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Thérapeutique

Publié le 07 sep 2010Lecture 7 min

Nouveaux traitements antiplaquettaires oraux : comment dissocier le bénéfice ischémique du risque hémorragique ?

F. SCHIELE, Besançon

Le Printemps de la cardiologie
La prise en charge des syndromes coronariens aigus (SCA) implique l’utilisation d’associations de médicaments antithrombotiques et de procédures invasives pour obtenir un bénéfice sur le risque ischémique, mais qui expose à un risque hémorragique important. La mise au point de nouvelles molécules anticoagulantes et antiplaquettaires implique la réalisation d’essais cliniques pour évaluer non seulement leur efficacité sur le risque ischémique, mais aussi sur leur risque hémorragique.

Dans la plupart des cas, l’efficacité se paye par un sur-risque hémorragique et, dans la quête du traitement antithrombotique « idéal », qu’il soit anticoagulant ou antiplaquettaire, on cherche à dissocier le risque hémorragique du risque thrombotique. La séparation des effets sur les risques ischémique et hémorragique passe par un certain nombre de propriétés : • molécule dont l’action biologique permet un effet antithrombotique sans risque hémorragique, • molécule ayant une grande facilité d’utilisation (limitation des erreurs de dose ou d’administration), • molécule ayant une faible variabilité individuelle, • détermination de la dose optimale par une étude spécifique (meilleur profil efficacité/risque), • possibilité d’antagonisation ou molécule dont l’effet se neutralise rapidement (en cas de surdosage ou en cas de changement de stratégie), • validation clinique par une étude de morbi-mortalité. Les traitements antiplaquettaires oraux actuels satisfont-ils ces propriétés de l’antiplaquettaire « idéal » et est-on arrivé à dissocier le bénéfice thrombotique de risque hémorragique ? Un effet anti-thrombotique sans risque hémorragique Cette recherche de l’effet bénéfique sans risque hémorragique par la cible d’action des molécules est théoriquement très efficace, mais n’a pas toujours été couronnée de succès : l’étude Gusto 1, publiée il y a plus de 20 ans, comparait deux types de molécules thrombolytiques : les thrombolytiques fibrino-spécifiques (comme le r-TPA) et non fibrino-spécifiques (streptokinase). La « fibrino-spécificité » devait permettre de réduire les complications hémorragiques tout en étant plus efficace grâce à la différence de structure offrant une affinité pour la fibrine du caillot (figure 1). Figure 1. Principes de fibrino-spécificité des thrombolytiques et résultats de l’étude GUSTO-1. Même si le r-TPA s’est révélé supérieur à la streptokinase, les espoirs en termes de sécurité ont été déçus car le r-TPA est associé à davantage de complications hémorragiques. Parmi les nouveaux antiplaquettaires oraux, le ticagrelor a un mode d’action sur le récepteur P2Y12 tout a fait particulier comparativement au clopidogrel et au prasugrel. Son affinité pour ce site a été montrée 100 fois plus forte que celle des deux autres drogues ; surtout, les doses permettant d’obtenir une inhibition plaquettaire de plus de 50 % sont franchement distinctes des doses auxquelles on observe une augmentation des temps de saignement (figure 2). Ces deux caractéristiques, forte affinité pour le récepteur et dissociation des doses d’efficacité et de saignement, sont potentiellement en mesure de réduire le risque hémorragique en conservant l’efficacité antithrombotique(1). Figure 2. Distinction des doses avec un effet antiplaquettaire efficace des doses avec augmentation du temps de saignement avec le ticagrelor, comparé au principe active du prasugrel (compound 072) et du clopidogrel(1). Grande facilité d’utilisation (limitation des erreurs de dose ou d’administration) Les risques liés à un traitement antithrombotique sont aussi en rapport avec des erreurs de posologie, de délai ou de voie d’administration. Les études de registre fournissent là des informations importantes quant à la fréquence des erreurs de dose avec les antithrombotiques. Dans le registre CRUSADE(2), les erreurs d’administration de l’héparine non fractionnée sont notées dans 20-40 % des cas au cours d’une hospitalisation, avec une plus forte proportion chez les patients les plus âgés, donc ceux qui ont le plus grand risque hémorragique. Pour les inhibiteurs des récepteurs GPIIb/IIIa, on a noté jusqu’à 60 % d’excès de dose chez les patients de plus de 75 ans, erreurs explicables par la nécessité de perfusion continue, adaptation au poids et à la fonction rénale, et nécessité de réduction des doses d’anticoagulants associés (figure 3). Figure 3. Surdosages en antithrombotiques dans le registre CRUSADE en fonction du type de molécule et de l’âge des patients(2). En comparaison, les héparines de bas poids moléculaires sont moins souvent impliquées dans les surdosages que l’héparine non fractionnée. Idéalement, un traitement administré en prise unique orale ou en sous-cutané, sans nécessité d’adaptation en fonction de l’âge, du poids, de la fonction rénale ou de contrôles biologiques ne peut qu’être lié à une réduction des complications relatives aux erreurs de doses. C’est peut-être pour ces raisons que, dans l’étude OASIS-5, le fondaparinux a permis une réduction de 50 % des complications hémorragiques, sans perte d’efficacité par rapport à l’enoxaparine. Faible variabilité individuelle Parmi des antiplaquettaires oraux, l’aspirine a de nombreuses qualités : elle permet une inhibition plaquettaire rapide, saturable, irréversible