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Explorations-Imagerie

Publié le 04 déc 2007Lecture 7 min

La tomoscintigraphie myocardique dans les cardiomyopathies

P.-Y. MARIE, CHU de Nancy, hôpital de Brabois, Vandœuvre

Chez les patients atteints d’une cardiomyopathie dilatée, la tomoscintigraphie de perfusion myocardique (TSM) permet d’analyser les anomalies de la répartition de la perfusion tissulaire ventriculaire gauche et, lorsque les acquisitions sont synchronisées sur l’ECG, cet examen permet aussi d’analyser la fonction systolique globale et segmentaire du ventricule gauche. Cette étude de la fonction systolique est particulièrement utile puisqu’il s’agit de l’élément pronostique essentiel dans les cardiomyopathies et cela, quelle qu’en soit l’origine (valvulaire, ischémique, idiopathique, ou autre).

    D'autres techniques peuvent aussi donner des informations à la fois sur la perfusion et la fonction ventriculaire gauche et il s’agit essentiellement de l’échocardiographie et de l’IRM. Cependant, la TSM se singularise : - par la précision de l’information donnée sur la répartition de la perfusion tissulaire ; - par sa simplicité de réalisation (7 à 15 min d’acquisition) et d’analyse (logiciels automatisés) ; - par la facilité avec laquelle il est possible de combiner les analyses de la perfusion et de la contraction à l’échelle segmentaire, puisque les images de perfusion et de fonction sont issues de la même acquisition ; - par la possibilité d’analyser la perfusion d’effort en routine et donc, dans des conditions de stress qui sont physiologiques et extrapolables aux stress de la vie courante. Chez les patients atteints d’une cardiomyopathie, la TSM est le plus souvent réalisée dans deux situations : - pour identifier l’origine ischémique des cardiomyopathies ; - et surtout dans les cardiopathies ischémiques avérées, pour évaluer la sévérité de l’ischémie de stress, ainsi que la viabilité myocardique et le potentiel de récupération fonctionnelle.   L’identification de l’origine ischémique des cardiomyopathies Dans cette indication, on ne peut uniquement utiliser le critère de la normalité ou de l’anormalité des TSM pour identifier les patients coronariens. Les cardiomyopathies dilatées, dont l’origine n’est pas ischémique, présentent généralement des anomalies sur les TSM effectuées au repos, à l’effort ou lors d’un stress pharmacologique. Ces anomalies sont d’autant plus sévères que la fonction ventriculaire gauche est altérée et elles ont la particularité de prédominer sur les segments analysés dans le grand axe vertical du ventricule gauche : parois antérieure, apicale et inférieure(1-5). Les segments hypofixants ont la particularité d’être anormalement fins et de présenter des anomalies particulièrement sévères de la contractilité (akinésie ou hypokinésie sévères)(5). En outre, ces segments semblent correspondre à des territoires où la fibrose collagène est très développée(6, 7). Ainsi, chez les patients atteints d’une cardiomyopathie, le simple critère de la présence d’anomalies en TSM s’avère insuffisant pour rechercher une origine ischémique. Cependant, ces anomalies de la perfusion présentent des particularités qui peuvent orienter vers une origine non ischémique : - elles s’avèrent beaucoup moins étendues que celles observées dans les cardiomyopathies ischémiques(8), - elles ne sont que peu ou pas réversibles(1-5, 8), - et elles prédominent dans le grand axe vertical du ventricule gauche(2-5). Dans cette indication, le Gated-SPECT peut aussi apporter des informations diagnostiques très utiles. Il s’agit alors de l’analyse de la contractilité segmentaire et, plus particulièrement, de la diffusion des anomalies de la contraction sur l’ensemble du ventricule gauche. En effet, les variations segmentaires des anomalies de la contraction s’avèrent beaucoup plus réduites lorsque l’atteinte n’est pas d’origine ischémique(8) (figure 1). Figure 1. Principe des acquisitions synchronisées sur l’ECG (Gated-SPECT). Seize tomoscintigraphies sont ici enregistrées sur des intervalles consécutifs du cycle cardiaque. L’analyse de ces 16 images en mode cinéma permet d’étudier la fonction ventriculaire gauche et de calculer le volume et la fraction d’éjection du ventricule gauche. La fusion de ces 16 images permet d’obtenir une seule tomoscintigraphie (SPECT), qui est identique à celle qu’on aurait obtenue si les acquisitions n’avaient pas été synchronisées sur l’ECG et qui permet d’analyser la répartition de la perfusion dans les parois du ventricule gauche. L’évaluation de la viabilité myocardique Lorsqu’une cardiopathie ischémique s’accompagne d’une dysfonction ventriculaire gauche sévère, la recherche d’une viabilité myocardique revêt une importance capitale. Les examens de médecine nucléaire, qui sont réalisés dans cette indication sont : - la tomographie par émission de positons (TEP) avec le 18F-fluorodésoxyglucose (FDG), - la TSM, qui peut être réalisée avec le thallium-201 ou bien avec le Sestamibi et le Myoview lorsque ces deux traceurs technétiés sont injectés après administration de dérivés nitrés(9, 10) (figure 2). Figure 2. Évaluation de la viabilité myocardique par tomoscintigraphie au Sestamibi sous dérivés nitrés. Quelques jours après un infarctus, des tomoscintigraphies ont été réalisées après injection de Sestamibi au repos puis, quelques heures plus tard, après administration de Natispray® suivi d’une réinjection de Sestamibi (nitrés). L’administration du Natispray® permet d’accroître considérablement la captation du traceur par les parois antérieure et septale (flèches blanches) et de démasquer ainsi une viabilité résiduelle dans des territoires qui étaient très probablement