Publié le 29 jan 2008Lecture 9 min
La prise en charge des SCA
M. ZELLER, Dijon
AHA
Cette année encore, de nombreuses présentations majeures ont traité de la prise en charge des syndromes coronariens aigus (SCA). En effet, ce sont plus de 4 000 travaux, dont plus de 1 000 sur la phase aiguë du SCA ou sur son suivi, qui ont été exposés et dont voici un bref compte-rendu.
L’étude TRITON-TIMI 38 (Trial to Assess Improvement in Therapeutic Outcomes by Optimizing Platelet Inhibition with Prasugrel-Thrombolysis in myocardial infarction) a inclus 14 000 patients.
Deux stratégies pharmacologiques ont été comparées au cours du SCA :
- une dose de charge de clopidogrel de 300 mg suivie d’un traitement d’entretien de 75 mg/j ;
- une dose de charge de prasugrel 60 mg avec une dose d’entretien de 10 mg.
Sur le critère principal combiné (décès cardiovasculaire, IDM ou AVC), les résultats à 450 jours sont en faveur du prasugrel, respectivement 9,9 vs 12,2 % (HR 0,81 {0,73-0,90} ; p = 0,0004). En revanche, avec les doses de l’étude, les accidents hémorragiques majeurs sont significativement plus élevés dans le bras prasugrel, respectivement 2,4 vs 1,8 % (HR 1,32 {1,03-1,68} ; p = 0,03).
Cette étude a permis de mettre en évidence trois sous-groupes à haut risque hémorragique :
- les patients ayant des antécédents d’AIT/AVC,
- les patients > 75 ans,
- et les patients < 60 kg.
Les conclusions de cette étude doivent être prises avec précaution car la dose de charge de clopidogrel utilisée dans cette étude — définie lors de la mise au point du design de l’étude — est inférieure à la dose optimale actuellement définie au vu des dernières publications. De plus, dans cette étude, le traitement n’était administré qu’après la décision d’angioplastie, ce qui ne correspond plus aux pratiques actuelles et qui, étant donné le pic d’action précoce du prasugrel par rapport au clopidogrel, a probablement influé sur les résultats per-procéduraux.
Au cours de la présentation, les résultats du sous-groupe des patients diabétiques (30 %) ont été abordés ; ils montrent, outre une réduction de 30 % sur le critère principal, une absence d’augmentation du risque hémorragique pendant la période de l’étude. Ce résultat majeur demande cependant à être validé par l’analyse des réponses biologiques aux différentes stratégies antiagrégantes. Il apparaît de plus en plus clairement que ces résultats vont faire l’objet de débats dans les mois prochains, concernant le relais après la dose de charge et en particulier l’intérêt :
- des dosages différents entre la phase initiale (1 à 3 mois) et la période à moyen terme afin de diminuer le risque hémorragique ;
- des protocoles combinant les différents antiagrégants adaptés en fonction du profil de risque hémorragique.
BRIEF-PCI
Actuellement, le bénéfice des anti-GPIIb/IIIa est établi, en particulier chez les populations à risque. Cependant, les protocoles actuels utilisent des perfusions longues (entre 12 et 48 h), après l’angioplastie.
BRIEF-PCI (Brief Infusion of Eptifibatide Following Successful Percutaneous Coronary Intervention) a testé l’hypothèse de la non-infériorité d’une perfusion courte (2 h) après l’angioplastie, par rapport à une stratégie classique (entre 18 et 24 h) d’eptifibatide chez 624 patients avec un SCA ou un angor stable. Les auteurs ne mettent en évidence aucune différence significative, ni sur le critère principal intermédiaire (incidence des nécroses évaluée par l’augmentation des CPK, CPK-MB et de la troponine à 6 et 18 h : respectivement, 28,3 vs 30,1 %), ni sur le critère secondaire combinant à 30 jours les décès, IDM et revascularisations de l’artère traitée (4,5 vs 4,8 %).
Les impacts potentiels de BRIEF-PCI sont très importants en raison de la réduction des coûts des traitements, des durées d’hospitalisation, et de la réduction des saignements majeurs (1 vs 4,2 %).
Eptifibatide vs abciximab
Dans le cadre de la prise en charge des STEMI par angioplastie primaire, le bénéfice de l’abciximab (Réopro®) n’est plus à démontrer. Chez plus de 400 pa-tients présentant un STEMI de moins de 12 heures, traités classiquement (aspirine, clopidogrel et héparine non fractionnée ou HBPM), deux stratégies ont été testées :
- un double bolus d’eptifibatide suivi d’une perfusion de 24 h ;
- ou un bolus d’abciximab, suivi d’une perfusion de 12 h.
