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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 01 avr 2008Lecture 8 min

L'extrasystolie ventriculaire : rechercher une cardiopathie

O. PIOT, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis

Asymptomatique, l’extrasystolie ventriculaire ne pose « que » le problème du pronostic péjoratif ou non qu’elle peut apporter.

Une pathologie fréquente L’extrasystolie ventriculaire (ESV) est banale : sa prévalence est de 3 % par réalisation d’un ECG simple, alors qu’elle peut atteindre 50 % chez des sujets sains en cas d’enregistrement continu sur plusieurs jours. Les ESV sont plus fréquentes chez les sujets plus âgés, passant de 1,2 % avant 30 ans à 12 % après 70 ans dans une étude basée sur l’ECG. Les études de population ont montré un lien entre la présence d’une extrasystolie ventriculaire et le risque de survenue d’événements cardiovasculaires. La plupart des données permettent de conclure que les ESV sont un marqueur de risque qui doit orienter vers la recherche d’une cardiopathie sous-jacente et non un facteur de risque indépendant sur lequel il faudrait directement agir. La première notion essentielle, bien connue des cliniciens, est donc la nécessité de connaître l’existence ou non d’une cardiopathie sous-jacente, la valeur de la fraction d’éjection ventriculaire gauche, données majeures pour estimer le pronostic. Si la fonction ventriculaire gauche est normale, qu’il n’y a pas de cardiopathie sous-jacente, les deux éléments à déterminer sont la fréquence du suivi et l’attitude face à la pratique du sport. L’approche développée ici est souvent influencée par la demande du patient d’un diagnostic précis. Si cette demande est justifiée, elle est aussi et surtout angoissée et parfois angoissante si le patient a pu être orienté en urgence pour une évaluation cardiologique et qu’il a entendu des périphrases telles que « risque de mort subite », « possible infarctus ignoré », « il peut se passer n’importe quoi lors de vos sorties en vélo » [citations de patients et de médecins dans le contexte qui nous occupe]. Le patient a simplement bien souvent surfé sur internet, et n’y a malheureusement trouvé souvent des données plus anxiogènes que pédagogiques. Une autre influence, bien compréhensible mais parfois irrationnelle, est la sourde peur de suites médico-légales : « s’il meurt dans un accident de voiture, on pourra toujours dire que c’est à cause de ses extrasystoles ». Figure 1. ECG 12 dérivations d’un patient asymptomatique, lors de son suivi postinfarctus. ESV bigéminée, à couplage fixe, monomorphe de retard droit avec un axe hyper gauche. Il existe une séquelle d’infarctus antéroseptal. Figure 2. Tracé ECG 12 dérivations d’une patiente ayant des salves ventriculaires répétées, monomorphes, de retard gauche, axe hyper droit, d’origine infundibulaire. Les salves brèves ne sont pas ressenties. Lors du suivi, ces TV, dites bénignes, seront rapportées à une dysplasie arythmogène du ventricule droit, non dépistée lors de l’évaluation initiale. Figure 3. Tracé Holter 2 dérivations d’un patient ayant une dysfonction ventriculaire gauche postinfarctus modérée. La mise en évidence par cet examen d’une salve ventriculaire de 10 complexes à 170/min, non ressentie par le patient, a fait discuter du risque de mort subite du patient. Avec les recommandations actuelles, basées sur des études randomisées, l’indication d’implantation d’un défibrillateur n’a pas été retenue ; le traitement bêtabloquant a été renforcé. Évaluer l’extrasystolie ventriculaire Chez le patient asymptomatique, c’est l’ECG de dépistage ou réalisé pour des sensations de battements cardiaques irréguliers perçus par le médecin traitant, qui révèle l’existence d’une extrasystolie ventriculaire. Il est important de savoir par l’interrogatoire s’il n’y a pas d’antécédent de cardiopathie ou de mort subite dans la famille. Il est majeur de bien préciser le diagnostic, en différenciant l’ESA conduite avec bloc de branche fonctionnel de l’ESV, en revoyant tous les tracés qui motivent la consultation. Bien sûr, l’analyse globale de l’ECG est réalisée, présence d’une onde Q d’infarctus, mesure de l’espace QT... La caractérisation de l’extrasystolie est complétée par un Holter-ECG : nombre d’ESV par 24 heures, nombre de morphologies, couplage, présence de doublet, triplet et/ou de salve, lien avec la fréquence cardiaque, l’alternance jour/ nuit. L’extrasystolie ventriculaire est en général plus marquée dans une gamme de fréquence avec disparition la nuit et à partir d’un certain niveau d’effort. Plus que le nombre des ESV, la présence d’activités répétitives, notamment des salves, surtout polymorphes, des ESV à couplage très court (moins de 280 ms) identifient des patients probablement plus à risque de troubles soutenus du rythme ventriculaire. Ces données permettent de mieux suivre l’évolution lors du suivi de cette extrasystolie, d’évoquer le mécanisme des ESV (une réentrée, avec un intervalle de couplage fixe avec le QRS précédent, ou un automatisme (parasystolie), sans lien fixe avec le QRS sinusal). Sur l’ECG 12 dérivations, on peut préciser l’origine des ESV selon son retard et son axe : – retard droit en faveur d’une origine ventriculaire gauche, – retard gauche en faveur d’une origine ventriculaire droite. L’axe permet de localiser la zone ventriculaire d’origine : par exemple, en cas de retard gauche, un axe vertical est en faveur d’une origine infundibulaire. Les ESV à type de retard gauche sont souvent présentées de meilleur pronostic mais elles peuvent aussi révéler une dysplasie arythmogène du ventricule droit. L’analyse de l’extrasystolie sans analyse structurale ne permet pas de conclure sur le pronostic.   