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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 13 mai 2008Lecture 9 min

Insuffisance cardiaque - La resynchronisation reste en tête

A. COHEN-SOLAL, Hôpital Lariboisière, Paris


ACC
L’insuffisance cardiaque n’aura pas été l’un des thèmes principaux de l’ACC 2008 laissant plutôt la place à des sessions consacrées à l’hypertension artérielle ou à la prévention. Probablement avons-nous été trop gâtés les années antérieures, avec les méga-essais. Si aucun grand résultat n’a été annoncé dans ce domaine, on peut toutefois tirer quelques informations intéressantes de cette cuvée.

REVERSE, l’étude la plus marquante dans ce domaine REVERSE (Resynchronisation reverse remodeling in systolic left ventricular dysfunction) a certainement été l’étude la plus marquante dans ce domaine. On connaît les indications de la resynchronisation cardiaque chez les patients avec dysfonction VG, asynchronisme électrique et/ou échocardiographique et surtout en classe fonctionnelle III ou IV de la NYHA. Il est très tentant de proposer cette technique, étant donné l’amélioration démontrée sur les symptômes, le remodelage et le pronostic, chez des patients peu ou non symptomatiques en classe I ou II de la NYHA qui réunissent tous les critères de resynchronisation. Tout récemment, une étude publiée dans Heart avait montré, à partir de l’étude CARE-HF, que certains patients très peu symptomatiques (possible classe II) qui, pourtant, se disaient en classe III de la NYHA, semblaient tirer autant de bénéfice de la resynchronisation que les patients les plus sévères normalement inclus.   Méthode Cette étude randomisée en double aveugle a évalué les effets de la resynchronisation chez les patients peu symptomatiques, en classe Ic ou II de la NYHA (la classe Ic, inconnue à ce jour en France, correspond en fait à des patients qui ont eu des symptômes d’insuffisance cardiaque antérieurement et qui sont, au moment de l’inclusion, totalement asymptomatiques). Ces patients devaient avoir une FEVG < 40 %, un diamètre télédiastolique ventriculaire gauche ≥ 55 mm et un QRS élargi à l’électrocardiogramme ≥120 ms. Six cent dix patients ont été inclus en Europe et en Amérique du Nord. L’originalité, qui peut sembler discutable sur le plan éthique, est que tous les patients ont bénéficié de l’implantation d’un stimulateur triple chambre – alors que cette technique n’est pas démontrée comme étant efficace chez ces patients peu symptomatiques – avec simplement un réglage ON ou OFF chez 419 et 191 patients respectivement. Le critère initial suggéré était, comme le suggère l’acronyme de l’étude, le remodelage ventriculaire gauche dont on espérait qu’il soit amélioré. En fait, la FDA a demandé une modification du critère principal qui devait être un critère composite, proposé par Milton Packer, comportant la mortalité globale, les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, l’activation de la resynchronisation du pacemaker pour aggravation de l’insuffisance cardiaque, l’aggravation de la classe fonctionnelle NYHA et l’appréciation globale du patient de son état par un autoquestionnaire.   Résultats L’essai ne met pas en évidence de bénéfice à la resynchronisation lorsqu’elle se rajoute à un traitement médical bien conduit chez les insuffisants cardiaques paucisymptomatiques. Avec un an de suivi (une analyse à deux ans est prévue), 21 et 16 % des patients respectivement (p = 0,10) se sont aggravés selon le critère principal dans les groupes CRT OFF et ON respectivement. Si on prend une autre analyse non spécifiée, mais plus logique, 21 % des patients se sont aggravés contre 16 % dans les groupes CRT OFF et ON, et 40 % se sont améliorés vs 54% dans les groupes OFF et ON, respectivement, avec une différence qui devient là significative (p = 0,004). Ce qui est beaucoup plus intéressant, dans la mesure où ces patients étaient déjà peu symptomatiques et pouvaient difficilement s’améliorer mais surtout s’aggraver, était l’évaluation du remodelage. Une analyse post-hoc montre que les patients dont la resynchronisation est active, s’améliorent d’avantage et présentent un remodelage VG bénéfique. En fait, les volumes ventriculaires en systole et en diastole se sont améliorés de façon significative (p < 0,0001) et la fraction d’éjection a augmenté de 0,6 % dans le groupe CRT OFF et de 3,8 % dans le groupe CRT ON (p < 0,0001). Le délai avant la première hospitalisation pour insuffisance cardiaque est également réduit (hazard ratio à 0,54, p = 0,03). Il n’y avait toutefois pas de différence en ce qui concerne les indices de qualité de vie et le test de marche de 6 min (ce qui est logique chez ces patients peu symptomatiques).   