Le critère principal était l’évolution du segment ST à 1 h après l’angioplastie, le délai douleur-angioplastie a été similaire entre les deux groupes (224 vs 234 min), ainsi que le délai de prise en charge-angioplastie (30 vs 29 min). Il faut également observer que le pourcentage de patients avec un flux TIMI III pré- ou post-angioplastie était comparable dans les deux groupes (respectivement, 32 vs 38 %, et 84 vs 83 %). Une différence significative en faveur de l’eptifibatide a été observée sur l’absence de normalisation du segment ST (5,4 vs 15 %, p = 0,021). Aucune différence n’a été observée sur la mortalité (3,5 vs 3,5 %) ou les réinfarctus (0 vs 1,5 %). En revanche, le nombre d’hémorragies majeures est plus élevé avec l’eptifibatide (1,8 vs 0 %).
Cet essai démontre la nécessité d’évaluer l’équilibre efficacité/sécurité de ces stratégies antiagrégantes, et ceci dans tous les continuum du SCA. Il suggère également l’intérêt de disposer de tests biologiques très rapidement accessibles en salle de coronarographie.
CRUSADE
Les données des registres sont capitales pour évaluer dans le monde réel les applications issues des études randomisées. Dans ce contexte, W. Alexander, du groupe CRUSADE (Can Rapid risk stratification of Unstable angina patients Supress Adverse outcome with Early implementation of the ACC/AHA guidelines), a présenté l’impact des surdosages en anti-GPIIb/IIIa au décours des SCA sans sus-décalage du segment ST. Un excès de dosage était défini par l’absence d’adaptation de dose en présence d’une insuffisance rénale. Le taux de prescription d’anti-GPIIb/IIIa a été de seulement 54 % chez les 11 846 patients de l’étude, qui comportait 4 031 femmes et 2 609 patients > 75 ans. Cinq trimestres (le dernier de 2005 et les 4 trimestres de 2006) ont été analysés, période au cours de laquelle était délivrée une information spécifique sur le surdosage dans le cadre d’une démarche qualité.
Les auteurs ont montré une réduction des surdosages aussi bien dans la population totale des NSTEMI, que chez les femmes et les patients les plus âgés (tableau 1). CRUSADE montre également une réduction significative des hémorragies majeures selon les critères TIMI (9,3 vs 7,9%, p = 0,02) dans la population générale, mais ni chez les femmes (13,9 vs 11,7 %, p = NS), ni chez les patients âgés (16,6 vs 11,7 %, p = NS). Des variations sont logiquement retrouvées pour le nombre de transfusions (respectivement 6,1 vs 4,8 %, p = 0,006, 10,1 vs 8,5 %, p = NS, et 14,9 vs 8,4 %, p = 0,02).
Les auteurs concluent sur l’importance du retour d’information dans le contexte de l’évaluation des pratiques médicales, qui explique l’amélioration des résultats en termes d’adaptation de doses. Néanmoins, il persiste fin 2006 un taux de surdosage de 39 % chez les femmes et de 52 % chez les patients les plus âgés, ce qui conduit à conclure que des progrès doivent être encore réalisés dans ce domaine, tout particulièrement chez les populations à risque.
L’atteinte polyvasculaire aggrave le pronostic
Si le registre REACH (REduction of Atherothrombosis for Continued Health) avait démontré l’impact d’une atteinte polyvasculaire sur la mortalité chez des patients à risque d’athérothrombose, sa valeur pronostique n’était cependant pas encore connue au décours d’un NSTEMI. C’est précisément l’un des objectifs du registre CRUSADE, qui a analysé 95 749 patients inclus entre 2003 et 2006 dans 484 sites. Les patients ont été analysés en fonction du nombre de localisations artérielles d’athérothrombose avant le SCA, qui étaient définies par la présence d’un antécédent d’AIT/AVC, d’IDM ou de coronaropathie connue. La mortalité hospitalière, les réinfarctus, les AVC/AIT, l’insuffisance cardiaque mais également les transfusions non liés aux pontages aorto-coronariens ont été étudiés. À l’admission, 11 345 patients (11,9 %) avaient des antécédents d’IDM, 9 973 (10,4 %) des antécédents d’AVC/AIT et 41 404 (43,2 %) une histoire de coronaropathie. Le nombre d’atteintes artérielles est distribué de la façon suivante : 0 : 48,9 % ; 1 : 38,3 % ; 2 : 11,2 % ; et 3 : 1,6 %.
Le nombre d’événements ischémiques augmente avec celui des atteintes artérielles (OR : 1,07 (1 atteinte) ; 1,25 (2 atteintes) ; et 1,30 (3 atteintes), en comparaison avec les patients sans atteinte, p < 0,001). Des résultats similaires sont observés pour les transfusions (OR : 1,11 ; 1,28 et 1,30, respectivement, p < 0,001) (tableau 2).
