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Risque

Publié le 20 juin 2006Lecture 10 min

Les valeurs basses de LDL cholestérolémie

F. DIÉVART, Clinique Villette, Dunkerque

Envisager le problème de l’atteinte de valeurs basses de LDL cholestérolémie pose deux questions :
• quels sont les bénéfices et risques à proposer une diminution d’emblée importante du LDL cholestérol ?
• jusqu’où peut-on et doit-on abaisser le LDL cholestérol ?

La baisse d'emblée importante du LDL Plusieurs études récentes ont évalué le rapport bénéfice/risque d’une diminution d’emblée importante de la LDL cholestérolémie. Le principe de ces études était de comparer, dans un essai prospectif, randomisé et contrôlé, le pronostic de patients soumis à une baisse usuelle de la cholestérolémie LDL, patients pour lesquels le bénéfice est connu et donc acquis, à des patients chez qui une stratégie de baisse intense du LDL était proposée, et ce, en ayant recours à des posologies élevées de statines. Deux types d’études ont été réalisés : chez des patients dès la phase aiguë d’un événement coronaire et chez des patients en phase chronique de la maladie coronaire. Il est donc à remarquer d’emblée que cette stratégie n’a été évaluée que dans le cadre de la prévention secondaire, et plus encore, uniquement dans celle de la maladie coronaire et avec des statines. Dans le cadre de la maladie coronaire chronique nous disposons de trois études qui toutes ont évalué une posologie élevée d’atorvastatine : • l’étude ALLIANCE, positive sur son critère primaire mais à laquelle il a été reproché d’avoir été effectuée en ouvert ; • l’étude TNT, positive sur le critère primaire mais à laquelle il a été reproché de ne pas avoir démontré de diminution de la mortalité totale (282 décès dans le groupe atorvastatine à 10 mg/j et 284 dans le groupe à 80 mg/j) alors que les décès coronariens avaient diminué (127 dans le groupe atorvastatine à 10 mg/j et 101 dans le groupe à 80 mg/j), ce qui laisse envisager une possible augmentation des décès non cardiovasculaires ; • l’étude IDEAL, à laquelle il est reproché de n’avoir pas atteint la positivité sur son critère primaire. Ainsi, en première analyse, le bénéfice d’une baisse importante du LDL dans la prise en charge de la maladie coronaire chronique ne semble pas évident. Cependant il convient de prendre en compte que : • le bénéfice global cardiovasculaire est affirmé par la somme de ces trois études, et conforme à ce qui pouvait être prédit du modèle reliant LDL et risque cardiovasculaire, notamment dans IDEAL, le résultat de l’étude concernant les événements cardiovasculaires majeurs est juste situé sur la droite de régression unissant LDL et risque et est tout à fait concordant avec les résultats de l’étude TNT (figure et tableau 1) ; • la tolérance globale des traitements, dans le cadre de ces essais contrôlés, est apparue bonne ; • il n’y a pas eu d’augmentation de la mortalité totale lorsque les trois études sont associées et il semble évident qu’aucun des trois études n’avait pas la puissance pour mettre en évidence un effet sur la mortalité totale ; • plus encore, dans l’étude TNT, le LDL, avant la période d’intervention sous traitement actif et ouvert, était en moyenne à 1,52 g/l et a été abaissé après cette période en moyenne à 0,98 g/l puis, dans le groupe traitement intensif, à 0,77 g/l (tableau 2) ; le résultat de cette étude est positif sur le critère primaire alors que le LDL a été divisé par deux. Figure. Relation entre la diminution absolue en mmol/l du LDL cholestérol et l’ampleur de la diminution des événements cliniques majeurs : inclusion des résultats de l’étude IDEAL. Il est donc possible d’envisager qu’une diminution du LDL de moitié (soit une diminution de 0,75 g/l ou de près de 2 mmol/l), l’amenant à des taux aussi bas que 0,77 g/l soit une stratégie dont le rapport bénéfice/risque est meilleur chez le coronarien chronique que le seul abaissement d’un tiers de la valeur du LDL (soit 0,50 g/l). Une baisse intensive du LDL cholestérol paraît donc une stratégie justifiable dans la prise en charge de la maladie coronaire chronique. - En phase aiguë, nous disposons de 6 études dont les résultats sont différents (tableau 3) mais ces études sont hétérogènes, à la fois dans la durée du suivi et dans les types de traitements évalués comprenant dans certaines un placebo, et parfois transitoirement, et dans d’autres comparant deux statines ou la même statine à des posologies différentes. Il apparaît, à la synthèse de ces études, que l’utilisation d’atorvastatine à la posologie