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Coronaires

Publié le 21 fév 2006Lecture 6 min

À la sortie de l'hôpital après infarctus

S. WEBER, hôpital Cochin, Paris

Un homme de 64 ans est pris en charge à la 90e minute d’une douleur thoracique inaugurale d’infarctus myocardique.

    Observation Un homme de 64 ans est pris en charge à la 90e minute d’une douleur thoracique inaugurale d’infarctus myocardique. L’électrocardiogramme était celui d’une nécrose inférieure en cours de constitution. À la coronarographie, il existait une occlusion du 2e segment de la coronaire droite ; on notait quelques plaques athéromateuses non sténosantes sur le reste du réseau. La ventriculographie initiale objectivait une akinésie du segment inféro-basal. Le patient a bénéficié d’une angioplastie de désocclusion avec implantation d’un stent « nu ». Un flux TIMI 3 a donc été rétabli avant la 2e heure du début de la douleur. La suite de l’évolution a été simple. Ce patient est un libraire en activité et souhaitant le demeurer dont les facteurs de risque sont représentés par : • un tabagisme très ancien, actif à 20 cigarettes/j, • un dosage élevé de cholestérol, il y a quelques années mais, « n’aimant pas les médicaments », le patient n’a pas adhéré à la prescription pharmacologique qui lui avait été proposée. L’évolution étant simple, le patient vivant dans de bonnes conditions et bien entouré familialement, un retour direct à son domicile a été décidé au 5e jour ; l’échographie cardiaque réalisée juste avant sa sortie n’a retrouvé qu’une très discrète zone d’hypocinésie dans le territoire inféro-basal.   Ordonnance de sortie Prescription médicamenteuse • Aspirine 160 mg, 1 sachet/jour. • Clopidogrel 75 mg, 1cp/jour. • Métoprolol 100 mg, 1cp/jour. • Atorvastatine 80 mg, 1 cp/jour. • Trinitrine simple, 1 dragée à croquer et à laisser fondre sous la langue en cas de douleur thoracique. Prescription non médicamenteuse  • Poursuite du sevrage tabagique total tel qu’il a effectivement été réalisé pendant les 5 jours d’hospitalisation. • Pas de prescription diététique pour l’instant ; cette démarche sera rediscutée après le résultat du bilan métabolique sous traitement et une fois passée la période « difficile » du sevrage tabagique. • Explication de la conduite à tenir en cas de récidive symptomatique ; mise à disposition du malade d’un numéro téléphonique du service de cardiologie lui permettant d’obtenir, si besoin, un contact cardiologique 24/24 h. • Rendez-vous de consultation de cardiologie (selon les circonstances auprès d’un cardiologue libéral ou à la consultation du service) dans 2 à 3 semaines. • Rendez-vous à une consultation anti-tabac dans les 15 jours.   Commentaires   Association aspirine + clopidogrel La coprescription est indispensable pendant au moins un mois au décours de l’implantation d’un stent nu. Actuellement, à la phase aiguë de l’infarctus, l’utilisation systématique des stents actifs n’est pas encore validée ; cette attitude est susceptible d’être révisée en fonction des résultats prochainement attendus de plusieurs larges essais multicentriques. Si les stents actifs sont « validés » à la phase aiguë de l’infarctus, la coprescription aspirine + clopidogrel devra s’étendre à 6 mois.   Traitement bêtabloquant Celui-ci reste central et incontournable dès la phase aiguë de l’infarctus et pendant les premières années du postinfarctus, sauf contre-indication absolue ou intolérance réellement documentée.   Statines La prescription est systématique quels que soient les résultats du bilan lipidique initial (à interpréter au demeurant avec précaution dans le contexte de la phase aiguë de l’infarctus). L’objectif cible est de ramener le taux de LDL-cholestérol < 1 g/l. Un bilan biologique et un contrôle des enzymes musculaires et hépatiques seront proposés au bout d’environ 2 mois de traitement. Ce traitement par statines sera débuté dès la phase aiguë hospitalière, ne serait-ce que pour « sacraliser » cette prescription et contre-balancer ainsi l’image médiatique « troublée » de cette classe pharmacologique. L’utilisation, en première intention d’une forte posologie d’atorvastatine découle des résultats de plusieurs essais comparatifs récents ayant montré une réduction significative et précocement obtenue de morbi-mortalité par rapport à une prescription de statine moins « incisive ». La prescription d’une posologie plus modérée d’une statine plus anciennement connue, telle la pravastine, reste cependant tout à fait légitime.   