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HTA

Publié le 26 juin 2007Lecture 9 min

L'hypertendu avant une anesthésie : conduite à tenir

V. PIRIOU, Service d’anesthésie-réanimation, Centre Hospitalier Lyon-Sud

Du fait du vieillissement de la population et de l'importante prévalence de la maladie hypertensive (environ 15 %)(1), les patients hypertendus devant subir une anesthésie et hypertendus sont extrêmement fréquents.

Les situations auxquelles sont confrontés les anesthésistes L'hypertension artérielle (HTA) est une maladie systémique très fréquente dans la population, dont l'incidence augmente avec l'âge. Elle est définie par une pression artérielle systolique ≥ 140 mmHg et/ou une pression artérielle diastolique > 90 mmHg. Les complications de l'hypertension sont directement corrélées à l'importance de la maladie. Il y a plusieurs situations face auxquelles se trouvent les anesthésistes : • le patient hypertendu est correctement traité : le problème principal est alors la gestion périopératoire du traitement antihypertenseur ; • le patient n'est pas traité et il présente une HTA sévère : - si l'intervention peut être différée, il est préférable d'annuler l'intervention chirurgicale, de mettre en place un traitement antihypertenseur et d'opérer le patient une fois que le bilan cardiovasculaire aura été fait et la pression artérielle (PA) stabilisée ; - si l'hypertension n'est pas contrôlée ou n'est pas traitée et que l'intervention est urgente, alors, le traitement antihypertenseur sera pris en charge par l'anesthésiste, les complications périopératoires seront spécifiquement diagnostiquées et l’on profitera de l'hospitalisation pour l'intervention chirurgicale pour faire entrer le patient dans une filière de soins cardiologiques ; - en cas de passé d’hypertension mal équilibrée, il est possible de demander des examens complémentaires préopératoires afin d’apprécier le risque cardiovasculaire lors et au décours de l’anesthésie. L’HTA répond à de nombreuses étiologies, mais dans 95 % des cas, il s'agit d'une altération vasculaire primitive, sans cause spécifique (HTA essentielle). Dans le cas d'une HTA secondaire et dans le cadre d'une intervention pour chirurgie réglée, il conviendra bien entendu de traiter l'étiologie.   Conséquences organiques de l’HTA : quelles répercussions sur la période périopératoire ? L’HTA est une maladie générale qui peut avoir de nombreuses conséquences (figure).   Remodelage de la paroi artérielle L’HTA entraîne une hypertrophie de la paroi artérielle(2) qui représente un processus adaptatif. Celle-ci participe à l'élévation des résistances vasculaires et à la diminution de la compliance artérielle. Par ailleurs, les patients hypertendus présentent une dysfonction endothéliale(3).   Altération des systèmes de régulation de la pression artérielle L'autorégulation viscérale est modifiée, les seuils supérieurs d'autorégulation coronaires et cérébraux sont anormalement élevés, il en est de même des seuils inférieurs. Il existe donc un risque de malperfusion lors des épisodes d'hypotension artérielle périopératoire car le débit de ces organes devient alors dépendant de la pression de perfusion. Le baroréflexe est altéré, il existe un repositionnement (resetting) du baroréflexe et une diminution de sensibilité.   Altération myocardique L’HTA chronique entraîne une dysfonction ventriculaire gauche traduite initialement par une dysfonction diastolique associée à un remodelage ventriculaire gauche entraînant une hypertrophie ventriculaire. Cette dysfonction diastolique associée à l'hypertrophie ventriculaire gauche et à l'athérome coronaire favorise l'ischémie myocardique et rend ces sujets plus sensibles aux infarctus du myocarde périopératoires. La dysfonction diastolique se caractérise par une difficulté d'adaptation aux variations volémiques. En cas de remplissage vasculaire, le risque d'œdème pulmonaire est accru. Les lésions viscérales liées à l’HTA chronique nécessitent une évaluation de la fonction rénale préopératoire à la recherche d'une néphro-angiosclérose, ainsi que la recherche d'accidents vasculaires cérébraux lors de la consultation d'anesthésie.   Conséquences aiguës lors de la période périopératoire Ces altérations organiques liées à l’HTA chronique se traduisent lors de la période périopératoire par une instabilité tensionnelle (« syndrome des montagnes russes »). En effet, les patients hypertendus vont être beaucoup plus sensibles aux variations volémiques et à l'hypertonie sympathique. Ces malades vont présenter des épisodes hypertensifs périopératoires fréquents, liés à une augmentation des résistances vasculaires systémiques, et auront des épisodes hypotensifs fréquents, secondaires à une hypersensibilité à l'hypovolémie ou aux vasodilatateurs.   