de 80 mg/j, prescrite dès la phase précoce est associée à un bénéfice clinique et ce, tant dans l’étude MIRACL que dans l’étude PROVE IT, indiquant donc la réalité d’un bénéfice lié à l’utilisation de cette molécule. Toutefois, la divergence de résultats entre les différents essais et tout en constatant que, dans l’étude A to Z, les différences initiales de LDL entre les groupes comparés ont été importantes, permet d’envisager que : • l’effet d’une baisse intense et précoce du LDL dans la prise en charge des syndromes coronaires aigus ne peut encore être affirmé ; • il est possible que l’effet bénéfique enregistré avec l’atorvastatine à posologie élevée, provienne d’une action non strictement lipidique de la molécule (effet anti-inflammatoire ?).   Un LDL cholestérol très bas en valeur absolue ? Une autre question régulièrement mise en avant est la suivante : jusqu’où baisser le LDL ? Et cette question fait référence non à une valeur relative de baisse du LDL, critère analysé dans les paragraphes qui précédent, mais à une valeur absolue. En d’autres termes, peut-on et doit-on aller jusqu’à des valeurs aussi basses que 0,50 g/l, voire 0,40 ou 0,30 g/l lorsque l’on sait que la relation entre LDL et risque coronaire est linéaire est sans seuil ? Très clairement, la réponse à cette question n’est pas encore connue. Dans l’état actuel des choses, seules des valeurs cibles aussi basses que 0,60 à 0,70 g/l, obtenues chez des coronariens et en utilisant des statines, sembleraient pouvoir être justifiées en pratique. En dessous de ces valeurs, le rapport bénéfice/risque de l’obtention d’un tel objectif n’est pas connu. De nombreux arguments sont en cours d’analyse dans ce débat mais ils ne permettent pas d’obtenir une réponse sûre à la question. Nous évoquerons certains de ces éléments. - Le bénéfice relatif des statines est identique quelle que soit la valeur absolue de départ du LDL et la valeur absolue atteinte dans les essais. Ainsi, une analyse complémentaire de PROVE IT a montré que le bénéfice obtenu était de même ampleur, même chez les patients ayant atteint des valeurs aussi basses que 0,40 g/l de LDL. Rappelons qu’une analyse en sous-groupe n’est qu’indicative et qu’elle prend en compte un certain nombre de critères pour avoir une certaine puissance ; dans cette somme de critères, une hospitalisation pour angor instable, une revascularisation coronaire par angioplastie et un décès peuvent avoir le même poids. Ainsi, un résultat d’analyse complémentaire peut indiquer un bénéfice global, qui pourrait cependant être le reflet, par exemple, d’une diminution très importante des revascularisations alors que le risque de décès augmenterait en parallèle de façon réelle mais moins importante. L’argument de l’analyse en sous-groupe reste donc indicatif et non démonstratif. - Sur le pronostic des patients ayant des valeurs spontanément basses de LDL-cholestérol (études d’observation), deux éléments apparaissent : • il semble exister une courbe en J, indiquant une augmentation de la mortalité pour les valeurs les plus basses de cholestérolémie, suivie d’un plateau, puis de nouveau d’une augmentation de mortalité pour les valeurs les plus élevées ; • le risque d’AVC hémorragique paraît inversement proportionnel à la valeur de la cholestérolémie, d’autant plus élevé que la cholestérolémie est basse.   À noter Quand une valeur basse de cholestérol est mise en évidence lors d’un bilan sanguin, il est difficile de juger initialement, si elle résulte : • de bonnes habitudes diététiques, • d’une prédisposition génétique (hypobêtalipoprotéinémie par exemple), • d’une pathologie associée comme un cancer (colique, prostatique, leucémie ou myélome), • d’un syndrome de malabsorption (maladie coeliaque, insuffisance pancréatique exocrine, pathologie parasitaire…). De ce fait, la causalité entre une augmentation de la mortalité et une valeur basse de cholestérolémie peut être difficile à démontrer. Ainsi, l’augmentation apparente de mortalité chez les patients ayant spontanément des cholestérolémies basses est surtout le fait des patients âgés et un ensemble d’arguments indiquent qu’en fait, une valeur basse de cholestérolémie ne serait que le marqueur d’une pathologie associée et préexistante à la baisse de la cholestérolémie, pathologie qui expliquerait le mauvais pronostic associé aux valeurs basses. En témoignent deux éléments : • le surcroît de mortalité constaté dans les études prospectives, chez les patients ayant des valeurs basses de cholestérolémie, est surtout observé précocement (notamment dans les deux