Rechercher une cardiopathie sous-jacente L’élément pronostique majeur est la présence ou non d’une cardiopathie sous-jacente, qui peut être parfois évoquée dès l’examen clinique. En parallèle, il faut s’assurer par un ionogramme sanguin de l’absence d’hypokaliémie qui peut être révélée par des ESV. L’échographie cardiaque est l’examen de base pour évaluer la fonction ventriculaire gauche, détecter une cardiopathie. L’épreuve d’effort sera réalisée pour dépister une coronaropathie, en cas de facteurs de risque cardiovasculaire associés, de suspicion de dysplasie VD ou de pratique sportive. En cas d’ESV à retard gauche, il faut pouvoir écarter raisonnablement une dysplasie du VD, au moins par une recherche négative de potentiels tardifs (examen simple, peu coûteux mais pouvant ne pas identifier des formes débutantes), voire par une scintigraphie du VD en analyse de phase ou une IRM, examens réalisés en cas de suspicion forte et par des médecins expérimentés dans ce domaine. L’absence de cardiopathie permet alors d’être tout à fait rassurant quant au pronostic du patient et lui permettre de mener sa vie comme bon lui semble. Il faut noter l’existence de quelques exceptions en rapport avec des canalopathies, dont le diagnostic est évoqué sur la morphologie des ESV (couplage très court, caractère polymorphe) et souvent une histoire familiale. En présence d’une cardiopathie, la conduite à tenir est plus en rapport avec celle-ci qu’avec l’extrasystolie ventriculaire. L’existence de salves ventriculaires non soutenues va cependant orienter vers une discussion du risque de mort subite et donc de sa prévention par l’implantation d’un défibrillateur, notamment dans la dysfonction ventriculaire gauche postinfarctus et la cardiomyopathie hypertrophique.   Utiliser les recommandations sur la pratique sportive Les dernières recommandations européennes et américaines sur le sport, même si elles concernent plus l’athlète de haut niveau que le jogger du dimanche, sont assez précises et permettent d’envisager une attitude simple en pratique quotidienne. En l’absence de cardiopathie et de suspicion de canalopathie, en l’absence d’histoire familiale de mort subite, de relation avec l’effort trop marquée des ESV (lien à l’effort = ESV très fréquentes, polymorphes, répétitives à l’effort), la pratique sportive peut être autorisée sans réserve. En général, après des explorations ayant comportées une échographie cardiaque, une épreuve d’effort et un Holter-ECG, un suivi du sportif asymptomatique avec des ESV est à prévoir tous les deux ans avec Holter-ECG. Si un lien à l’effort est net, il faut aller plus loin et éliminer les grands pourvoyeurs de mort subite chez le sportif, surtout l’athérome coronaire chez des sujets > 35 ans, la cardiomyopathie hypertrophique, la dysplasie VD, l’anomalie de naissance des coronaires principalement chez les sujets < 35 ans mais aussi d’autres diagnostics comme les TV catécholergiques. En présence d’une cardiopathie sous-jacente, c’est plus la cardiopathie que l’extrasystolie qui va dicter la conduite à tenir. Il est par ailleurs important de savoir que les ESV sont très fréquentes chez des athlètes entraînés avec un pronostic non altéré.   Suivre et ne pas traiter   Il n’y a aucune raison de traiter les ESV d’un patient asymptomatique sans cardiopathie sous-jacente ayant donc un excellent pronostic. Il est en revanche essentiel d’être rassurant, de bien expliquer au patient les résultats des examens et l’évaluation de son pronostic, la possibilité de réaliser toutes les activités sans restriction, en bref de « démédicaliser » la situation. Le suivi est simple avec une consultation avec ECG et un Holter-ECG tous les 2 ans, un contrôle d’échographie cardiaque systématique au bout de 4 ans. En présence d’une cardiopathie, ce ne sont pas les ESV qui vont être traitées, mais le but des traitements va être de prévenir la survenue de troubles du rythme ventriculaire soutenus et le risque de mort subite. Les bêtabloquants ont souvent une place de choix, puis l’amiodarone, mais l’évaluation du patient ayant une extrasystolie asymptomatique peut faire porter l’indication d’implantation d’un défibrillateur, par exemple en cas de dysfonction ventriculaire gauche sévère. Dans des cas exceptionnels, chez des patients asymptomatiques avec dysfonction ventriculaire gauche, une extrasystolie ventriculaire monomorphe, extrêmement fréquente, originaire de l’infundibulum ventriculaire droit a pu conduire à une ablation par radiofréquence avec amélioration de la fraction d’éjection ventriculaire gauche témoignant d’une part « rythmique » de la dysfonction ventriculaire gauche. L’extrasystolie ventriculaire asymptomatique doit être caractérisée par un Holter-ECG, considérée comme un marqueur de risque qui pousse à rechercher avec des examens simples (échographie cardiaque, épreuve d’effort) une cardiopathie sous-jacente, principalement une cardiopathie ischémique, mais particulièrement une dysplasie du ventricule droit en cas d’ESV à retard gauche (au moins une recherche de potentiels tardifs). Elle est le plus souvent d’excellent pronostic et ne doit motiver qu’un suivi très simple sans restriction d’activités, ni de prescription de traitement. Quand elle révèle une cardiopathie sous-jacente, la prise en charge est adaptée à l’atteinte mise en évidence.

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