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Cardiomyopathies

Publié le 06 mar 2007Lecture 8 min

Myocardites et cardiomyopathies virales : quelles explorations, quelles avancées ?

E. DONAL et B. LANGELLA, CHU Pontchaillou, Rennes

Fréquemment retrouvée dans le bilan étiologique des morts subites avant l’âge de 40 ans, la myocardite n’est pas une pathologie exceptionnelle. Son diagnostic clinique est relativement rare et sa prise en charge thérapeutique reste le plus souvent « observationnelle ». Il est, en effet, important de suivre et surveiller au long cours les patients chez lesquels le diagnostic de myocardite a été porté. Le rôle d’infections virales dans la genèse des cardiomyopathies dilatées est évoqué depuis de nombreuses années. La méthode diagnostique de ces atteintes virales potentiellement responsables de cardiomyopathies reste un problème difficile et débattu. Il semble cependant exister une convergence d’arguments pour reconnaître la valeur ajoutée de la biopsie endomyocardique, peut-être orientée par une IRM cardiaque préalable.

Les causes et leur expression clinique Initialement, les « coxsakievirus » ont été incriminés par la titration des anticorps sériques au décours de l’épisode aigu. Puis, la pratique de biopsies endomyocardiques pour analyse histologique, immuno-histo-chimique mais aussi de biologie moléculaire (extraction de l’ADN et utilisation de la technique PCR [polymerase chain reaction]) a permis de retenir le diagnostic d’infection myocardique à entéro- et adénovirus. Il fut alors reconnu que ces deux familles de virus pouvaient être à la fois responsables de myocardites aiguës mais aussi de cardiomyopathies dilatées jusqu’à ce que de récents travaux insistent sur l’importance de la prévalence de parvovirus B19 et HHV6 (herpesvirus) (figure 1). Figure 1. Répartition des différents agents infectieux retrouvés sur les analyses en biologie moléculaire des fragments de biopsies endomyocardiques. Il faut retenir la grande fréquence du parovirus B19. D’après Tschope C, Bock CT, Kasner M et al. High prevalence of cardiac parvovirus B19 infection in patients with isolated left ventricular diastolic dysfunction. Circulation 2005 ; 111 : 879-86. Deux types de présentation clinique La présentation de type infarctus du myocarde aigu à coronaires saines : la douleur thoracique est le plus souvent intense et récidivante. La fonction ventriculaire gauche reste le plus souvent préservée sans dilatation ventriculaire gauche ou droite. À la biopsie endomyocardique, il est, le plus souvent, retrouvé une infection à parvovirus B19. Le parvovirus B19 a en effet un tropisme plus vasculaire que myocytaire. L’infection à parvovirus s’accompagne de fait volontiers d’une dysfonction endothéliale et de symptômes d’allure « coronarienne ». La présentation de type insuffisance cardiaque : le patient reste souvent symptomatique de manière prolongée. Il peut présenter des douleurs thoraciques, mais moins caricaturales que dans le tableau clinique précédent. Il est souvent retrouvé des troubles conductifs (comme des blocs de branche gauche) ou la notion de malaise. Fréquemment, cette présentation clinique est associée à une infection à HHV6 et, plus encore, à une infection associant parvovirus B19 et HHV6.   Place de l’IRM cardiaque Intéressant pour la pratique clinique, à ces deux tableaux cliniques (et donc deux atteintes virales préférentielles) s’associent deux aspects distincts de la fixation tardive du gadolinium en IRM : • l’infection à parvovirus s’associe à une fixation de la paroi latérale ventriculaire gauche et ce, plus particulièrement dans l’épicarde ; • à l’inverse, l’infection à HHV6 s’associe volontiers à une fixation septale dans sa portion médiane. Cela a récemment été rapporté à propos d’une série de 257 patients par Mahrholdt et coll. Dans cette série, le pronostic de l’infection à parvovirus était bon, contrairement à celui de l’infection à HHV6. L’association de l’infection à HHV6 et à parvovirus B19 s’accompagnait le plus d’une évolution défavorable. La relation entre myocardite aiguë passant éventuellement inaperçue et cardiomyopathie dilatée avait