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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 02 juin 2009Lecture 10 min

Les indications de la stimulation

G. DUTHOIT, S. MARRAKCHI, GH Pitié Salpêtrière, Paris

Les études sur lesquelles se basent les recommandations pour la stimulation cardiaque datent pour la plupart d’avant 1985, c’est-à-dire avant l’ère de l’angioplastie et du défibrillateur automatique implantable. Par ailleurs, certaines idées reçues sont erronées ou non prouvées, notamment en ce qui concerne le risque évolutif des blocs fasciculaires. Enfin, il n’existe pas de recommandations spécifiques concernant l’exploration électrophysiologique (EEP) invasive, en dehors des recommandations sur la prise en charge des syncopes1, des troubles du rythme ventriculaires2 et sur les indications de stimulation cardiaque3,4, où l’EEP tient finalement un rôle très limité.

Dysfonction sinusale Il s’agit du motif principal d’implantation de pacemaker (PM), mais elle représente également près de 75 % des non-indications de PM (classe III) en France. Apport de l’EEP L’apport de l’EEP est limité dans l’exploration des dysfonctions sinusales (DS). En effet, ses résultats considérés isolément n’ont que très peu de valeur pour porter l’indication de pose d’un PM. En pratique, un temps de récupération du nœud sinusal corrigé (TRSC) > 525-550 ms caractérise une dysfonction sinusale. Néanmoins, un PM est indiqué en cas de syncope imputable à une DS, spontanée ou reproduite lors de l’EEP (classe I), ou devant une syncope inexpliquée avec un TRSC > 800 ms (classe IIa, Guidelines ESC 2007, tableau 1). Indications cliniques Dans les Guidelines 2007 de l’ESC (tableau 1), la stimulation cardiaque instaurée pour une DS se traduit davantage par une amélioration de la symptomatologie et une diminution des accès de FA que par une véritable amélioration du pronostic vital. Blocs auriculoventriculaires (bav) et fasciculaires Contrairement à de nombreuses croyances, l’anatomie des voies de conduction intracardiaques, et notamment des branches de division du faisceau de His, ne se résume pas toujours à une branche droite et à deux hémibranches gauches, l’une antérieure, plutôt grêle, l’autre postérieure, courte et épaisse, donc solide… Certains auteurs ont décrit dans les années 70 une troisième branche à destinée septale ou moyenne, à l’origine du concept trifasciculaire et même d’authentiques blocs fasciculaires gauches septaux identifiables sur l’ECG (figure 1). Néanmoins le concept bifasciculaire (Rosenbaum) s’est progressivement imposé. Il est vrai que l’hémibranche antérieure est plus vulnérable, surtout du fait d’une vascularisation exclusive par l’artère IVA contrairement à l’hémibranche postérieure qui reçoit du sang de l’IVA et de l’IVP. Figure 1. Anatomie de la branche gauche du faisceau de His. On ne parle de bloc trifasciculaire que lorsqu’il existe un bloc bifasciculaire (BBD + HBAG, BBD + HBPG ou BBG) et un allongement de l’intervalle HV ≥ 70 ms (N < 55 ms, figure 2), témoignant alors d’une maladie diffuse des voies de conduction. Il ne s’agit pas d’un bloc bifasciculaire avec PR long (qui peut être d’origine nodale). Figure 2. Premier enregistrement de potentiel hisien par voie percutanée chez l’homme (Scherlag, Circulation 1969 ; 39 : 13-8). P = A, QRS = V. Figure 3. Hémibloc postérieur gauche isolé (axe + 120°, S1Q3). Risque spontané des BAV Il est reconnu de longue date que les BAV I sont de bon pronostic (McAnulty Circulation 1979). Chez les patients asymptomatiques ayant un BAV II ou de haut grade, le pronostic dépend du siège du bloc : – les blocs nodaux (EEP : potentiel A sans H ni V) sont bénins, sauf en présence d’une cardiopathie sous-jacente, où le pronostic est lié à la cardiopathie (Strasberg, Circulation 1981) ; – un bloc intra-hisien ou tronculaire (potentiel H dédoublé ou prolongé > 30 ms, non suivi de V) est synonyme de PM car il semble associé à une incidence accrue de syncopes et d’insuffisance cardiaque. Il existe très peu de données en présence d’un bloc tronculaire