Insuffisance cardiaque
Publié le 13 juin 2006Lecture 9 min
Le nébivolol (Temerit®) désormais indiqué dans l'insuffisance cardiaque
Le nébivolol (Temerit®), bêtabloquant cardiosélectif (bêta 1 bloquant) possédant des propriétés vasodilatatrices modérées et commercialisé dans l’hypertension artérielle essentielle, vient d’obtenir une extension d’AMM dans l’insuffisance cardiaque. Celle-ci est en grande partie due aux résultats de l’étude SENIORS (Study of Effects of Nebivolol Intervention on Outcomes and Rehospitalisation in Seniors with heart failure). Première étude réalisée chez une population d’insuffisants cardiaques, âgés ≥ 70 ans, SENIORS apporte la première réponse pertinente sur l’intérêt du nébivolol pour réduire la morbi-mortalité chez ces patients, et ce, quelle que soit leur fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG).
À la suite de l’étude SENIORS, l’European society of cardiology (ESC) a introduit dans ses recommandations, le nébivolol parmi les bêtabloquants préconisés dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.
Qui sont les insuffisants cardiaques que nous traitons ?
Quelques chiffres
• Quatorze millions d’européens souffrent d’insuffisance cardiaque — première cause de mortalité cardiovasculaire — et ce chiffre devrait doubler dans les 15 prochaines années.
• En 20 ans, les hospitalisations des patients souffrant d’insuffisance cardiaque ont augmenté de 130 % en Europe.
• En France, 500 000 personnes souffrent d’insuffisance cardiaque et 32 000 en meurent chaque année.
L’incidence de l’insuffisance cardiaque augmente avec l’âge et la prise en charge de ces patients âgés est un problème essentiel de santé publique.
Le profil type de l’insuffisant cardiaque
Il a entre 70 et 75 ans
• Dans le registre IMPROVEMENT (IMprovement PROgram in eValuation and managEMENT), qui a inclus plus de 10 000 patients suivis en ville, l’âge moyen des patients était de 70 ± 12 ans et près de la moitié d’entre eux étaient des femmes.
• Dans Euro Heart Failure Survey Programme, qui a inclus 10 701 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque dans 24 pays d’Europe, l’âge moyen était de 71 ans et 47 % des patients étaient de sexe féminin. En France, les patients de l’étude Euro Heart Failure Survey étaient plus âgés, avec une moyenne d’âge de 72 ans.
• Dans l’enquête publiée par le Groupe de travail de la Société française de cardiologie (A. Cohen-Solal et coll.), l’âge moyen des patients hospitalisés en France pour insuffisance cardiaque était de 76 ans.
L’âge élevé des patients est intrinsèquement lié à une multitude de comorbidités qui fragilise le sujet et complique sa prise en charge (insuffisance rénale, maladies respiratoires, troubles neuropsychiatriques, troubles circulatoires périphériques, diabète, fibrillation auriculaire).
La FEVG est souvent conservée
L’étude ESTIC (Estudio Supervivencia en el Tratamiento de la Insufficiencia Cardiaca) montre une relation inverse entre l’âge des patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque et leur FEVG. Dans cette étude, l’âge moyen des patients était de 75 ans, et 60 % d’entre eux avaient plus de 75 ans. Pour 55 % des patients, la FEVG était supérieure à 50 % et 19 % avaient une FEVG entre 40 et 49 %.En revanche, 78 % des patients < 40 ans, hospitalisés pour insuffisance cardiaque, avaient une FEVG < 50 %.
Dans Euro Heart Failure Survey, plus de 50 % des patients avaient une FEVG > 40 %. Dans IMPROVEMENT, seulement 51 % des patients avaient une dysfonction systolique.
Ainsi, les patients, avec une FEVG conservée, représentent une proportion de plus en plus importante d’insuffisants cardiaques.
Une prise en charge insuffisante de l’insuffisance cardiaque du sujet âgé
• Sur l’ensemble de la population de Euro Heart Failure Survey, les diurétiques sont prescrits chez 86,9 % des patients, les IEC chez 61,8 %, loin devant les bêtabloquants (36,9 %). Seuls 17,2 % des sujets reçoivent à la fois un diurétique, un IEC et un bêtabloquant.
• De plus, la dose moyenne journalière d’IEC et de bêtabloquant est bien inférieure aux recommandations internationales.
• Enfin, après 70 ans, les bêtabloquants sont peu prescrits.
• Si l’on s’intéresse aux patients > 80 ans, les IEC sont utilisés chez 50 % d’entre eux (versus 66 % chez les patients plus jeunes), les bêtabloquants chez 24 % (contre 42 %), la spironolactone dans 15 % des cas (contre 23 %).
Pourquoi une prise en charge insuffisante ?