et, s’il existe des cas de résistance à l’aspirine, il semble qu’ils soient davantage biologiques que cliniques (les résistances étant le plus souvent liées à un défaut de prise du traitement, d’absorption intestinale, de dose inadéquate ou de turn-over plaquettaire élevé). En revanche, les problèmes liés à la variabilité d’efficacité du clopidogrel sont bien réels, mesurables par des tests fonctionnels, prévisibles par l’analyse génétique et associés à des complications cliniques peu fréquentes mais d’une gravité clinique indiscutable, comme la thrombose de stent. Un avantage évident des nouveaux inhibiteurs des récepteurs P2Y12 comparativement au clopidogrel est l’absence de cette forte variabilité individuelle, démontré par des tests biologiques (figure 4)(3-4). Figure 4. Comparaison de l’effet biologique du clopidogrel et de prasugrel et ticagrelor illustrant la plus grande efficacité et une moindre variabilité individuelle du prasugrel(3) et du ticagrelor(4). Détermination de la dose optimale par une étude spécifique (meilleur profil efficacité/risque) La détermination de la dose d’un médicament répond souvent à des critères biologiques et pharmacologiques. Néanmoins, cette technique de choix de dose ne prend pas forcément en compte l’ensemble des effets d’un médicament et, une fois utilisé en clinique, il faut parfois des années avant de s’apercevoir que d’autres posologies offrent plus d’avantages. L’exemple du clopidogrel est caricatural ; initialement et durant de nombreuses années, la dose recommandée et incontestée était de 75 mg. Le principe de la dose de charge précédant d’au moins 6 heures un geste d’angioplastie n’a été démontré qu’après plusieurs années et ce n’est qu’en 2009 que l’étude CURRENT, présentée au congrès de l’ESC en 2009, a démontré que des doses plus importantes de clopidogrel permettent une meilleure efficacité sans sur-risque hémorragique. Dans la même étude, la dose d’aspirine utilisée en association avec le clopidogrel s’est avérée insuffisante, puisque le bénéfice du doublement de dose du clopidogrel ne s’observe que dans le bras où la dose d’aspirine a été portée à 200 mg/j (figure 5). Figure 5. Résultats de l’étude CURRENT. De ces résultats, on remarque donc que l’amélioration du profil sécurité/efficacité passe obligatoirement par la réalisation d’études de recherche de dose, même avec des traitements utilisés depuis de nombreuses années. Possibilité d’antagonisation ou molécule dont l’effet se neutralise rapidement (en cas de surdosage ou en cas de changement de stratégie) En cas de saignement, il semble évident que la possibilité d’une neutralisation rapide de l’effet est importante, bien que cela n’ait jamais été clairement démontré. Le problème se pose en cas de stratégie chirurgicale urgente ; dans cette situation, on peut espérer prévenir les saignements par une neutralisation de l’effet. Cette situation est illustrée dans l’étude TRITON où le prasugrel, qui est plus efficace que le clopidogrel, a été associé à un sur-risque de saignement chez les patients soumis à une chirurgie de pontage. Dans la même situation, dans l’étude PLATO, les patients du groupe ticagrelor n’ont pas eu plus de complications hémorragiques que ceux du groupe clopidogrel, bien que le ticagrelor n’ait été interrompu que 3 jours avant la chirurgie (contre 5 pour le clopidogrel). La différence tient certainement à la réversibilité d’effet du ticagrelor dont la demi-vie courte permet une récupération rapide de la fonction plaquettaire(5). Que leur utilisation ait fait l’objet d’une étude de morbi-mortalité Dans le domaine du traitement antiplaquettaire, cette condition ne se discute plus et on n’imagine pas l’utilisation de ce type de traitement sans une validation clinique. Il existe néanmoins d’importantes variations dans le design des études cliniques et les résultats doivent tenir compte de ces conditions de validation. Dans l’étude TRITON, le prasugrel a montré une efficacité supérieure au clopidogrel, mais uniquement dans une situation de prise en charge invasive par angioplastie et en utilisant les doses de clopidogrel recommandées au moment de l’étude. Le ticagrelor a été validé dans une étude plus large, incluant différents types de prise en charge, invasive et conservatrice. Enfin, les études cliniques permettent également de définir a priori des sous-groupes pour lesquels le ratio bénéfice/risque peut être différent de celui de la population globale. Les sous-groupes de l’étude TRITON ont permis d’identifier des patients à haut risque de complication hémorragique, pour lesquels le traitement est contre-indiqué et inversement d’autre sous-groupes, comme les patients avec STEMI ou les patients diabétiques avec NSTEMI, pour lesquels le bénéfice ischémique n’est pas associé à un sur-risque hémorragique. En pratique Les nouvelles molécules antagonistes des récepteurs P2CY12, prasugrel et ticagrelor, ont des avantages certains sur le clopidogrel, principalement démontrés sur leur efficacité, mais la tendance au sur-risque hémorragique reste présente. Cet avantage tient à leurs propriétés pharmacologiques, mais aussi à l’attention qui a été portée au choix de la dose, à la situation d’utilisation et à la population cible. Si on n’est pas encore arrivé à dissocier clairement le bénéfice ischémique du risque hémorragique, de réels progrès ont été faits dans cette voie, à la fois par le choix des molécules, mais aussi par l’optimisation de leurs conditions d’utilisation.

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