Quel est le risque périoperatoire du patient hypertendu ? Le risque périopératoire lié à l'HTA est débattu(4). Il est lié à la conjonction du risque individuel lié à l'état physiologique du patient et du risque opératoire lié à la chirurgie. Les antécédents d’HTA augmentent l'instabilité tensionnelle périopératoire(5) et l'incidence des ischémies myocardiques périopératoires(6), mais ne semblent pas être un facteur de risque indépendant de la morbi-mortalité périopératoire(7). L’HTA est probablement plus un facteur de risque lié aux différentes complications générales qu'elle entraîne, qu'un facteur de risque indépendant. Système circulatoire de l'hypertendu. Évaluation préopératoire La stratification préopératoire doit dépendre de l'évaluation du risque opératoire basée sur le risque individuel lié au patient (importance du passé hypertendu, stabilité tensionnelle) et du risque chirurgical. La consultation d'anesthésie est une obligation légale, au moins 48 h avant l'intervention en cas de chirurgie réglée (décret n° 94-1050 du 5 décembre 1994) et doit contribuer à la décision de réaliser ou non des examens complémentaires préopératoires.   La première question à poser est : l'HTA est-elle bien équilibrée ? Dans le cadre d'une intervention pour chirurgie réglée, un patient qui vient à la consultation d'anesthésie avec une HTA importante, jamais traitée, pourrait être renvoyé chez un cardiologue afin de mettre rapidement en place un traitement antihypertenseur efficace. Il faudra laisser un certain temps avant de prévoir le report de l'intervention, afin que les circulations régionales s'adaptent à cette baisse de la PA. Le report de l'intervention chirurgicale doit être réalisé pour des chiffres de PA élevés, probablement > 200 mmHg pour la pression systolique. Lorsque la PA est modérément élevée, il est souhaitable que les patients se présentent lors de la chirurgie avec des chiffres de PA régulés et on peut alors introduire un traitement antihypertenseur tel qu'un inhibiteur calcique.   Faut-il réaliser une échocardiographie pour apprécier la fonction ventriculaire gauche ? La réalisation d'une échocardiographie systématique chez tout patient hypertendu est probablement inutile. Elle doit être réservée aux patients qui ont des facteurs de risque importants, tels qu'une intervention à haut risque (par exemple, chirurgie vasculaire, chirurgie abdominale lourde, chirurgie thoracique…) et un passé important d’HTA. L'échocardiographie recherchera alors une atteinte diastolique ou systolique de la fonction ventriculaire, ainsi qu'une hypertrophie de la paroi ventriculaire gauche. Dans certains cas, des examens de stress peuvent être utiles pour démasquer une coronaropathie sous-jacente. Ceux-ci seront réservés aux cas de suspicion de coronaropathie sévère nécessitant une revascularisation. L'interrogatoire s'appuiera bien entendu sur la tolérance du patient à l'effort. Afin de rechercher une hypertrophie ventriculaire gauche, on réalisera un électrocardiogramme préopératoire.   Que faut-il faire des traitements hypertenseurs lors de la période périopératoire ? Les bêtabloquants sont généralement très bien tolérés ; de plus ils participent à la prévention des complications ischémiques périopératoires(8,9). Ces traitements pourraient théoriquement s'opposer aux réactions sympathiques lors d'une hypovolémie périopératoire. Cependant, plusieurs études ont montré que lorsqu’ils sont donnés de façon chronique, ils sont généralement bien supportés(10). Il convient donc de maintenir le traitement par bêtabloquants. Ceux-ci doivent être conservés jusqu'au jour de l'intervention, donnés en prémédication et repris le plus rapidement possible par voie orale. Si la voie orale est indisponible en postopératoire immédiat, un relais par voie intraveineuse doit être entrepris. Un arrêt brutal du traitement par bêtabloquant expose à un syndrome de sevrage caractérisé par une crise hypertensive et par des épisodes d'ischémie myocardique. Les IEC et les ARA II Lorsqu'on réalise une anesthésie générale, on crée une sympatholyse liée aux agents anesthésiques. Le baroréflexe est donc inhibé et c'est alors le système rénine-angiotensine qui occupe une place importante dans le maintien de la pression artérielle. Chez les patients sous IEC ou ARA II, l'activité du système rénine-angiotensine se trouve réduite, et des hypotensions artérielles parfois sévères réagissant mal aux catécholamines ont été décrites(10,11). Certains épisodes d'hypotension artérielle peuvent ne pas céder aux vasoconstricteurs prescrits généralement dans cette indication, et nécessitent alors le recours à des agonistes de l'arginine-vasopressine(11). Cependant, il semble qu'en utilisant certaines précautions, telle qu'une induction lente et titrée, et en évitant les épisodes d'hypovolémie, ces hypotensions artérielles sont finalement rares, et les précautions usuelles sont d'arrêter les IEC dans les 12 heures qui précèdent l'anesthésie(12). Les autres antihypertenseurs tels que les inhibiteurs calciques (dihydropyridine) sont la plupart du temps bien tolérés(10) et peuvent être prescrits jusqu'à l'intervention chirurgicale avec une reprise précoce. Cependant, ces agents ne possèdent pas d'efficacité démontrée sur la prévention des complications ischémiques périopératoires. Les diurétiques provoquent une déplétion sodée associée à une hypovolémie qu'il faudra contrôler lors de la période périopératoire.   