précédemment été étudiée. Kuhl et coll. avaient démontré que la persistance du génome viral à la biospie endomyocardique était associée à un remodelage défavorable. Les auteurs avaient aussi montré que la présence d’une infection à plusieurs virus était associée à un risque plus grand de persistance du génome d’un des virus dans le myocarde et donc exposait à un risque plus fort d’évolution vers la cardiomyopathie dilatée. Mahholdt et coll. ont montré que plus le territoire fixant tardivement à l’injection de gadolinium est grand, plus le risque d’évolution vers l’insuffisance cardiaque chronique est majoré (figure 2). La sémiologie des myocardites fait l’objet d’un chapitre complet de ce numéro. Ce rôle diagnostique de l’IRM avec injection de gadolinium est confirmé par plusieurs séries monocentriques. L’échocardiographie transthoracique, bien que moins sensible, n’en reste pas moins un examen de première intention et de surveillance, une fois passée la phase aiguë, pour suivre les volumes ventriculaires et la fraction d’éjection (figure 3). Figure 2. Exemple de fixation localisée du gadolinium chez un patient porteur d’une myocardite aiguë de siège latéral. Hypersignal spontané en ponderation T2 (coupes transverses). Figure 3. Exemple d’une hyperéchogénicité localisée en infero-postéro-basale dans un contexte de myocardite aiguë. Le myocarde paraît localement hypertrophié et anormalement échogène, ce, probablement en rapport avec une réaction œdémateuse du myocarde. Les biopsies endomyocardiques se révèlent dans les séries récentes comme un « élément diagnostique clé ». En effet, la valeur diagnostique respective des sérologies, et même de la PCR sur le sang circulant, semblent faibles. C’est à partir d’une biopsie myocardique que la PCR permet de retrouver ou non l’infection virale en plus des signes histologiques (critères de Dallas) évocateurs du diagnostic de myocardite. Pourtant, ces biopsies ne sont pas, ou peu, pratiquées par bon nombre de centres de cardiologie français. Elles sont considérées comme de classe II dans les recommandations de l’ « American College of Cardiology » (procédure acceptable mais d’efficacité incertaine et qui peut amener à controverse). Elles sont néanmoins quelquefois utilisées pour le diagnostic d’atteinte telle l’amylose ou la sarcoïdose. Il est alors possible d’éviter un traitement corticoïde quelquefois, bien que rarement utilisé comme « recours ». Elles apportent aussi le diagnostic de myocardite à éosinophiles. La Mayo Clinic rapportait, déjà en 1982 (avec le matériel de l’époque), l’utilité pour le clinicien de cette analyse du myocarde à propos de 100 patients consécutifs. Le taux de complications rapporté était de 4,4 % (pneumothorax, malaise vagal, tachycardie ventriculaire et absence de tamponnade). D’autres séries relatent des risques de tamponnade de l’ordre de 1 % (selon l’expertise du médecin et le service comme pour tout acte invasif). Pour autant, se référant à des séries autopsiques, la sensibilité des biopsies ne dépasserait pas 60 à 70 %, ne serait-ce que par le simple caractère focal des anomalies histologiques de nombreuses myocardites. Outre le problème de l’acte technique, la pratique de biopsies endomyocardiques souffrait aussi de difficultés d’analyse des fragments myocardiques. En 1984, les critères de Dallas ont permis de standardiser et de caractériser le diagnostic de myocardite dite « borderline » (infiltrat de cellules mononucléées sans nécrose myocytaire) et de myocardite vraie (nécrose myocytaire et infiltrat de cellules inflammatoires). Cependant, prenant l’exemple d’une étude multicentrique internationale, (étude MTT), le diagnostic de myocardite porté par les anatomopathologistes des différents centres investigateurs n’a été confirmé que dans 36 % des cas lors d’une relecture centralisée des lames en respectant pourtant les seuls critères de Dallas. Le manque de sensibilité peut cependant aussi conduire au risque d’exclusion d’un diagnostic de myocardite. Depuis, la biologie moléculaire semble ouvrir la voie à la mise en évidence non exceptionnelle et avec beaucoup plus de fiabilité (38 % des cas dans l’expérience relatée par Angelini et al.) d’une association infection virale chronique et cardiomyopathie dilatée, considérée encore « idiopathique ».   