La sous-utilisation des traitements recommandés par l’ensemble des Sociétés savantes peut s’expliquer par les dissemblances existant entre la population incluse dans les essais cliniques (patients jeunes avec une FEVG réduite) et les patients suivis en pratique. Faute d’études spécifiquement consacrées au sujet âgé ou très âgé, la majorité des recommandations est extrapolée de données fondées sur les preuves obtenues dans des populations plus jeunes. De même, les patients insuffisants cardiaques chroniques avec FEVG normale étant exclus des grands essais cliniques, le traitement de cette forme d’insuffisance cardiaque chronique, particulièrement fréquente chez les sujets âgés, demeure empirique.
La place des bêtabloquants dans le traitement de l’insuffisance cardiaque
De la contre-indication à l’indication
L’histoire des bêtabloquants est caractéristique d’une véritable révolution culturelle en médecine. Classiquement formellement contre-indiqués dans l’insuffisance cardiaque, notamment en raison de leur effet inotrope négatif, c’est dans la seconde partie des années 90 que les bêtabloquants sont devenus l’un des traitements essentiels de l’insuffisance cardiaque.
Différents mécanismes expliquent les effets remarquables des bêtabloquants dans l’insuffisance cardiaque :
• les effets hémodynamiques,
• les effets sur le remodelage ventriculaire,
• les effets sur la stimulation neurohormonale,
• les effets sur l’adaptation à l’effort.
Les recommandations
Les dernières recommandations de la Société européenne de cardiologie ont reconfirmé la place de choix qu’occupent les bêtabloquants dans la prise en charge de cette pathologie grave. Elles ont recommandé le nébivolol avant même son obtention d’AMM européenne.
Les bêtabloquants sont recommandés pour le traitement de tous les patients (classes NYHA II-IV) en insuffisance cardiaque stable légère, modérée ou sévère, causée par des cardiomyopathies ischémiques ou non, avec réduction de la FEVG et recevant un traitement standard, comprenant des diurétiques et des IEC, en l’absence de contre-indication. Ils permettent :
• de réduire la mortalité et le nombre d’hospitalisations,
• d’améliorer la classe fonctionnelle,
• et de ralentir la progression de l’insuffisance cardiaque.
Parmi les bêtabloquants, seuls le carvédilol, le bisoprolol, le succinate de métoprolol et, depuis peu, le nébivolol, ont fait la preuve, au cours de grands essais cliniques versus placebo, de leur efficacité en termes de réduction significative de la morbi-mortalité, et ont obtenu une indication chez des patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique.
La Société française de cardiologie, en collaboration avec la Société française de gériatrie et de gérontologie, a également souligné dans ses recommandations que l’utilisation des bêtabloquants, dans l’insuffisance cardiaque chronique du sujet âgé avec FEVG préservée, permettait d’augmenter la durée du remplissage ventriculaire gauche, mais qu’aucune étude de morbi-mortalité n’avait confirmé leur intérêt clinique dans ce contexte.
Une seule règle : la prudence
Le traitement conventionnel de l’insuffisance cardiaque chronique symptomatique à posologie optimale (IEC, diurétique et, le plus souvent, digitalique) est indispensable avant d’initier le traitement par bêtabloquant. Celui-ci ne devra pas être significativement modifié au cours des 2 dernières semaines.
Le traitement par bêtabloquant doit être débuté à distance d’une poussée aiguë. Néanmoins, en raison des effets favorables rapides, en particulier sur la mort subite, il semble important de débuter cette classe thérapeutique dès l’obtention d’une stabilisation hémodynamique après une décompensation.
La posologie doit être adaptée à chaque patient. Le traitement doit être débuté à la posologie la plus faible et augmenté de façon progressive.
Pendant la phase de titration, il est nécessaire de rechercher les signes de mauvaise tolérance hémodynamique, ainsi que l’existence d’un bronchospasme (qui peut survenir dès la première dose). On recherchera : une dyspnée, une orthopnée, des vertiges, des lipothymies, une asthénie, une bradycardie symptomatique.
Dans certains cas, une adaptation posologique pourra suffire à corriger l’effet indésirable mais parfois l’arrêt du traitement bêtabloquant sera nécessaire, dans le cadre d’une analyse pertinente du rapport bénéfice/risque au cas par cas.
Les enseignements de SENIORS : le nébivolol, bêtabloquant de l’insuffisant cardiaque âgé
Les résultats de l’étude SENIORS (Study of the Effects of Nebivolol Intervention on Outcomes and Rehospitalisation in Seniors with heart Failure), présentés lors du dernier Congrès de l’ESC, évaluant les effets de Temerit® chez une population d’insuffisants cardiaques âgés > 70 ans, apparaissent particulièrement riches d’enseignements pratiques.