premières années) indiquant la préexistence d’une pathologie à l’inclusion. D’ailleurs, quand l’étude d’observation décale son point de référence à deux ans après l’enrôlement, l’aspect de courbe en J entre la valeur de la cholestérolémie et le risque de mortalité disparaît ; • lorsque sont pris en compte des facteurs indicatifs de dénutrition ou d’état morbide associé, il est mis en évidence que ce sont les patients ayant les cholestérolémies les plus basses qui sont caractérisés par ces facteurs, indiquant là aussi que la cholestérolémie basse n’est que le marqueur d’une pathologie associée et non le facteur en cause dans l’excès de mortalité constaté. La seconde constatation, unissant cholestérolémie basse et risque d’AVC hémorragique, est un fait. Ainsi, dans leur méta-analyse d’études de cohortes, Law et coll. montraient que, pour toute diminution de 1 mmol/l (0,387 g/l) de LDL cholestérol : • l’incidence des AVC thromboemboliques est moindre de 15 % (IC95 % : 6-21 % ; p < 0,001) ; • l’incidence des AVC hémorragiques est supérieure de 19 % (IC95 % : 10-29 % ; p < 0,001), celle des AVC sous-arachnoidiens étant supérieure de 16 % et celles des hémorragies intracérébrales de 22 %. Cependant, ce travail permettait de rassurer sur l’effet de la diminution pharmacologique du LDL cholestérol : la relation entre la diminution d’1 mmol/l de LDL cholestérol et la réduction du risque d’AVC dans les essais d’intervention montrait que le risque de tous AVC diminue de 20 %, rendant compte d’une diminution significative de 28 % des AVC ischémiques sans variation significative des AVC hémorragiques (tableau 4). La réduction moyenne de 20 % de l’ensemble des AVC était une moyenne de réduction significative de 22 % chez les patients ayant déjà une pathologie cardiovasculaire et d’une réduction non significative de 6 % chez les patients sans antécédent cardiovasculaire. Ainsi Chez les patients à risque, c'est-à-dire ceux à risque d’événements ischémiques, le bénéfice d’une diminution de la cholestérolémie sur le risque d’AVC l’emporte sur le risque, puisque la diminution du risque d’AVC ischémique (dont le risque est plus important que celui d’AVC hémorragique) est ample alors que l’effet sur le surrisque d’AVC hémorragique est modeste. - Les patients ayant des taux plasmatiques très bas de LDL cholestérol (hypobêtalipoproteinémie) ont une longévité particulière et sont quasiment indemnes de maladie athérosclérotique. Chez ces patients, les valeurs plasmatiques de cholestérolémie totale sont comprises entre 0,38 et 1,18 g/l. Les études prospectives chez ce type de patients étant peu nombreuses dans la littérature (en raison de leur incidence très faible), ce concept est peu discriminant pour indiquer jusqu’à quelle valeur il est possible de diminuer la cholestérolémie totale pour plusieurs raisons : • cette hypocholestérolémie est génétiquement déterminée et cette particularité génétique est peut-être aussi, en elle-même, le facteur protecteur contre l’athérosclérose ; • cette forme génétique d’hyper-cholestérolémie n’est pas forcément sans risque et, chez les quelques patients ayant une forme homozygote d’hypobêtalipoprotéinémie, avec des cholestérolémies plasmatiques plus basses encore, il est rapporté des rétinites pigmentaires, des stéatorrhées, des infiltrations graisseuses du foie, des anomalies érythrocytaires (acanthocytes) et un syndrome proche de l’ataxie de Friedreich, anomalies décrites comme pouvant être prévenues par des apports de graisses.   En pratique   Chez les coronariens uniquement, il est possible de diminuer de façon très importante en valeur relative la LDL cholestérolémie et cette action diminue leur risque cardiovasculaire de façon proportionnelle lorsqu’est utilisée une statine. Des valeurs aussi basses que 0,60 à 0,70 g/l de LDL, si elles peuvent être obtenues, paraissent associées à un bénéfice clinique. Dans la prise en charge d’un coronarien en phase aiguë de sa maladie, un traitement par une posologie de 80 mg/j d’atorvastatine, prescrit dès la phase hospitalière, est associé à une amélioration du pronostic ; cette amélioration est précoce, notamment lors de l’obtention de valeurs de LDL aussi proches de 0,60 g/l. Le rapport bénéfice/risque d’un abaissement important du LDL dans les autres situations cliniques n’est pas parfaitement évalué, bien que l’étude HPS suggère un rapport favorable chez les patients à risque. La valeur absolue optimale du LDL à atteindre ne peut être précisée en l’état actuel des connaissances.

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