Choix de la technique anesthésique, traitement des complications périopératoires Si on a le choix, en dehors des anesthésies locales ou tronculaires, une anesthésie générale sera généralement préférée à une anesthésie médullaire. La rachianesthésie est généralement contre-indiquée chez les patients ayant une HTA sévère en raison de l'instabilité hémodynamique qu'elle peut entraîner. Chez les patients ayant un passé d’HTA important, et en cas d'intervention chirurgicale avec un risque important de variations volémiques, on aura fréquemment recours à la mise en place d'un cathéter de pression artérielle qui permettra, lors de la période peropératoire et postopératoire précoce, de monitorer de façon précise et immédiate la PA en continu. Cela permettra un temps de réponse beaucoup plus court lors d'un accès hyper- ou hypotensif et donc de maintenir la PA dans des valeurs plus stables. Le segment ST sera systématiquement monitoré en peropératoire et en salle de soins post-interventionnelle afin de déceler les ischémies myocardiques. La volémie devra être évaluée en permanence chez ces patients. Chez les patients chez qui un cathéter artériel a été mis en place, il est possible d'évaluer la volémie avec les variations respiratoires de la PA(13).   Traitement des hypotensions artérielles périopératoires Les hypotensions périopératoires peuvent être en partie évitées par un remplissage préalable à l'induction si une hypovolémie préexiste, et par une induction titrée et douce. La PA doit être surveillée de façon rapprochée, et les antihypertenseurs utilisés de façon prudente. Ces hypotensions artérielles, fréquentes chez les patients aux antécédents d’HTA, seront traitées grâce à l'utilisation titrée d'un vasopresseur ayant des propriétés alphamimétiques. Actuellement, c'est l'ephédrine (dilution d'une ampoule de 30 mg dans 10 ml, titration par bolus de 3 mg) qui est la plus utilisée. Parfois, on peut avoir recours à la phényléphrine.   Prise en charge d'une élévation tensionnelle peropératoire Les poussées d'hypertension artérielle per- ou postopératoires précoces peuvent exposer à des complications chirurgicales telles que des lâchages de sutures vasculaires, ou à des complications myocardiques (œdème pulmonaire, infarctus du myocarde) ou cérébrales. Il faut donc les traiter en urgence. Ces poussées hypertensives sont généralement liées à une augmentation des résistances vasculaires systémiques et secondaires à une stimulation nociceptive. Le traitement initial peropératoire repose sur l'approfondissement de l'anesthésie et de l'analgésie. Des vasodilatateurs artériels sont secondairement utilisés. Les deux médicaments les plus utilisés sont l'urapidil (alpha-1-antagoniste) ou les inhibiteurs calciques de la famille des dihydropyridines (nicardipine). En cas d'accès hypertensif associé à une tachycardie, il est possible d'utiliser l'esmolol. Le nitroprussiate de sodium était utilisé autrefois, mais il est actuellement abandonné en raison de ses effets secondaires. Lorsqu'on observe une HTA en postopératoire immédiat, il peut être licite de proposer, en plus du traitement par un bolus intraveineux (nicardipine ou urapidil), soit la reprise précoce orale du traitement antihypertenseur préopératoire, soit l'instauration d'un traitement tel qu'un traitement antihypertenseur par un inhibiteur calcique per os à libération prolongée afin d'éviter les épisodes d'hypertension artérielle postopératoire à distance pouvant survenir dans les services de chirurgie et entraîner des complications hémorragiques chirurgicales.   Points forts   L’HTA entraîne des complications viscérales qui doivent être connues en préopératoire. En peropératoire, ces patients peuvent présenter des complications ischémiques, mais ils sont surtout caractérisés par une instabilité tensionnelle périopératoire faisant alterner des épisodes d'hypotension et d'hypertension artérielle. Ils requièrent un monitorage spécifique de la pression artérielle. Le traitement antihypertenseur ne doit pas être interrompu, sauf lorsqu'il s'agit d’IEC qui peuvent être interrompus pendant 12 h avant l'intervention chirurgicale.

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