Cette étude montre donc que, chez les NSTEMI, si l’atteinte polyvasculaire est relativement peu fréquente, elle majore cependant à la fois le risque ischémique et le risque hémorragique, ce qui confirme l’intérêt, lors de la prise en charge, d’une identification précoce des patients en tenant compte de leurs antécédents cardiovasculaires.
COURAGE
L’étude COURAGE (Clinical Outcomes Utilizing Revascularisation and Agressive druG Evaluation), publiée en 2007 dans le New England Journal of Medicine, a déjà fait couler beaucoup d’encre. Cette étude a comparé l’impact sur le long terme d’une stratégie invasive initiale associée à une optimisation du traitement médical (OTM), à une OTM seule chez des coronariens stables. Cette étude randomisée a été conduite chez plus de 2 000 patients qui présentaient au moins une lésion coronaire > 70 % et une ischémie authentifiée.
L’analyse du sous-groupe des patients ayant bénéficié d’une évaluation initiale de l’ischémie myocardique par tomoscintigraphie a été rapportée à l’AHA. Les auteurs avaient défini une réduction de l’ischémie par toute diminution de l’ischémie > 5 % entre l’exploration à l’inclusion dans l’étude et la nouvelle évaluation, prévue entre le 6e et 18e mois. Si une nette réduction de l’ischémie a été observée dans les deux bras de l’étude, elle est plus importante dans le bras invasif (33,3 vs 19,8 %, p = 0,004). La limitation de l’ischémie dans les deux groupes est associée à une réduction significative des événements coronariens majeurs (décès ou IDM) (32,4 vs 16,2 %, p < 0,05). Enfin, les auteurs montrent qu’il existe une relation entre l’étendue de l’ischémie résiduelle à la seconde exploration et les événements cardiaques majeurs au cours du suivi. Néanmoins, il faut rappeler que dans COURAGE, un tiers des patients du bras OTM ont bénéficié d’une revascularisation dans les 5 ans en raison de la symptomatologie ou au décours d’un SCA. Cette proportion est de 20 % dans le bras invasif (p < 0,001).
En conséquence, si l’OMT reste la stratégie à privilégier chez les patients coronariens stables, la mise en évidence d’une ischémie résiduelle doit faire discuter une revascularisation, même en l’absence de symptôme.
À la lumière de ces résultats, il reste cependant un certain nombre de questions non-résolues :
- existe-t-il une ischémie seuil initiale en termes d’étendue, de localisation ou de profil spécifique de patients ?
- faut-il tenir compte de l’ischémie initiale et de son évolution, ou seulement de l’ischémie résiduelle après OMT ?
- quel est le timing optimal de la seconde évaluation et faut-il réaliser des tests maquillés ou démaquillés ?
- quelle est la place spécifique de chaque test (épreuve d’effort, échocardiographie de stress, médecine nucléaire) ainsi que des méthodes de stimulation ?
Fermeture percutanée de CIV
La communication interventriculaire (CIV) est une complication rare mais particulièrement grave de l’IDM, pour laquelle la stratégie principale reste à ce jour la chirurgie en urgence. Une équipe allemande de Leipzig a présenté à l’AHA une série qui, bien que de taille modeste, reste la plus importante publiée à ce jour évaluant la procédure de fermeture percutanée grâce au système d’Amplatzer chez des patients récusés pour la chirurgie.
Ainsi, entre septembre 2003 et avril 2007, 22 patients consécutifs (10 hommes et 12 femmes ; âge moyen : 70 ± 8 ans ; 48 à 84 ans) ont bénéficié de cette procédure, avec un délai moyen entre l’infarctus et la fermeture de 6,0 ± 1,5 jours. À la prise en charge, 50 % des patients présentaient un choc cardiogénique et le rapport Qp:Qs avant la procédure était de 3,1:1. Le succès du déploiement a été obtenu chez plus des trois quarts des patients (17/22). La rupture myocardique a été la principale complication perprocédurale et 4 endoprothèses ont migré vers le ventricule droit entre l’implantation et le 4e mois. Malgré la gravité de la pathologie et la difficulté technique de la procédure, la mortalité hospitalière n’est que de 68 %, et même de seulement 36 % chez les patients sans choc cardiogénique à la prise en charge. Les survivants de la phase aiguë semblent avoir un bon pronostic puisqu’on ne constate que 1 décès à 6 mois.
Les auteurs concluent que, chez les patients non relevables de chirurgie, la fermeture percutanée offre une alternative intéressante, mais qui reste, bien entendu, à évaluer sur de plus grandes séries.
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