Trinitrine sublinguale Le bon usage de la trinitrine sublinguale devrait être expliqué au patient. La préférence est donnée dans mon équipe aux dragées à croquer exposant moins que les sprays au risque de surdosage par pression intempestive sur le flacon dans la panique d’une récidive douloureuse… De surcroît, ce mode d’administration est plus propice à une utilisation discrète, intérêt non négligeable pour les patients encore en activité professionnelle. - C’est volontairement que la prescription médicamenteuse ne comporte pas chez ce patient d’inhibiteur de l’enzyme de conversion. Il n’est, en effet, ni diabétique ni hypertendu ; il n’a pas présenté de signe clinique d’insuffisance cardiaque gauche, même transitoire, à la phase aiguë de son infarctus ; enfin, la fonction ventriculaire gauche n’a été que très modérément altérée, restant largement > 40 %. La prescription systématique des inhibiteurs de l’enzyme de conversion à tous les coronariens est préconisée par certains et fait même partie des « recommandations » édictées par certaines sociétés savantes sur la base d’essais thérapeutiques (notamment EUROPA et HOPE). L’interprétation des résultats de ces essais reste cependant, tout du moins à mon humble avis, sujette à discussion. S’agit-il d’une réduction significative de morbi-mortalité chez tous les coronariens, même à bas risque ? S’agit-il au contraire de la dilution sur l’ensemble de la population de l’étude de l’indiscutable bénéfice obtenu chez les patients à haut risque ? Les résultats d’études plus récentes, négatifs chez les patients à bas risque, militeraient plutôt dans le sens de la « dilution ». De ce fait, chez ce patient ayant par le passé manifesté quelques réticences vis-à-vis des « médicaments », je préfère jouer la carte d’une ordonnance la plus sobre possible, exposant à un moindre risque d’effet indésirable.   Les prescriptions non médicamenteuses Celles-ci sont probablement tout aussi importantes que la démarche pharmacologique. Le sevrage tabagique est prioritaire chez ce patient, il sera possiblement difficile, compte-tenu de l’ancienneté de l’intoxication. Les raffinements diététiques, indiscutablement utiles en plus des statines, auront, dans la plupart des cas, intérêt à être repoussés de quelques mois, une fois le sevrage tabagique acquis. L’éducation du patient sur la conduite à tenir en cas de récidive symptomatique est fondamentale. Le circuit à « baliser » dépend, bien entendu, de l’organisation du système de soins cardiologiques à un endroit donné. Les circonstances dans lesquelles le patient doit faire appel directement au 15 doivent être définies ainsi que, pour les situations moins immédiatement dramatiques, la possibilité de disposer d’un conseil cardiologique à H24. Dans notre pratique, cette possibilité est loyalement utilisée par les patients, qui ne réservent leurs appels à ce numéro privilégié que pour des problèmes réellement médicaux et utilisent les numéros classiques du secrétariat et de la consultation pour les autres appels. Ce patient n’a pas besoin de « réadaptation » puisqu’il n’a pas été « désadapté » ni par sa maladie coronaire (grâce à la limitation des dégâts ventriculaires) ni par l’hospitalisation, qui a été brève et assortie d’une mise au fauteuil dès le 2e jour. En revanche, il peut bénéficier, en ambulatoire, de séances d’entraînement physique sous contrôle cardiologique. L’indication de cette thérapeutique additionnelle est à discuter au cas par cas.

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