isolé (sans onde P bloquée) ; – les blocs infra-hisiens (A, H, pas de V) sont associés à une incidence élevée de syncopes. Le siège d’un BAV II peut être supposé à la simple lecture de l’ECG (tableau 2). En effet, un BAV II Mobitz 2 est très spécifique d’un bloc intra- ou infra-hisien (Puech 1970, Narula 1975). Pour les BAV III, le siège du bloc est corrélé au risque de syncope, survenant dans 29 % des blocs nodaux, 25 % des blocs intra-hisiens, 71 % des blocs distaux (Rosen, Arch Intern Med 1973), qui représentent la majorité des BAV III (49-72 % des cas). Les BAV III congénitaux sont habituellement nodaux, du fait d’une agénésie complète ou partielle du NAV ; leur pronostic dépend de la cadence de l’échappement jonctionnel (cf. Y. Mouhoub). Risque spontané des blocs de branche et fasciculaires • Blocs de branche Certains blocs de branche sont considérés à haut risque. Il s’agit notamment des blocs alternants (BBD puis BBG ou BBD+HBAG alternant avec HBPG) qui, par définition, témoignent d’une maladie trifasciculaire. Ils évoluent vers l’aggravation et constituent une indication de PM de classe I (C). Concernant les blocs de branche complets, il faut citer deux études anciennes de cohorte dans une population saine. La première concernant le personnel de l’US Airforce (Rotman, Circulation 1975) montrait un risque de progression vers un BAV de haut degré ou complet de 0,25 % en cas de BBD et de 1 % en cas de BBG. La seconde est issue de l’étude de Framingham (Schneider, Ann Intern Med 1980) et concernait 5 209 patients sans cardiopathie et suivis pendant 18 ans. On notait un BBD dans 1,4 % des cas et un BBG dans 1 % des cas, tous deux fréquemment associés à une HTA, l’apparition d’une insuffisance cardiaque ou d’une cardiopathie ischémique. La mortalité totale était de 50 % à 10 ans chez les patients ayant un BBG (RR = 5) ! • Blocs fasciculaires La prévalence des HBAG, définis par un axe du QRS < -45 ° varie de 0,9 à 6,2 % selon les séries. Le pronostic est alors essentiellement lié à une éventuelle cardiopathie sous-jacente (ischémique et HTA). Plus récemment, Biagini (JACC 2005) a montré qu’en cas de suspicion de cardiopathie ischémique, l’HBAG augmente le risque de décès cardiaque à 6 ans (RR = 1,8). Les HBPG, définis par un axe > 100 °, sont rarement isolés et le plus souvent associés à un BBD. Dans le postinfarctus, des études anciennes ont montré une incidence de 80-87 % de mortalité précoce en présence d’un BBD + HBPG. Pour certains auteurs, la présence d’un BBD + HBPG asymptomatique serait de mauvais pronostic alors que, pour d’autres, l’évolution serait moins défavorable (58 % de BAV de haut grade ou de syncope pour Rosenbaum ; 10 % pour Dhingra, Am J Cardiol 1975). En cas de bloc bifasciculaire, le pronostic est également intimement lié à la présence ou l’absence d’une cardiopathie. De nombreuses études de la fin des années 70 – début des années 80 ont confirmé ces données et par ailleurs montré que le risque de mort subite est davantage lié aux troubles du rythme ventriculaire qu’à la progression des troubles conductifs (Dhingra, figure 4). L’incidence non négligeable de mortalité cardiovasculaire chez les patients ayant un trouble conductif isolé pourrait être expliquée par une sous-estimation d’une éventuelle cardiopathie dans ce groupe, établie essentiellement sur des critères cliniques à l’époque. Figure 4. Dhingra, Circulation 1979. Signification des blocs bifasciculaires en présence ou en l’absence d’une cardiopathie organique apparente (OHD). PCD = trouble de conduction primitif. Figure 5. Guidelines ESC 2004 pour la prise en charge des syncopes. Figure 6. Les « valeurs sûres » de l’EEP pour l’exploration des syncopes. Les deux premiers items indiquent la pose d’un PM d’emblée. Trois études prospectives majeures, aux résultats parfois contradictoires, sont à l’origine des recommandations actuelles pour la prise en charge des blocs fasciculaires et des troubles de conduction infra-hisiens en fonction de la durée du HV : • Scheinman (Am J Cardiol 1982) : 401 pts, âge moyen 66 