À cette époque, on considérait que le risque de cardiopathie ischémique était l’apanage du sexe masculin. Il serait donc intéressant de répliquer ce travail dans une population de femmes.   Une fréquence cardiaque élevée : un facteur de risque indépendant Ainsi que le rappellent Cook S et al. dans une revue récente (Eur Heart J 2006 ; 25 sept), de nombreuses études avaient déjà identifié la FC en tant que facteur de risque indépendant des maladies cardiovasculaires, au même titre que le tabagisme, les dyslipidémies ou l’hypertension artérielle. L’étude de Framingham a montré que le risque de mortalité cardiovasculaire et de mortalité de toutes causes est étroitement corrélé à l’augmentation de la fréquence cardiaque de repos (odds ratio [OR] : 1,68-1,70 et 2,14-2,18, respectivement, pour toute augmentation de 40 bpm). Ce paramètre étant lié à une augmentation de l’activité sympathique, une hypertension artérielle est donc souvent associée à l’augmentation de la FC de repos. Ultérieurement, d’autres études ont confirmé la valeur prédictive de la FC de repos vis-à-vis de la mortalité globale et cardiovasculaire, tant chez l’homme que chez la femme et ce, indépendamment des autres facteurs de risque. En outre, il a été montré que l’augmentation du risque est proportionnelle à l’élévation de la FC. D’autres données issues de l’enquête CRUSADE ayant inclus près de 140 000 patients coronariens ont également été présentées durant l’AHA 2006. Chez ces patients, le risque de mortalité a été corrélé à la FC : le risque est minimal pour une FC à 61 bpm ; il augmente lorsque la FC est < 50 bpm (OR ajusté : 1,5) et lorsque la FC augmente : OR > 2 pour une FC > 110 bpm, OR : 2,5 pour une FC entre 120 et 150 bpm. Ainsi, dans les syndromes coronariens aigus, la mortalité hospitalière serait étroitement dépendante de la FC, suivant une courbe en J avec un nadir à 61 bpm. L’ensemble de ces travaux qui tendent à montrer que la fréquence cardiaque est inversement corrélée à l’espérance de vie est en accord avec les données du règne animal. En effet, l’espérance de vie des différentes espèces de mammifères est inversement corrélée à la fréquence cardiaque selon une relation semi-logarithmique : les petits animaux, dont le cœur bat plus vite que celui des gros, ont une espérance de vie plus courte alors que le nombre de battements cardiaques rapporté à la durée de vie est remarquablement constant chez les mammifères, témoignant de la valeur de la FC en tant que marqueur du métabolisme. Toutefois, les êtres humains ont une espérance de vie prolongée comparativement aux gros mammifères et un nombre total de battements cardiaques plus élevé (environ 30 x 108 pour la vie entière), ce qui soulève la question du déterminisme, génétique ou environnemental, de la FC. Mortalité cardiaque. Abaisser la fréquence cardiaque pour augmenter l’espérance de vie ?   Chez les sujets indemnes de maladie cardiovasculaire Une augmentation progressive de la FC avec le temps devrait donc être considérée comme un signe d’alerte pour le médecin. Des mesures simples tels que la pratique régulière de l’exercice physique, l’arrêt du tabac et un régime alimentaire en cas de surpoids permettent généralement d’abaisser la FC de repos, chez les sujets indemnes de maladie cardiovasculaire. En effet, il est admis que la pratique régulière de l’exercice physique s’accompagne d’une diminution de la FC de repos et est corrélée à une augmentation de la longévité. Le travail en endurance exerce un effet positif sur l’activité parasympathique et au contraire freine l’activité sympathique.   Chez les patients coronariens L’abaissement de la FC a des effets bénéfiques bien démontrés chez le coronarien, en diminuant les besoins myocardiques en oxygène et en énergie. Cet effet d’épargne du travail cardiaque et de la demande en oxygène est un des effets attendus de la prescription des thérapeutiques antiangineuses qui ralentissent la FC, tels les bêtabloquants. En outre, l’atténuation de la réponse cardiaque adrénergique par les bêtabloquants ne diminue pas les performances du système cardiovasculaire à l’effort ni son adaptabilité à l’environnement. À contrario, il a été montré que les effets bénéfiques du bêtablocage sont abolis chez les patients coronariens sous pacemakers, ce qui tendrait à prouver que les effets favorables de cette classe pharmacologique sont en grande partie médiés par la baisse de la FC. L’ampleur du bénéfice lié à la réduction de la FC par les bêtabloquants chez le coronarien est mise en évidence dans le cadre d’un travail, présenté par M. Cucherat à l’AHA. L’auteur a réalisé une revue méthodique des essais randomisés des bêtabloquants comparatifs au placebo en postinfarctus. Sur 24 essais, 14 essais dont la FC était renseignée ont été inclus dans cette analyse de métarégression. Une relation statistiquement significative a été mise en évidence entre la baisse de la FC et le risque de décès cardiaque (p = 0,02) (figure), de mort subite (p < 0,01) et de récidive d’infarctus myocardique (p < 0,01) ; une relation non significative avec la mortalité toutes causes a également été montrée. Ce travail confirme l’intérêt d’abaisser la FC chez le coronarien et quantifie les bénéfices attendus : chaque réduction de la FC de 10 bpm réduit la mortalité cardiaque de 26 %   Chez l’insuffisant cardiaque Un constat similaire a été fait chez des patients porteurs d’une insuffisance cardiaque postinfarctus (stade III/IV NYHA ; FE 26 ± 9 % en moyenne) traités par un bêtabloquant, dont le rythme cardiaque a été asservi sous pacemaker, afin de comparer deux FC : 80 bpm et 60 bpm (Thackray et al. Am Heart J 2006 ; 152 : 713). Après un suivi de 14 ± 13 mois, les patients maintenus à un rythme cardiaque élevé ont vu leurs performances ventriculaires se détériorer plus rapidement que ceux ayant une FC relativement basse, comme en témoignent l’évolution des volumes ventriculaires gauches télédiastoliques et télésystoliques, et de la FEVG (- 4,2 ± 4,4 % dans le groupe à FC élevée, comparativement à + 2,2 ± 5,4 % dans le groupe à FC basse). Cette étude montrant l’effet délétère d’un traitement s’opposant à l’action bradycardisante des bêtabloquants chez l’insuffisant cardiaque apporte une nouvelle preuve de l’intérêt des thérapeutiques abaissant la FC chez les patients souffrant de maladie cardiovasculaire.   En pratique S’il n’est pas encore démontré formellement que l’on réussira à allonger la durée de vie rien qu’en abaissant la FC, la voie est néanmoins ouverte à de futurs travaux chez les patients coronariens et insuffisants cardiaques pour explorer le bénéfice de thérapeutiques spécifiquement bradycardisantes.

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