ischémiés au repos(9). La TSM et le PET-FDG présentent des propriétés diagnostiques assez voisines : leurs sensibilités sont élevées (80-90 % pour la TSM et 85-95 % pour le PET), mais leurs spécificités s’avèrent plus décevantes (de l’ordre de 50 à 60 %)(11-14). En raison de cette assez faible spécificité, seulement deux tiers des segments, qui présentent une viabilité en TSM ou en PET-FDG, améliorent effectivement leur contractilité après revascularisation. Les examens d’échographie ou d’IRM qui sont réalisés à la recherche d’une réserve inotrope ont l’inconvénient d’avoir une sensibilité plus faible, mais leur spécificité est supérieure, de l’ordre de 85 %(11-13, 15). Des études ont montré que cette forte spécificité, obtenue par l’analyse de la réserve inotrope, est liée à la mise en évidence d’un niveau plus élevé de viabilité qu’en TSM(16, 17). Lorsqu’une viabilité myocardique est observée en TSM, la fibrose interstitielle peut représenter jusqu’à 30 à 40 % du volume tissulaire, ce qui correspond à des pertes cellulaires pouvant aller jusqu’à 50 %. En revanche, lorsqu’il existe une réserve inotrope, la proportion de fibrose à l’intérieur du tissu myocardique est plus limitée (20 à 30 % au maximum), de même que les pertes cellulaires (30 à 40 % au maximum). Il a été proposé de combiner les informations obtenues par ces deux examens en réalisant des TSM synchronisées sur l’ECG (G. SPECT) à l’état basal puis sous perfusion de dobutamine(18). Ce dobutamine-Gated SPECT permet, en effet, de recueillir des informations très sensibles sur la viabilité myocardique résiduelle, en fonction du niveau de fixation du traceur sur les TSM, et d’autres beaucoup plus spécifiques, en fonction de la présence ou de l’absence d’une réserve inotrope(19-21). Cette nouvelle technique permet aussi de détecter des augmentations de la fraction d’éjection sous dobutamine ; ce paramètre pourrait être très efficace pour prédire les améliorations de la fonction globale du ventricule gauche(22).   L’évaluation de l’ischémie myocardique de stress Il est possible d’analyser la perfusion tissulaire myocardique avec les agents de contraste intravasculaires en échographie, angioscanner ou en IRM. Il est aussi possible d’évaluer les ischémies déclenchées par une perfusion de dobutamine, aussi bien en échographie qu’en IRM. Seule la tomoscintigraphie de stress permet en routine une exploration de la perfusion d’effort et donc, dans des conditions de stress physiologiques et extrapolables au stress de la vie quotidienne. L’utilisation d’une technique de stress pharmacologique (dipyridamole, adénosine, dobutamine) permet, certes, d’obtenir des résultats identiques à l’effort en termes de sensibilité et de spécificité de la détection des sténoses significatives, mais la sévérité des ischémies induites et l’information pronostique s’avèrent différentes de ce qui est observé à l’effort(23). L’exercice physique présente un autre avantage qui est celui de pouvoir intégrer l’action anti-ischémique des médications prescrites. De nombreuses études ont montré que les tomoscintigraphies d’effort, réalisées sans arrêter le traitement antiangineux quotidien sont moins sensibles pour détecter les sténoses coronaires et qu’elles ont aussi une excellente valeur pronostique. Ainsi, chez les patients traités par bêtabloquants et qui présentent des sténoses coronaires tout à fait significatives, la présence d’une tomoscintigraphie d’effort normale ou subnormale est prédictive d’un excellent pronostic à long terme(24). Obtenir ce type d’informations suppose de pouvoir analyser la perfusion myocardique d’effort, ce qui n’est possible en routine qu’avec la tomoscintigraphie d’effort.   Les développements à venir Actuellement, les techniques de médecine nucléaire s’orientent plutôt vers les tomographies par émission de positons (TEP) au dépens de la classique tomoscintigraphie, en raison d’un certain nombre d’avantages tels que : - la meilleure qualité intrinsèque des images avec, en particulier, une meilleure résolution spatiale ; - la possibilité de mesurer la perfusion en valeur absolue (en ml/min/g de tissu myocardique), alors que la tomoscintigraphie ne permet actuellement qu’une analyse relative, par rapport à une zone de référence considérée comme normale ; - une diminution de l’irradiation corporelle, puisque les radio-isotopes utilisés ont alors une demi-vie beaucoup plus courte ; - des possibilités de radiomarquage d’une variété beaucoup plus importante de molécules. À la différence du thallium 201 ou du technétium 99m, qui sont utilisés pour les tomoscintigraphies, les radio-isotopes émetteurs de positons (fluor 18, oxygène 15, carbone 11, etc.) s’avèrent beaucoup plus faciles à insérer dans une molécule organique quelconque, sans en modifier les propriétés physiologiques et pharmacocinétiques. En outre, les caméras de médecine nucléaire et, en particulier les caméras TEP, sont de plus en plus souvent couplées à un scanner X multidétecteurs dans des appareils hybrides. En cardiologie, ces appareils permettent des études couplées de l’anatomie coronaire (angioscanner) et de la perfusion myocardique de stress, avec des traceurs spécifiques utilisés en TEP.   En pratique Dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, comme d’ailleurs dans beaucoup d’autres domaines, les techniques d’investigation optimales seront probablement celles qui pourront associer une information anatomique précise, telle que la localisation et la sévérité des lésions artérielles coronaires, à une information fonctionnelle qui soit réellement physiologique et qui permette d’obtenir des informations pronostiques utiles.

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