ans, suivi 3 ans : – HV ≥ 70 ms = 12 % de progression vers BAV II ou III à 3 ans contre 3,5 % si HV < 70 ms ; – HV ≥ 100 ms = 25 % de progression, souvent symptomatique ; – BAV lié dans 40 % des cas à un bloc nodal… – l’implantation d’un PM améliore les symptômes mais ne diminue pas l’incidence de la mort subite (16 vs 19 %, NS), en raison de la survenue d’arythmies ventriculaires (88 % de cardiopathies dans cette étude). • Dhingra (Circulation 1981) : 517 pts, âge moyen 62 ans, suivi 3 ans : – 80 % de cardiopathies, antécédents de syncope 15% ; – HV < 55 ms = 3 % de progression des troubles conductifs. Mort subite = 15 % ; – HV ≥ 55 ms= 6,5 % progression (risque cumulatif à 7 ans de 20 % contre 10 %, p < 0,005). Mort subite = 20 %. • McAnulty (NEJM 1982) : 554 pts, suivi 42 mois : – risque faible de BAV et de décès supposé lié à une bradycardie (3,4 % à 42 mois, 6 % à 5 ans), sans différence entre les groupes selon le HV ; – 67 morts subites sur un total de 160 décès (42 %), essentiellement par TV ou infarctus (âge, cardiopathie ischémique) ; – mortalité totale supérieure en cas de cardiopathie ischémique, d’insuffisance cardiaque ou d’âge élevé ; – syncope de mauvais pronostic = progression vers BAV dans 17 % des cas contre 2 % sans syncope (p < 0,05). Le risque global de progression vers un BAV II ou III est estimé à environ 2 % par an. Devant un HV intermédiaire (55-70 ms), on pourra s’aider lors de l’EEP d’une stimulation atriale à fréquence croissante à la recherche d’un bloc infrahisien et éventuellement d’un test à l’ajmaline (positif si bloc infrahisien ou HV ≥ 120 ms). BAV postinfarctus (IDM) Malgré l’ancienneté des études sus-citées et la mise en œuvre plus récente de stratégies de revascularisation précoce (thrombolyse, angioplastie), des épisodes de BAV restent fréquents (7 %) dans l’IDM aigu (études GUSTO-I, -IIb, -III, ASSENT-II), contribuant à augmenter la mortalité hospitalière et tardive (Meine, Am Heart J 2005). Etonnamment, l’incidence des blocs de branche n’a pas été modifiée significativement par la thrombolyse (18,4 % transitoires et 5,3 % persistants, Newby, Circulation 1996). Néanmoins, le pronostic à long terme dépend principalement de l’étendue de l’infarctus et de ses complications hémodynamiques. Du fait de l’anatomie coronaire, un BAV III sur IDM inférieur est généralement transitoire et suprahisien, alors que l’IDM antéroseptal se complique volontiers de BAV III infrahisien avec échappement instable, un risque de mortalité élevé (jusqu’à 80 %) à court et long terme, avec un risque accru de mort subite (Zimetbaum, NEJM 2003). Recommandations pour la stimulation cardiaque Les recommandations européennes de 2007 sont assez proches des recommandations nord-américaines de 2002 qui figurent dans les tableaux 3, 4, 5, 6. En rouge, figurent les modifications issues des Guidelines de 2007. Le surlignage jaune signale les indications potentielles de l’EEP. Pour les BAV III survenant après une chirurgie cardiaque, le délai d’attente de rigueur est d’au moins 7 jours avant l’implantation d’un PM. En pratique, on attendra 2 à 3 semaines en cas de bloc haut situé avec échappement ventriculaire jonctionnel et une semaine en cas de bloc de branche gauche préexistant, de persistance de stimulodépendance ou d’élévation progressive des seuils des sondes épicardiques temporaires. Pour les BAV congénitaux, l’indication est essentiellement clinique et guidée par le holter et/ou l’épreuve d’effort (pas de place pour l’EEP). Dans le cas particulier de la dystrophie myotonique de Steinert, l’intérêt d’un appareillage systématique (PM) des patients ayant un HV ≥ 70 ms a été démontré de manière prospective (Lazarus, JACC 2002). Syncopes Les syncopes représentent 1ns aux urgences et 1 % des motifs d’hospitalisation. Elles sont d’origine réflexe dans plus de 50 % des cas. Leur pronostic est en premier lieu lié à une éventuelle cardiopathie associée. En cas de dysfonction ventriculaire gauche, il existe une forte suspicion de trouble de rythme ventriculaire, mais les syncopes neurocardiogéniques