Discussion L’interprétation de cette étude est différente selon que l’on est optimiste ou pessimiste : - les pessimistes considéreront que le bénéfice de ce critère fonctionnel reste modeste pour une technique relativement onéreuse, très dépendante de l’endroit où la sonde sera positionnée, avec des risques non négligeables de complications iatrogènes ; - les optimistes considéreront qu’il faut tout faire pour prévenir, le plus rapidement possible, l’évolution défavorable sur le remodelage et que, chez ces patients, la resynchronisation semble indiscutablement efficace. Par ailleurs, comme de nombreux patients doivent, pour des critères de mort subite, bénéficier d’un défibrillateur, s’est souvent posée la question de savoir s’il fallait leur associer une stimulation double ou triple chambre quand ils étaient totalement asymptomatiques mais avec des critères de resynchronisation. REVERSE permet de penser que l’on peut, dans ces conditions, effectivement leur proposer un stimulateur triple chambre en plus de leur défibrillateur. D’autres études devraient apporter plus d’informations, en particulier l’étude MADIT-CHF réalisée globalement sur le même principe.   ONTARGET ONTARGET était l’autre grande étude très attendue évaluant les effets du telmisartan, du ramipril et de l’association de deux médicaments chez des patients à fort risque cardiovasculaires, donc avec globalement le même rationnel que dans HOPE et EUROPA. Les résultats de cet essai sont rapportés par ailleurs dans ce numéro par Xavier Girerd. Un des éléments importants était l’effet des médicaments sur les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, critère qui n’était pas toujours pris en considération dans les essais antérieurs. Dans ONTARGET, les pourcentages d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque sous ramipril, telmisartan et sous la combinaison des deux médicaments étaient respectivement de 4,1 %, de 4,6 % et de 3,9 % sans différence significative. On ne peut donc, à partir de cette étude, savoir si ces médicaments réduisent le risque d’insuffisance cardiaque par rapport à un placebo mais ceci est très probable, eu égard aux études antérieures réalisées avec le ramipril ou le perindopril, dans HOPE et dans EUROPA. Le telmisartan et le ramipril font preuve d’une efficacité comparable. En revanche, l’efficacité de la combinaison ne semble pas supérieure à chacun des deux médicaments isolément. Cela peut se concevoir dans la mesure où ces patients n’avaient pas de raison d’avoir une activation majeure du système rénine-angiotensine-aldostérone, ce qui était le rationnel de la combinaison IEC-ARA II dans l’insuffisance cardiaque évoluée comme dans CHARM ou ValHeFT.   HYVET Les résultats de HYVET ont été particulièrement intéressants, bien qu’il ne s’agisse pas d’une étude dans l’insuffisance cardiaque mais sur le traitement de l’HTA du sujet très âgé, par la combinaison indapamide ± perindopril. Le rationnel de l’étude était que les médecins ont souvent une certaine réticence à traiter ces sujets particulièrement âgés, même si les données épidémiologiques suggèrent, indiscutablement, que le bénéfice d’une réduction tensionnelle l’emporte sur les risques d’hypotension chez ces patients. HYVET, détaillée plus loin, a donc comparé, chez 3 845 patients âgés > 80 ans dont la PAS était ≥ 160 mmHg, et recevant de l’indapamide 1,5 mg ou un placebo, auxquels on pouvait rajouter, en cas d’inefficacité, du perindopril 2 ou 4 mg ou un placebo, pour atteindre une PAS cible de 150/80 mmHg. Le critère principal était le décès ou les AVC non mortels. Une réduction spectaculaire de l’IC Le critère principal a été réduit de 30 % (p = 0,006), ce qui n’est pas significatif stricto sensu. L’élément le plus marquant a été la réduction de 64 % (IC95 %, 0,22-0,58, p < 0,001) de la survenue d’une insuffisance cardiaque. On aurait pu espérer encore un peu plus si la cible thérapeutique avait été < 150/80 mmHg, mais seule une nouvelle étude pourra répondre à cette question. Ce bénéfice dans l’insuffisance cardiaque dépassait de très loin celui observé sur la mortalité par AVC (-39 %) ou la mortalité cardiovasculaire en général (-23 %). Le message de cette étude est donc extrêmement clair. Il est fondamental d’abaisser à 150/80 mmHg la pression artérielle des sujets âgés > 80 ans hypertendus, si l’on veut essayer de réduire l’épidémie d’insuffisance cardiaque d’origine hypertensive, le plus souvent à fonction systolique préservée des sujets âgés qui encombre actuellement nos services de médecine. Les modèles prédictifs de décès dans l’insuffisance cardiaque On connaissait le HFSS modèle (Heart Failure Survival Score). Il semble avoir été détrôné depuis quelques années par le Seattle Heart Failure Model (SHFM) qui prend en compte beaucoup plus de