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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 07 juin 2005Lecture 6 min

Les effets délétères de la stimulation ventriculaire droite

J. CLEMENTY, S. REUTER et J. LABORDERIE, hôpital cardiologique du Haut-Lévêque, Bordeaux

La stimulation ventriculaire droite définitive a vu le jour avec l’avènement de la stimulation cardiaque endocavitaire pour des raisons évidentes : simplicité, facilité d’accès, stabilité des sondes en position apicale droite, absence de risque thromboembolique. Il s’est avéré à la longue que ce mode de stimulation pouvait avoir des effets néfastes pour certaines catégories de patients, soit stimulés pendant de très longues périodes, soit stimulés sur des cœurs pathologiques : la question est donc de savoir si ce site doit être abandonné et chez quels patients.

Des effets délétères anciennement connus mais plus récemment établis - Dès les années 1970, des études de Damato et de Daggett ont souligné les conséquences hémodynamiques de la stimulation ventriculaire droite. Par la suite, de nombreux travaux ont décrit une réduction du débit cardiaque, des troubles de l’inotropisme et de la contractilile, des anomalies de la cinétique segmentaire du ventricule gauche, des altérations de la fonction diastolique (remplissage et relaxation) des défauts dans la perfusion myocardique, une hétérogénéité d’épaisseur des parois ventriculaires associée à la désorganisation des myofibrilles et, enfin des troubles de l’innervation myocardique. - Ces effets délétères sont aujourd’hui parfaitement établis par les travaux sur la stimulation dans le bloc congénital et les études DAVID et MOST. Les études sur les BAV du sujet jeune qui permettent d’avoir des reculs de stimulation de plus de 10 ans (ce qui n’est pas toujours possible chez les sujets âgés) démontrent une altération progressive des fonctions systolique et diastolique avec la stimulation ventriculaire droite. - L’étude DAVID, qui compare le devenir des patients porteurs d’un défibrillateur monochambre VVI (réglage à une fréquence d’intervention de 40 batts/min) et d’un défibrillateur double chambre (qui stimule en permanence le VD), montre une mortalité, et des taux d’hospitalisation et de défaillance cardiaque supérieurs avec le défibrillateur DDD. - L’étude MOST, qui concerne la stimulation dans la dysfonction sinusale montre qu’à chaque augmentation de 10 % des battements ventriculaires stimulés, l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque augmente de 20 %.   Ces effets délétères ne concernent pas tous les sites de stimulation ventriculaire droite Il est bien évident que la stimulation du ventricule droit est associée à des modifications électromécaniques (figure 1). À droite, un retard d’activation au niveau du Purkinje précède la période prééjectionnelle du VD qui est peu modifiée mais à laquelle il convient d’ajouter un retard d’éjection lié à des modifications de l’activation spatiale du VD. Figure 1. Corrélation entre l’électrocardiogramme et le mécanogramme dans la stimulation ventriculaire droite. On peut remarquer le retard au niveau du Purkinje (RP) auquel s’ajoutent le retard spatial (RS) et le retard interventriculaire (RTS). L’allongement de la systole ventriculaire gauche se fait au détriment du temps de remplissage. (d’après GINESTES). À gauche, l’éjection ventriculaire est retardée par un premier délai transseptal (VD-VG), puis on retrouve le retard, au niveau du Purkinje, la période prééjectionnelle gauche spatiale d’activation. Ce retard de la systole gauche diminue le temps de remplissage et la relaxation du ventricule gauche. La chronicité de ces anomalies explique les perturbations de contractilité, du remplissage, de la perfusion coronaire et de l’anatomie myocardique décrites précédemment.   