et inexpliquées représentent près d’un tiers des cas (Brembilla-Perrot, AMCV 2004). La conduite d’un interrogatoire minutieux associé à un examen clinique et un ECG permet d’identifier la cause de la syncope dans plus de 60 % des cas. Néanmoins, 25 à 40 % des patients quittent l’hôpital sans diagnostic, avec un risque de récidive de 35 % à 3 ans. Quand proposer une EEP ? Sur cœur sain, l’EEP est très peu contributive (0-20 % de diagnostic étiologique), alors qu’elle permet un diagnostic dans 18 à 75 % des cas selon les séries lorsqu’il existe une cardiopathie sous-jacente. On entend par cœur normal : absence d’antécédents personnels ou familiaux de cardiopathie ou de mort subite, examen clinique, ECG, échocardiographie normaux, test d’ischémie négatif en cas de facteurs de risque associés. Les recommandations (Guidelines ESC 2004) Classe I Devant toute syncope non expliquée par le bilan non invasif, associée à un ECG anormal (dysfonction sinusale, BAV I, bloc de branche, présence d’une pré-excitation), une cardiopathie, des palpitations ou des antécédents familiaux de mort subite. Classe II – EEP à visée diagnostique : afin d’évaluer la nature exacte d’une arythmie déjà identifiée comme responsable des symptômes ; – EEP à visée pronostique : • sur cardiopathie, visant à influencer le choix thérapeutique, • pour certaines professions à risque, pour lesquelles il est impératif d’éliminer une cause cardiaque de syncope. On parle de bloc nodal pathologique en dessous de 120/min. Un bloc tronculaire (H1H2 ou H > 30 ms) est pathologique lorsqu’il survient pour une fréquence de stimulation atriale < 150/min. Quand ne pas proposer l’EEP ? – Devant une syncope en l’absence de cardiopathie, de palpitations et devant un ECG normal (classe III, Guidelines ESC 2004). – Lorsqu’il existe une indication de PM d’emblée (cf. Dysfonction sinusale, BAV et blocs fasciculaires). – La valeur pronostique de la stimulation ventriculaire programmée en cas de dysfonction ventriculaire gauche (FE < 35 %), même ischémique, a été nettement dévaluée depuis la publication des résultats de l’étude MADIT II. Concernant les BAV congénitaux, les cardiopathies congénitales et les cœurs transplantés, l’indication de PM repose essentiellement sur la clinique et l’ECG, ne ménageant pas de place à l’EEP. Simplement, on se méfiera des syncopes sur un cœur transplanté car, si les dysfonctions sinusales sont fréquentes, un bloc infrahisien sur un greffon vieilli ou altéré par des épisodes de rejet est toujours possible. Comment réduire le taux de syncopes inexpliquées ? Ceci semble passer par une démarche systématisée dans un environnement adapté, matériel, médical et paramédical (Brignole, JACC 2008). Dans l’idéal, la création d’unités spécialisées d’observation des syncopes (monitoring de 6 h aux urgences ou 24 h en hospitalisation, massage sinocarotidien, recherche d’hypotension orthostatique, échocardiographie) et de plages horaires de consultation de syncope permet de mieux sélectionner les patients à risque (Costantino, JACC 2008) et de proposer un traitement adapté grâce à un bilan étiologique orienté (Tilt-test, EEP, Holter de longue durée, Holter implantable) en ambulatoire ou en hospitalisation. Le test à l’adénosine (Striadyne®) proposé par Flammang (Circulation 1997) permettrait de réduire le taux de syncopes inexpliquées de 20-30 % à 5-10 % et de sélectionner des patients ayant un bon pronostic mais dont les symptômes peuvent être améliorés par l’implantation d’un PM. Néanmoins, il n’existe pas de preuve assez solide à ce jour pour que la positivité du test figure dans les recommandations pour la stimulation cardiaque (asystolie > 6 s ou BAV de plus de 10 s sous 20 mg d’adénosine). En pratique Il existe des recommandations récentes et claires concernant les indications de pacemaker dans lesquelles l’exploration électrophysiologique occupe une place limitée. Toute bradycardie symptomatique sans cause réversible constitue une indication de stimulation cardiaque définitive.

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