paramètres et qui a maintenant été beaucoup plus largement validé. Le SHFM, disponible sur internet pour Mac ou PC, vient d’être validé chez maintenant près de 11 000 patients en classe fonctionnelle II, III et IVA de la NYHA essentiellement avec dysfonction systolique, dans 6 essais et registres prospectifs. Il s’agit des essais PRAISE, ELITE II, ValHeFT, RENAISSANCE, et du registre IN-CHF. Un score utile pour évaluer l’efficacité du traitement Le modèle semble prédire assez fiablement le type de décès par insuffisance cardiaque ou mort subite. Néanmoins, l’efficacité du score sur le mode de décès semble être diminué d’environ 30 % chez les patients sous bêtabloquants comparativement aux autres. Ce score peut être intéressant pour évaluer le pronostic d’un patient individuel, de même que nous connaissons les scores pour évaluer le risque cardiovasculaire chez des patients en prévention primaire. Surtout, il peut nous permettre d’envisager le bénéfice obtenu par des modifications thérapeutiques comme l’adjonction d’un bêtabloquant ou surtout l’implantation d’un défibrillateur intracorporel. Il peut, enfin, montrer que le bénéfice apporté par l’implantation d’un défibrillateur intracorporel serait relativement modeste dans la mesure où la mort par insuffisance cardiaque reste importante avec une prolongation relative de survie faible.   Nouvelles thérapeutiques Parmi les nouveaux médicaments possiblement disponibles dans l’insuffisance cardiaque, on peut dire quelques mots de l’istaroxime. HORIZON-HF L’istaroxime est un nouvel inotrope avec des propriétés lusitropes (accélération de la relaxation) ; dans les études expérimentales, l’istaroxime augmentait la pression artérielle sans augmenter la consommation du myocarde en oxygène ni le risque de troubles du rythme. Gheorghiade a présenté les résultats de l’essai HORIZON-HF qui a inclus 120 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë. Ces patients ont reçu 3 doses d’istaroxime IV ou un placebo. Aux trois doses, le traitement actif a baissé la pression capillaire pulmonaire et augmenté l’index cardiaque. Il n’y a pas eu de modification concernant les neurohormones, la fonction rénale ou la libération de troponine. Toutefois un certain nombre de troubles du rythme sont survenus ; surtout, les patients les plus sévères, avec un bas débit cardiaque qui sont ceux qui ont le plus besoin d’inotropes positifs, n’ont pas été inclus dans cet essai thérapeutique. On attend donc d’autres essais sur davantage de patients. Curieusement, on assiste à un regain dans le développement de ces nouveaux inotropes. MOMENTUM B. Greenberg (San Diego) a présenté les résultats de l’essai MOMENTUM (Multicenter Trial of the Orqis Medical Cancion System for Enhanced Treatment of HF unResponsive to Medical Therapy). Cet essai a inclus 168 insuffisants cardiaques chroniques en décompensation aiguë ne répondant pas à un traitement classique par inotropes IV et/ou vasodilatateurs et diurétiques. Les patients ont reçu soit le système Cancion, soit un traitement médical seul pendant 4 jours. Le système Cancion est un système de pompe à débit continu permettant, lorsqu’il est inséré par voie percutanée, d’augmenter le débit aortique d’environ 1,5 l/min par rapport au débit pulsé du patient insuffisant cardiaque. Une assistance circulatoire implantable par voie cutanée Cette étude s’est révélée négative sur le critère principal qui était un critère composite sur 35 jours et l’essai a été arrêté après inclusion de 160 patients sur les 200 prévus. La raison de cet échec était la très probable impossibilité de démontrer un quelconque effet bénéfique telle que l’étude avait été conçue ; de plus, il y a eu un peu plus d’effets secondaires dans le groupe avec le système que dans le groupe sans le système et ce, malgré une réduction significative par rapport au groupe témoin des résistances vasculaires systémiques et une augmentation du débit cardiaque. À l’inverse, la baisse de la pression capillaire pulmonaire semblait moins importante dans le groupe chez lequel le système était implanté que dans le groupe traité classiquement. S’il y a eu un peu moins d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque dans le groupe traité de façon agressive, il y a eu d’un autre côté davantage de décès dans ce groupe et trois fois plus de saignements comparativement au groupe témoin. Il n’est donc pas certain que cette thérapeutique change significativement notre pratique pour les années à venir. Vivement l’AHA 2008 où seront présentés les résultats de I-PRESERVE (insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée) et HF-ACTION (effets de la réadaptation sur la morbi-mortalité des insuffisants cardiaques).

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