Rythmologie et rythmo interventionnelle
Publié le 03 oct 2006Lecture 4 min
La télécardiologie au secours d’un orage rythmique
Ph. COUDERC et A. CHAPELET, clinique cardiologique d’Aressy
Nous rapportons le cas d’un patient âgé de 69 ans porteur d’un défibrillateur automatique multisite recevant des chocs électriques à répétition et pour qui la télécardiologie a permis le déclenchement des moyens d’urgence.
Observation
M. P., âgé de 69 ans est porteur d’une cardiopathie ischémique sévère ancienne non revascularisable. Dans ses antécédents, nous relevons une leucémie myéloïde chronique bien stabilisée par le traitement médical.
Il fut hospitalisé au cours de l’été 2005 pour une première poussée de décompensation cardiaque globale. Les recommandations de l’époque ne nous avaient pas conduits à lui proposer un appareillage. Depuis lors, M. P. est resté très symptomatique avec de multiples épisodes œdémateux bien contrôlés par les diurétiques. Sur plan échographique, la fraction d’éjection est évaluée à 25 % et il est noté un asynchronisme intraventriculaire gauche net. Nous n’avions noté aucune arythmie ventriculaire soutenue mais il existait au holter une extrasystolie ventriculaire marquée.
M. P. bénéficie le 26 avril 2006 de l’implantation d’un défibrillateur automatique multisite de marque Biotronik, Kronos LV-T (ci-dessous) avec système de télécardiologie.
Figure 1. EGM transmis en temps réel confirmant le diagnostic de TV.
Figure 2. Compteur des chocs électriques témoin de cet orage rythmique.
Le 3 mai, alors que le patient a regagné depuis quelques jours son domicile, nous recevons un appel de notre délégué technico-commercial Biotronik : le centre de télésurveillance à Paris signale que le défibrillateur de M. P. vient de délivrer un choc électrique.
Nous nous connectons immédiatement à Internet et constatons que l’appareil s’est déclenché à plusieurs reprises quelques minutes auparavant. L’analyse des électrogrammes (EGM) transmis, permet de confirmer qu’il s’agit bien de tachycardies ventriculaires (TV) à 180 bpm traitées par des salves de stimulation (ATP) mais aussi par choc électrique.
Alors que nous sommes toujours connectés, de nouveaux épisodes de tachycardie ventriculaire sont transmis avec un total délivrance d’une vingtaine de chocs électriques.
Nous essayons de joindre M. P. qui habite à 30 min environ de Pau mais son téléphone est en permanence occupé. Nous appelons nous-mêmes le SAMU. Le médecin régulateur, après quelques explications sur le système de télécardiologie, accepte de faire partir une équipe au domicile de M. P. Quand l’équipe médicale arrive sur site, elle est témoin d’un nouvel épisode de TV choqué par le défibrillateur. Nous conseillons, au vu des données transmises, l’injection d’amiodarone. Cet orage rythmique se termine rapidement.
1 télétransmission par jour
Le patient est admis en USIC à la clinique. Il n’y aura pas de récidive rythmique sous amiodarone. En revanche, 48 heures plus tard sont apparus un rein et un foie de choc, liés au bas débit de l’orage rythmique, dont l’évolution sera favorable.
La télécardiologie
La télécardiologie est un système de transmission automatique de données d’un pacemaker ou défibrillateur vers le cardiologue.
Un cardiomessenger est confié au patient qui le place sur sa table de nuit. Cet appareil GSM reçoit quotidiennement et automatiquement des données de la prothèse et les retransmet via Internet vers un centre de surveillance centralisé et vers le cardiologue. En cas d’alerte grave, comme c’était le cas ici, le cardiologue est joint immédiatement par téléphone. Il est prévu normalement une télétransmission par jour mais la survenue d’un épisode rythmique ou d’une défaillance de système entraîne une émission immédiate.
Points forts
La télécardiologie permet de suivre nos patients à distance sans aucune intervention de leur part.
Les renseignements fournis permettent d’optimiser le traitement médicamenteux, les réglages de la prothèse mais parfois aussi de répondre à des urgences vitales.
Commentaires
Le fait que le système de télécardiologie ait déclenché le départ du SAMU donne son originalité à cette observation.
Il faut rendre hommage à la réactivité des médecins du SAMU 64 qui ont accepté de mobiliser une équipe médicalisée alors que le patient lui-même n’avait ni appelé ni pu être contacté. En effet, la survenue de TV à répétition et les chocs multiples ne permettaient pas à ce patient vivant seul d’atteindre son téléphone.
C’est la qualité des informations transmises qui nous a permis de prendre les bonnes décisions. Comme le cardiomessenger émettait, nous étions sûrs que le patient était à son domicile car nous lui avions demandé de ne pas le sortir de la chambre. Par ailleurs, les EGM transmis en temps réels nous ont permis de valider le diagnostic de tachycardie ventriculaire Le SAMU, nous en étions sûrs, ne se déplaçait pas de façon injustifiée et nous avons pu le conseiller pour le traitement antiarythmique. Sans la télécardiologie, nous sommes en droit de penser que ce patient en bas débit circulatoire n’aurait pas été capable d’appeler les secours.
L’ensemble des constructeurs travaillent actuellement sur ces systèmes de télésurveillance des stimulateurs cardiaques et défibrillateurs. Cette situation sera donc de plus en plus fréquente. Il y a un réel bénéfice pour les patients mais il faut que les cardiologues soient prêts à répondre à toute heure à ces urgences.
Conclusion
Les systèmes de télétransmission de données vont se développer et se généraliser et nous allons devoir nous adapter à ce nouveau mode de fonctionnement.
La télécardiologie, qui est habituellement présentée comme un système de surveillance, peut être un outil très performant dans le cadre de l’urgence rythmique. Cela impose une collaboration étroite entre urgentistes et cardiologues.
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