L’étude SENIORS
Les patients inclus dans cette étude étaient âgés au minimum de 70 ans et avaient une insuffisance cardiaque chronique, diagnostiquée cliniquement, avec une FEVG ≤ 35 % (déterminée dans les 6 mois précédents) et/ou une hospitalisation, avec un diagnostic d’insuffisance cardiaque congestive au cours des 12 mois précédents.
Au total, 2 135 patients, venant de 11 pays européens, ont été inclus dans l’étude, l’âge moyen était de 76,1 ans (50 % étaient âgés > 75 ans) et 63 % étaient des hommes, 56 % des sujets étaient en classe II NYHA et 38 % en classe III, enfin, 35 % de la cohorte avaient une FEVG > 35 %. Les patients randomisés en deux bras (nébivolol 1,25 mg/j, augmenté à 2,5 puis 5 et 10 mg toutes les 2 semaines sur une période maximale de 16 semaines) versus placebo, ont été suivis pendant 21 mois.
L’analyse des résultats, qui ont porté sur 2 128 patients analysables (1 067 recevant le nébivolol et 1 061 le placebo), a montré une réduction significative (p = 0,039) de 14 % en faveur du groupe de patients traités par nébivolol, sur le critère principal « mortalité de toutes causes ou hospitalisation pour une cause cardiovasculaire ». Le nébivolol réduit la mort subite de plus de 35 %.
Ce bénéfice est identique, quels que soient la fraction d’éjection, le sexe et l’âge des patients ; il devient significatif après 6 mois de traitement.
La posologie moyenne administrée dans le bras Temerit® a été de 7,7 mg/j ; 80,4 % des patients ont reçu une dose ≥ 5 mg, et 67,9 % ont atteint la dose maximale cible de 10 mg. Temerit® a été bien toléré, la bradycardie n’a nécessité l’arrêt du traitement que dans 1,2 % des cas.
L’étude SENIORS apporte la première réponse pertinente sur l’intérêt d’un bêtabloquant, le nébivolol (Temerit®), pour réduire la morbi-mortalité dans l’insuffisance cardiaque du patient âgé et ce, quelle que soit sa FEVG.
Dès la connaissance de ces résultats, l’ESC a introduit, dans ses recommandations, le nébivolol parmi les bêtabloquants préconisés dans le traitement de l’insuffisance cardiaque.
Le nébivolol, en bref…
Le nébivolol a prouvé que son efficacité sur les chiffres tensionnels était comparable à celle des principaux antihypertenseurs de référence, efficacité aujourd’hui confirmée dans l’insuffisance cardiaque chronique. Le nébivolol présente un bon profil de tolérance dans ces deux pathologies.
• Le nébivolol est aujourd’hui le bêtabloquant le plus cardiosélectif. Cette forte cardiosélectivité est à l’origine de son efficacité antihypertensive au long cours et s’oppose aux effets délétères de l’hyperstimulation sympathique, impliquée dans l’insuffisance cardiaque chronique. Elle se traduit par sa capacité à diminuer la fréquence cardiaque, permettant une diminution du travail cardiaque.
• Le blocage sélectif qu’exerce le nébivolol sur les récepteurs bêta1, au niveau des glomérules rénaux, permet une inhibition puissante et prolongée de la sécrétion de rénine, et indirectement de celle de l’aldostérone.
• Des études récentes ont montré que le nébivolol possède une action stimulante sur les récepteurs bêta3 adrénergiques, récemment identifiés et localisés, notamment au niveau de l’endothélium. Cette propriété bêta3 stimulante expliquerait la stimulation de la production de monoxyde d’azote (NO) par l’endothélium induite par le nébivolol. Le NO endothélial est essentiellement impliqué dans la vasodilatation, c’est le mécanisme majeur d’adaptation du système vasculaire de conductance aux besoins énergétiques périphériques.
Dans l’insuffisance cardiaque, il existe une augmentation des résistances périphériques, en partie explicable par l’activation de système catécholaminergique et rénine-angiotensine, mais aussi par une désadaptation de la réponse vasculaire à l’augmentation des besoins. Cette désadaptation à l’effort est en rapport avec des phénomènes physiopathologiques parmi lesquels le NO joue un rôle déterminant.
Nébivolol en pratique
• Une efficacité antihypertensive au moins comparable aux molécules de référence des différentes classes d’antihypertenseurs.
• Un bon profil de tolérance pour un bêtabloquant :
- moins de 1 % des patients présentent les effets secondaires classiques de la classe : impuissance, bradycardie, bronchospasme, hypotension, claudication intermittente, dépression,
- maintien de la capacité à l’effort maximal et sous-maximal,
- préservation d’une qualité de vie pour le patient, comparable à celle observée sous losartan, médicament faisant partie de la classe considérée comme étant la mieux tolérée.
• Des bénéfices dans l’insuffisance cardiaque.
D’après une conférence organisée par Menarini avec la collaboration de A. Cohen-Solal, F. Diévart et J.-B. Michel
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