Stimulation ventriculaire droite apicale - Ces altérations prédominent dans la stimulation ventriculaire droite apicale. Les données sur les effets délétères potentiels observés dans les sites droits alternatifs sont contradictoires : - en mode VVI, certaines études montrent une amélioration du débit cardiaque en stimulation infundibulaire droite; d’autres études ne trouvent aucune différence. - en mode DDD, on retrouve les mêmes discordances : amélioration dans certaines études, pas de différences dans d’autres et mesure de supériorité de l’apex par rapport à l’infunibulum. Il semble probable que le positionnement de la sonde dans le ventricule droit soit d’autant moins délétère que la durée de QRS est moins modifiée. Cela oblige à positionner les sondes sur le septum interventriculaire, voire sur le faisceau de His avec des risques de déplacement plus importants. Outre l’affinement significatif de QRS, l’optimisation du délai AV est indispensable et cette optimisation doit être individualisée. L’affinement du QRS est associé à une meilleure homogénéité de la contraction cardiaque. Il est probable que ce manque d’optimisation du délai AV explique les échecs de certaines études sur les sites droits alternatifs de stimulation cardiaque.   Stimulation biventriculaire droite - Une autre approche réside dans la stimulation biventriculaire droite (figure 2). Pachon a proposé d’implanter une sonde dans la pointe du VD et une sonde septale. Les résultats se sont révélés favorables au plan hémodynamique, au repos et à l’effort avec réduction de l’insuffisance mitrale lorsqu’elle existe. Figure 2. La stimulation multisite ventriculaire droite proposée par PACHON. La stimulation synchrone de la chambre de chasse et l’apex du ventricule droit entraîne une activation plus homogène du ventricule gauche donc diminue la durée de QRS. Il semble que cet effet soit dû à la stimulation quasi-synchrone du pilier droit de la mitrale par l’électrode septale proche de l’hémibranche antérieure gauche et du pilier postérieur très proche de l’électrode apicale droite.   Les effets délétères ne concernent pas tous les malades   Les patients atteints de myocardiopathie obstructive présentent un effet bénéfique de la stimulation apicale droite. La PIC study démontre une réduction du gradient intraventriculaire par l’inversion de la séquence d’activation septale (de bas en haut au lieu de haut en bas). Ici aussi, l’optimisation du délai AV est indispensable pour respecter le remplissage auriculaire actif (PR long nécessaire = bêtabloquant ± anticalciques ± ablation du His) (figure 3). Figure 3. La stimulation apicale ventriculaire droite corrige le gradient de la myocardiopathie obstructive du ventricule gauche. Pour ces patients l’apex ventriculaire droit et donc un bon site de stimulation. Dysfonction VG vs fonction VG normale (figure 4). Il est probable que les effets délétères de la stimulation ventriculaire droite ne sont pas identiques chez les sujets sans cardiopathie et chez ceux atteints d’une cardiopathie structurale. Chez les premiers, la stimulation du VD entraîne uniquement un délai interventriculaire. En cas de cardiopathie, à ce délai interventriculaire s’ajoutent un ou plusieurs délais d’activation intraventriculaire, dont l’effet hémodynamique délétère est prépondérant dans l’aggravation de la fonction cardiaque. L’analyse des patients non répondeurs à la resynchronisation fait apparaître l’importance de la correction des délais intraventriculaires par rapport à celle du délai interventriculaire qui apparaît moins contributive à l’amélioration hémodynamique (figure 5). Figure 4. Dans ce travail rétrospectif de Thackray, on voit que chez les patients porteurs d’un stimulateur cardiaque, l’incidence de l’insuffisance cardiaque augmente significativement après 10 ans d’implantation ce qui laisserait penser que les effets délétères de la stimulation apicale droite dans une population tout venant demande un délai de 10 ans pour devenir préoccupante. Les sites alternatifs de stimulation pourraient ainsi ne pas concerner les sujets très âgés.   Augmentation significative de l’insuffisance cardiaque. Figure 5. Dans cette observation tirée de l’étude CHF SORIN, on voit clairement que le meilleur effet hémodynamique (valeur la plus élevée du PIC) est obtenu non pas par la meilleure correction du délai interventriculaire, mais par la meilleure correction du délai intraventriculaire qui se caractérise par la période prééjectionnelle aortique la plus courte. En pratique   Connus dès l’aube de la stimulation, les effets néfastes de la stimulation ventriculaire droite sont bien établis, surtout la stimulation apicale. Ils sont moins évidents pour la stimulation septale, hissienne ou infundibulaire. Ils peuvent être corrigés par la stimulation biventriculaire droite synchrone. Ces effets peuvent devenir favorables dans les myocardiopathies hypertrophiques obstructives et probablement négligeables chez les sujets âgés, à fonction cardiaque normale.

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