La cardiomyopathie dite idiopathique Parmi les patients traités pour insuffisance cardiaque aux États-Unis, un quart souffre d’une cardiomyopathie dilatée dite idiopathique. Plusieurs mécanismes sont invoqués pour expliquer ces cardiomyopathies : des causes toxiques, des anomalies métaboliques, des causes infectieuses. Il existe aussi d’authentiques cardiomyopathies dilatées familiales reposant sur des mutations de gènes codants pour des protéines du sarcomère et du cytosquelette. Ces patients sont tous traités par inhibiteurs de l’enzyme de conversion, diurétiques et bêtabloquants, médicaments démontrés efficaces mais n’agissant pas sur la cause princeps de l’atteinte cardiaque. La séquence myocardite aiguë (l’infection) - cardiomyopathie dilatée est supposée depuis longtemps. Elle est depuis peu étayée par des observations animales puis humaines qui ont mis en évidence la présence d’ADN viral dans les myocytes. En pédiatrie, une infection virale est retrouvée dans plus de 50 % des cas de cardiomyopathies dilatées (coxsackie B, virus influenza B, influenza A, coxsackie A, cytomégalovirus, entérovirus, adénovirus). Des modèles murins démontrent la persistance du génome viral dans les cellules au-delà de la phase aiguë. Ils montrent aussi la responsabilité de la persistance du virus dans le développement d’une réponse immunitaire par l’intermédiaire des lymphocytes T qui infiltrent le myocarde sans pour autant annihiler la capacité du virus à se dupliquer dans les myocytes. À propos de 1 518 patients consécutifs, Kühl et coll. rapportent 15 % d’infections à adénovirus et 7 % d’infections à entérovirus sur la base d’exploitation de biopsies endomyocardiques. Convaincus du lien de causalité entre la découverte du génome de ces virus et la présence d’une cardiomyopathie dilatée, suite à des travaux précédents réalisés avec des immunosuppresseurs, tels les corticoïdes, ces auteurs ont entrepris une étude explorant l’intérêt potentiel d’un traitement par interféronbêta. Les premiers résultats, à propos de 22 patients, semblent en faveur de l’efficacité de l’interféronbêta non seulement pour éradiquer du myocyte l’agent viral mais aussi pour permettre une amélioration des paramètres de fonction ventriculaire. Cela devra être confirmé, l’étude ici relatée n’étant qu’une étude phase I évaluant la faisabilité de cette stratégie de prise en charge nouvelle des cardiomyopathies dilatées (figure 4). Cette nouvelle prise en charge diagnostique et thérapeutique devra être confiée à des centres référents de suivi des patients insuffisants cardiaques, expérimentés pour la réalisation des biopsies endomyocardiques et collaborant avec des équipes d’anatomopathologistes et de virologistes rompues aux techniques de biologie moléculaire. Le traitement par Interféronbêta supprimerait le génome viral des myocytes et s’accompagnerait d’une amélioration de la fonction ventriculaire gauche des patients. (Confirmation par l’étude multi-centrique BICC en attente) D’après Kuhl et al Circulation 2003;107:2793-8 Figure 4. Résultats préliminaires du traitement par interféronbêta dans le cadre des myocardiopathies virales chroniques. Conclusion   La myocardite et la cardiomyopathie virales sont des causes d’insuffisance cardiaque et peuvent être diagnostiquées par biologie moléculaire, à partir de prélèvements myocardiques obtenus par biopsies. La réalisation de biopsies myocardiques peut ainsi être envisagée pour nombre de patients mais dans un environnement propice limitant ainsi les risques liés aux prélèvements et permettant d’accéder à l’expertise de l’analyse histologique et l’exhaustivité de l’étude en biologie moléculaire. De forts espoirs résident dans l’utilisation de l’IRM avec injection de gadolinium. Aucun traitement spécifique ne peut être proposé à ce jour, même si l’IRM et les résultats des biopsies peuvent fournir des éléments d’orientation quant à l’intensité du suivi, passée l’hospitalisation initiale.

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